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sammael world
18 avril 2010

rêve d'enfer....

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Les autres créatures avaient eu avant lui des passions, un corps, une âme, et ils avaient agi tous pêle-mêle dans un tourbillon quelconque, se ruant les uns sur les autres, se poussant, se trainant; il y en avait eu d'élevés, d'autres de foulés aux pieds; tous les autres hommes enfin sétaient pressés, e,tassés et remués dans cette immense cohue, dans ce long cri d'angoisse, dans ce prodigieux bourbier qu'on nomme la vie.

Mais lui, lui, esprit celeste, jeté sur la terre comme le dernier mot de la crétion, être étranger et singulier, arrivé au milieu des hommes sans être homme comme eux, ayant leur corps à volonté, leurs formes, leurs parole, leur regard, mais d'une nature supèrieure, d'un coeur plus élevé et qui ne demandait que des passions pour se nourrir, et qui, les cherchant sur la terre d'apres son instinct, n'avait trouvé que des hommes, que venait-il donc faire? il etait rétréci, usé, froissé par nos coutumes et par nos instincts.

Aurait-il compris nos plaisirs charnels, lui qui n'avait de la chair que l'apparence? Les chauds embrassements d'une femme, ses bras humides de sueur, ses larmes d'amour, sa gorge nue, tout cela l'aurait-il fait palpiter un matin, lui qui trouvait au fond de son coeur une science infinie, un monde immense?

Nos pauvres voluptés, notre mesquine poésie, notre encens, toute la terre avec ses joies et ses délices, que lui faisait tout cela, a lui qui avait quelque chose des anges? 

Aussi il s'ennuyait sur cette terre, mais de cet ennui qui ronge comme un cancer, qui vous brule, qui vous déchire, et qui finit chez l'homme par le suicide.

Mais lui! le suicide? Oh! que de fois on le surprit, monté sur la haute falaise, regardant d'un rire amer la mort qui était là devant, lui riant en face et le narguant avec le vide de l'espace qui se refusait à l'engloutir!

Que de fois il contempla longtemps la gueule d'un pistolet, et puis, comme il le jetait avec rage, ne pouvant s'en servir, car il était condamné à vivre! Oh! que de fois il passa des nuits entières à se prononcer dans les bois, à entendre le bruit des flots sur la plage, à sentir l'odeur des varechs qui noircissent les rochers!

Que de nuits il passa appuyé sur un roc et promenant dans l'immensité sa pensée qui volait vers les nues!

Mais toute cette nature, la mer, les bois, le ciel, tout cela était petit et misérable; les fleurs ne sentaient rien sur ses lèvres; nue, la femme était pour lui sans beauté, le chant sans mélodie, la mer sans terreur.

Il n'avait point assez d'air pour sa poitrine, point assez de lumière pour ses yeux et d'amour pour son coeur.

L'ambition? un trône? de la gloire? jamais il n'y pensa. La  science? les temps passées? mais il savait l'avenir, et dans cet avenir il n'avait trouvé qu'une chose qui le faisait sourire de temps en temps, en passant devant un cimetière.

Aurait-il craint Dieu, lui qui se sentait presque son égal et qui savait qu'un jour viendrait aussi , ou le néant emporterait ce dieu comme dieu l'emportera un jour. L'aurait il aimé, lui qui avait passé tant de siecles à le maudire?

 

Flaubert

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