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sammael world
27 septembre 2013

la folie de l'inquisition.....

 

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Inquisition médiévale

L’Inquisition médiévale est un tribunal ecclésiastique d'exception chargé de lutter contre les hérésies au Moyen Âge. Elle est introduite devant les tribunaux ecclésiastiques par le pape Innocent III en 11991 et atteint son apogée lors de la répression du catharisme, à la suite de quoi son activité décline, concurrencée par les juridictions nationales. En 1542, le pape Paul III remplace l'Inquisition médiévale par la Sacrée congrégation de l'Inquisition romaine et universelle.

 

Contexte

L'Inquisition est inintelligible à des esprits contemporains. Il faut se replacer dans le contexte médiéval pour la comprendre. Au Moyen Âge et surtout dans la période qui va du xe à la fin du xiiie siècle, la société est chrétienne. Il est impensable de ne pas l'être. Le concept de liberté religieuse est incompréhensible, autant que le relativisme moral. On est chrétien parce qu'on est convaincu de la vérité du Christianisme. Or, la Vérité est une et indivisible. Donc, par définition, il n'y a pas de place pour d'autres religions ou opinions. C'est dans ce contexte que se développe la lutte contre les hérésies, notamment le catharisme.

Historique

  • En 1198Innocent III devient pape.
  • Dès 1199, il prend conscience des problèmes posés par le catharisme.
  • Pendant 10 ans, il organise des missions et des débats contradictoires dans le midi de la France (Narbonne/Carcassonne) pour lutter contre l'hérésie . Ces missions sont d'abord confiées aux Cisterciens, ordre monastique chrétien.
  • En 1205, devant les piètres résultats obtenus par les Cisterciens, Diego, évêque d'Osma, et Dominique de Guzman (futur saint Dominique) partent en mission à leur tour et multiplient les débats contradictoires (Montréal, Fanjeaux, Toulouse).
  • En 1208Pierre de Castelnau, chargé par le pape de lutter contre les Cathares, est assassiné. Les soupçons se portent sur le Comte de Toulouse, Raymond VI, connu pour être conciliant avec les Cathares .
  • En 1209, constatant l'impuissance des méthodes pacifiques, le pape prêche la croisade contre les Albigeois. L'intervention militaire commence la même année. L'effort missionnaire n'est pas interrompu.
  • En 1213, Innocent III affirme la nécessité de traquer l'hérésie non sur la base de rumeurs, mais d'une enquête, en latin inquisitio . L'Inquisition se caractérise avant tout par la procédure à laquelle elle recourt : l’inquisitio, par laquelle le juge peut entamer une action d'office, par opposition à l’accusatio, dans laquelle le juge n'instruit un dossier qu'à la suite d'une accusation. Pour autant, l’inquisitio n'est pas réservée à l'hérésie : par exemple, les procès concluant à la nullité des mariages d'Henri VIII d'Angleterre relèvent tous de cette procédure. Pour l'Église, le but premier reste la conversion des égarés. Notons que l'Inquisition n'est pas compétente pour juger les fidèles des autres religions, notamment les Juifs. Elle ne s'adresse qu'aux hérétiques chrétiens.
  • En 1216, l'ordre des Dominicains est fondé. Il prend en main la lutte contre l'hérésie cathare .
  • En 1229 se termine la croisade contre les Albigeois. Raymond VI est battu et cède le Bas-Languedoc à la couronne de France. Mais le problème cathare n'est pas résolu .
  • En 1231, Grégoire IX publie Excommunicamus, acte fondateur de l'Inquisition. Les inquisiteurs seront essentiellement les Dominicains et les Franciscains car ce sont eux qui ont l'expérience des hérésies .
  • Dès 1240, l'Inquisition se répand dans toute l'Europe sauf l'Angleterre .

L'Inquisition est une institution religieuse parallèle et indépendante de la justice civile. Les inquisiteurs sont des théologiens qui ne dépendent que du pape. Leur mission est ponctuelle. La procédure n'a pas été fixée par Excommunicamus. Elle est variable selon les régions. Cependant, les procès se déroulent selon les grandes lignes suivantes .

La Procédure

Déroulement d'un procès
  • L'inquisiteur commence par une prédication générale .
  • L'inquisiteur publie l'édit de foi, qui oblige les fidèles à dénoncer les hérétiques de leur connaissance. Le nom des dénonciateurs est tenu secret pour éviter les représailles. Mais certains inquisiteurs préfèrent procéder à une confrontation contradictoire entre accusé et dénonciateur afin que l'accusé puisse démasquer un dénonciateur qui aurait intérêt à lui nuire. Rappelons qu'en cas de faux témoignage, le dénonciateur risque la peine encourue par l'accusé .
  • L’inquisiteur publie l’édit de grâce, qui accorde un délai de 15 à 30 jours aux hérétiques pour se rétracter. Passé ce délai, l’hérétique présumé est justiciable du tribunal inquisitorial.
  • Le procès n’est pas le règne de l’arbitraire. C’est tout le contraire. L’Inquisition est méthodique, formaliste, paperassière et…plus tempérée que la justice civile.
  • L’accusé est en détention préventive ou libre. Il a le droit de produire des témoins à décharge, de récuser ses juges et même de récuser l’Inquisiteur lui-même. Il bénéficie d’un défenseur.
  • Le premier interrogatoire a lieu en présence de prud'hommes, jury local composé de clercs et de laïcs dont l’avis est entendu avant la sentence.
  • Les assesseurs du procès doivent contrôler la véracité des accusations, notamment auprès des dénonciateurs.
  • Si l’accusé est reconnu coupable et maintient ses dénégations, il subit un interrogatoire complet dont le but est de recueillir ses aveux. La condamnation doit être prononcée après un aveu formel ou au vu de preuves irréfutables. En cas de doute, le mot d’ordre de l’Inquisition est qu’il vaut mieux relâcher un coupable que condamner un innocent.
  • On célèbre une messe et on prononce un sermon.
  • Après consultation du jury, la sentence est prononcée. Les acquittés sont libérés et on prononce la peine des coupables. Notons ici que le verdict relève de la délibération d’un jury et non de l’arbitraire d’un seul juge. C’est révolutionnaire à l’époque et c’est bel et bien une création de l’Inquisition .
Les Inquisiteurs
Conrad de Marbourg, le premier inquisiteur connu, détail d'un vitrail de l'église Sainte-Élisabeth, à Marbourg

L'établissement d'une institution judiciaire est officialisée par la bulle Ille humani generis (20 avril 1233), qui retire aux tribunaux ecclésiastiques la compétence contre les hérétiques lorsqu’un tribunal d'inquisition existe.

D'un point de vue canonique, les inquisiteurs sont des commissaires pontificaux, spécialement chargés de lutter contre l'hérésie et censés collaborer avec les évêques. La délégation pontificale rend théoriquement impossible le traditionnel appel au pape, prohibé par Excommunicamus. — au reste, cet appel est traditionnellement dénié dans les cas d'hérésie. Le mandat est d'abord limité au pontificat du pape ayant nommé l'inquisiteur. En 1267, Clément IV le rend perpétuel (mais toujours révocable). Parallèlement, il existe des commissions temporaires.

Cependant, les évêques n'ont pas été dessaisis de leurs prérogatives en matière d'hérésie, non plus que les légats : sur un même territoire, ces différents dispositifs peuvent coexister et donc se recouvrir, entraînant ainsi des querelles de juridiction. Autre conséquence, l'Inquisition se définit par la présence d'un inquisiteur, il est vain de vouloir définir des juridictions bien délimitées géographiquement. On peut seulement relever l'existence de centres inquisitoriaux importants comme dans le sud de la France, Toulouse et Carcassonne. Enfin, il n'existe pas une seule Inquisition, au sens d'une administration cohérente, mais de nombreux tribunaux inquisitoires, distincts et ne coopérant pas les uns avec les autres.

En 1232, la nouvelle institution s'étend en Aragon et à partir de 1235, en Italie centrale, puis en Lombardie. En France, elle s'introduit d'abord par le Nord, en avril 1233, avant de pénétrer en Languedoc en 1233-1234 avec l'établissement de deux tribunaux fixes d'Inquisition : l'Inquisition n'a donc pas eu pour but premier la lutte contre les cathares.

L'Inquisition se heurte initialement à la volonté des princes de mener eux-mêmes la lutte contre les hérétiques. Dès le départ, certains avaient tout bonnement refusé son intervention : en Espagne, seul l'Aragon l'avait accepté. En Scandinavie, l'Inquisition est quasiment absente. En Angleterre, la répression contre les Lollards — disciples de John Wyclif — reste l'affaire du roi et du clergé anglais. La République de Venise préfère également régler elle-même le sort de ses hérétiques. En France, en Aragon, dans certaines parties de l'Italie et du Saint-Empire, ainsi que dans les Pays-Bas, au contraire, les princes appuient l'Inquisition dès le début, lui permettant ainsi de travailler efficacement. Au fil du temps, la collaboration entre les deux acteurs se renforce.

La plupart du temps, les inquisiteurs sont choisis dans les nouveaux ordres religieux, dominicain et franciscain. Ceux-ci sont précisément fondés à l'époque, et leur expansion géographique est encore restreinte autour de leur aire d'origine. En Italie, l'Inquisition revient plutôt aux franciscains — François, le fondateur, est d'Assise ; dans le Midi, la répression est confiée au tout nouvel ordre des dominicains : la naissance de l'ordre en terre cathare et l'action de Dominique de Guzmán contre les hérétiques expliquent ce choix. Dominique lui-même, contrairement à une légende que les dominicains eux-mêmes ont contribué à entretenir, n'est pas « le premier inquisiteur » : d'abord, il quitte le Languedoc dès 1216 pour se consacrer à l'institution de son ordre ; ensuite, il meurt dix ans avant l'institution de la fonction. Contrairement aux bénédictins traditionnels de l'époque, ces ordres sont spécialisés dans une fonction — la prédication —, ils ne sont pas soumis au vœu de stabilité locale — pas de clôture — et n'ont pas charge d'âme, c’est-à-dire de responsabilité territoriale. Les dominicains en particulier ont pour vocation de prêcher et bénéficient d'une solide formation intellectuelle : ce sont des théologiens. Les deux ordres sont des « ordres mendiants », qui vivent des quêtes faites aux sermons et non du revenu de leur terre, ce qui leur attire la sympathie populaire : vivant pauvrement, ils sont mieux vus de la population que les riches bénédictins ou chanoines.

Compte tenu de leur compétence théologique, de leur vocation à être près du peuple, et de leur bonne image dans la société médiévale, le pape choisit préférentiellement dans leurs rangs ses représentants pour en faire des juges de l'Inquisition. Pour pouvoir se consacrer pleinement à leur tâche, ils sont fréquemment relevés de certaines des obligations que leur règle leur impose, comme celle de vie conventuelle.

Cependant, des chanoines réguliers sont également employés à l'office d'inquisiteur : ainsi, Conrad de Marbourg est un prémontré. En outre, de 1249 à 1255, ce sont des membres du clergé séculier qui dirigent le tribunal de Toulouse. L'expression « Inquisition monastique » est donc un abus de langage.

L'obtention de l'aveu

Pour obtenir l’aveu, la contrainte peut être utilisée, soit par la prolongation de l’emprisonnement, soit par la privation de nourriture, soit par la torture. Longtemps, l’Église a été hostile à cette 3e solution. La torture a été condamnée dès la fondation de l’Inquisition par le décret de Gratien (12e siècle). Mais, au 13e siècle, la redécouverte du droit romain entraine le rétablissement de la torture dans la justice civile. En 1252, Innocent IV autorise de même son usage par les tribunaux ecclésiastiques, à condition que la victime ne risque ni la mutilation ni la mort, que l’évêque du lieu ait donné son accord et que les aveux soient renouvelés librement. Elle reste cependant peu pratiquée: moins de 10% des cas  alors qu’elle est très utilisée par les tribunaux séculiers. L’Inquisition espagnole l’utilise aussi très peu  : avant 1500, sur 300 procès devant le tribunal inquisitorial de Tolède, on relève 6 cas de torture. De 1480 à 1530, sur 2000 procédures du tribunal inquisitorial de Valence, on dénombre 12 cas de torture.

Le manuel d’inquisition de Nicolas Eymerich (inquisiteur général d’Aragon) dit explicitement qu’il faut réserver la torture aux cas extrêmes et met en doute son utilité : « La question est trompeuse et inefficace ». L’historien américain du 19e siècle Henri-Charles Lea, hostile à l’Inquisition, reconnaît que « dans les fragments de procédure inquisitoriale qui nous sont parvenus, les allusions à la torture sont rares »’.

Les peines prononcées

En réalité, la plupart des condamnations prononcées par l’Inquisition sont…purement religieuses ! Réciter des prières, assister à certains offices, jeûner, effectuer des dons aux églises, faire un pèlerinage dans un sanctuaire voisin ou, dans les cas graves, à Rome, St Jacques de Compostelle ou Jérusalem. La peine prononcée peut aller jusqu’à l’emmurement. L’emmuré, ce n’est pas un emmuré vif au sens où on l’entend aujourd’hui. C’est un prisonnier, tout simplement. Il existe le ‘’mur étroit’’, la prison proprement dite, et le ‘’mur large’’, peine comparable à notre résidence surveillée. En cas de deuil, de maladie ou de fête religieuse, les prisonniers obtiennent des permissions qu’ils passent chez eux. Jean Guiraud souligne que « le pouvoir d’atténuer les peines étaient fréquemment exercé ». Dans tous les cas, les peines de prison les plus lourdes n’excèdent pas 3 ans. Il existe plusieurs cas d’inquisiteurs qui ont été révoqués et punis par Rome parce qu’ils appliquent des sentences trop sévères. L’exemple le plus connu est celui de Robert le Bougre. Ce dominicain prononce des peines telles que trois évêques se plaignent de lui au Pape. Suspendu temporairement une première fois en 1233, il récidive et est condamné à la prison à vie en 1241.

Quant aux condamnations capitales, elles sont rares . Les cas les plus graves de sorcellerie, sodomie ou hérésie (notamment les relaps comme le fut Jeanne d’Arc) sont déférés à la justice temporelle qui se charge alors des peines et de leur exécution car l’Inquisition ne peut pas faire couler le sang. Oui, la justice civile pratique le bûcher. Ce supplice entraîne le plus souvent la mort par asphyxie et non par brûlure vive car le condamné est attaché bien au-dessus du bûcher et meurt à cause des fumées toxiques avant d’être atteint par les flammes (on sait que Jeanne d’Arc fut attachée 3 m au-dessus de son bûcher et qu’elle mourut de manière sûre par asphyxie) La mort par pendaison, écartèlement ou par le supplice de la roue, qui furent largement pratiquées par la justice civile de l’Ancien Régime, sont-elles plus douces ?

Les condamnations à mort

La recherche historique ne cesse de revoir le nombre de condamnés à mort par l’Inquisition à la baisse .

  • À Albi, sur 8000 habitants et une population cathare estimée à 250 croyants, sur la période 1286-1329, 58 personnes seulement subissent des peines afflictives, ce qui ne veut pas dire la mort.
  • À Turin, on répertorie 200 condamnations en un peu plus de 80 ans (de 1312 à 1395), parmi lesquelles : 22 peines capitales, 41 ports de croix et 22 peines médicinales (amende, pèlerinage, etc.)
  • L'analyse des archives de Bernard Gui a montré qu'en seize ans (1307-1323) d'exercice à Toulouse, il a prononcé 501 peines et 243 remises de peine, la plupart du temps pour mettre fin à une détention. Plus précisément, il ordonne 29 sentences capitales, 80 condamnations au bûcher concernant des cadavres exhumés, 13 peines de mur étroit(prison ferme), 231 peines de mur large (assignation à résidence) et 107 peines infamantes. Le plus important bûcher, ordonné le 5 avril 1310, fait 17 victimes. Les condamnations à mort sont au nombre de 42, soit 3 par an sur 15 ans à une période où l’Inquisition est très active 

L'historien Yves Dossat qualifie la peine du feu d'exceptionnelle, et souligne que « les exécutions massives ne sont guère compatibles avec un tel système de répression. »

L'Inquisition et le catharisme

Le difficile travail des Inquisiteurs

En France, l'Inquisition mit fin à l'hérésie cathare. La population et la noblesse sont globalement favorables à l'Inquisition qui combat l'hérésie jugée de fléau par la société du Moyen Âge. Les assassinats d'inquisiteurs qui eurent lieu çà et là sont le fait des minorités cathares qui existaient dans le peuple comme dans l'aristocratie. Le massacre le plus célèbre est celui d'Avignonet, aboutissement d'une longue période de contestation de l'Inquisition dans le Midi. Une première crise a lieu à la fin de 1235, quand la population expulse l'inquisiteur dominicain Guillaume Arnaud, puis l'ensemble des dominicains. De retour en 1236, ceux-ci se retrouvent impuissants face au mutisme de la population, à l'inertie des autorités municipales et au manque de soutien du pape occupé par ailleurs. En 1241, les inquisiteurs partent en tournée ; en mai 1242, ils s'installent dans le château d'Avignonet. Le 28 mai 1242, ils y sont assassinés par des chevaliers cathares menés par Pierre-Roger de Mirepoix. Épouvanté par le massacre, le concile de Béziers, tenu en 1243, décide de faire tomber la place forte cathare de Montségur. Lorsque la forteresse se rend en 1244 aux croisés, la volonté de représailles explique la rigueur exceptionnelle de la répression : près de deux cents cathares sont brûlés.

La violence n'est pas l'apanage d'un seul camp. Emmanuel Le Roy Ladurie a montré qu'afin de s'imposer, les Cathares ne reculaient pas devant la terreur : "Pierre Clergue faisait couper la langue d'une ex-camarade. Les Junac, eux, étranglent de leurs blanches mains, ou peu s'en faut, le père de Bernard Marty, suspect de trahison possible à leur égard" . Spécialiste des Cathares, Michel Roquebert convient que l'Église médiévale n'aurait pas pu combattre les Cathares avec d'autres moyens que ceux progressivement mis en œuvre, de la persuasion à l'emploi de la force par le bras séculier .

De 1250 à 1257, l'Inquisition parachève son travail dans la région et met fin à l'hérésie cathare: elle remet 21 personnes à la justice civile et en condamne 239 au « mur étroit ». Le dernier éclat de violence a lieu dans la cité-État de Sirmione, en Lombardie, accusée en 1273 de cacher un évêque cathare : deux cents de ses habitants sont envoyés au bûcher par les autorités civiles. Un des derniers bûchers pour hérésie est celui de Pierre Autier, brûlé en 1310. Les derniers croyants, comme le berger Peire Maury de Montaillou, seront mis au « mur étroit » en 1318 par l'évêque inquisiteur cistercien Jacques Fournier, futur pape Benoît XII. À Villerouge-TermenèsBélibaste, qui se revendique comme un des derniers dignitaires des Églises cathares, est brûlé en 1321. Les derniers bûchers sont attestés en 1328 à Carcassonne.

Beaucoup d'évêques n'apprécient guère son irruption dans un champ qui leur était auparavant réservé : les papes émettent à plusieurs reprises des rappels à l'ordre. Ainsi, en 1279,Nicolas III condamne l'évêque de Padoue, coupable de manque de zèle dans sa coopération avec les inquisiteurs. L'attitude de la papauté elle-même est rien moins que constante : dès 1248, par exemple, Innocent IV tente de rétablir une tutelle sur eux, plaçant ceux de la région d'Agen sous le contrôle de l'évêque du diocèse, en 1248. Outrés de cette atteinte à leur liberté d'action, les juges dominicains se démettent. En outre, des rivalités entre les deux ordres mendiants se font jour : en 1266, à Marseille, les dominicains accusent les inquisiteurs franciscains et produisent des témoins qui s'avèrent être parjures. Le pape doit intervenir pour rétablir l'ordre. Au sein des ordres eux-mêmes, enfin, la vie particulière menée par les religieux inquisiteurs ne satisfait pas toujours les hiérarchies : ainsi, les chapitres provinciaux dominicains tentent de faire respecter à leurs inquisiteurs leur vœu de pauvreté, en leur imposant de se déplacer simplement, à pied.

L'Inquisition se heurte également à des oppositions ponctuelles dans la population. Outre les assassinats d'inquisiteurs en terre cathare, il faut mentionner celui de Conrad de Marbourg dès juillet 1233. En Italie, Pierre de Vérone, inquisiteur à Milan, est assassiné le 6 avril 1252. Surnommé « saint Pierre Martyr », il fera l'objet d'une dévotion importante à partir de la Renaissance et deviendra le modèle des inquisiteurs, bien qu'il n'ait occupé ce poste que quelques mois, ce qui témoigne bien de l'appui de la société de l'époque à l'institution de l'Inquisition. Sa canonisation très rapide (en moins d'un an) témoigne du soutien apporté alors par Innocent IV et par la société dans son ensemble à ses inquisiteurs. De même, celui-ci déploie des efforts importants pour traquer tous les coupables et adresse au chapitre général de l'ordre une lettre encourageant les dominicains à poursuivre leur tâche et à ne pas craindre le martyre. Ces massacres, ponctuels mais saisissants pour l'opinion publique, témoignent du climat difficile dans lequel l'Inquisition est amenée à travailler . Ils expliquent également la rigueur des premières procédures. Cependant, l'Inquisition n'aurait pu fonctionner sans le consentement global des populations concernées qui souvent, se réjouissent de la punition des hérétiques. Ainsi, les grands bûchers du Midi de la France ne sont pas l'œuvre de l'Inquisition, mais celle des croisés et autres « pèlerins ».

La petite phrase

"Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens" est une phrase apocryphe attribuée au légat Arnaud Amaury qui l'aurait prononcée en 1209 lors du sac de Béziers. Cette phrase a été trouvée dans le Livre des Miracles écrit plus de cinquante ans après les faits par Césaire de Heisterbach, moine allemand dont Régine Pernoud précise qu'il est "un auteur peu soucieux d'authenticité" .

L'Inquisition et la Papauté

La papauté est déterminée à donner à l'Inquisition les moyens d'agir efficacement : pour ce faire, elle la libère des tutelles traditionnelles. Elle est conçue comme une institution rattachée directement au pape, et non à la Curie romaine ou aux évêques. Alexandre IV (1254-1261) la soustrait également à la tutelle des légats pontificaux — le privilège sera étendu à tous les inquisiteurs en 1265. Mieux encore, Alexandre IV autorise les juges toulousains à se relever mutuellement de l'excommunication qui pèse sur les clercs répandant le sang, sans besoin de dispense pontificale ; l'autorisation est étendue à tous les inquisiteurs en 1262 par Urbain V.

Parallèlement, les prérogatives de l'Inquisition s'élargissent. Outre les cathares et les vaudois, elle est appelée à combattre des éléments de plus en plus divers : l'apostasie de juifset musulmans convertis ou encore la sorcellerie, laquelle leur est assignée formellement en 1261 par Jean XXII18. Mais on appelle aussi hérétiques les schismatiques à l'occasion de la lutte contre Frédéric II ou, au xive siècle, du Grand Schisme d'Occident — ou encore ceux qui refusent de payer les dîmes. La frontière se brouille également entre indiscipline et hérésie : Jean XXII appelle l'Inquisition contre les Spirituels, dissidents de l'ordre des franciscains, puis les béguins.

La papauté intervient aussi ponctuellement pour assurer un meilleur contrôle de l'activité des inquisiteurs : 12 ans après avoir nommé les premiers inquisiteurs, dès 1248, par exemple, Innocent IV tente de rétablir une tutelle sur eux, plaçant ceux de la région d'Agen sous le contrôle de l'évêque du diocèse, en 1248. Cependant, les inquisiteurs considèrent qu'un tel contrôle va à l'encontre de l'efficacité de leur action. Outrés de cette entrave mise à leur mission, les juges dominicains se démettent.

Après l'apogée de la seconde moitié du xiiie siècle, l'accumulation des requêtes dénonçant des abus persuade la papauté d'entreprendre une réforme d'ensemble. Clément V confie en 1306 une enquête concernant les inquisiteurs de Carcassonne à deux cardinaux, Béranger Frédol et Pierre Taillefer de La Chapelle. En 1311-1312, à la suite du concile de Vienne, il promulgue les constitutions Multorum querela et Nolentes, qui prescrivent la collaboration avec l'ordinaire pour les actes les plus importants de la procédure : recours à la torture (déjà autorisée depuis 1252, bulle Ad Extirpenda), sentence, contrôle des prisons, etc. Ici encore, l'Inquisition proteste contre ces nouvelles règles, le célèbre inquisiteurBernard Gui dénonçant leur caractère selon lui contre-productif. En 1321, Jean XXII doit réitérer les règles dans sa constitution Cum Mathaeus.

Par la suite, l'évolution ira toujours vers plus de contrôle de l'inquisiteur, et une intégration croissante au fonctionnement judiciaire local. Progressivement, l'Inquisition devient une annexe du tribunal ecclésiastique, dont l'inquisiteur devient progressivement le procureur général avant la lettre.

L'Inquisition et les Juifs

Comme on l’a dit plus haut, l’Inquisition ne peut juger que des hérétiques chrétiens. Elle n’est pas compétente pour juger des Juifs. L’imagerie populaire représentant des Juifs rôtissant sur des bûchers est, encore une fois, dénuée de fondement.

Dès 1190Clément III déclare prendre les Juifs sous sa protection. Il défend à tout chrétien de baptiser un Juif contre son gré, de gêner les célébrations judaïques ou de profaner les cimetières juifs. Ceux qui violeraient ces prescriptions risquent l’excommunication, ni plus ni moins, ce qui, à l’époque, est extrêmement grave .

En 1244, Grégoire IX reprend cet acte pontifical et lui donne force de loi . À l’époque de la lutte de l’Inquisition contre le catharisme, les Juifs sont présents à Toulouse, à Carcassonne, à Narbonne, à Agde, à Béziers, à Lunel, à Montpellier. Il existe des synagogues et des écoles rabbiniques. Certains biens juifs sont placés sous la garantie légale de l’Église. Si le xxe siècle a pu avoir l’impression que les Juifs étaient maltraités par la société chrétienne du Moyen Âge, cela est dû à deux causes : 1-certains Juifs convertis au christianisme et revenus au judaïsme furent poursuivis comme renégats, ce qui choque notre conscience moderne, mais est tout à fait logique dans l’esprit de la société médiévale. Ces cas furent rares en France. Ils concernent surtout l’Inquisition espagnole. Quoiqu’il en soit, on ne peut pas parler d’antisémitisme de l’Inquisition puisqu’il ne s’agit pas d’éliminer les Juifs comme race. Ce qui est visé, c’est la conversion théologique volontaire. Cela est plus à assimiler à de l’antijudaïsme . 2-seuls les Juifs et les Lombards peuvent prêter de l’argent au Moyen Âge. Lorsque la conjoncture économique est défavorable et que les endettés commencent à se livrer à des actes de violence sur leurs prêteurs, les rois capétiens décident d’une expulsion générale des usuriers. Le calme revenu, ces usuriers ne tardent pas à reprendre leurs anciennes affaires. L’histoire des Juifs en France est donc une suite d’allers et retours entre la France et l’étranger, ce qui n’a rien à voir avec des persécutions organisées comme on a pu le voir pendant la Seconde Guerre mondiale et ce qui n’a rien de racial ni de religieux non plus. C’est l’usurier seul qui est visé. En outre, l’Église n’a rien à voir avec cela .

En ce qui concerne l’Inquisition espagnole, fondée beaucoup plus tardivement que l’Inquisition médiévale, en 1478, elle ne s’adresse également qu’aux chrétiens. Cependant, en Espagne, les choses sont plus complexes. Trois communautés cohabitent, qui se détestent cordialement : les Juifs, les conversos (Juifs convertis au christianisme) et les « vieux chrétiens » (par opposition aux conversos). Les « vieux Chrétiens » reprochent aux conversos des conversions de façade. Les Juifs, quant à eux, reprochent aux conversos d’avoir trahi leur religion d’origine. Les conversos reprochent aux deux autres camps de les mépriser (de les discriminer comme on dirait aujourd’hui). C’est dans ce contexte explosif que les conversos font pression sur les souverains espagnols Isabelle et Ferdinand pour qu’ils demandent au pape de mettre en place une Inquisition, afin de prouver l’authenticité de leur foi ! Le plus actif de ces conversos est Pablo de Santa Maria, un ancien rabbin devenu évêque de Burgos. Les masses populaires de « vieux chrétiens » veulent aussi que lesconversos fassent leurs preuves. Ainsi, si de nombreux « Juifs » sont passés devant l’Inquisition espagnole, ce sont en fait des conversos, donc des chrétiens à part entière, abusivement nommés « Juifs » par des « vieux chrétiens » méfiants. Notons au passage que le fameux Torquemada ainsi que Sainte Thérèse d’Avila sont issus de familles deconversos.

L'Inquisition dévoyée

Avec l’extinction de l'hérésie cathare, l’Inquisition perd peu à peu sa raison d’être. A la fin du xiiie siècle, la monarchie et la puissance publique s’affirment. Forts du développement de la centralisation et des administrations, les princes entendent contrôler eux-mêmes l'Inquisition. L’État reprend en main l’ensemble du système judiciaire. Les tribunaux royaux montent en puissance. L’Inquisition existe toujours mais elle est de plus en plus contrôlée par le pouvoir séculier comme on le voit au moment du procès des Templiers en 1310. Le procès suit bien la procédure inquisitoriale, mais c’est Philippe IV le Bel qui en a l’initiative et qui le dirige en sous main pour des raisons politiques et non religieuses . De même, En 1302 et 1304, Philippe le Bel se pose comme arbitre dans le conflit qui oppose la population du Languedoc et l'Inquisition de Carcassonne. Et aussi, en 1403, le Parlement de Paris se saisit d'un conflit entre l'Inquisiteur de Cambrai et l'archevêque de Reims, et tranche en faveur de ce dernier. En 1412, le roi fait arrêter l'inquisiteur de Toulouse, jugé trop inféodé à la papauté.

Le schisme catholique et la multiplication des papes entre 1378 et 1417 retirent encore plus de crédibilité et de pouvoir à l’Inquisition. L’Inquisition médiévale tardive n’est plus indépendante. Les inquisiteurs sont des instruments au service d’autres institutions, notamment des universités ou à la botte des milieux d’influence. C’est le cas en 1431, lors duprocès de Jeanne d’Arc, où l’Inquisition est manipulée par le parti bourguignon et les Anglais qui y voient un moyen de gagner la guerre de Cent Ans45.

Dans le même ordre d’idée, on retrouve les traces des premiers procès en sorcellerie… au xive siècle seulement, dans la région toulousaine, donc assez tardivement. Ils deviendront habituels au xvie siècle avec l’intérêt grandissant pour la sorcellerie. La réponse d’une Église « libre » aurait été l’évangélisation. Mais au xvie siècle, l’Église d’État française ne s’appartient plus, elle est un instrument et la répression seule lui est dictée. Il faut dire qu’il est bien tentant, pour se débarrasser d’un ennemi, de lui faire un « bon » procès en sorcellerie. Les gens d’influence, qui ne s’y tromperont pas, useront et abuseront de ce stratagème. Là encore, c’est le pouvoir temporel qui a le sang des sorcières sur les mains.

Instrumentalisée, appelée sur le devant de la scène en cas de besoin et reléguée en arrière-plan le reste du temps, l'Inquisition perd peu à peu sa substance, alors que ses prérogatives passent aux États. Même si des tribunaux subsistent à Toulouse et Carcassonne jusqu'au xviie siècle, elle disparaît en pratique au xve siècle. Lors de la Réforme protestante, ce sont les Parlements français qui connaîtront des cas d'hérésie.

L'Inquisition et les Templiers

Entre les années 1307 et 1311 l’Inquisition, aidée par le roi de France Philippe IV le Bel et le pape Clément V, a participé au procès contre les Templiers qui étaient accusés des actes d’hérésie.

Le rôle du roi

L’étendue de l’influence de Philippe IV le Bel sur les actions de l’Inquisition n’est pas claire, mais on sait qu’il eut beaucoup de « raisons » politiques et matérielles pour vouloir faire disparaître les Templiers. Les Templiers étaient riches, privilégiés et puissants. Ils répondaient seulement au pape et n’étaient pas sous le contrôle du roi. Le roi leur devait beaucoup car dans l’année 1299 ils lui avaient prêté 500 000 livres pour la dot de sa sœur. Aussi, ils l’ont protégé d’une foule après qu’il avait dévalué la monnaie. Il pourrait avoir cru que les Templiers étaient coupables parce que dans l’année 1305, il entendit d’Esquieu de Floyran (qui n’avait pas réussi à vendre ces rumeurs à Jacques II d'Aragon)  que les Templiers pratiquaient des rites scandaleux. Cependant, Philippe IV le Bel avait désespérément besoin d’argent Comme il avait déjà pillé les Juifs et les Lombards, il croyait pouvoir faire la même chose aux Templiers. Ce roi est aussi connu comme « le roi des procès ».

Les arrestations

Le 14 septembre 1307 Philippe IV le Bel a donné des ordres secrets pour l’arrestation simultanée des Templiers à ses baillis et à ses sénéchaux partout en France, qui auraient lieu le 13 octobre 1307 Frère Guillaume de Nogaret, l’inquisiteur de France, confesseur et conseiller du roi et aumônier papal, fut responsable des arrestations. LesTempliers, qui se sentaient en sécurité dans leur innocence se sont laissés prendre sans résistance Le pape Clément V n’aimait pas que le roi soit intervenu parce que lesTempliers étaient sujets immédiats de l’Église. Clément V avait écrit à Philippe IV le Bel avant les arrestations, disant que les accusations semblaient être impossibles et que l’Ordre du Temple voulait une enquête pour prouver son innocence. Les actions suivantes du pape sont les résultats de la pression de l’influence dominatrice de Philippe IV de France et du scandale public.

Les accusations

Les Templiers furent inculpés par l’Inquisition de 127 accusations d’hérésie, du blasphème, de pratiques religieuses indécentes et d’autres défauts religieux. Quelques exemples d’accusation sont :

  • d’avoir renoncé au Christ ;
  • d’avoir craché sur la croix ;
  • des baisers indécents ;
  • d’actions homosexuelles ;
  • de blasphème ;
  • d’avoir cessé de célébrer la messe.

L’Inquisition se concentrait sur les péchés sexuels, alors ils pensaient avoir raison de faire une enquête mais ils employèrent des méthodes inappropriées.

La torture et les confessions

Dès le 15 mai 1252, la bulle Ad extirpanda a autorisé les inquisiteurs à utiliser la torture et l’effusion de sang. Les Templiers avouèrent les accusations pour arrêter la torture et pour se sauver de la mort En effet, il y eut de nombreuses morts et des suicides à cause de la torture. La majorité était détenue dans des prisons dans des conditions déplorables. Leur seule forme de nutrition était des vieux pains rassis et un peu d’eau. Les cellules étaient bâties en pierre et les prisonniers étaient enchaînés aux murs. La dislocation des articulations, la brûlure des extrémités et la mutilation, pour nommer juste quelques-unes des formes de torture étaient fréquemment employées à l’époque. Même la menace de torture a tiré des confessions. Les archives montrent une corrélation distincte entre l’utilisation de la torture et les confessions; le baiser indécent fut souvent avoué par la torture en France et en Italie, mais pas du tout en Angleterre où la torture était interdite. Il n’y eut de confessions qu’après que l’Inquisition papale fut venue prendre contrôle, introduisant la torture. Le fait qu’une confession devait être spontanée ne posait pas de problème; l’Inquisition forçait les confessions des Templiers qui seraient amenés au pape où ils avoueraient les accusations « librement ».

La défense et la fin[

Dès que la menace de torture fut « enlevée » en 1310, presque 600 Templiers, dont beaucoup avaient déjà avoué les accusations, sont venus défendre l’Ordre du Temple. Le 7 avril, neuf députés menés par Peter de Bologna et Reginald de Provins ont donné la défense de l’Ordre. Cet effort de défense se délita après une démonstration par Philippe IV le Bel. Selon le droit canon, si quelqu’un rétracte sa confession, il peut être torturé encore ou brûlé comme hérétique relaps. 54 de ces 600 défendeurs avaient rétracté leur confession et ont été condamnés sans procès et puis brûlés (Barber). Le grand maître Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay furent brûlés en mars 1314 pour le même crime; étant des hérétiques relapsi ou pour la rétraction de leur confession.

Comment est vue l'Inquisition par le peuple du xiiie siècle

On l’a déjà dit, les hommes du Moyen Âge sont profondément croyants. La Vérité du Christ n’est pas négociable. Les autres religions et les hérésies sont donc fausses. Elles indignent et scandalisent les gens de l’époque. Dans ce contexte, l’Inquisition ne révolte personne. Au contraire, elle est vue comme un bien qui délivre la société des hérésies .

De plus, la méthode judiciaire employée par l’Inquisition est progressiste par rapport à une justice civile plus expéditive et plus sévère et par rapport aux réactions incontrôlées que suscitaient les hérésies (émeutes populaires, lynchages). L’Inquisition a rationalisé la justice en s’appuyant sur l’enquête, sur le contrôle de la véracité des faits, sur la recherche de preuves et sur la délibération d’un jury qui résiste aux passions de l’opinion .

Conclusion[

La légende noire de l’Inquisition a été lancée au xviiie siècle par les philosophes et les savants des Lumières, soucieux de décrédibiliser le christianisme qui était à l’époque fortement associé au concept de monarchie. Elle continua à être forgée au xixe siècle par une IIIe république anticléricale et volontiers amnésique en créant la caricature d'unTorquemada fanatique .

En histoire, le péché majeur est l’anachronisme. Juger l’Inquisition sur des critères contemporains est toujours une faute. La foi médiévale n’est pas une croyance individuelle, mais un pilier de la société auquel on ne peut porter de coup sans risquer de nuire gravement à toute la communauté . L’Inquisition fut donc acceptée par ses contemporains non seulement comme gardienne de l’orthodoxie catholique et donc comme assurance de la cohésion de la communauté, mais aussi comme tribunal progressiste aux méthodes novatrices.

LA RENAISSANCE : L'HUMANISME CONTRE LES SUPERSTITIONS

LA RENAISSANCE :

L’HUMANISME CONTRE LES SUPERSTITIONS

 

 

 

Délivrée de la guerre de Cent ans, la France connaît un essor économique marqué par la croissance urbaine, le développement du commerce, de l’industrie et de la presse d’imprimerie.

Le déclin de la féodalité et du clergé font de la Renaissance une période de transition, de remise en question.

Un esprit de recherche tente, peu à peu, d’échapper au poids des lourdes institutions et des idées médiévales erronées.

Les astronomes dénoncent les anciennes conceptions de l’univers, les anatomistes, s’engageant dans la découverte du corps humain, contestent les théories galéniques.

 

La science et la pensée veulent faire confiance à l’expérience et aux sensations, sans se référer à une autorité.

Les premiers humanistes, tels que Brant, Erasme, Rabelais, Machiavel ou Montaigne, suscitent un mouvement qui s’écarte des doctrines rigides de l’époque pour retrouver la philosophie de l’Antiquité. L’étude des classiques redevient à la mode et permet aux humanistes de combattre les superstitions et l’obscurantisme médiéval.

Mais si cet esprit nouveau essaye de décrire la réalité de façon plus objective, il ne réussit pas à chasser complètement les explications démoniaques de la folie.

La Renaissance reste cette période la plus marquée par l’Inquisition et nombreux sont les fous, les hérétiques et les sorcières qui brûlent encore sur les bûchers.

 

 

PRATIQUES MAGIQUES ET SUPERSTITIONS

 

 

 

Les médecins, pour la plupart, restent très attachés aux superstitions. Ils sont convaincus que les trois affections de la tête alors reconnues : frénésie, manie et mélancolie - s’expliquent par une perturbation des humeurs ou un changement de la bile dés à des influences démoniaques.

Et la thérapeutique applique jusqu’à l’absurde, le principe galénique du traitement par les contraires :

La frénésie est un échauffement des méninges, il faut donc refroidir.

La mélancolie correspond à une surcharge d’atrabile qu’il est nécessaire d’évacuer par des purges, des saignées, des vésicatoires, etc .

L’épilepsie provient d’un engorgement dé à la pituite, ce venin fabriqué par les diables et les démons, et il faut dessécher .

 

Les maladies de l’esprit sont toujours considérées comme la conséquence du péché et de l’immoralité.

Félix Plater, professeur de médecine, auteur de « praxis medica », explique que les fantasmes sexuels, qui souvent conduisent à la folie, résultent d’une possession par le diable ou d’un châtiment divin.

On s’en tient donc à la bile noire, aux anges déchus attirés dans le corps, aux forces surnaturelles et aux envoûtements pour trouver la cause des troubles mentaux.

La magie et la superstition continuent d’exercer leur influence, même si la Renaissance connaît de réels progrès scientifiques. Alors que l’astronomie révèle des vérités concernant le mouvement des planètes, parallèlement se développe l’astrologie, science de la prédiction .

Même Kepler, qui devient célèbre à partir de 1609 pour ses fameuses Lois d’astrophysique, établit volontiers des horoscopes .

Rabelais, pourtant farouche adversaire du charlatanisme, s’adonne aussi à cette pratique et se fait appeler : professeur d’astrologie.

L’Eglise, qui condamne cette science divinatoire, ne peut empêcher ses papes, d’aller en cachette, consulter des astrologues. Aujourd’hui, nos chefs d’état ont tous, et c’est connu, des consultations de ce type .

Toute civilisation utilise des pratiques magiques. Les découvertes rationnelles suscitent toujours des forces opposées irrationnelles, parce que la science ne suffit pas, à elle seule, à satisfaire le rêve. C’est comme si le « trop savoir » mettait en péril l’âme et son besoin perpétuel d’inexpliqué La Renaissance n’échappe pas à cette règle. Pourtant enthousiasmée par les découvertes scientifiques, elle est attirée aussi par toutes les mancies : géomancie, aleuromancie, cléromancie, chiromancie, etc...

Et l’énorme succès de ces sciences divinatoires favorise l’apparition d’une méthode particulière d’examen du corps humain, que l’on doit à Jérome Cardan :

La métoposcopie :

Anatomiste et chiromancien passionné, auteur d’une autobiographie intitulée
« de propria vita » (1575), Cardan établit que d’après les traits et l’expression du visage, on peut déduire le caractère d’une personne .

La recherche d’une corrélation entre la constitution physique et la personnalité se poursuivra pendant toute la Renaissance.

Cette thèse sera reprise par Gall, médecin au XVIII e siècle, avec la phrénologie. Lombroso, célèbre criminaliste italien du XIX e siècle, tentera à son tour de prouver qu’il existe un lien entre la criminalité et la configuration du visage. De nos jours encore on chercher à reconnaître les indices anatomiques ou comportementaux sensés trahir une pathologie mentale ou une déviance sociale . Cardan est aussi à l’origine d’une autre méthode, beaucoup plus inspirée de la psychologie, et qui, plus tard, sera réellement reconnue pour ses vertus thérapeutiques : la « méthode Coué » .

Il en parle en ces termes: « Seule une conscience coupable rend l’homme malheureux, la fermeté d’esprit est d’un grand secours pour supporter nos maux et pour faire tourner la chance. Pour éviter d’être malheureux, il faut croire que l’on ne l’est pas ».

« Si tu es malade, il faut croire que tu ne l’es pas, te le répéter, le dire aux autres et recommencer » .

 

En dépit de sa croyance aux démons et à certaines pratiques divinatoires, Cardan a le mérite de reconnaître le pouvoir thérapeutique de la suggestion. Il conseille aux médecins, pour s’assurer de la réussite d’un traitement, de gagner le plus possible la confiance des malades :

« Pour qu’ils guérissent, il faut qu’ils aient confiance en lui, qu’il les persuade de leur prochaine guérison » .

 

Durant les siècles suivants, on verra se développer l’influence de la suggestion, d’une façon qui ne sera pas complètement éloignée de la magie, avec le mesmérisme et l’hypnose .

La Renaissance prête beaucoup d’intérêt à ces personnes qui sont présumées capables de soigner sans effectuer de traitement réel et sans utiliser de médication. Ce ne sont donc plus les Saints quiguérissent, mais des individus bien vivants, ayant reçus de Dieu le pouvoir d’agir sur les maladies.

C’est ainsi que les rois, anglais ou français, ont acquis la réputation de guérir les scrofules et les écrouelles, par simple attouchement. Ce sont les rois thaumaturges .

A la même époque, Greatrakes, un irlandais, rassemble des milliers de souffrants. Il est considéré comme un « élu de Dieu » capable d’accomplir des miracles. En fait, par une habile suggestion, il pratique surtout une forme de psychothérapie.

Aujourd’hui encore, la foule de guérisseurs, de chiropracteurs, de mages ou de gourous, bien supérieurs en nombre à nos médecins, attestent de l’efficacité des procédés surnaturels persuasifs.

L’attouchement, la chiromancie, l’astrologie et la suggestion ne sont donc pas des pratiques réservées à une époque précise de l’histoire. C’est une réaction humaine que de faire appel au surnaturel pour surmonter ses peurs, ses angoisses ou ses maladies .

 

LES PROGRES DE LA MEDECINE

 

 

Dans une époque encore entourée de superstitions et de crainte de possession, la médecine parvient malgré tout à avoir une attitude un peu plus scientifique.

Avec la possibilité de disséquer des cadavres - ce qui, auparavant, était interdit par crainte de laisser s’échapper l’âme - l’approche de l’anatomie devient plus réaliste. Léonard de Vinci réussit à faire des coupes du cerveau. Ses carnets de dessins seront très utilisés après sa mort.

 

André Vésale, médecin et chirurgien, pratique beaucoup de dissections de corps humains. C’est une véritable passion, chez lui, qui le pousse à voler les cadavres la nuit dans les cimetières.

Il publie une oeuvre énorme en 1543 : « Sept livres sur la structure du corps humain » .

Vésale corrige ainsi les erreurs de Galien, telles que la « côte manquante » de l’homme, les « lobes du foie », les « cavités du cœur » ou la « courbure du fémur » . Il différencie le cerveau humain de celui de l’animal et y distingue la substance blanche et la substance grise. Avec Vésale, l’anatomie devient une science à part entière.

 

Ambroise Paré, alors chirurgien dans les armées de François I er met au point une technique de ligature des artères après amputation, qui remplace la douloureuse cautérisation au fer rouge.

Il rédige un « Traité de la peste, de la petite vérole et de la rougeole » , dans lequel il considère ces fléaux comme des maladies et non pas comme des punitions divines. Il définit aussi plus précisément la notion de contagion.

 

 

L’HUMANISME, UNE APPROCHE DEMYSTIFIEE DE LA FOLIE

 

 

La soif de savoir, associée à un désir de liberté intellectuelle, fait naître de grands espoirs dans le progrès.

La science et la raison s’opposent aux pratiques magiques et aux explications démoniaques, pour aller dans le sens d’une meilleure connaissance du corps humain, du caractère, du comportement et des maladies.

La recherche de vérité ne passe plus par Dieu.

Un véritable esprit critique humaniste se développe et impose forcément un changement de la société, des coutumes et des modes de pensée, qui touche au problème de la folie et le remet au goût du jour. C’est ainsi qu’apparaît l’antithème du fou.

Brandt et Erasme vont se servir de la folie, non pas pour décrire l’insensé, le dément ou le malade qui souffre, mais pour réaliser une satire, une caricature des défauts et des paradoxes de la société.

 

 

-La Nef des Fous de SÉbastien Brandt (1494) :

 

C’est la Nef des pauvres, des errants, des « sans boussole »

(ou des déboussolés), « espèce de sans papiers d’autrefois », qui sont rejetés, exclus et accusés de transporter les fléaux comme la peste et la lèpre.

C’est une fiction littéraire écrite en vers:

 

« Les rues grouillent de fous

Qui battent la campagne

C’est pourquoi en ce jour

Je cherche à équiper

Toute une armée navale

Pour les embarquer tous ».

 

Brandt utilise l’image négative de la folie.

La déraison ne porte plus à rire comme au Moyen âge. Elle représente maintenant le désordre et la mort, puisque c’est l’humanité toute entière qui, symbolisée par cette Nef des fous, s’en va, insouciante, vers un naufrage inévitable.

-L’Eloge de la Folie d’Erasme (1509) :

 

C’est une réponse à la Nef des Fous.

Erasme réhabilite la folie en lui accordant une image positive :

« Si tous les hommes sont fous, un seul homme sensé ne pourrait être qu’un Fou véritable » .

La folie ne conduit plus l’humanité à un naufrage inévitable. Au contraire, elle délivre l’homme d’une sagesse trop excessive et du respect des lois trop rigides..

La déraison devient salutaire et équilibrante. Elle est le contre poids d’un conformisme qui s’avère de plus en plus pesant :

« Un sage sans passion, sourd à la voix de la nature, ne serait plus un homme... C’est une grande sagesse que de savoir être fou à propos » .

 

Erasme décrit le monde vu à travers les yeux de la folie : C’est un monde aussi cohérent que celui vu à travers les yeux de la raison.

La folie est une sagesse et celui qui la possède ne peut que mieux voir... Riche d’enseignement sur la vérité profonde de la nature humaine, elle adoucit les peines et les misères de l’existence en les rendant plus compréhensibles.

On prend conscience que la folie reste relative, puisque c’est toujours la société qui en fixe les limites.

 

Près d’un demi millénaire plus tard, le mouvement anti-psychiatrique parlera le même langage que celui d’Erasme, comme si, finalement, les considérations sociales portant sur la maladie mentale n’avaient pas évolué. Pourtant, à la suite d’Erasme, les philosophes et les écrivains humanistes s’orientent vers une révision du jugement porté sur les fous. La folie n’est pas qu’une simple déraison, elle apporte une meilleure connaissance de l’être humain. On se rend compte, par exemple, que l’espace séparant le fou du non fou est bien réduit ; le premier étant un peu le reflet du second.

 

 

En littérature, la façon de penser et de s’exprimer change.
Elle est animée d’un désir de liberté qui combat l’idée théologique de la vérité révélée du Moyen âge .

La religion et le sacré n’ont plus le pouvoir de tout expliquer. C’est avec les sentiments, la volition, l’expérience et le doute que l’on peut parler de l’être humain.

Et la philosophie, qui commence à faire des infidélités à l’Eglise, enseigne que l’homme, avant d’être intelligent, érudit et bon chrétien, est d’abord un organisme vivant qui doit apprendre à mettre toutes ses facultés, et surtout celles psychologiques, au service de sa vie.

 

Rabelais décrit les passions charnelles, ces pulsions fondamentales, que l’on passait sous silence depuis des siècles. Il y a cette vérité sur la nature humaine que l’on ne peut découvrir que par l’observation et l’expérience vécue.

Montaigne, en psychologue réaliste, décrit les sentiments, les caractères, les comportements. Il analyse les actions humaines comme dirigées par une force intérieure, une conscience organisatrice qui met tout au service de la vie.

Ses réflexions l’amènent à considérer que la folie n’est pas très éloignée de la normalité :

« Il n’y a qu’un demi-tour de cheville pour passer des plus excellentes manies aux plus détraquées » ( les Essais 1580).

Machiavel, comme Montaigne, délaisse l’abstraction. Les conseils qu’il donne au « Prince » (1513) se fondent sur une connaissance objective des interactions humaines. Les comportements sont décrits comme des phénomènes naturels, sans faire l’objet d’un jugement moral.

 

D’autres écrivains vont reconnaître cette part de folie inhérente à une nature humaine qui, jusqu’à présent, se voulait bien trop raisonnable :

Pascal : « Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie que de ne pas être fou ». ( Les pensées 1658)

La Fontaine : « On voit courir après l’ombre tant de fous qu’on n’en sait la plupart du temps le nombre » .

Fénelon : « Pour moi, je suis content de rire des fous, tous les hommes ne le sont-ils pas » ?

 

 

LES MEDECINS DEFENSEURS DES SORCIERES

 

 

Sans renier leur foi en Dieu et leur croyance au diable, quelques médecins n’approuvent pas les exécutions. Influencés par le courant humaniste littéraire, ils pensent que la science doit s’opposer à ces pratiques dignes d’une époque révolue.

Paracelse, alchimiste, astronome et médecin, célèbre pour les soins qu’il prodigue à Erasme, s’insurge contre l’autorité des anciens en matière médicale.

Selon lui, les maladies mentales, comme toutes les autres pathologies, résultent non pas de l’influence des astres ou des démons, mais de perturbations de la substance intérieure du corps, que l’on peut guérir avec des médicaments.

Il invente l’éther et fabrique beaucoup de remèdes dont il refuse de dévoiler le secret.

Il reconnaît à l’aimant des propriétés thérapeutiques et déclare obtenir des guérisons par le magnétisme.

Il constate aussi que la relation médecin malade joue un rôle important dans l’évolution des maladies.

 

Weyer, un autre médecin, s’occupe du Duc de Clèves qui souffre d’une dépression chronique.

En s’intéressant à de nombreux cas de sorcellerie et de possession, il tente de démontrer la fausseté des accusations. Il prouve que les sorcières sont bien souvent des malades mentales qui nécessitent des soins donnés par un médecin au lieu d’être interrogées et persécutées par des ecclésiastiques.

Il publie en 1563 un ouvrage intitulé « De l’imposture des démons » qui réfute point par point le Malleus malleficarum.

Comme Hippocrate, il soutient que ce sont les médecins eux-mêmes qui, quand ils sont incapables de guérir certaines maladies, font appel au démon pour les expliquer.

 

Et pendant longtemps encore, devant l’échec thérapeutique, on se contentera d’affirmer que cela tient au fait que le malade est « nerveux » ou « dérangé ».

 

 

-Classification des maladies mentales :

 

Dans le domaine clinique proprement dit, c’est encore la pensée galénique qui conserve tout son prestige

Jean Fernel, médecin de Henri II, classe ainsi les maladies mentales :

 

- Maladies avec fièvre :

 

Frénésie : par atteinte directe du cerveau.

Parafrénésie : par atteinte du nerf sympathique.

 

- Maladies sans fièvre :

 

Mélancolie : soit triste (états dépressifs)

soit avec lycanthropie

soit avec excitation (manie, délires de persécution )

 

- Affaiblissement mental :

Perte de l’intelligence due à une commotion, à une intempériefroide ou de naissance .

Etats stuporeux dus à une abondance de pituite.

Catalepsie.

L’hystérie et l’épilepsie sont classées à part.

 

Au cours de la Renaissance, même si l’Inquisition brûle énormément de sorcières, d’hérétiques et d’insensés, les progrès des sciences, la raison des philosophes démontrent que Satan n’y est pour rien dans les esprits dérangés et la folie.

 

La maladie mentale tente donc de s’arracher de ses anciennes parentés avec la sorcellerie et la démonologie pour être reconnue comme une pathologie naturelle dont on essaye de déterminer les causes et les effets.

Quelques hospices s’orientent déjà vers une indispensable prise en charge de la folie :

Bethleem en Angleterre, qui devient Bedlam en 1547, est un établissement réservé aux insensés.

L’ordre de St Jean de Dieu donne naissance aux hospices de la Charité, à Charenton, Senlis, Lyon, Lille, Dinan, etc...

L’ordre de la première Croix Rouge ouvre aussi des institutions.

Mais la bataille contre la superstition est encore loin d’être gagnée.

 

Citations :   Inquisition




"Vous [les catholiques de France] avez été, pendant plusieurs siècles, la partie la plus visible du christianisme ; ainsi, c'est par vous qu'on a pu juger de tout. Or quel jugement peut-on faire du christianisme, si on se règle sur votre conduite ? Ne doit-on pas croire, que c'est une religion qui aime le sang, et le carnage ; qui veut violenter le corps et l'âme ; qui, pour établir sa tyrannie sur les consciences, et faire des fourbes et des hypocrites, en cas qu'elle n'ait pas l'adresse de persuader ce qu'elle veut, met tout en usage, mensonges, faux serments, dragons, juges iniques, chicaneurs et solliciteurs de méchants procès, faux témoins, bourreaux, inquisitions ; et tout cela, ou en faisant semblant de croire qu'il est permis et légitime, parce qu'il est utile à la propagation de la foi, ou en le croyant effectivement ; qui sont deux dispositions honteuses au nom chrétien ?"
(Pierre Bayle / 1647-1706 / La France toute catholique sous le règne de Louis-Le-Grand, 1685)

"Il me semble que les religions manifestent déjà une forme de totalitarisme lorsque, au-delà d'un individu, elles veulent débusquer le démon qui agit en lui, et ce, au nom d'une doctrine qui s'intéresse au "tout" et non pas aux éléments qui le composent. Les Inquisiteurs n'étaient-ils pas totalitaires lorsqu'ils torturaient un pauvre diable dans l'idée de lutter contre ce Tout partout présent et agissant qu'est le Diable ?"
(Albert Jacquard / né en 1925 / Petite philosophie à l'usage des non-philosophes / 1997)

"Toute révolution prétend travailler pour le bien universel et veut propager sa doctrine dans le monde entier. En 1792, toute l'Europe était contre la Révolution française. Aujourd'hui, toute l'Europe est contre la Révolution russe. Il n'y a pas à s'échauffer. Il faut seulement se méfier des gens qui veulent le bonheur de l'humanité, d'où qu'ils soient. Les juges de l'Inquisition eux aussi, voulaient faire le bonheur de leurs victimes."
(Paul Léautaud / 1872-1956 / Journal littéraire, 4 novembre 1932)

"Des millions de morts, des millions de morts sur tous les continents, pendant des siècles, au nom de Dieu, la bible dans une main , le glaive dans l'autre : l'Inquisition, la torture, la question; les croisades, les massacres, les pillages, les viols, les pendaisons, les exterminations, les bûchers; la traite des noirs, l'humiliation, l'exploitation, le servage, le commerce des hommes, des femmes et des enfants; les génocides , les ethnocides des conquistadores très chrétiens, certes, mais aussi, récemment, du clergé rwandais aux côtés des exterminateurs hutus; le compagnonnage de route avec tous les fascismes du XXième siècle, Mussolini, Pétain, Hitler, Pinochet, Salazar, les colonels de la Grèce, les dictateurs d'Amérique du Sud; etc... Des millions de morts pour l'amour du prochain."
(Michel Onfray / né en 1959 / Traité d'athéologie / 2005)

"Toutes les fois qu'on vous [l'Eglise] retire le droit de persécuter, vous criez à la persécution. On abolit l'Inquisition, on vous persécute ; on affranchit la conscience, on vous persécute ; on décrète le mariage civil, on vous persécute."
(Eugène Pelletan, journaliste littéraire et homme politique français / 1813 - 1883 / Dieu est-il mort ?)

"Les fruits du christianisme ? Guerres de religion, boucheries, croisades, inquisition, extermination des indigènes d'Amérique et introduction des esclaves africains pour les remplacer."
(Arthur Schopenhauer / 1788-1860)

"L'Eglise catholique, représentante dégénérée du christianisme primitif, s'est développée surtout par le mensonge, la crainte, la violence et la fortune.
- Par le mensonge en promettant aux naïfs une éternité de bonheur dans un lieu imaginaire;
- Par la crainte en menaçant tous ceux qui refusaient de lui obéir de tortures infinies dans un monde problématique;
- Par la violence avec les croisades, les guerres de religion, l'Inquisition, la saint Barthélemy, les Dragonnades, la Terreur blanche et les guerres qu'elle a fomentées entre les peuples, comme celles de 1871 et de 1914.
- Par la fortune, en accaparant par les moyens les plus odieux la richesse publique et privée."

(Charles Vaudet / Le Procès du Christianisme / 1933)

Il faudrait étudier l'histoire de l'Inquisition dans chacun des pays où elle s'est implantée France, Italie, Slavie du Sud, Allemagne, Bohème, Espagne. On se bornera ici à des renseignements très sommaires.

Languedoc 
Dans cette province travaillée par l'hérésie (Les Albigeois), les deux premiers inquisiteurs commissionnés par le pape furent deux dominicains, à Toulouse, en 1233. De concert avec les dignitaires de leur Ordre et les évêques, ils commencèrent aussitôt la lutte avec une violence extrême. Le comte Raymond obtint, il est vrai, deGrégoire IX qu'il suspendit leur activité, qui causait partout des troubles effroyables (13 mai 1238), et la suspension dura jusqu'en 1241. Mais, à cette date, elle recommença, à cause, dit-on, de l'insolente croissante des hérétiques, et, sans doute, de la rébellion de Trencavel, vicomte de Béziers. Au printemps de 1242, les inquisiteurs de Languedoc, en tournée à Avignonet, furent assassinés par les hérétiques deMontségur : ils ont été béatifiés, comme martyrs, six cents ans après, par Pie IX. Cet incident coïncida avec une dernière révolte du comte Raymond contre l'autorité royale. L'horreur qu'il inspira et la défaite définitive de Raymond eurent pour effet un redoublement de la persécution inquisitoriale. C'est alors qu'entra en fonctions le célèbre frère Bernard de Caux, surnommé « le marteau des hérétiques » . Pendant les dix années qui suivirent, l'organisation se perfectionna : les dominicains eurent des tribunaux réguliers d'inquisition à Toulouse, NarbonneCarcassonne; les franciscains, à Marseille. Vers la fin du siècle, les hérétiques avaient presque complètement disparu, soit qu'ils eussent fui en Lombardie, soit qu'ils eussent été domptés ou exterminés. 

Mais les catholiques eux-mêmes, en proie à une intolérable police, commençaient à murmurer. Ils s'adressèrent d'abord au roi. Philippe le Bel écrivit au sénéchal de Carcassonne de veiller à ce qu'aucun abus ne se produisit au préjudice des sujets, par le fait des inquisiteurs. Cependant l'inquisiteur de Carcassonne, Nicolas d'Abbeville, et Foulques de Saint-Georges, prieur des dominicains d'Albi, avaient suscité contre eux des haines très vives. Lorsque éclata le différend entre Philippe IV et le Saint-Siège, le moment parut favorable aux Méridionaux pour mener contre ces « tyrans » une campagne énergique. Leur leader fut, en cette occasion, un lecteur du couvent des franciscains de Carcassonne, Bernard Délicieux, dont nous n'avons pas à raconter ici la carrière romanesque. Qu'il suffise de rappeler que Bernard réussit à persuader de la justice de la cause dont il était le tribun les commissaires envoyés par le roi, mais qu'il échoua finalement. Aussi bien Clément V, auquel les excès des inquisiteurs dominicains furent aussi dénoncés dès son avènement, prit à son tour en main la réforme de l'institution : en avril 1306, une commission de cardinaux fit enquête, à Carcassonne, sur les griefs des populations; mais cette enquête n'aboutit qu'à la réforme dite clémentine, adoptée par le concile de Vienne réforme anodine, comme on l'a vu plus haut, et qui resta lettre morte, Jean XXII, successeur de Clément V, fut, au contraire, quoiqu'il ait publié les Clémentines, un protecteur zélé des inquisiteurs : il sacrifia Bernard Délicieux; l'Inquisition reprit triomphalement le cours de ses travaux ;Bernard Gui, inquisiteur de Toulouse depuis 1306, dit qu'en quatorze ans, de 1301 à 1315, on découvrit plus de mille cas. C'est lui qui procura la capture et l'exécution du dernier ministre cathare, Pierre Autier, et de ses derniers fidèles : il n'y eut plus de patarins, après 1315, dans le midi de la France. Le rôle de l'Inquisition lanquedocienne était terminé, ou à peu près : elle avait très réellement extirpé l'hérésie et contribué, pour une large part, par les confiscations immenses que ses condamnations entraînèrent, à déposséder de ses terres l'ancienne aristocratie autochtone, au profit de la couronne capétienne.

France du Nord. 
C'est aussi en 1233 qu'apparaît dans la France du Nord le premier inquisiteur pontifical, le dominicain Robert le Bougre, un fanatique de la pire espèce. Avec la protection de Louis IX, Robert le Bougre parcourut pendant plusieurs années la Flandre, la Champagne et la Bourgogne, multipliant les holocaustes; à la fin, Grégoire IXfut obligé de lui retirer sa commission, car sa folie meurtrière était devenue manifeste, et il disparut. Il eut des successeurs dont ni les noms ni l'activité ne sont connus, mais dont on sait que les dépenses étaient défrayées par le roi. En 1253, Innocent IVnomma le provincial des dominicains à Paris comme chef des inquisiteurs de France; ceux-ci, en 1273, étaient au nombre de six (y compris ceux du Languedoc); en 1290, Nicolas IV rattacha la Lorraine, la Suisse française et la Franche-Comté à l'Inquisition de France. Le plus ancien autodafé, célébré à Paris, qui soit connu, est celui d'une certaine Marguerite Porete, qui professait des doctrines quiétistes (31 mai 1310). 

Comme tous les documents inquisitoriaux du XIVe siècle sont perdus, on ne sait rien de ce que les inquisiteurs de France firent à cette époque; l'oubli a recouvert totalement la mémoire des bourreaux et des victimes. Nul doute, cependant, qu'il y ait eu des victimes. En 1372, une sainte femme de la secte des « turlupins » fut brûlée au marché aux pourceaux de la porte Saint-Honoré; cinq autres turlupins furent bridés à Douai en mai 1421; le cas de Hugues Aubriot et l'histoire.des Vaudois fourniraient aussi, s'il en était besoin, la preuve que l'Inquisition ne chôma pas. Il n'en est pas moins certain que l'institution était en complète décadence au commencement du XVe siècle. Déjà, sous Philippe de Valois, la juridiction inquisitoriale était considérée comme une juridiction « royale » et soumise, à ce titre, à la surveillance du Parlement. Le Parlement, l'Université de Paris se substituèrent peu à peu à l'Inquisition et la suppléèrent. Elle se survécut néanmoins, quoique déconsidérée: il y eut en France des inquisiteurs en titre d'office jusqu'à la fin du Moyen âge.

Italie 
Pour beaucoup de raisons, l'hérésie n'était nulle part plus répandue qu'en Italie au commencement du XIIIe siècle. Les rudes travaux, couronnés de succès, desdominicains de Florence contre les hérétiques de cette ville persuadèrent Grégoire IX, nous l'avons vu, d'utiliser désormais, pour les opérations de ce genre, les milices desordres mendiants. Dès 1232, fra Alberico exerça les fonctions d'inquisiteur en Lombardie; en 1233, fra Rolando de Crémone (le célèbre professeur de Paris et deToulouse) à Plaisance, Pierre de Vérone (saint Pierre Martyr) à Florence, à Crémone, à Milan, etc. Pierre Martyr fut assassiné le 7 avril 1252 : cet événement (comme celui d'Avignonet) fut très bien exploité par Rome, pour sanctifier aux yeux du peuple la cause de tous les inquisiteurs en général : il n'y a pas de personnage qui ait été canonisé plus vite ni dont le culte ait été plus chaudement recommandé par le Saint-Siège que celui de Pierre de Vérone, qui fut bientôt égalé à saint Dominique lui-même et qui devint dans toute l'Italie le patron des associations piétistes de Crocesignati, espions, familiers et gardes du corps de l'Inquisition romaine. D'ailleurs, l'Inquisition se transforma promptement, en Italie, en un instrument de règne pour le Saint-Siège, en une arme au service du parti guelfe, les princes gibelins étant les protecteurs d'hérétiques avérés. Une confusion s'établit ainsi entre la foi et la politique. Les destinées de l'Inquisition furent, dès lors, liées à celles du parti guelfe et oscillèrent en même temps. La conquête de royaume de Naples par Charles d'Anjou, champion du pape, et l'écrasement des gibelins, qui en fut la conséquence, la fit fleurir dans presque toute la péninsule, en particulier à Naples et en Sicile, où elle était auparavant inconnue. A Venise seulement, l'Inquisition pontificale n'eut jamais les coudées franches, et resta soumise à la surveillance des autorités laïques. Ajoutons que, comme en France, l'histoire de l'Inquisition en Italie, à partir du XIVe siècle, est celle d'une décadence (sauf en Savoie et dans la Haute-Italie, à cause des Vaudois), qui s'accentua continuellement jusqu'à ce que la Réforme obligeât l'Église à restaurer, là comme ailleurs, sa machine à persécutions.

 

Slavie du Sud.  
La redoutable hérésie des Cathares avait eu son berceau chez les Slaves de l'Adriatique, et l'attention du Saint-Siège avait été attirée de bonne heure du côté de ce foyer brûlant d'hétérodoxie, qui s'étendait de la Bulgarie et de la Bosnie à Spalato. Les Cumans et les Bosniaques martyrisèrent de nombreux dominicains au temps de Grégoire IX. En 1298, Boniface VIII fit de la Slavonie (du Danube à la Macédoine), une province franciscaine de l'Inquisition. L'invasion des Turcs mit fin, au XVe siècle, à l'activité inquisitoriale de ce côté.

Allemagne 
Au commencement du XIIIe siècle, les nombreux hérétiques d'Allemagne avaient trouvé un adversaire impitoyable en la personne d'un prêtre séculier, à moitié fou, Conrad de Marburg, le directeur de sainte Elisabeth de Thuringe. C'est à lui que Grégoire lX s'adressa dès 1227 : il fut armé par le pape de pouvoirs quasi-illimités comme inquisiteur et réformateur général des églises d'Allemagne. Des dominicains (Conrad Tors, etc.) lui furent adjoints en 1231-1232. La persécution, d'une brutalité incroyable, fit rage, jusqu'à ce que, comme elle atteignait des personnages considérables, Conrad de Marhurg fût tué (31 juillet 1233), les archevêques et les évêques de l'Empire protestassent et une réaction se déclarât contre les persécuteurs en général. L'horreur excitée par Conrad et ses acolytes aida beaucoup l'épiscopat allemand à maintenir ses droits et à repousser l'Inquisition pontificale. Après 1233, on n'entendit plus parler d'inquisiteurs en Allemagne pendant long temps; une tentative d'Innocent IV pour en installer dans la Franche-Comté (qui dépendait de l'Empire) échoua; les seules régions de l'Empire où il y ait eu des « inquisiteurs » proprement dits, au commencement du XVe siècle, sont celles où prédominait l'influence du royaume voisin de France; partout ailleurs, l'inquisition diocésaine suffit. Mais, Innocent VI (1352) et Urbain V (1357) reprirent avec énergie la pensée de Grégoire IX. En 1367, Urbain V nomma deux inquisiteurs dominicains en Allemagne pour détruire les beghards, les flagellants, les frères et les soeurs du Libre Esprit, etc. : l'un d'eux, frère Walter Kerlinger, était chapelain de l'empereur Charles IV. Charles, en excellents termes avec Rome, prit de tout son pouvoir des mesures pour acclimater dans l'Empire l'institution inquisitoriale, sous sa forme italienne. Elle prospéra, en effet, jusqu'à la mort de Charles IV et le commencement du grand schisme; mais, privée par ces deux événements de ses puissants protecteurs, elle ne put se maintenir contre l'hostilité des évêques et la réprobation des peuples : elle ne disparut pas, mais resta, comme ailleurs à la même époque, sans importance ni efficacité. Elle se montra tout à fait impuissante à lutter contre les précurseurs de Luther.

Bohème 
Le roi de Bohème, Ottokar II, pria le pape Alexandre IV, en 1257, de l'aider à supprimer l'hérésie dans ses Etats; deux inquisiteurs franciscains lui furent envoyés. Mais c'est en 1318 seulement que l'on voit des inquisiteurs pontificaux, commissionnés par Jean XXII, agir énergiquement en Bohème et en Pologne. Puis le silence se fait de nouveau. Les précurseurs de Jean Huss à l'Université de Prague ne furent pas molestés. Huss  lui-même fut livré, comme on sait, par le concile de Constance à la justice inquisitoriale. Le procès de Jean Huss est un des plus célèbres exemples des procédés de cette justice, non pas, comme on le crut en Allemagne, où elle était peu connue, dans ce qu'elle avait de plus rigoureux, mais sous une forme atténuée et relativement bénigne.

Espagne. 
Avant les Rois catholiques, l'Inquisition des Grégoire IX, des Innocent IV, des Alexandre lV et des Urbain IV resta complètement inconnue dans le royaume de Castille et de Léon. Dans cet Etat, très indépendant de Rome, la répression de l'hérésie fut, au Moyen âge, affaire d'Etat et procurée directement par la couronne, sur l'avis de l'Eglise séculière. La situation était différente dans le royaume d'Aragon, dont la population était assez analogue à celle du Languedoc, a reçu de Grégoire IX l'Inquisition dominicaine  en 1237-1238. Les inquisiteurs éprouvèrent d'abord, dans ce pays, de grandes difficultés : l'un d'eux, fray Pons de Espira, fut tué. En 1262, Urbain IV rédigea des instructions détaillées pour l'Inquisition d'Espagne, mais l'institution continua de végéter jusqu'à la fin du XIIIe siècle. En 1327, les Cortès, avec l'assentiment du roi Jaime II, prohibèrent l'usage de la procédure inquisitoriale (notamment de la torture) comme contraire aux fueros; mais cette prohibition ne fut pas respectée. L'homme le plus connu de l'Inquisition aragonaise, pendant la seconde moitié du XIVsiècle, est sans contredit Nicolas Eymerich, l'auteur du Directorium Inquisitorium, base de toutes les compilations postérieures du même genre; mais il vivait dans un royaume où le Saint-Office n'avait jamais été fort prospère et dans un temps où, n'ayant affaire qu'à des hérétiques très pauvres, fraticelles et vaudois, il mourait, pour ainsi dire, d'inanition.

La renaissance, qui fut éclatante, se fit attendre encore un siècle après Eymerich : elle s'opéra par les soins de Ferdinand le Catholique, roi de Castille (1474) et d'Aragon(1479). L'introduction de l'Inquisition en Espagne à partir de la fin du XVe siècle s'explique par l'inefficacité des vieilles inquisitions épiscopales de Castille, qui devint manifeste lorsque, au temps de Ferdinand le Catholique, les conquêtes sous lesMaures et les conversions forcées de musulmans et de juifs, eurent multiplié dans les Etats de la couronne d'Espagne les « nouveaux chrétiens » de foi douteuse et de doctrines suspectes. Sixte IV sanctionna, le 1er novembre 1478, l'organisation de la nouvelle Inquisition d'Espagne, avec des traits caractéristiques, qui, depuis, n'ont pas été altérés. C'est une institution royale le roi est autorisé à en choisir les fonctionnaires et il pourvoit à son entretien; c'est au profit de son trésor que les biens des condamnés sont confisqués. A la direction de la machine, un chef à vie (inquisiteur général), président d'un tribunal supérieur, où siègent quelques laïques et qui soumet les évêques eux-mêmes à sa juridiction de fer; des tribunaux inférieurs dans toutes les grandes villes (notamment à Séville et à Valladolid); la procédure de toutes ces cours fut déterminé par la célèbre instruction du 29 septembre 1484. Le premier inquisiteur général, désigné par la couronne de Castille, fut Thomas de Torquemada, prieur des dominicains de Ségovie; en cinq ans, il présida à la condamnation à diverses peines de 100 000 personnes, et dont plusieurs milliers (jusqu'à 10 000?) périrent par le feu. La maison de Castille essaya d'acclimater des établissements analogues dans tous les pays que la guerre ou des alliances lui valurent successivement en Aragon (1482), dans les Baléares (1490), en Sardaigne (1492); en Sicile (1508). Philippe II a porté aussi l'Inquisition à l'espagnole en Lombardie, à Naples, dans les Pays-Bas, pour combattre à la fois l'hérésie et les rebellions politiques, les doctrines évangéliques et les franchises municipales, bref l'esprit de liberté et la liberté de l'esprit sous toutes les formes. Mais, partout, à Milan et à Naples comme en Brabant et en Hollande, des insurrections éclatèrent contre l'abominable tyrannie. La politique inquisitoriale du duc d'Albe coûta les Pays-Bas à l'Espagne. 

En Espagne même, l'institution ne s'était pas implantée sans efforts : les Cortès d'Aragon avaient longtemps protesté; mais enfin le silence s'était fait : le « succès avait dépassé les espérances » ; à la fin du XVIIe siècle, l'Inquisition nationale était encore considérée comme le palladium de la monarchie, quoiqu'on ne l'employât plus guère (car il n'y avait plus d'hérétiques) que contre les bigames, les blasphémateurs, voire les contrebandiers. La première atteinte aux privilèges exorbitants de l'Inquisition espagnole date de 1770, époque où le ministre Aranda prit quelques mesures pour garantir contre son arbitraire les officiers de la couronne et les nobles. La suppression totale de l'Inquisition en Espagne, décrétée par l'usurpateur Joseph Bonaparte en 1808, fut confirmée par les Cortès de Cadix en décembre 1813; Ferdinand VII la rétablit (21 ,juillet 1814); mais en l'énervant, car il eut la faiblesse de faire aux idées du siècle la concession d'abandonner l'usage traditionnel de la torture proprement dite : toutes les personnes désagréables au parti ultra-réactionnaire firent connaissance, pendant les premières années de la restauration bourbonnienne, avec les cachots du Saint-Office. Les prisons du Saint-Office de Madrid furent, il est vrai, saccagées en 1820 par les libéraux exaspérés; mais l'armée française ayant rendu le pouvoir à Ferdinand, I' « institution nationale » fut sauvée encore une fois (sous réserve de quelques modifications). C'est en 1834 seulement que l'Inquisition d'Espagne fut abolie; ses biens furent attribués au trésor public deux ans après. Il y eut des retours offensifs et des tentatives de résurrection jusqu'en 1868.

Le Portugal. 
Au PortugalAlphonse II avait refusé nettement d'admettre l'inquisition pontificale, lorsque l'Ordre dominicain s'était introduit dans ses Etats : la prohibition dura cent cinquante ans. Le premier inquisiteur au Portugal fut un franciscain, appointé, en 1376, par l'évêque de Lisbonne. Mais l'Inquisition portugaise resta sans importance jusqu'en 1531, date où Jean III la réorganisa sur le modèle de la nouvelle Inquisition d'Espagne. Le pays était devenu un refuge pour les juifs après l'expulsion générale de 1492 en Andalousie. Il réagit alors en imitant l'institution de Ferdinand le Catholique. Jean III, comme Ferdinand, fit du Saint-Office une administration de l'Etat et se réserva d'en nommer le chef, le grand inquisiteur en résidence à Lisbonne. Lorsque le Portugal fut annexé aux domaines de la maison de Castille (de 1581 à 1640), le pur régime castillan y fonctionna naturellement. La fin du XVIIe et le XVIIIsiècle furent marqués par des luttes acharnées entre le Saint-Office devenu trop puissant, - au point de gêner l'autorité monarchique elle-même, et de se soustraire fréquemment à la surveillance du Saint-Siège, - et tout ce qui n'était pas dominicain ou jésuite. Le marquis de Pombal remporta en 1767 une victoire décisive sur le Saint-Office portugais (Le Portugal au XVIIIe siècle) ; mais cette victoire ne fut complétée, par la destruction définitive de l'établissement tout entier, que sous Jean VI, en 1820. C'est en vain que les partisans de don Miguel, comme ceux de don Carlos, firent de sa restauration un article de leur programme.

L'Amérique latine. 
Par les atrocités commises en Espagne et en Portugal au nom de l'Inquisition, il est facile de deviner ce qui se passa dans les colonies espagnoles et portugaises en Amérique, au Mexique, au Pérou, en Colombie, au Brésil. Dans tous les  pays de l'Amérique du Sud, l'abolition de l'Inquisition a coïncidé avec le succès des guerres de l'Indépendance.  

 

Jadis La machinerie de la torture disposait déjà d'une variété de méthodes étonnantes qui confirme la thèse que rien ne rend aussi inventif que l'envie de cruauté.

 

La torture par l'eau

 

Le corps de l'accusé était lié sur une planche inclinée ou pendu en l'air à des cordes fortement serrées et le corps soutenu par un tabouret. La victime devait alors avaler une énorme quantité de liquide: 6 litres pour la petite torture et 12 litres pour la grande. Celui qui serrait les dents se faisait déchiqueté la bouche par le bourreau à l’aide d’une pince en fer. Celui-ci continuait alors, à l’aide d’une carafe, à faire ingurgiter l’eau dans la bouche du torturé. Beaucoup de ces victimes étouffaient ou éclataient littéralement, du fait que leurs anus et l’urètre furent consciemment bouchés ou noués.  

 

Mutilation physique

 

Une autre torture consistait à visser et à griller la langue, ou encore à écraser les mains sur une enclume ou à sectionner les mains et les pieds à l’aide d’une hache. «Les sorcières» ou les femmes jugées immorales eurent le nez et les oreilles coupés; les juifs accusés de vol, étaient pendus par les pieds entre deux chiens ou deux loups affamés. Une cruauté bien particulière consistait à étriper la victime. Leur ventre était ouvert au couteau, une partie de l'intestin était extirpée puis attachée et enroulée à une poulie.

 

«La vierge de fer» *

 

La vierge de fer représente «un chef-d’œuvre» de la ferronnerie qui devait servir à préserver la pureté de la foi: il s’agissait d’une cape allant jusqu'à terre, cependant non faite d’étoffe mais de fer. La partie supérieure de la cape représentait une tête au visage de femme. En réalité la cape était un caisson de fer équipé de portes. A l'intérieur des portes ainsi que sur le dos du caisson étaient fixés des pointes de fer. La victime, prisonnière de l'inquisition, était placée à l'intérieur du caisson. Puis les portes se refermaient lentement, de sorte que «les pointes de fer perforaient ses bras, de même que certains endroits de ses jambes, de son ventre, de sa poitrine, sa vessie, les parties de son corps se trouvant à la racine de son membre viril, ses yeux, ses épaules et son postérieur, sans toutefois la tuer», tout au moins pas immédiatement. La mort ne survenait généralement qu’après quelques jours d’atroces douleurs et de cris effroyables.

 

«Le berceau de judas»

 

«Le berceau de judas» est une méthode qui n’a pas son pareil. La victime de l’inquisition était tirée vers le haut à l'aide d'un treuil et placée sur la pointe d’une pyramide en bois. Son poids entier ne reposait plus que sur le vagin ou l'anus, le scrotum ou le coccyx. Le supplice était encore amplifié du fait que le bourreau tirait la victime vers le haut, la relâchait, la balançait ou la laissait sans cesse retomber sur la pointe.

 

«La fourche d'hérétique»

 

«La fourche de l’hérétique» avait également un sens «religieux» puisqu’elle représentait un moyen visant à défendre la vraie foi. Quatre pointes de fer perforaient la victime sous le menton et perçaient le sternum, de sorte qu'elle ne pouvait plus bouger la tête et à peine parler distinctement. Mais pour l’inquisiteur, cela suffisait, car la victime n'avait qu'à balbutier le mot «abiuro» («j’abjure») gravé dans «la fourche de l’hérétique» qu'il lui suffisait de lire.

 

«Il faut entendre les cris de ces malheureux! Il faut lire ce qui fut écrit des cachots, les femmes à leurs maris, les pères et mères à leurs enfants, les protestations de leur innocence, les adieux pour toujours.»
(L'historien Karlheinz Deschner, Eglise du malheur, Munich 1979, p. 28 de la version allemande)

 

Scie et pieu

 

Egalement de simples outils, comme «la scie» et «le pieu», pouvaient tout à fait convenir au but des inquisiteurs. Les luthériens, par exemple, après leur victoire sur les agriculteurs insurgés, ont mis à nouveau la scie à l’honneur contre quelques meneurs. Ceux-ci étaient suspendus la tête en bas et la scie, placée entre les jambes, pouvait alors commencer «son travail», en «avançant progressivement» du nombril à la poitrine. Presque encore plus cruel – si cela est encore possible: l’empalement de la victime. Celle-ci était empalée, martelée – enfoncée sur un pieu de bois ou de fer au niveau de l'anus préalablement huilé, jusqu'à ce que le pieu pénètre enfin et ressorte par l'estomac, la poitrine ou l'épaule …

 

D'autres outils de torture

 

La simple énumération des outils de torture – l’étau à genoux ou l’étau destiné aux pouces, le serre-bouche en fer, les outils pour marquer au fer rouge, les colliers de chaines, «le chapelet» à accrocher autour du cou (d’une longueur d’un mètre, d’un poids d’environ huit kilos), les anneaux de fer verrouillés au cou de l'hérétique, les cages en fer, les étaux destinés à la tête et les vis à crâne, les fouets de chaines, les collerettes épinées, la ceinture de force, le «clitoris espagnol», pourvu de pointes tranchantes, les tenailles et cisailles, la roue de torture et ainsi de suite – tout cela témoigne de la passion inventive et perverse des inquisiteurs et de leurs complices, et démontre la monstrueuse «passion pour la cruauté», caractérisant le christianisme d’Eglise qui ne sera égalé par aucune autre religion.

 

Invention de nouveaux supplices

 

On emmurait les victimes ou alors, en signe de grâce de la part des tyrans (!), on les laissait lentement mourir de faim – on les noyait lentement dans des tonneaux remplis d'urine ou de purin, on leur coupait ou sciait la langue, on les grillait, on rôtissait les hérétiques sur des fers chauffés à blanc ou encore on les étouffait en brûlant de la paille humidifiée. Après l'invention de la poudre explosive, on laissait celle-ci exploser à proximité de la pauvre victime, afin de lui déchiqueter la poitrine. L'esprit de cruauté trouvait toujours de nouveaux moyens pour augmenter les supplices des victimes de l’inquisition.

 

Les congrégations pour la doctrine de la foi

 

Le pape Paul III (1468-1549, pape à partir de 1534) organisa également en 1542 l'inquisition en tant que cardinal chargé de la commission qui, comme instance centrale pour tous les pays, devait veiller sur la pureté de la foi. Le pape Sixtus V (1521-1590, pape à partir de 1585) a fixé en 1588 son statut définitif de Congregatio Romanae et universalis Inquisitionis (Congrégation de l'inquisition romaine et universelle). Beaucoup plus tard, à savoir en 1908, cette autorité d'inquisition centrale reçut le nom d’ Offizium saint. Aujourd'hui, elle se nomme d’une façon inoffensive et anodine Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais l'esprit inquisitorial est resté le même

 

 

Pape Paul III (1468-1549), connu pour avoir convoqué le concile de Trente (1545-1563), appelé Tridentinum, qui conduira à l’inquisition, va jusqu’à dire un jour:

«Si mon père était un hérétique, j’apporterais moi-même le bois pour le brûler.»

 (extrait d’une émission de radio du 21/07/2002 sur «Deutschland-Radio Berlin»

 

Cardinal Joseph Ratzinger, l’ancien pape Benoît XVI 

«La mission nécessaire» de l'inquisition

‘[Dieu …] «donne à chacun de la compréhension pour les hommes d'eglise qui, dans leur mission nécessaire pour la sauvegarde de la vérité, au nom de la foi et la morale, ont recouru eux aussi de temps à autre à des méthodes ne correspondant pas à l'évangile.» 

C'est un passage de ce qui a été lu publiquement le 12/03/2000 à Rome par le pape Jean-Paul II, en alternance avec d’autres représentants de haut rang du Vatican, un «Mea Culpa» pour les crimes de l'Eglise 
(réf.: http://www.theology.de/religionen/oekumene/evangelischerkatholischerdialog/meaculpa.php). 
Le texte avait été rédigé par Joseph Ratzinger, alors cardinal, et c'est d'ailleurs lui qui avait lu l'extrait cité ci-dessus 
(réf.:http://www.br-online.de/wissen-bildung/collegeradio/medien/geschichte/ inquisition/manuskript/)
Le pape et les cardinaux, avec leurs paroles doucereuses et bien tournées, n'ont, malgré tout, pas demandé pardon à leurs victimes – ce qui aurait été évident et nécessaire pour un véritable repentir. Au lieu de cela on s'adressa à Dieu dans un discours neutre, sans implication.

«L’expression «Grand inquisiteur» représente une classification historique. Quelque part nous sommes dans cette continuité. Nous essayons cependant de faire aujourd’hui à partir de notre conscience de la justice ce qui a été fait dans le passé avec des méthodes en partie critiquables. Il faut cependant dire que l’inquisition a été un progrès, car plus personne ne pouvait être jugé sans un inquisitio, c’est-à-dire sans qu’il y ait eu un examen, une enquête.» 
(Déclaration du cardinal Joseph Ratzinger, dans l’émission Contrastes du 03/03/2005 sur la chaîne de télévision allemande ARD, à propos de son titre inofficiel de «Grand Inquisiteur moderne». Quelques semaines plus tard il fut élu pape.)

PS: En complément, à voir (en allemand): la lettre bouleversante du maire de Bamberg Johannes Junius du 24/07/1628 à sa fille Veronika. Junius a été torturé et exécuté par les inquisiteurs de l'église dans la «Maison du maléfice» à Bamberg. Sa lettre à été mise en animation audiovisuelle, comme si Junius parlait à partir de l'au-delà en tant qu’âme: http://www.youtube.com/watch?v=qfRKfimBGpw 
Pour de plus amples informations sur l'inquisition à Bamberg, voir aussi (en allemand): http://www.theologe.de/erzbistum_bamberg.htm 

 

 


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L'inquisition et les femmes

 

«La poire vaginale», «les griffes à poitrine», «Les araignées espagnoles», 
la ceinture de chasteté, le masque de la honte

Dans l’église dont la structure est patriarcale et profondément masculine, les femmes devaient inévitablement être punies, souvent de manière bien pire encore que les hérétiques de sexe masculin. A l’encontre de celles-ci l'agressivité et la perversion sexuelle des inquisiteurs se déchaînèrent véritablement. Il y avait des instruments de torture spécifiques, conçus tout spécialement pour les femmes, par exemple «la poire vaginale» qui, par l’action rotative d’une vis, élargissait et déchirait l’utérus et les viscères. Il y avait des «griffes à poitrine» qui déchiquetaient les seins; «d'autres griffes» qui, chauffées au rouge, causaient «seulement» une «morsure» à la poitrine des mères célibataires, dont les enfants se tenaient à leurs pieds, arrosés de leur sang. Il y avait ce qu'on appelait les «araignées espagnoles», c.-à-d. des griffes à cinq doigts en ciseaux qui soulevaient la victime par le postérieur, la poitrine, le ventre ou la tête, mais aussi par les yeux et les oreilles à l’aide de deux griffes. «La ceinture de chasteté» contrairement à la mystification qu’il en a été faite, était en réalité également un outil de torture. Naturellement, il y avait aussi «les masques de la honte» pour les femmes, ainsi que les «poires buccales» confectionnées spécialement contre leur prétendu verbiage. Il s'agissait en fait de bâillons en fer, dont l’extrémité aiguisée en pointe avait pour effet de leur trancher la gorge. Mais au besoin des pierres suffisaient aussi pour mener à bien cette œuvre de destruction. Les femmes ayant commis l’adultère, étaient lapidées ou jetées dans une fosse aux serpents …
Jamais il n’y eut une religion qui prêcha autant l'altruisme et l’amour pour le prochain et qui, en même temps, pratiqua autant «la haine du prochain» et la haine des femmes en particulier! C'est en cela que le christianisme catholique et protestant se distingue de toutes les autres religions, à savoir de manière négative. Il ne s'est jamais distingué de manière positive en ce qui concerne l'humanité et la protection des droits de l'homme. Au contraire, il a fallu lutter pour chacun des droits de l'homme à cause de la résistance acharnée de l'église, aussi bien catholique que protestante.

Le pape dans un «souci brulant» lance la chasse aux sorcièreses

Le fait de reconnaître la femme en tant que personne humaine ayant les mêmes droits que l'homme fût de tout temps une chose impossible pour l’église. En fait, les femmes n’avaient nié que rarement les dogmes de la foi en comparaison aux hommes. Celles-ci auraient donc dû être bien moins persécutées que les hommes. Mais en les accusant de sorcellerie, on pouvait ainsi les accuser d'hérésie. La sorcellerie était une hérésie, telle était l’équation. Et ainsi, l'inquisition s'ouvrit elle-même un nouveau champs d'action justifiant son existence, se confirmant elle-même. Les envoyés du pape Grégoire IX (1167-1241, pape à partir de 1227), désignés inquisiteurs par ce dernier, ont annoncé au Pontifex Maximus une explosion du nombre de sorcières ainsi que de pactes terribles avec le diable faits par des femmes de toutes les couches de la société. Grégoire fut le premier pape qui, dans «un souci brûlant», ordonna la chasse aux sorcières. Celle-ci se perpétra jusqu’au 18ème siècle, faisant rage sous toutes ses formes et excès les plus variés.

Les victimes des persécutions

Le pape Innocent VIII (1432-1492, pape à partir de 1484) avait menacé de sentences terribles tous ceux qui s'opposeraient à son décret d’extermination des sorcières. C'est donc sous la menace de la plus haute sanction papale que commença l'extermination quasiment orgiaque des sorcières. Pendant la deuxième moitié du 17ème siècle, au cours duquel un million de personnes, bien souvent des femmes, furent victimes de ce processus d’extermination, l'évêque de Bamberg fit encore brûler 600 femmes, l'évêque de Salzburg 97, l'évêque Philippe Adolf von Ehrenberg de Würzburg fit brûler 219 sorcières et sorciers, dont 18 jeunes garçons en âge d'aller à l'école, une fille aveugle, une enfant de neuf ans et sa petite sœur. Dans la deuxième moitié du 16ème siècle, l'archevêque Jean de Trèves fit brûlé tant de sorcières que dans deux villages il ne resta plus que deux femmes. Un décan de Mayence fit brûler plus de 300 personnes dans deux villages, dans le seul but de s'accaparer leurs biens. L'esprit orgiaque de l’extermination «des sorcières» fut encore plus excité dans la mesure où les inquisiteurs, mais également les juges et les confesseurs qui, faisant fi sans vergogne du secret de confession, recevaient des primes pour chaque «sorcière exécutée». Un dicton de l’époque disait que le moyen le plus rapide et le plus facile de s'enrichir était de brûler des sorcières.
La brutalité et la cruauté sadique de cette guerre d’extermination menée par les papes avec leurs inquisiteurs contre «les sorcières» dépassent tout ce que l'on peut imaginer. On estime à environ trois millions les victimes, surtout des femmes, qui furent ainsi bestialement assassinées …

Les deux églises, catholique et évangélique, portent une dette énorme et indélébile envers les femmes, à cause de leur diabolisation, diffamation, persécution et exécution en masse. Pensons en cela aussi aux inventions perverses dont le seul et unique but était de punir «les mauvaises femmes» avec les méthodes les plus diverses …

Le supplice des femmes soupçonnées de «sorcellerie»

… Souvent, elles agonisaient pendant des années dans des cachots souterrains froids et humides, sombres et fourmillants de rats, de souris et autre vermines. Les plus jeunes femmes étaient en outre exposées aux viols par les ecclésiastiques et les gardiens de prison. On attachait de nombreuses «sorcières» sur des croix de bois ou on les fixait à un mur, on les laissait pendre en l'air à des chaînes par leurs membres déjà torturés, accrochées dans la tour à sorcière, où elles mourraient à petit feu de faim et de soif. Les supplices infligés aux sorcières par «la religion de l’amour» étaient inimaginables.

«Le marteau des sorcières» de l'église

Un livre ayant joué un rôle particulièrement effrayant dans la persécution des femmes est Le Marteau des sorcières (Malleus Maleficarum) qui a fait l'objet de 29 éditions entre 1486 et le 17ème siècle. Il a servi de manuel de référence pour déterminer les caractéristiques des «sorcières», comment les dépister et quels châtiments leur imposer, et est sans doute l’ouvrage qui a causé le plus de préjudices aux femmes de toute l'histoire. Le Marteau des sorcières traite de manière complète de tout ce qui concerne la persécution des sorcières, que ce soit au niveau théorique ou pratique. Cet ouvrage prouve de manière impressionnante que l'on peut faire de n’importe quelle idiotie une théologie des plus sérieuse, pour autant que l’on soit suffisamment pervers … Le sort des femmes sous l'inquisition, comme nous l'avons décrit ici de façon élémentaire, n'a d'égal que le sort réservé aux juifs par les inquisiteurs 


 

 

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