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sammael world
27 décembre 2013

la revanche des geeks......

La revanche des geeks (documentaire Arte 2012)

 

 

Pourquoi avoir choisi la forme d'un documentaire "historique" ?

Nous avons voulu remonter aux origines, et raconter une prise de pouvoir : comment les losers d'hier sont devenus les winners d'aujourd'hui. A l'origine de l'origine, on trouve des formes anciennes du mot geek chez Shakespeare. Mais le stéréotype se fixe dans les années 1960-1970. Aux Etats-Unis, dans les cours de récréation, "geek" ou "nerd", c'était une insulte : quelqu'un de bon à l'école, apprécié des profs et pas forcément des autres élèves, qui avait du mal avec les filles... En France, c'est la figure du souffre-douleur. L'émergence de la culture geek est une épopée historique. Les années 1970 sont l'époque de la "lose", les années 1980-1990 celles de la contre-attaque.

La figure du "geek" s'est beaucoup construite par opposition au "jock", l'étudiant sportif et populaire. Mais sociologiquement, ce sont deux constructions très américaines ; sont-elles adaptées à l'europe et à la France ?

Quand le mot geek est importé en France, dans les années 2000, il donne une forme d'identité. Les "anciens" sont plus indifférents par rapport au mot. L'opposition avec les "jocks" a certes été fabriquée par la fiction, mais inspirée de ce qui se passait dans les écoles aux Etats-Unis. Ce qui est amusant, c'est que trente ou quarante ans après, l'insulte est devenue un compliment. Dans la silicon valley, beaucoup de gens se disent geek, c'est banal, évident, revendiqué. Etre geek est devenu cool, mais nerd a gardé un côté stigmate. Les geeks énervés par le phénomène de mode se revendiquent nerds. Ironie suprême : ils excluent à leur tour, ce qui est peut-être un peu triste.

Geek, nerd : faites-vous une différence entre ces deux termes ?

Ce sont deux synonymes que l'on distingue aujourd'hui de manière un peu artificielle. Comme souvent, les stéréotypes sont réappropriés et deviennent presque un étendard. Parmi les premières personnes qui ont vu le documentaire, beaucoup m'ont dit "je ne suis pas un geek mais je me suis un peu reconnu dedans". Se sentir un loser durant son adolescence, c'est une expérience assez courante.

En France tout particulièrement, le développement de la culture geek est aussi associé à un attrait pour la culture japonaise...

La culture geek, aux Etats-Unis et en Europe, se définit aussi dans un regard sur le japon. L'ethnologue Jason Tocci disait que le geek, qui se sent un peu différent des autres, se projette dans ce pays lointain – qui plus est perçu comme une menace aux Etats-Unis dans les années 1980. Le terme otaku est passé dans le langage courant en France, où il désigne un geek fan de culture japonaise ; au Japon, le stéréotype de l'otaku qui ne sort jamais de chez lui reste très fort, très négatif.

Vous considérez Star Wars comme la première étape de la reconnaissance des geeks. Pourquoi ce film en particulier ?

D'abord, parce que c'est un phénomène tellement massif que la science-fiction, ce "truc de geek", devient une forme de culture appréciée du grand public. Ensuite,Star Wars est fait par un geek : George Lucas. C'est aussi le début des figurines et du merchandising : la culture geek commence à devenir un énorme enjeu commercial, parce que les enfants du monde entier veulent leur figurine de Luke Skywalker.

La deuxième rupture, c'est l'apparition des nouvelles technologies de l'information : la culture geek est toujours à l'intersection de la technologie et des contenus. D'un seul coup, tout le monde a un ordinateur... et a besoin d'un geek. Ce dont on avait un peu peur, dont on se moquait, devient tellement massif que le regard change. Bill Gates le raconte très bien, et les deux aspects sont liés. Mark Zuckerberg a fait sa Bar Mitzvah à thème Star Wars !

Mark Zuckerberg est aussi le premier geek à devenir un héros hollywoodien, dans The social Network...

the social Network représente une forme d'aboutissement : dans les années 1980, les geeks étaient systématiquement des losers, des faire-valoir des héros, comme Screech dans Sauvé par le gong. Dans les années 2000 ils deviennent les héros de séries : Chuck, The IT crowd... Mais il y a toujours une ambivalence. La consécration arrive avec The Social Network : dans ce film, ce sont les "jocks" les losers, il y a une inversion complète des rôles. C'est toute la force de Hollywood : un studio prépare d'ailleurs un remake du film Revenge of the nerds,Revenge of the jocks.

Propos recueillis par Damien Leloup

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