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sammael world
26 juillet 2011

seconde peau.......

Cooper (1)

 

 

LA PSYCHOLOGIE DES VETEMENTS.

par Marc-Alain Descamps

 

       Chacun choisit soigneusement ses vêtements quand il les achète et quand il les met le matin. Et l’on voudrait savoir pourquoi. Que peut bien signifier ce que l’on met ? Ce comportement quotidien est en réalité bien complexe. De nombreux facteurs sont en jeu, qui portent à la fois sur la mode et sur le vêtement.

A.     les fonctions du vêtement

La question fondamentale sur les vêtements est :

pourquoi portons-nous des vêtements, alors que nous naissons tous totalement nus ?

Pour y répondre il faut faire appel aux quatre fonctions principales du vêtement :

la protection, la pudeur, la parure et la parole.

   1. La protection. Les vêtements nous protègent des éléments (froid, chaleur, pluie, vent, soleil...), des écorchures, des morsures des animaux ou des piqûres d’insectes, des coups des hommes à la guerre ou dans le sport, etc. Mais il ne faut jamais exagérer l’aspect fonctionnel des vêtements. L’utilité dans ce domaine n’explique finalement que bien peu de  choses. Si l’on ne tenait compte que du froid, les peuples méditerranéens vivraient nus 10 mois sur 12. D’ailleurs, au lieu de nous protéger du froid, les vêtements affaiblissent notre résistance et nous font perdre notre thermorégulation naturelle.

   2. La pudeur. En fait la sexualité est beaucoup plus importante pour rendre compte du vêtement, le premier et le dernier des vêtements étant toujours le cache-sexe. La pudeur a enclin les hommes (et encore plus les femmes) à cacher leurs organes de reproduction pour ne pas exciter des convoitises. Puis, par proximité des organes d’élimination, s’y est adjoint la honte. Aussi notre corps est-il coupé en deux : les parties nobles ou montrables et les "parties honteuses". Mais la pudeur n’est pas une réalité stable, car il n’y a rien de plus érotique que la pudeur. Aussi sa localisation varie selon les époques et les lieux. Le rôle des vêtements est finalement de cacher pour donner du prix en excitant le désir, et pouvoir après, dévoiler le caché dans un strip-tease sans fin. Ainsi on cache le décolleté par une modestie, que l’on fait ensuite en dentelles et l’on porte une mini-jupe mais en ayant bien soin de mettre dessous un collant qui cache ce que l’on vient de dévoiler.

3. La parure. Finalement la parure rend mieux compte du vêtement. Son origine doit en effet se trouver dans le trophée de chasse (la peau d’ours, de loup ou du lion de Némée pour Hercule) que le chasseur garde sur son dos pour perpétuer le souvenir de sa victoire. A ce premier rôle d’intimidation se superpose celui d’exaltation générale du corps. Il s’agit toujours de magnifier le corps humain, de grandir avec des talons ou des chapeaux, d’élargir les épaules des hommes puis maintenant des femmes, de resserrer la taille pour bien séparer le haut noble du bas ignoble. Par là ce sont tous les fantasmes collectifs et l’inconscient d’un groupe qui vont s’inscrire dans le corps (l’oeuf pour la "mama" méditerranéenne, la guêpe en 1900, l’araignée et l’échassier actuellement...).

4. La parole et le langage. Récemment les recherches sur le vêtement se sont centrées sur sa fonction de parole, de langage ou de communication. Le costume est un discours muet que nous tenons aux autres pour les avertir de ce que nous sommes et de ce que nous aimons. Et l’on va maintenant pouvoir en rendre compte. Le costume échappe enfin à la seule étude des historiens pour relever aussi de la psychologie, de la sociologie et de la linguistique. Bien des auteurs en particulier cherchent à calquer les découvertes de la linguistique pour les appliquer au vêtement.

B. la psychologie des costumes

    Le costume est une réalité psychosociale, mais sa partie sociale est plus importante que sa partie psychologique personnelle. Il est essentiellement fait pour traduire le sexe, l’âge et les classes sociales.

a) Le sexe. Tous les peuples de toutes les époques ont utilisé le vêtement pour indiquer le sexe de celui qui le porte. Les costumes masculins et féminins sont toujours et partout différents, mais la différence peut porter sur l’ensemble ou sur un détail. Encore faut-il savoir que ce qui peut paraître un détail pour des étrangers peut constituer l’essentiel à l’intérieur du groupe. C’est ainsi que dans l’antiquité les Grecs et les Romains portaient tous des toges, mais le plissé n’était pas le même pour les hommes et les femmes (ni les tissus, les couleurs, les formes et les noms). Et il en est encore de même pour les costumes musulmans traditionnels. Le plus important est dans l’intention du groupe humain qui peut vouloir insister sur la différence ou la réduire au minimum. Mais il en reste toujours au moins une. La mode de l’unisexe n’a jamais pu réussir à s’établir et même dans l’unisexe les vêtements des femmes ont toujours les boutonnières à gauche et ceux des hommes à droite. Avec l’uniformisation des rôles masculins et féminins dans nos sociétés, les différences, qui étaient maximales en 1900, ont tendance à se restreindre et les femmes ont pu accéder au droit de porter des pantalons (il est vrai différents de ceux des hommes).

   b). L’âge. Le code des âges est bien connu et chacun porte les habits de sa classe d’âge. Les différences sont devenues très importantes : costume des hommes, robes et tailleurs des femmes, jean tee-shirt et pull des jeunes. Même les magasins de vêtements se sont spécialisés, car les clientèles d’âges différents ne supportent plus de se mélanger. L’existence du code est confirmée par les franchissements. Certains adultes s’habillent comme des ados pour "faire jeune", alors que bien des jeunes portent des habits du troisième âge, avec les "chemises de papa", les lunettes de grand-mère et les divers styles rétros.

   c). Les classes sociales. Il existe de même un code des classes sociales. Ce que les autres cherchent à déterminer à travers nos habits c’est notre appartenance à l’une des mille nuances des classes sociales. Autrefois cela était beaucoup plus clair avec, par exemple, le bonnet des paysans, la casquette ouvrière, le chapeau d’artiste, le feutre souple des cols blancs, le chapeau à bord roulé des notables, le melon ou le gibus de la haute bourgeoisie. Maintenant les franchissements de code sont constants. : les intellectuels de gauche et les étudiants s’habillent comme des ouvriers pendant que les vendeurs et les employés cherchent à s’habiller comme des cadres...

  

d) Le personnel. Que reste-t-il donc de personnel dans le vêtement ? Bien peu de choses. Il n’y a pas de costume pour les qualités morales (honnête/voleur, loyal/menteur...), les types de personnalité (introverti/extraverti, angoissé/calme...), ni les traits de comportement (taciturne/bavard, végétarien/carnivore...). Finalement, d’après nos enquêtes, nous avons pu trouver le code vestimentaire de quelques dimensions : triste/gai (neuf, coloré, soigneusement choisi, bien coordonné), pudique/érotique (court, collant, fendu, transparent), doux/violent (cuir, clouté, bottes), décontracté/strict (brillant, cher, propre, raide, non-froissé). Pour le reste on en est réduit à acheter une panoplie (l’intégral ou le total-look) de la romantique, gitane, petite fille, sportive, BCBG, baba-cool, minette, new-wawe, fun... Mais tout ceci reste encore social.

C. le code des vêtements

    Enfin nous allons découvrir le code des vêtements, un code caché et secret que personne ne pouvait détailler, mais que tout le monde comprenait et suivait implicitement. Pour découvrir et mettre au point cette signification secrète des vêtements nous avons du partir, à l’inverse, des signifiants et non plus des signifiés.

Ainsi ont pu être établis dans le détail les codes des matériaux, des formes, des couleurs et des décors.

- Dans les matériaux, les significations de la fourrure ne sont pas celles du cuir, de la soie, de la laine, du lin, du coton ou des synthétiques. A quoi il faut ajouter celles des tissus (le jean, le velours, le vichy...) et des dessins (les raies, les pois, les fleurs, l’écossais...).

- Le code des formes est plus complexe à décrire. Le système des grands types de vêtements est assez simple (drapé/cousu, ouvert/fermé, collant/large...). Mais cela se complique beaucoup avec la multitude des pièces de vêtements. La découverte de leur sens s’est faite en comprenant que chacune correspond à une partie du corps. Elle en reçoit son sens selon son symbolisme et les apports de la psychanalyse. Par exemple, la différence entre une veste et un blouson, c’est bien que ce dernier, s’arrêtant à la taille, dévoile le bassin. Plus adapté à un travail manuel, il est aussi plus exhibitionniste.

- Le code des couleurs est mieux connu, bien que celui des vêtements ne soit pas celui des tableaux, des affiches ou des emballages. La signification des couleurs s’enrichit de toutes les données de l’histoire, de la culture, de la religion ou de la politique. Le vert est mal vu en Occident, où c’est la couleur du diable, alors que c’est la couleur du prophète en Islam. Le noir connote le deuil, l’habillé, l’érotique, l’anarchisme, la soutane des prêtres et le costume des portugaises; ce qui n’empêche pas bien des jeunes de l’aimer, sans admettre que la vie est trop courte pour s’habiller triste.

- A quoi il faut ajouter le code des décors qui apportent des variantes au système de base avec la doublure, les revers, les plis ou volants, les pattes, les poches et les systèmes de fermeture (cravates, ceintures, boutons, velcro ...). On peut donc juger de la complexité de toutes les combinaisons de ces différents codes pour pouvoir rendre compte de l’ensemble d’un seul costume.

   Ainsi s’est constituée la sémiologie du vêtement qui permet, grâce à la psychologie, de pouvoir déterminer le sens des diverses combinaisons personnelles. Car tout ce que nous faisons a un sens, même si nous n’en sommes pas pleinement conscient en le faisant. On arrive de plus à comprendre le sens même de l’histoire en étudiant l’évolution des formes des vêtements. La mode n’est donc pas une futilité. Sous une  apparence gratuite le vêtement et la mode sont déterminés par l’évolution des forces sociales et des techniques.

   On peut donc tout apprendre dans le vêtement : l’histoire, la géographie, l’art, la politique, les échanges commerciaux, les langues, les religions, la littérature, la philosophie et, bien entendu, la psychologie des hommes, des femmes et des enfants …

 

Une bibliographie se trouve dans  Marc-alain Descamps, Psychosociologie de la mode, PUF. 1979

 

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20 juillet 2011

l'herbe des champs......

 

Bob a dit <<De la drogue? Comment ça de la drogue? Je n'ai jamais pris d'ecstasy ni quoi que ce soit! J'ai simplement fumé de la Ganja. Certains pensent que c'est une forme de drogue. Mais non. C'est tout simplement un précepte de la religion rastafari. Il est dit dans la Genèse: «tu mangeras l'herbe des champs». Mais nous les rastafari préférons la fumer. Elle nous procure une sensation de pureté. C'est une pratique religieuse comme une autre. Les Catholiques boivent bien de l'alcool pendant la Messe!>>



"L'herbe est une plante, les herbes sont bonnes pour tout. Pourquoi ces gens qui veulent tant faire le bien de tous, qui porte le nom de gouvernement ou autre, pourquoi ils disent que vous ne devez pas utiliser l'herbe ? Ils disent "non, vous ne devez pas l'utiliser parce que ça vous fait vous rebeller" Contre quoi ? Contre ceux qui n'ont besoin de rien, ils ont des bien matériels et ils veulent captiver ton esprit pour finir par dire : "Tu dois travailler et après on te mettra à la retraite" et ils gardent tout. Alors, avec l'herbe au lieu de vouloir travailler pour un patron, tu veux être comme lui. Pas pour dire que "Je veux le contrôle" mais dans le sens "Pourquoi je devrais me soumettre à ça ?" ça veut dire que tu es ton propre chef. Pour la première fois fais ce que tu veux, peu importe ce que disent les autres. "

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19 mai 2011

a voir.........

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a voir pour les amoureux du style:

http://www.thedandyproject.com/

 

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19 mars 2011

DANDY

 

Un dandy est un homme se voulant élégant et raffiné, se réclamant dudandysme, courant de mode et de société venant de l'Angleterre de la fin duxviiie siècle, mais aussi d'une affectation de l'esprit et de l'impertinence.

Sommaire

Description

C'est de l'élégance, de la finesse et de l'originalité. Le style dandy s'attache principalement au langage et à la tenue vestimentaire.

La définition d'un dandy pourrait être « homme à l'allure précieuse, originale et recherchée, et au langage choisi ». Mais le dandysme n'est pas une esthétique fixée : il peut être protéiforme, et le dandysme d'un George Brummell, souvent considéré comme originel, est très différent du dandysme d'un Oscar Wilde.

Le dandysme constitue aussi une métaphysique, un rapport particulier à la question de l'être et du paraître, ainsi qu'à la modernité. De nombreux auteurs, la plupart du temps eux-mêmes des dandys, se sont interrogés sur son sens. Ainsi, dans un contexte de décadence, Baudelaire identifie le dandysme comme le « dernier acte d'héroïsme » possible, recherche de distinction et de noblesse, d'une aristeia de l'apparence :

« Le Dandy doit aspirer à être sublime sans interruption, il doit vivre et dormir devant un miroir »

— Baudelaire, Mon cœur mis à nu

Identifié, souvent à tort, comme une simple frivolité, le dandysme au contraire se pense par ses pratiquants, surtout au xixe siècle, comme une ascèse et une discipline extrêmement rigide et exigeante. Ainsi, toujours selon Baudelaire :

« Le mot dandy implique une quintessence de caractère et une intelligence subtile de tout le mécanisme moral de ce monde. »

— Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne

Le dandysme constitue un jeu permanent sur l'être et le paraître qui explique que l'on ne distingue pas véritablement les dandys de chair de ceux de papier.

Dans les romans de La Comédie humaineHonoré de Balzac a présenté toute la gamme des dandies dont les représentants les plus caractéristiques sont Henri de Marsay:

« le jeune comte entra vigoureusement dans le sentier périlleux et coûteux du dandysme. Il eut cinq chevaux, il fut modéré : de Marsay en avait quatorze1, »

ou Maxime de Trailles : « Monsieur de Trailles, la fleur du dandysme de ce temps là, jouissait d'une immense réputation. »

Dans la vie réelle, Balzac avait une grande admiration pour le dandy-lion Charles Lautour-Mézeray, journaliste et mondain3, qui lui a servi de modèle pour le personnage d'Émile Blondet4. Il a en outre donné de nombreuses interprétations sur la notion de dandysme dans des articles parus dans La Mode (revue française) et dans son Traité de la vie élégante1830.

Le dandy le plus connu était George Brummell dit le « beau Brummell ». C'était un courtisan qui fréquentait la cour d'Angleterre. Ses héritiers sont notamment Barbey d'AurevillyOscar WildeRobert de MontesquiouPaul Bourget ou Baudelaire en France. Le dandysme suppose un caractère personnel très altier, élégant, raffiné, voire arrogant, et il est une idée très répandue d'estimer que le dandysme perdure de nos jours par cette forme. Mais il s'agit là plus de l’« esprit dandy » que de dandysme véritable, le mouvement comprenant en sa définition même son caractère autodestructeur :

« Le dandysme est un soleil couchant; comme l’astre qui décline, il est superbe, sans chaleur et plein de mélancolie. Mais, hélas! la marée montante de la démocratie, qui envahit tout et qui nivelle tout, noie jour à jour ces derniers représentants de l’orgueil humain et verse des flots d’oubli sur les traces de ces prodigieux mirmidons.5 »
« Aucun crime n'est vulgaire, mais la vulgarité est un crime. La vulgarité, c'est ce que font les autres. »

— Oscar Wilde

« Mon parnasse est muse, ni remords ni espoir

Ton cœur, mon royaume, caché d'un voile

Mon vague imaginaire, mon art dérisoire

Je n'en suis que le prince, ô vent glacial!


Règne soumis à la régence des étoiles

De peine voulue mon cyrénaïsme

De plume polaire est notre amour idéal

L'hérésie abuse le symbolisme


Maudit par la destinée, béni par le ciel

Cosmos qui coule je suis ton féal


Le beau est mort entre mes doigts

Mais je ne vis que pour l'art

C'est lui qui demeure sans moi,

Dans mon dandysme exutoire »

— Jacques Farran


Souvent assimilé au snobisme, le dandysme en est pourtant différent puisque le snob et le dandy hiérarchisent de façon inverse la personne et le groupe.

Notes et références

  1.  Le Cabinet des AntiquesFurne, vol.7, p.172
  2.  Gobseck, édition du Furne, vol.2, p.394
  3.  André Maurois, Prométhée ou la vie de Balzac, Hachette, 1965, p.90,191,533
  4.  Anne-Marie Meininger et Pierre Citron, Index des personnages fictifs de la Comédie humaine, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1981, t. XII, p.1186 (ISBN 2070108775)
  5.  BAUDELAIRE, Charles, "Le Dandy", Le Peintre de la vie moderne, 1863.
  6.  in Histoire du snobismeFrédéric Rouvillois, 2008

Kierkegaard, le journal du séducteur

 

 

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5 février 2011

TSANTSAS

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Les têtes réduites ou tsantzas sont des objets rituels jadis réalisés à partir de têtes humaines par des tribus d'Amérique du Sud tels que les Shuars.

Origine

Les "tsantzas" sont apparues il y a plusieurs milliers d'années. La réalisation d'unetsantza est une quête spirituelle réalisée dans la célébration d'un rituel immuable. C'est un acte guidé par une certaine notion de justice, mais surtout de vengeance. Ainsi, pour se venger d'un homme, on va se battre avec lui, puis, une fois l'adversaire tué, on va le décapiter et faire réduire sa tête tout en prenant soin de bien emprisonner son esprit vengeur (« Muisak ») à l'intérieur. Parfois, afin d'éviter de futurs problèmes, la famille de l'adversaire est également assassinée et leurs têtes sont réduites. Ces pratiques tribales violentes ont effrayé les conquistadors lors de leur découverte desJivaros1. De violents affrontements ont eu lieu entre les Shuars et les Espagnols. Les dizaines de milliers de têtes espagnoles qui furent réduites en un demi-siècle de combats contribuèrent à alimenter la légende des « sanguinaires» Shuars réducteurs de têtes.

Les Shuars croient à trois esprits fondamentaux :

§                     Arutam - littéralement « vision » ou « pouvoir », il protège les hommes d'une mort violente mais également d'assurer leur survie.

§                     Muisak - l'esprit vengeur, il fait surface lorsque une personne protégée par Arutamest assassinée.

§                     Wakani - inné à chaque humain, c'est lui qui survit après la mort sous forme de « vapeur ».


Fabrication

Tête réduite des Shuars du Perou (Museo de AméricaMadrid).

La fabrication d'une tsantsa est une tâche qui prend près d'une semaine.

Immédiatement après l'assassinat, la victime est soigneusement décapitée selon une technique particulière. Le tueur découpe la peau autour du buste de la victime avant de détacher la tête et de s'enfuir avec son trophée. Une fois en sécurité, l'assassin entaille la nuque et le cou de la tête afin de pouvoir facilement en ôter le crâne. Ce dernier est ensuite jeté à la rivière en tant que présent à la divinité pani, le dieu anaconda.

Les yeux sont ensuite soigneusement cousus et la bouche est sertie à l'aide de pitons en bois, les chountas. Le « masque » est mis à tremper dans une décoction de baies pendant près de deux heures, une prolongation de ce traitement pouvant entraîner la chute des cheveux. À l'issue de cette étape, la peau est sombre et caoutchouteuse, et la taille de la tête a été réduite au tiers de sa taille originelle.

Le « masque » est retourné afin de pouvoir racler au couteau la chair encore éventuellement accrochée à la peau, puis il est remis à l'endroit et les incisions du cou sont cousues.

L'opération finale consiste à remplir la tsantsa avec des pierres chauffées. Les pierres sont insérées une à une par le cou et continuellement tournées afin d'éviter les brûlures. Lorsque l'on ne peut plus insérer la moindre pierre, du sable chaud est introduit afin de combler les espaces (cette étape devra être reconduite régulièrement). Du charbon est frotté sur l'extérieur du visage afin de lui conférer une certaine étanchéité et de pouvoir modeler la peau. Les cheveux superflus sont brûlés et latsantsa est accrochée au-dessus d'un feu afin qu'elle soit solidifiée et noircie. Une machette chauffée est appliquée sur les lèvres pour les sécher, après quoi les troischountas sont retirés et remplacés par des ficelles.

Lors du dernier jour de la semaine de fabrication, la tête est emportée en forêt pour subir sa première célébration : un trou est effectué sur le haut du crâne, un doublekamai est inséré et fixé à un chounta à l'intérieur de la tête, ainsi, la tsantsa pourra être portée autour du cou du guerrier, lui apportant son pouvoir personnel, son arutam.

Une attention particulière est portée à garder l'apparence originelle du visage de la victime. Les coutures ont pour but d'emprisonner le « Muisak » à l'intérieur de latsantsa.


Commerce

Lorsque les affrontements avec les Espagnols cessèrent, de nombreux occidentaux comprirent qu'ils pourraient tirer profit de ces objets tribaux. Une quantité extraordinaire de fausses tsantzas furent mises sur le marché. Ces têtes réduites étaient réalisées principalement à partir de singes, mais également à partir de têtes humaines. De nombreux meurtres ont en effet été commis afin de réaliser des tsantzas

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6 septembre 2010

cauchemar

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Le mot cauchemar est un terme générique utilisé de façon variable pour désigner des manifestations anxieuses et angoissantes survenant pendant le sommeil.

 

Sommaire

Étymologie 

Française 

Cauchemar dérive de cauquemaire, utilisé au xve siècle. Il est formé de caucher et de mare.

  • Caucher dérive de cauchier (presser), qui est un probable croisement entre l'ancien françaichauchier (fouler, presserxiie siècle, le latin calcare (talonner, fouler aux pieds), et la forme picarde cauquer.
  • Mare provient du mot picard mare, emprunté au moyen néerlandais mare (fantôme), avec le même sens en allemand et en anglais. La mara ou mare est un type de spectre femelle malveillant dans le folklore scandinave.

Cauchemar a eu une orthographe différente en fonction des localités et des époques : cochemare1694, cochemar 1718, cauchemarecauquemare (Picardie), cauquevieille (Lyon), chauchi-vieilli(Isère), chauche-vieille (Rhône), chaouche-vielio (Languedoc), cauquemarequauquemaire(sorcière), cochemar.

La définition et les caractéristiques communes du cauchemar, en fonction des sources et des époques est celle d'une oppression sur la poitrine ou l'estomac, pendant le sommeil, et parfois, par extension, un rêve pénible ou effrayant. Les caractères divergents et l'attribution des causes du cauchemar sont étudiés plus bas.

Incubus

En latin, il n'existe pas de terme pour désigner le cauchemar. Par contre, il existe le terme incubusqui se traduit par couché sur. Le mot incube apparaît vers 1372 (selon Bloch et WartburgDictionnaire étymologique de la langue française - Paris 1932).

Le terme incube est à l'origine utilisé spécialement par le monde ecclésiastique. Il désigne un démon de sexe masculin qui a des relations sexuelles avec les femmes endormies. Cette notion est en rapport direct avec Genèse VI, 1-14, dont Saint Augustin a fait un commentaire dans La Cité de Dieu. Ce commentaire a d'ailleurs été repris pendant l'inquisition par Henri Institoris et Jacques Sprenger dans le Malleus Maleficarum, traité d'Inquisition en 1486. Ce thème de l'enfantement à partir des anges ou des démons n'est pas le seul : il en est question dans Le livre d'Enoch - chapître 7, dans l'ouvrage de Balthazar Bekker en 1694. L'incube a une connotation sexuelle très forte. Mais le produit de ces unions est tout aussi important.

Des considérations théologiques, le terme incube est passé dans le domaine médical progressivement, pour désigner le cauchemar :

« CAUCHEMAR. s. m. Nom que donne le peuple à une certaine maladie ou oppression d'estomac, qui fait croire à ceux qui dorment que quelqu'un est couché sur eux : ce que les ignorans croyent estre causé par le malin Esprit. En Latin Incubus, Ephialtis en Grec. In Dictionnaire Furetière édition 1690. »

Et encore Martín Antonio Delrío au xve siècle, en parlant des incubes, succubes et démons :

« L'oppression toutefois, et quasi-suffocation ne provient pas toujours de la part de ces démons, aussi bien souvent d'une espèce de maladie mélancolique que les Flamands appellent Mare, les Français Coquemare et les Grecs Ephialtes, lorsque le malade a opinion d'un pesant fardeau sur la poitrine, ou d'un Démon qui veut faire force à sa pudicité. »

De même pour Ambroise Paré.C'est Dubosquet Louis en 1815 qui va s'attacher, dans sa thèse de médecine, à faire remplacer le terme incubus par cauchemar, et à sa suite, les dictionnaires de médecine utiliseront cauchemar.

Éphialtès 

L'étymologie d'Éphialtès est donc se jeter, sur. Mais à la différence d'incubus, elle exprime plus l'agression violente. Ceci est d'ailleurs conforme à la mythologie grecque.Hippocrate employait le terme Éphialtès (du grec : se jeter , sur) pour désigner le cauchemar. C'est lui qui décrit le premier les manifestations du cauchemar. Ce terme est désigné dans le sens d'une description médicale plutôt que dans celle d'une superstition. Il sera repris plus tard par le médecin Oribase (ive siècle), par Macrobe (400), par Caelius Aurélianus, puis le médecin Aétius (ve siècle) et Paul d'Égine. Les descriptions du cauchemar par les Grecs ne sont que des traductions de ce qui a été décrit sous le terme Éphialtès. Il est abandonné en France au Moyen Âge, bien que, curieusement, François Boissier de Sauvages de Lacroix, médecin et botaniste français né le 12 mai 1706, utilise le terme Éphialtès pour désigner le cauchemar. Ce terme restera par contre dans la littérature germanique jusqu'à la fin du xixe siècle.

Il existe deux Géants du nom d'Éphialtès :

  • celui de 1re génération : Éphialtès fils de GaïaRobert Graves raconte que pour venir à bout des Géants, il existe une plante nommée ephialtion (qu'aucun mythographe ne cite) qui est un spécifique des cauchemars. Dans la légende de la mort de Porphyrion et de Pallas, deux autres Géants de première génération, c'est toujours Héraclès, qui donne le coup fatal. Selon Graves, c'est donc Héraclès qu'on invoque lorsqu'on est en proie aux cauchemars érotiques qui vous surprennent à n'importe quelle heure de la journée.
  • celui appartenant aux Géants tardifs : Éphialtès fils de Poséidon, frère jumeau et aîné d'Otos. Toujours pour Robert Graves, les frères jumeaux, fils de "l'aire à battre le blé" par "celle qui donne la vigueur aux organes sexuels", personnifient les Incubes ou cauchemars érotiques qui étouffent les femmes et leur font outrage pendant leur sommeil.

Qu'est-ce qu'un cauchemar ?

Le cauchemar est un rêve à forte charge anxieuse qui survient pendant le sommeil paradoxal et qui se différencie des terreurs nocturnes qui surviennent pendant le sommeil lent profond.

Historique des notions médicales

Symptomatologie générale 

L'objet de ce chapitre n'est pas de recenser l'ensemble des conceptions du cauchemar au cours de l'histoire, mais au contraire d'en dégager les points communs et les principales divergences. Et il existe bien un point commun à travers toutes les descriptions du cauchemar. Il s'agit des notions de suffocationétat lourdpoids lourdserrementoppressionforte pression. L'endroit du corps d'où originent ces sensations sont la poitrine et l'estomac.

Les auteurs sont : Thémison de Laodicée, Soranos, Oribase ive siècle, Aétius ve siècle, Paul d'Egine, des médecins Arabes, Ambroise Paré, Schenck 1665, François Boissier de Sauvages de Lacroix fin xviiie siècle, Dubosquet Louis 1815, Macario 1857, Ernest Jones 1931, Guy Hanon 1987.

Des notions assez souvent retrouvées sont la perte de la parole, de la voiximpossibilité d'émettre un son. Mais aussi l'inverse : pousse des cris de terreursvocalisation.
Parmi les notions divergentes, deux sont à retenir, car elles sont encore sources de discussion :

  • les notions de paralysie et immobilité du corps (Aétius), sentiments d'impuissance (Macario), Ernest Jones.
  • les notions inverses : mouvements convulsifs (Boissier de Sauvages), somnambulisme avec Cullen 1712-1790, agitation avec Dubosquet, participation motrice avec Guy Hanon.

On retrouve des descriptions plus rares comme : asthme nocturne (Galien), dyspnée (Boissier de Sauvages), hallucinations avec Fodéré 1817, rêve pénible (Baillarger Jules).

les causes

Pour Oribase et certains médecins arabes9, le cauchemar est une forme nocturne d'épilepsie.

  • Pour Galien, il s'agit d'un asthme nocturne.
  • Pour Boissier de Sauvages, l'angoisse du cauchemar n'est que la conséquence d'un obstacle à la respiration, ceci générant l'idée d'un démon malfaisant ... Il recense six types de cauchemars : Ephialte pléthoriqueEphialte stomachique ou épilepsie nocturne dans lesquelles les craintes du jour reviennent la nuit, Ephialte causé par l'hydrocéphaleEphialte vermineux,Ephialte tertianaria tient de l'incube et de l'épilepsie, Ephialte hypocondriaque .
  • Pour Dubosquet, il s'agit d'une maladie nerveuse.
  • Pour Baillarger Jules, le cauchemar est un rêve pénible.
  • Pour Auguste Motet 1867, il y a deux types de cauchemar : l'un en rapport avec la traduction des sensations corporelles de l'organisme pendant le sommeil en idées, l'autre en rapport avecl'exercice de la mémoire et de l'imagination.
  • Pour Ernest Jones, le cauchemar exprime un conflit psychique relatif à un désir incestueux.
  • Pour Michel Collée 1987, le cauchemar est en rapport avec une souffrance in-nomable d'une altérité que le désir suscite, une image qui signe l'inaccessibilité de la parole à en rendre compte.
  • Pour Guy Hanon 1987, le cauchemar est une attaque d'angoisse massive avec vocalisation.

xxe et xxie siècles

Généralités

Comme le laisse suggérer l'historique des données médicales sur le cauchemar, la situation en 2006 est tout aussi floue sur la symptomatologie et l'origine des cauchemars.

  • Mauvais rêve
Dans le langage populaire, le cauchemar est un mauvais rêve. Il en est de même au sein de la psychiatrie, notamment Jean-Michel Gaillard, docteur en médecine, spécialiste en psychiatrie, à Genève. Le DSM-IV dans sa classification des troubles du sommeil oppose le cauchemar aux terreurs nocturnes. Dans ce cadre, le cauchemar est bien loin des descriptions historiques et ne colle plus avec les descriptions initiales (suffocationétat lourd,poids lourdserrementoppressionforte pression). Il y a comme une nouvelle mutation de la définition du cauchemar.
  • Cauquemare
C'est la psychanalyse qui respecte le plus l'étymologie et les descriptions initiales du cauchemar. Les artistes aussi ont représenté le thème du cauchemar sous une forme assez proche
  • Terreur nocturne et paralysie du sommeil
Surtout, actuellement, deux nouvelles entités se sont fait jour :
  • celle de terreur nocturne : la terreur nocturne est particulière du fait qu'elle est innomable. Le rêveur ne s'en souvient pas lors de son réveil. Elle ne semble pas s'intégrer dans une histoire et elle est plutôt faite de caractéristiques physiques telles que la transpiration, la tachycardie, difficultés à respirer, sensation de poids sur la poitrine, obnubilation, agitation, cris. Le retour à la conscience normale est plus ou moins long, et le rêveur peut se rendormir comme si de rien n'était.
  • celle de paralysie du sommeil : la paralysie du sommeil est définie comme étant un éveil (réel ou halluciné) pendant la période physiologique de paralysie du sommeil. Elle génère des symptômes d'angoisse, de peurs, du même ordre que ceux des terreurs nocturnes, mais il existe en plus des phénomènes hallucinatoires connexes non décrits dans les terreurs nocturnes (du fait de l'amnésie de ces dernières).
Ces deux entités ont, nous l'avons vu, un rapport certain avec le cauchemar. Mais ne peuvent, chacune séparément, définir le cauchemar dans son intégralité. Amédée Dechambre (médecin français, 1812-1886) a vu fort juste lorsqu'il a écrit : on donne une valeur nosologique à un symptôme arbitrairement distrait d'un ensemble fort variable de phénomènes morbides en parlant du cauchemar.

En conclusion, tout se passe comme si le cauchemar pouvait regrouper sous son terme des notions aussi différentes que mauvais rêve, terreurs nocturnes et paralysie du sommeil.

Les causes des cauchemars

  • Le syndrome de stress post-traumatique : la personne revit l'évènement traumatisant sous forme de reviviscences, dont elle n'arrive pas à se défaire.
  • Le sevrage ou la réduction de la consommation d'alcool ou de benzodiazépines
  • certains médicaments comme les hypnotiques, les bêta-bloquants.
  • Le stress résultant d'une situation identifiable de la vie actuelle du rêveur qui suscite également des angoisses dans la vie éveillé, comme des examens, la peur d'être puni, une faute commise, etc.
  • D'autres cauchemars apparaissent sans cause apparente et ne s'expliquent pas non plus pour le rêveur. Ils sont l'expression de conflits internes importants qui ont été refoulés, comme par exemple des désirs et besoins individuels et les obligations et devoirs imposés ou encore, les conflits entre des buts contradictoires entre lesquels l'individu n'arrive pas à choisir.

La structure du cauchemar chez l'enfant

Il s’agit ici de considérer la structure de base du cauchemar chez l'enfant et d’en étudier ses quatre parties.

Il faut remarquer que même si certains constituants ne sont pas tous présents dans le cauchemar, ils se succèdent toujours ainsi, et s’ordonnent donc selon une structure hiérarchique : il est manifeste que la sphère d’action de l’agresseur est de plus en plus menaçante et lourde de conséquences, on parle alors de gradient d’intensité et la marge de manœuvre de la victime est de plus en plus réduite.

Si les neuf constituants n’apparaissent pas tous, c’est que bien souvent les cauchemars sont des récits lacunaires.Ces lacunes s’expliquent par des omissions (ou dégradations du souvenir) qui ont été refoulées, ou par des oublis tout simplement.

Généralement, les éléments initiaux et finaux sont conservés ce qui est explicable par la similitude entre différentes variantes, les séries (ou constituants intermédiaires) sont alors "effacées" ; on peut expliquer également l’absence de constituants par le fait que le sujet se réveille avant la fin.
Il faut également prendre en compte les actions défensives de la victime cherchant à contrecarrer les actions de l’agresseur.

Constituants initiaux du cauchemar

La première scène indique souvent comment victime et agresseur se rencontrent. Ce constituant est un constituant indispensable à l’intelligibilité du récit : irruption, approche, poursuite ou capture ?

  • L’agresseur fait irruption chez la victime : Il faut faire remarquer d’emblée que ce constituant peut être nuancé. Il peut y avoir un seul agresseur face à plusieurs victimes (généralement cela est dû à une dissociation du sujet en plusieurs personnes), voir plusieurs agresseurs face à une seule et même victime. Dans ce cas, l’agresseur est dissocié. Généralement, l’agresseur fait irruption dans un lieu connu de la victime (sa maison) ; ou alors, la victime entre directement dans le repaire de l’agresseur. L’agresseur peut faire irruption sous une forme déguisée afin de détourner l’attention de la victime ou d’endormir sa méfiance. Par ailleurs, autre subterfuge, l’agresseur peut se cacher pour mieux préparer sa mise en scène.
  • L’agresseur s’approche de la victime : En plus du fait que l’agresseur s’approche, il faut signaler la possibilité que la victime puisse chuter, ce qui facilite le jeu de l’agresseur. La chute symbolise généralement l’impuissance de la victime à pouvoir s’opposer à l’agresseur d’où la présence d’un obstacle favorisant la stratégie de l’agresseur.
  • L’agresseur poursuit la victime : Il est à faire remarquer que lorsque l’agresseur fait irruption, le constituant de la poursuite n’est presque jamais présent dans le récit.

Déplacements de la victime par l’agresseur

  • L’agresseur s’empare de la victime (ou d’un objet de valeur personnifié) : on peut indiquer que si le récit met en scène une capture de la victime par l’agresseur, il y a nécessairement une approche de l’agresseur. Généralement, et d’après diverses études, le motif de l’enlèvement se trouve dans les récits où l’agresseur a fait irruption chez la victime.
  • L’agresseur transporte la victime dans son repaire : il existe une variante assez répandue où la victime va sans le savoir dans le repaire même de l’agresseur : cela peut être une forêt, ou tout au moins dans un lieu sombre. Dans ce cas de figure, la victime s’expose de sa propre initiative au danger.
  • La victime se libère : pour que la victime se libère, il faut nécessairement qu’il y ait eu capture. Il peut intervenir un auxiliaire, mais, cela peut ne pas se concrétiser et la victime peut tenter de se libérer. Par ailleurs, il faut rechercher comment la victime arrive à se libérer, y a-t-il confrontation directe ou indirecte avec l’agresseur ? Y a-t-il emploi de ruse et donc, interventions discrètes ?
  • L’apparition d’auxiliaires : outre le fait qu’un auxiliaire peut aider l’agresseur, il joue un rôle mineur dans le déroulement du récit et généralement, son apparition est tardive : un auxiliaire intervient toujours après la capture ou une libération momentanée de la victime suite à une capture, une explicitation du danger : nœud fondamental du récit. Une personne secondaire apparaissant au début du récit sera soit considérée comme une autre victime, soit comme un autre agresseur : il faut nuancer toutefois ce propos dans la mesure où un auxiliaire jouant le rôle de victime peut devenir agresseur et vice et versa, ou encore un auxiliaire peut avoir une rôle neutre, soit qu’il ne répond pas à l’appel de la victime, soit qu’il ne soit pas en capacité de l’aider.

L’agresseur réduit la victime à l’impuissance
Cela peut passer par l’enfermement de la victime dans une cave, symbolisant la prison et donc la réduisant à l’impuissance. On peut également considérer cet enfermement comme un sévice mineur, mais plus forte que si l’agresseur impose à la victime de retirer ses habits (symbole de l’intégrité de la personne qui s’amenuise, mais cela est moins dévastateur que d’être emprisonné). Enfin, plus la victime est réduite à l’impuissance, plus elle sent augmenter sa détresse, ce qui intensifie corrélativement la tension du cauchemar.

Menaces / sévices / mise à mort
Le lieu où cela se produit est communément appelé la scène principale d’agression, cela ne désigne pas nécessairement le repaire de l’agresseur, car dans certains récits, l’agresseur ne transporte pas sa victime dans son repaire, et cela peut se dérouler au domicile de la victime. La portée symbolique de la scène d’agression est très symbolique lorsque le récit n’est pas trop lacunaire.

  • L’agresseur inflige des sévices à la victime : avant que l’agresseur mette à mort la victime, généralement, des menaces verbales sont proférées, voire plus grave l’agresseur exécute des tentatives de meurtre non achevées.
  • L’agresseur met à mort la victime : ce constituant est à nuancer. En effet, la mise à mort peut ne pas clore le récit et l’agresseur peut continuer en capturant une autre victime. On dit qu’il y a amplification dramatique du récit.

L'imaginaire du cauchemar

Deux thèmes s'entremêlent de différentes façons autour de la notion de cauchemar : celui de la mort et celui de la chevauchée infernale. Ces deux thématiques, illustrées la plupart du temps par le sentiment d'oppression sur la poitrine, sont ressenties par le rêveur comme une association d'une angoisse extrême et d'un sentiment d'impuissance, à l'égard d'un Autre qui a pris le sujet comme "monture" : le rêveur est pris au piège par un destin qu'il ne contrôle plus, et qui est aux mains d'un Autre que lui.

La mara scandinave

On attribuait à la mara la capacité de se dématérialiser – d'être capable de passer par une serrure ou sous une porte – et elle s'asseyait sur le buste de sa victime endormie, provoquant ainsi ses cauchemars. Le poids de la mara pouvait aussi provoquer des difficultés à respirer, voire des suffocations.

On croyait également que la mara pouvait chevaucher, laissant les montures exténuées et couvertes de sueur au matin. Parfois elle tirait les cheveux de la bête ou de sa victime humaine, provoquant calvities et démangeaisons. Même les arbres pouvaient souffrir des mara, qui leur arrachaient les branches et les feuilles, ce qui rappelle la légende slave des roussalkas, démons vivant dans les arbres. D'ailleurs, les petits sapins côtiers sont connus en Suède sous le nom de « martallar » (sapins de mare).

Il est raconté, dans l’Ynglinga saga de Snorri Sturluson :

« Il fut pris d'une torpeur et se coucha pour dormir, mais il n'y avait pas longtemps qu'il dormait, qu'il hurla et dit que la mara le foulait aux pieds. Ses hommes se précipitèrent pour l'aider ; mais lorsqu'ils lui saisissaient la tête, elle lui foulait les jambes de telle sorte qu'elles se brisaient presque, et lorsqu'ils lui saisissaient les jambes, elle lui étouffait la tête, si bien qu'il en mourut. »

Et encore, à propos d'un livre suédois du xvie siècle :

« Celui qui dort sur le dos est parfois étouffé par des esprits dans l'air qui le harassent de toutes sortes d'attaques et de tyrannies et lui détériorent si brutalement le sang que l'homme gît fort épuisé, ne parvient pas à se ressaisir et pense que c'est la mara qui est en train de le chevaucher. »

Chevauchée et morsure

Dans la tradition scandinave, la chevauchée s'applique par tradition aux sorcières, notamment la mara, être féminin qui chevauche les gens ou animaux pendant leur sommeil (à l'instar du succube).
Dans la mythologie scandinave, profondemment magique, la chevauchée s'inscrit dans le langage : chevaucher le soir (kveldrídha), chevaucher dans le noir (túnrídha), chevaucher sous forme de troll (trollrídha), rídha signifiant chevaucher. Selon Régis Boyer, par chevauchée il faut entendre capter et domestiquer le Hugr à des fins hostiles. Or le Hugr est un principe actif universel qui peut parfois être capté par des gens malveillants pour produire des effets nuisibles. Le Hugr se matérialise alors à des fins utilitaires et provoque notamment des maladies, riska, contraction de ridska (de ridha, chevaucher).

Sur le verbe bíta, mordre, repose toute une série d'évocation magique : hugbit (substantif norvégien : morsure du hugr), nábítur (islandais : morsure qu'inflige un cadavre), tussebit(norvégien : morsure d'une créature gigantesque), torsabit (suédois : idem).

Ces considérations sont illustrées dans une formule de sorcellerie attribuée à Ragnhild Tregagas datant de 1325 :

Je te dépêche l'esprit de la baguette magique que je chevauche (ritt ek) ; que l'un te morde(biti) dans le dos, que le second te morde (biti) à la poitrine, que le troisième te tourne vers la haine et l'envie.

Les doigts de la délivrance

Selon des croyances antiques (Pline l'Ancien Histoire naturelle, Ovide Les métamorphoses) joindre les mains ou serrer les poings est un moyen efficace pour se prémunir contre la magie. Caelius Aurelianus rapporte des traditions populaires selon lesquelles attraper l'Alpe par les doigts le fait fuir, conceptions qu'on retrouve aussi en Allemagne et chez les Slaves, selon Wuttke et Laistner :

celui sur qui pèse la Murawa doit lui toucher le petit orteil pour qu’elle le quitte aussitôt
il faut clouer le doigt de la Pschezpolnica, alors elle s’enfuit
il faut attraper la Murawa ou la sorcière responsable de cauchemars par les doigts, ou les tenir par les cheveux

Selon Wilhelm Rosher toutes ces suppositions sont bien entendu basées sur l’expérience que le cauchemar disparaît aussitôt que le dormeur récupère, par un petit mouvement des extrémités (doigts et orteils), sa capacité de bouger11.

L'imaginaire dans le cauchemar d'enfant

On pourrait classer certains personnages en se fondant sur leur seule identité, mais c’est un critère empirique dont il ne faut pas abuser et qui est toujours secondaire par rapport à la détermination morphologique des types, c’est-à-dire à leur classification en fonction des actions qu’ils exécutent.
Caractéristique majeure des cauchemars des enfants, nombre de personnages se répartissent dans deux des types et certains dans les trois. Ainsi, les parents, et autres membres de la famille, bien qu’ils soient le plus souvent considérés comme des victimes, font souvent fonction d’auxiliaire, avec une fréquence relative et des types d’interventions qui sont comme la marque de leur puissance respective. De surcroît, bien que dans un très petit nombre de cas, le père ou la mère remplissent les fonctions de l’agresseur, il faut le mentionner. Cette labilité des éléments du cauchemar de l’enfant, dont on trouvera plus loin d’autres exemples (changements de rôles, suites d’actions qui s’opposent ou se contredisent) pourra être mise en rapport avec la nature de l’angoisse et de son expression dans le cauchemar de l’enfant, qui témoigne d’un monde mouvant et peu sûr et dont différents éléments peuvent revêtir des valeurs opposées. Outre la mise en évidence d’éléments du cauchemar, sur lesquels l’interprétation de leur contenu pourra s’appuyer, la typologie des personnages suggère une classification des récits en fonction des types de chacun d’entre eux actualise.

Les animaux
Cela peut être des éléphants, tigres, panthères, loups, ours, araignées, guêpes, renards, lézards, poissons, piranhas, requins, phoques, baleines, hippopotames, toucans, grenouilles, vers de terre, souris, autruche, chiens, chats, vache, lion, taureau, crocodiles, etc.
Un animal peut être méchant et montrer ses dents, ouvrir sa gueule ou tout simplement menacer la victime. Généralement, les animaux n’effectuent pas de capture, d’enlèvement ou encore ne transportent pas la victime dans leur repaire.
Généralement, les animaux sont des auxiliaires. Hormis le chien, les animaux arrivent généralement à s’opposer aux agresseurs, lorsque leurs intentions sont bonnes.
Le loup est un agresseur typique. Il dévore la victime beaucoup plus souvent qu’il ne la mord. Mais, il peut juste se contenter de rendre impuissante la victime avec sa gueule.

Les objets
Ils désignent souvent les objets dérobés : argent, bijoux, sacs à main, etc. Ceci explique que généralement les objets sont passifs et victimes d’enlèvements. Ils peuvent être un substitut du sujet.

Les personnes
Les personnes se répartissent dans les trois catégories du cauchemar : victime, agresseur ou encore auxiliaire.

  • Les créatures fantastiques : loup-garou, araignée géante, diables ou démons, vampires, squelettes, ogres, sorciers, dragons, monstres, géants, la « Dame Blanche », « un homme de feu », un « homme–gorille », un « sauvage », « quelque chose avec de gros yeux », « une chaussure géante », des robots, des statues, des armures, une licorne, etc. Généralement, la créature fantastique s’en prend à la victime. Les sorcières ou fées peuvent être considérées comme « gentilles » et protéger le sujet dans le cauchemar, elle s’opposera dans ce cas aux autres sorcières, méchantes. L’inverse peut être possible, une fée peut être qualifiée d’être méchante. En ce point, on voit combien l’identification des personnages est très souvent confus.
  • La famille

Le trait saillant est la fréquence avec laquelle les relations d’auxiliaires et de victimes s’établissent à l’intérieur de la famille. Cependant, on remarque que dans un nombre non négligeable de cas, le sujet bénéficie de l’intervention d’autres personnages que les membres de sa famille : policiers, chasseurs, animaux, humains inconnus et même parfois des sorcières. Ceci pourrait témoigner d’une certaine insécurité de certains enfants vis à vis de leurs proches.

    • L'image du père : il est un auxiliaire puissant, capable de secourir la victime et de s’opposer aux agresseurs.
    • L'image de la mère : elle est généralement un auxiliaire remplissant essentiellement les fonctions d’aide, quand elle ne refuse pas de répondre à l’appel de la victime ou qu’elle n’a pas besoin à son tour d’être secourue.
  • Les inconnus

La différence entre les étiquettes « hommes », « femmes » et inconnus tient uniquement au fait que dans les deux premiers cas l’identité sexuelle des personnages est mentionnée par le sujet et non dans le troisième. Parfois, certains traits de ces personnages sont mentionnés par le récit et il convient de les étudier en tant qu’attribut des personnages. Une méchante dame, sera une femme qui n’utilisera pas la magie pour être méchante. Par ailleurs, en présence de récit lacunaire, des personnages dans le cauchemar peuvent avoir une action sans conséquence et donc être « neutres ».

Vêtus de noir ou de couleurs vives : comme dans les modalités de l’agresseur, l’obscurité et la couleur noire jouent leur rôle dans les attributs que le récit leur prête. Mais, cette signification est à nuancer, car des couleurs vives peuvent également contribuer à une étrangeté.
Les voleurs regroupent les personnages désignés sous ce nom par le sujet ou comme des « bandits », « gangsters », etc. Il s’agit dans tous les cas d’agresseurs humains, inconnus du sujet.

Leur métamorphose
Un individu, somme toute à l’allure banale ou à l’allure sympathique, peut subitement se transformer en agresseur : un père Noël en vampire, par exemple. Cette métamorphose peut, par ailleurs, être rapprochée de celle des parents dans le récit, où elle équivaut cependant semble-t-il à la défaillance ou à un refus d’aide de leur part plutôt qu’à leur transformation en agresseurs.

Traitement

Pour les personnes souffrant de cauchemars chroniques, certains psychologues, tels Celia Green,Stephen LaBerge ou Antonio Zadra, recommandent l'apprentissage du rêve lucide pour apprendre à reconnaître l'état de rêve et se débarrasser de sa peur.

Peretz Lavie mentionne, sans plus de références, qu'il existe des techniques pour ne plus se souvenir de ses rêves, ce qui aiderait les personnes souffrant de cauchemars.

Sources de l'article 

 

1 décembre 2009

2e passage......

blindfoldlicks

PSYCHOSOCIOLOGIE DU RÊVE

Roger Ripert

Que dire de la dimension sociale du "rêve", c'est-à-dire de la place qu'il occupe dans le fonctionnement des sociétés et des cultures ?
Un petit rappel historique s'avère ici indispensable.

I - Le Rêve nocturne

Le rêve dans la culture occidentale

Dans notre société occidentale, tout au moins, sous prétexte de lutte contre le paganisme et l'hérésie, le rêve, qu'il soit nocturne ou d'ordre chamanique (induits par des enthéogènes), a fait l'objet d'une violente répression par les autorités religieuses en place dès le début du Moyen-Age.

Saint Jérôme et le pape Grégoire sont les figures marquantes de cette répression monothéiste obscurantiste qui perdure encore de nos jours.

Dans "la Vulgate", sa traduction latine de l'Ancien testament, publiée au IV ème siècle et qui fit autorité jusqu'à la fin du XIXe, saint Jérôme n'hésita pas à falsifier le texte original en hébreu en traduisant le mot "anan", qui signifie divination, par "observare somnia", interprétation des rêves, assimilant ainsi l'interprétation des rêves à la sorcellerie.

Le premier concile d'Ancyre (314) avait condamné les interprètes de songes à cinq ans de pénitence. Le pape Grégoire les punit de mort au début du VIII e siècle !

A noter, en France, en droite ligne de cette répression moyenâgeuse, l'abrogation toute récente d'un texte du Code pénal condamnant également les interprètes de rêves, et le rêve du même coup !

Pour compléter le tableau de cette longue période noire de féroce répression, tant du rêve, de ses interprètes que des rêveurs, ajoutons la destruction à la même époque des lieux d'incubation des rêves, tels les temples d'Esculape dans la Grèce antique, et celle des lieux de culte celtiques à caractère chamanique.

Il faudra attendre la fin du XIXe et le début du XXe pour que le rêve, avec l'avènement de la société industrielle et de la pensée cartésienne, retrouve une certaine considération sociale, tant à travers les mouvements littéraires, tels le romantisme et le surréalisme, qu'au plan de la recherche expérimentale et de la thérapie, via le mouvement psychanalytique, notamment.

Pour autant, notre société occidentale n'a guère changé depuis le Moyen-Age dans son attitude vis-à-vis du rêve et des autres états de conscience dont elle a décidé globalement de se couper.

Pourquoi tant de haine à l'égard du rêve et des rêveurs ?

"Penser à une chose, c'est y rêver", a martelé Léon d'Hervey de Saint-Denys, pionnier français du rêve lucide.

Si pensées et rêves ne font qu'un, comme le montre l'expérience,
Si les pensées en rêve s'inscrivent en continuité avec celles de l'état de veille, comme le montre la recherche expérimentale,

alors, on peut comprendre aisément que notre libre pensée en rêve (rêver, c'est "vagabonder"), source de notre libre agir, puisse remettre en cause les dogmes rigides et sectaires qui prétendent diriger nos comportements.

Partant de là, le point de vue libertaire de nos rêves - et de notre imaginaire en général - ne cadre plus avec celui des systèmes de croyances figés et uniformes vis-à-vis desquels il entre alors en conflit.

Par leur répression du rêve qui, paradoxalement, constitue leur fondement, les religions monothéistes entendent bien ainsi garder la main mise sur la direction intérieure de notre société, c'est-à-dire celle de nos consciences.

De même, notre société industrielle et matérialiste actuelle, qui modèle à l'extérieur nos comportements, voit dans le vrai rêve une source potentielle de contestation de son fonctionnement capitaliste axé sur la production et la consommation de biens matériels dont elle se charge elle-même de faire la propagande.

Comme elle le dit si bien : "Faut pas rêver !"
Entendez par là, vous ne devez pas rêver par vous-même et suivre vos propres rêves. Nous nous chargeons de fabriquer les rêves artificiels qu'une publicité tapageuse vous poussera sans cesse à consommer.
Et si le bien-être ne va pas de pair malgré tout avec ces rêves artificiels, qu'à cela ne tienne : la société machiniste vous amènera aussi à consommer, de gré ou de force, somnifères, tranquillisants et neuroleptiques, toutes ces substances anti-rêve d'une camisole pharmaceutico-chimique qui vous empêchera purement et simplement de rêver !

Partant de là, il est clair que le rêve, au sens noble et naturel du terme, ne peut guère avoir de place dans notre société occidentale en ce début de XXIème siècle.

Quant aux rêveurs et aux onirologues, ceux qui osent encore librement les raconter, les partager, les induire, les étudier et/ou les interpréter, ils ne sont en fait qu'une infime minorité d'individus, mal considérés, porteurs d'une image négative qui mêle au sourire méprisant la suspicion sectaire.

Deux exemples pour illustrer ces propos.

La place du rêve chez les Français

Faute de connaître le contenu des rêves des Français - une recherche objective menée par l'analyse quantitative des rêves pourrait pourtant nous apporter facilement une réponse - l'étude sociologique menée par les Duvignaud à la fin des années 70 nous éclaire néanmoins, en partie, sur les rapports qu'ils entretiennent avec le rêve (La banque des rêves - Essai d'anthropologie du rêveur contemporain, Payot, 1979).
L'étude a porté sur 2000 rêves ou bribes de rêve.
Les rêveurs ont été classés en six catégories sociales : ruraux, ouvriers, cadres, employés, commerçants et "intellectuels".
L'âge et le sexe des rêveurs se sont avérés moins déterminants que l’appartenance professionnelle et le milieu culturel.
Certaines professions éloignent du monde onirique : les hommes d’affaires, les industriels, les grands et petits commerçants rejettent le rêve, le méprisent, ont un rappel onirique faible à inexistant.
Ainsi, un contexte culturel matérialiste semble devenir inhibiteur du rappel onirique. Le désintérêt pour le rêve s’accompagnant d’un mépris pour l’imaginaire,

Rêver pour la Terre

Le rêve planétaire du solstice d'hiver 1990

Sur la base du premier Rêve mondial organisé en 1982 par l'Américain Bill Stimson, à simple vocation planétaire, l'association Oniros a organisé en 1990 un nouveau rêve à cette échelle, avec cette fois un contenu précis d'induction : rêver ensemble pour la Terre.
La fin des années 80 ayant marqué la première prise de conscience écologique sur les menaces émergentes de l'effet de serre, la médiatisation de l'événement fut retentissante - trois chaînes de télévision présentes sur les lieux, une dépêche d'agence et un numéro vert d'appel - autant qu'éphémère !
Il est vrai que l'analyse a posteriori des quelque 300 rêves communiqués - européens et nord-américains - n'avait rien de réjouissant : elle tenait plus du cauchemar que du rêve (voir la couverture de la revue "Oniros"). Un cauchemar que la société industrielle préférait déjà oublier plutôt que de l'affronter et de tenter de le résoudre.

Un cauchemar planétaire qui, 15 ans plus tard, faute de réelle prise en compte (les solutions avancées par les participants au Rêve planétaire montraient pourtant le chemin), est devenu aujourd'hui, pour chacun d'entre nous, une réalité tangible.
Les catastrophes dites "naturelles" - induites de facto par la société industrielle -, se succèdent, tout comme les conférences des experts mondiaux qui prétendent y faire face.

Comme le dit à juste titre l'astrophysicien Hubert Reeves, dans une récente dépêche de l'agence AFP datée du 27 oct. 2005, à Montréal, c'est la survie de l'espèce humaine qui est en cause :

"Nous pourrions faire partie d'une nouvelle extinction d'espèce" a déclaré Hubert Reeves après avoir évoqué la disparation passée de nombreuses espèces animales, dont les dinosaures. Pour M. Reeves, il n'en tient qu'à l'homme de résoudre cette situation puisqu'il est clair que le réchauffement de la planète est dû à au moins 90% à l'activité humaine et il faut en tenir compte".

*

Le rêve dans les cultures pro-rêve

Avant qu'elles ne soient en grande partie décimées par la société occidentale et ses religions monothéistes, la plupart des cultures dites primitives accordaient au rêve (nocturne ou chamanique) une place centrale dans leur fonctionnement social.

Une approche ethonologique détaillée n'a pas sa place ici, mais pour les personnes intéressées, je les renvoie notamment à l'ouvrage de Geza Roheim, à visée psychanalytique, ou à celui de Michel Perrin sur les Guajiros.

A titre d'exemple, j'aimerais néanmoins vous dire quelques mots sur certains de ces "peuples du rêve", davantage étudiés que les autres et répartis sur trois continents : les Iroquois d'Amérique du Nord, les Senoï de Malaisie et les aborigènes d'Australie.

Les Iroquois

Peuple semi-agricole du Nord-Est américain, les Iroquois tiennent une place d’autant plus importante qu’ils ont été étudiés d’abord au XVIIe siècle par les Jésuites, puis n’ont cessé de l’être jusqu’à nos jours.

«Les Iroquois n’ont, à proprement parler, qu’une seule divinité — le rêve», écrit le Père Frémin en 1669.

Il ajoute : «C’est à lui qu’ils font soumission et ils suivent ses ordres avec la plus grande exactitude (...) Quoi qu’ils pensent avoir fait en rêve, ils se croient absolument obligés de l’exécuter au plus tôt.»
Ce trait distingue les Iroquois d’autres peuples qui trient entre grands rêves et activité onirique de moindre intérêt.

Approche freudienne s'il en est, "En plus des désirs que nous avons généralement, qui sont libres ou au moins volontaires, ils croient que notre âme at d'autres désirs, qui sont innés et cachés, et que notre âme fait connaître ces désirs naturels par le moyen des rêves qui sont son langage" (rapporté par le père jésuite Ragueneau en 1649).

Pour eux, de tels désirs doivent trouver un accomplissement, sinon l’âme affamée se retournera contre le corps et le rendra malade, parfois jusqu’à la mort.

En outre, les Iroquois accordent attention aux éléments prémonitoires présents dans les rêves. Ils y trouvent aussi «l’accès à une haute source de sagesse». Lorsque le rêveur rencontre des êtres surréels, esprits guides, animaux de pouvoir, ancêtres, etc., toute la communauté doit l’aider à interpréter correctement leur message.

Comme le note Patricia Garfield dans son premier ouvrage, "La Créativité onirique", où elle nous invite à tirer parti des enseignements des Rêveurs amérindiens, "Toutes les tribus amérindiennesont attribué au rêve une importance existentielle particulière".

Les Senoï de Malaisie

Un autre «peuple du rêve» a défrayé la chronique onirologique et la querelle a son propos rebondit de façon régulière.
Il s’agit d’une ethnie de la jungle des montagnes malaises, les Senoï, actuellement partagés en deux clans, les Temiars et les Semai, pour une population totale d’environ 12 000 personnes.
Plusieurs études ethnologiques se sont succédées depuis les années 30, où ils furent «découverts» par Pat Noone et Kilton Stewart.
Les Senoï représentent la population indigène de Malaisie et, malgré le peuplement plus tardif, vers -2000, de l’île par des émigrants de Chine, sont restés comme un isolat culturel. Les conquérants les ont repoussés dans les montagnes ou réduits en esclavage. De ce fait, l’ethnie senoï n’a cessé de diminuer en nombre, passant de 9 millions à 12 000 âmes. Ils vivent en petites unités de 50 à 100 personnes, dans les longues maisons communautaires fréquentes dans le sud est asiatique primitif. Leur économie allie la chasse, à la sarbacane, à une petite agriculture de subsistance : manioc, maïs, riz, légumes et fruits. Ils pratiquent aussi un artisanat centré sur le bambou. Ajoutons la pêche et nous obtenons un mode de vie comparable à celui des Indiens d’Amazonie.
Les premières observations ont noté qu’il s’agissait d’un peuple non-violent. Mais il faut nuancer cette affirmation.
Cette non-violence, même s’il nous faut en relativiser la prégnance, viendrait de leur rapport tout à fait privilégié au monde du rêve.
Pour le résumer, les Senoï accordent la plus grande attention à leurs rêves. Ils les racontent en famille le matin et tirent de là leurs activités économiques ou artistiques. Mais là où d’autres peuples se soumettent aux injonctions du rêve, le répètent ou le prennent comme oracle, les Senoï, eux, tentent de le maîtriser. Les jeunes reçoivent un enseignement très précis destiné à leur faire affronter les adversaires présents dans les cauchemars, à les transformer en esprits-alliés en exigeant d’eux un cadeau onirique qui concrétise cette alliance.
De ces observations ethnographiques, certains psychologues américains ont tiré une technique de thérapie onirique fort efficace. Mais la spécificité de la culture senoï a été occultée dans l’opération. En particulier, le statut des Alliés oniriques n’est pas forcément le même chez les indigénes de Malaisie et dans le cabinet de Patricia Garfield. Aussi, lorsque la psychologue anglaise Ann Faraday s’est rendue chez les Senoï, ces derniers n’ont pas reconnu leur culture dans ce qu’elle leur en restituait. D’où une querelle, surgie dans les années 80 et encore d’actualité, entre ethnologues à la recherche d’enseignements existentiels et psychologues devenus ethnographes. Plusieurs facteurs rentrent en jeu : depuis les années 30, la société senoï s’est vue confrontée à la réalité macropolitique régionale et n’a sans doute pas pu préserver toutes les facettes de son identité; d’autre part, la thérapie dite senoï représente une transposition qui ne tient pas compte des facteurs culturels propres à un peuple de chasseurs-jardiniers du Pacifique. Là où le psychologue californien verra, dans les Alliés, des aspects de la psyché individuelle, les Senoï semblent bien avoir une attitude magico-religieuse et leur donner un statut de type totémique.

Les Aborigènes d'Australie

La population indigène d’Australie semble occuper ce continent depuis 50 000 ans environ. C’est une des plus primitives du monde, mais son organisation sociale n'en demeure pas moins très élaborée : un chef dirige la vie quotidienne mais il est soumis à l’autorité du Conseil des Anciens, qui peut lui-même faire appel - si nécessaire - à l’Assemblée populaire, où tous les hommes ont un droit égal de décision.
Le contact avec les Européens, à la fin du XVIIIe siècle, fut comme toujours une catastrophe. Estimée à environ 400 000 membres, la population aborigène de l’époque fut décimée très rapidement, principalement par des épidémies de variole. Spoliée de la plupart de ses terres, elle vécut jusqu’en 1967 dans des réserves dont elle n’avait pas le droit de sortir. Son nombre était alors tombée à 100 000 (certains disent même 30.000).

Le nomadisme

Avant l’arrivée des Européens, toutes les tribus australiennes étaient du type chasseurs/cueilleurs. A la saison sèche (novembre-décembre), de grands rassemblements avaient lieu autour des point d’eau. Le reste de l’année, on se dispersait en petits groupes et l’on déambulait sur d’immenses territoires semi-désertiques, le bush, à la recherche de nourriture.
Comme pour toutes les sociétés primitives, la terre appartient à la tribu et ne peut être ni vendue ni échangée. Les indigènes appartiennent aussi à la terre : ils n’habitent pas seulement un lieu, ce lieu les habite (de la même façon que nos enfants ne nous appartiennent pas : c’est nous qui leur appartenons, nous n’en sommes que responsables). Quand un envahisseur creuse des mines, il perfore le corps et l’âme de tout autochtone.
Appartenir à son époque ne demande aucun effort; appartenir à son lieu exige une créativité permanente. En tant que nomades, les aborigènes se fichent de l’Etre ou de l’Avoir, ils ne s’intéressent qu’au devenir. C’est l’énergie et ses métamorphoses qui les motivent et non la Substance, qu’elle soit matérielle ou spirituelle. L’existence est un voyage à inventer.

Les relations avec le monde moderne

En 1967, les Aborigènes sont enfin autorisés à sortir de leurs réserves et à circuler sur leurs propres terres; ils deviennent des citoyens australiens à part entière, ayant droit de vote. Depuis 1976, le gouvernement encourage l’autogestion des réserves et mène même une politique de restitution des terres et d’indemnisation.
Si la population indigène est remontée à 200 000 membres, ses conditions de vie sont devenues déplorables : les taux d’alcoolisme, de délinquance et de mortalité n’ont cessé de grimper. L’argent et l’afflux facile de biens de consommation est devenu un facteur supplémentaire de déstructuration, au grand désespoir des nouveaux gestionnaires occidentaux. Il n’existe quasiment pas de «noirs» ayant acquis un niveau universitaire. A l’exception des tribus du désert central et du nord, isolées des Blancs, les tensions interraciales s’exacerbent...

Ce sont les Aborigènes eux-mêmes qui ont choisi le terme «The Dreaming» ou simplement «Dreaming» en tant qu’équivalent le plus proche du concept indigène alcheringa utilisé par les Arunta (la tribu des Aranda localisé près d’Alice Springs dans le Territoire du Nord) ou celui de jukurrpa utilisé par la plupart des tribus du désert central et occidental, la tribu des Warlpiri notamment.
Ce concept aborigène du Dreaming (le Rêve avec un grand R) ne doit pas être confondu avec le rêve nocturne (le rêve avec un petit r), même s’il témoigne par son apparentement linguistique d’une cosmologie (rapport au monde et à l’espace-temps) qui accorde une place essentielle au rêve nocturne et à l’imaginaire en général.
Le Rêve renvoit ainsi de manière plus large à l’Histoire, la mythologie et l’organisation sociale propre à une culture parfaitement originale qui est celle des Aborigènes australiens.
La confusion du terme Dreaming avec l’expérience onirique a provoqué bien des malentendus : on pense encore trop souvent que les Aborigènes accorderaient un statut de réalité à ce qu’ils voient dans le sommeil ne faisant pas la différence avec le monde à l’état de veille.
Certes ils n’opposent pas le rêve au réel à notre manière, car ils ne le restreignent pas à un univers imaginaire mais lisent les images nocturnes à la recherche de signes du réel. Ils interprètent leurs rêves pour s’en guider dans le quotidien, y lire des messages des êtres ancestraux, voir et entendre des innovations rituelles sous forme de peintures et de chants qu’ils disent avoir été «oubliés» et «retrouvés».
C’est donc en tant que mémoire vivante, non seulement individuelle mais cosmologique, que le rêve a sa propre dimension et qu’il semble entretenir une relation active avec l’univers sensible.
Les actes humains s’inscrivent ainsi dans une «philosophie» qui pose non une prédestination, ou une éternelle répétition, mais les règles à jouer des parties différentes qui forment et transforment leur vie individuelle ou collective.
En ce sens, la Loi du Rêve serait ce jeu dont les règles ne sont pas immuables mais ne peuvent se modifier que dans certaines limites.

II - Le Rêve chamanique

*

Le chamanisme

Le chamanisme, au sens étroit du terme, est une religion primitive qui s'enracine dans les régions septentrionales de l'Empire russe et aux zones adjacentes, telles la Laponie et la Mongolie. Il a été observé dans les régions du centre de l'Asie et de la Sibérie, en Laponie et chez les Eskimo (ou Inuit), au Népal et au Tibet et dans l'Amérique indienne.
Une religion, à condition de considérer une religion comme une représentation du monde, inséparable des pratiques qui l'ont engendrée et qui l'accompagnent : la transe extatique - induite notamment par les enthéogènes - et l'incubation onirique, en l'occurrence.

Tout le monde s'accorde sur ce point : "chamane" viendrait de "çaman", mot de la langue des Toungouses (appelés maintenant Evenks), ethnie du groupe linguistique mongol disséminée dans toute le Sibérie orientale, jusqu'en Chine.
Une étymologie a été proposée : dérivant de "ça-", connaître, "çaman" siginfierait "celui qui sait". Une autre fait dériver le mot d'une racine verbale signifiant "s'agiter, bondir, danser". Cette dernière rappelle la soi-disante "hystérie arctique" observée notamment chez les Toungouses, liée a l'absorption de l'Amanita muscaria.
Dans plusieurs autres langues un mot commun désigne le chaman et le rêve.
"Un grand chamane est avant tout un bon rêveur" disait un chamane bouriate.

La capacité pour l'être humain de transcender son environnement diurne et d'accéder au monde de l'esprit, existe dans toutes les sociétés cultivant l'idée d'une réalité à plusieurs niveaux de conscience, différents mais perméables. Qu'il s'agisse du rêve nocturne ou du rêve induit à l'état de veille par la transe extatique.

Qualifié de "praticien du rêve" par l'ethnologue Michel Perrin, le chamane utilise le rythme, la danse et les substances psychotropes pour obtenir la transe et les rêves qui lui permettent d'accéder au monde des esprits, source de son rôle social et terrain de son action.

Intercédant auprès des esprits, le chamane est à la fois sage et guérisseur, et son rôle social consiste à réguler les relations entre le groupe social et son environnement, au sens large du terme, tant extérieur qu'intérieur.

Pour illustrer de manière vivante ces propos introductifs, je ne vous parlerai pas davantage des Toungouses (si ce n'est de l'Amanita muscaria !) mais de ma propre expérience en matière de chamanisme, suite à mon rencontre, fin 1969, de la célèbre curandera (guérisseuse) mazatèque : Maria Sabina.

Chamanisme et plantes psychoactives

A l’instar du rêve nocturne, nombre de substances hallucinogènes ou psychoactives, principalement issues du monde végétal, ont de tout temps et dans toutes les cultures conduit l’homme à la découverte et à l’exploration de son univers intérieur.
De par leur pouvoir rapide et puissant de changer l’esprit, ces «médecines de l’âme» ont pris rapidement une dimension socio-culturelle et religieuse importante, voire essentielle.

Comme le rêve nocturne, elles demeurent plus ou moins sacralisées ou frappées d’interdits. Une même démarcation fondée sur les statuts accordés aux mondes intérieur et extérieur oppose aujourd’hui de manière radicale les cultures chamaniques à la culture occidentale.

A l’opposé de notre culture matérialiste tournée vers l’extérieur, où la transe psychédélique comme le rêve et l’imaginaire en général se voient dévalorisés et marginalisés, dans les cultures chamaniques (encore proches de la nature) les principales plantes à propriétés psychotropes, telles que le Peyotl ou les champignons hallucinogènes, font partie intégrante de la vie sociale et religieuse par l’intermédiaire des chamanes-guérisseurs.

S’opposant à la thèse défendue par Mircea Eliade, l’Américain Terence McKenna soutient l’idée émise par R. Gordon Wasson selon laquelle «la présence dans une culture chamanique d’une substance hallucinogène est la marque d’une culture authentique et vivante alors que sa phase décadente se caractérise par des rituels élaborés, des épreuves et la dépendance à l’égard de personnalités pathologiques («Hallucinogenic Mushrooms and Evolution», Revision, vol. 10 n° 4, printemps 1988)».

En effet, comment une culture dite chamanique pourrait-elle être «authentique et vivante» sans une étroite et véritable communion de l’homme avec son environnement «naturel» ? Est-il étonnant, par exemple, que la grande tentative de retour à la «nature» qui marqua le mouvement psychédélique et communautaire des années 60 se soit accompagné à la fois de la redécouverte des substances hallucinogènes et de la naissance du mouvement écologique.
Sur les traces de Gordon Wasson et de Roger Heim (à l’époque, directeur du Muséum d’histoire naturelle de Paris), la quête mystique des «routards» aboutissait bien souvent à Huautla de Jimenez, ce haut lieu de pélerinage mycologique, perché sur la montagne en pleine forêt mazatèque, près de Oaxaca*.

Certains eurent la chance d’y rencontrer une curandera, telle la célèbre Maria Sabina, même si, en période sèche, les Teonanacatl (littéralement, la chair de Dieu), liés au culte de Tlaloc, divinité de la foudre et des eaux, ne furent pas toujours au rendez-vous des «voyageurs» qui souhaitaient les «faire parler»...

Toujours bien vivant chez nombre de tribus amérindiennes du sud du Mexique, le culte des champignons remonterait au moins jusqu’au XIIIe siècle av. J.-C., comme l’atteste une étude monographique des champignons de pierre réalisée par St. F. Borhegyi (cf. R. Heim, Champignons toxiques et hallucinogènes) et il aurait été associé au pratiques hiératiques des Mayas, comme semble le prouver la découverte dans la région de Vera Cruz d’une terre cuite fort ancienne, d’origine totonaque, représentant un champignon sur lequel une femme pose une main tandis que l’autre bras levé paraît invoqué les dieux.

Indissociable de son biotope (la forêt ou la prairie) et de son partenaire symbiotique (l’arbre ou la vache), le champignon hallucinogène — archétype de la substance psychoactive —, apparaît ainsi pour Terence McKenna comme une sorte de lux natura, une conscience/lucidité unissant l’homme à la nature dans une relation symbiotique de dépendance mutuelle et de bénéfices partagés.
A l’opposé du champignon atomique, porteur d’apocalypse, les petits champignons magiques redécouverts par notre culture occidentale semblent bien préfigurer la prise de conscience écologique et le retour au chamanisme qu’implique le nouveau paradigme, intégratif et holiste, unissant Rêve et Réalité.

Rapport entre le rêve et la transe psychédélique

Les effets induits par la psilocine et la psilocybine, principes actifs des champignons hallucinogènes, diffèrent peu de ceux que provoque le fameux LSD-25. Fruit de l’analyse de multiples séances à caractère thérapeutique, une cartographie détaillée des diverses expériences induites par cette substance chimique — abstraites, esthétiques, psychodynamiques, périnatales ou transpersonnelles —, a été dressée par le Dr Stanislav Grof dans son ouvrage Royaumes de l’inconscient humain.
Comme le souligne ce chercheur, outre les facteurs liés à la personnalité et aux conditions de vie du moment, «l’environnement est une variable extrêmement importante, susceptible d’influencer fortement la nature de l’expérience». Si, tout comme le rêve nocturne, l’expérience hallucinogène nous transporte dans le monde intérieur de l’esprit, elle n’est pas étrangère au corps, au monde extérieur et, en particulier, aux stimuli externes qui viendront l’orienter.

Le rêve d’incubation, tel qu’on l’induisait dans les temples d’Esculape ou la cérémonie du velada pratiquée par Maria Sabina sont révélateurs à cet égard de l’importance du cadre et de la préparation du «voyage», qu’il soit onirique ou psychédélique.

La «résonnance» est un autre phénomène notoire commun à ces deux types d’expérience intérieure. Dans le rêve nocturne, elle se manifeste souvent par un vécu composite lié à la chaîne des associations d’idées et des sentiments qui les accompagnent, et, dans l’expérience psychédélique, par une extrême richesse des perceptions et une créativité inhabituelle.
Néanmoins, seul le rêve lucide peut rendre compte d’une quasi identité expérientielle avec la transe psychédélique, ainsi que le montre au plan physique le ressenti caractéristique d’afflux énergétique et vibratoire qui signe tant l’irruption de la lucidité en rêve que les effets des champignons. Comme le rapporte Peter Stattford dans son Encyclopédie des psychédéliques, dans la demi-heure ou les quarante-cinq minutes qui suivent l’ingestion des champignons la personne éprouve tout d’abord un sentiment général de relaxation qui se traduit par «une sensation agréable de chatouillement dans tout le corps et un sentiment de complète harmonie (Peter Stattford, Psychedelics Encyclopedia, p. 226)». Une sensation de montée d’énergie, d’élévation et d’expansion de conscience ressentie aussi lors de survenue de la lucidité en rêve, et qui se double, comme le note Ken Kelzer, d'une clarté mentale aiguë (The Sun and The Shadow, p. 216).

Si le rêve lucide et la transe psychédélique ont l’«éveil» (la lucidité) pour point commun, celui-ci diffère néanmoins du fait de la nature des états de vigilance dans lesquels il survient (intériorité dans l’état de rêve et extériorité dans l’état de veille).
Partant de là, le rêve lucide apparaît davantage comme une prise de conscience interne du monde extérieur alors que la transe psychédélique, à l’inverse, est plus une prise de conscience externe du monde intérieur.
De ce fait, pris en grande quantité et dans un cadre inapproprié, les champignons hallucinogènes peuvent nous faire basculer non sans danger dans le monde hallucinatoire, alors que la perte de lucidité, en rêve, ne peut que nous replonger, sans risque, dans le rêve hallucinatoire ordinaire ou entraîner un réveil.
Comme l’Allemand Paul Tholey l’a montré, il est possible de combiner ces deux modes d’éveil de notre conscience. Faute de réels champignons, les personnes qui connaissent par expérience leurs effets peuvent induire en rêve lucide, de manière volontaire et sans courir de risque, une expérience hallucinogène qui prendra alors une tournure hallucinatoire et dont le contenu sera aussi riche que celui décrit par R. G. Wasson lors de ses premiers «voyages»...

Le néo-chamanisme aujourd'hui

Comme nous l'avons dans la première partie de mon exposé : faute d'une réelle prise en compte des états de conscience liés au Rêve, la société industrielle nous mène bel et bien à une catastrophe écologique planétaire.

Certes, un mouvement altermondialiste a vu le jour, mais sans un fondement religieux impliquant, à mon sens, un retour au chamanisme primitif, ce mouvement risque fort de perdre la partie dans cette course contre la montre pour notre survie...

Comme le propose l'ESCS - l'Eglise Suisse du Champignon Sacré, un ré-alignement urgent à la Nature, à Gaïa, la Terre-Mère, semble bien s'avérer indispensable via un retour au Rêve, à la Nature et aux pratiques chamaniques.

Je cite (avec quelques modifications personnelles) :

"Un champignon peut-il être "Dieu" ?
Tel que nous comprenons les commentaires qui nous sont parvenus, il existe une incertitude foncière sur nos "croyances fondamentales".

Le Champignon Sacré n'est aucun cas "un être divin sur terre au milieu du profane" - car tandis que les prophètes sont révérés par leurs disciples, c'est par la symbiose avec le Champignon Sacré ('l'ingestion du Champignon Sacré') que la religion est pratiquée, éprouvée et ainsi vécue.

Le mot "église" est employé pour exprimer l'idée d'une communauté spirituelle, d'aucune construction ou endroit particulier. Les amis du Champignon Sacré n'éprouvent ni le besoin d'un endroit de culte particulier (cathédrale), ni le besoin de personnes spécifiques (prêtres, papes), pour pratiquer leur religion - le seul être dont ils aient besoin pour faire l'expérience de la religion est le Champignon Sacré.

Le mot 'religion' signifie 'ré-alignement [à Dieu]'.

Dieu est 'le processus créatif dynamique', 'la vie', 'la nature', tout ce qui est.

Nous n'éditons pas des dogmes, quiconque consommant les Champignons Sacrés afin de faire l'expérience de la religion véritable est notre parent spirituel, qu'il soit membre de l'ESCS ou pas.

Nous ne voyons pas beaucoup de différences entre la religion dont on fait l'expérience à l'aide des Champignons sacrés, de l'ayahuasca, des cactus sacrés, ou d'autres enthéogènes.

Toutes les expériences religieuses facilitées par les enthéogènes ("les champignons et les plantes qui engendrent dieu à l'intérieur de soi") sont considérées comme ayant essentiellement la même nature de pratique religieuse, pour autant que ces enthéogènes croissent sur terre.

L'Europe étant traditionnellement une terre de croissance de nombreux champignons sacrés, nous nous considérons comme les héritiers spirituels des druides celtiques (assassinés par les romains), dautant que des cultures amérindiennes fondées sur le champignon sacré (en partie décimées par les catholiques romains espagnols).

Les Champignons Sacrés ne sont pas des "drogues illicites" ou '"substances contrôlées", parce que :
- leur usage n'entraîne aucun danger pour la santé, aucun danger de dépendance n'est lié à la consommation des Champignons sacrés
- ils furent conservés à l'extérieur des listes internationales prohibitives (en raison des droits de l'homme ! Accord des Nations Unies de 1971)
- ils n'affectent pas les "degrés de dopamine" du cerveau - contrairement à toutes les drogues illicites, à la plupart des drogues légales; les sports, le partenariat et le travail régulier, qui eux également, affectent les niveaux de dopamine et devraient donc être considérés 'bien plus dangereux que les Champignons Sacrés'
- alors que les substances "Psilocybine" et "Psilocine' sont 'contrôlées mondialement', agissantes à des doses minimes, pouvant facilement être synthétisées à prix réduit pour être employées comme des 'armes-terroristes-non-mortelles', il n'existe aucun risque pour la santé lié à ces substances. Par conséquent les Champignons sacrés n'ont jamais été criminalisés et ne peuvent pas être rendus illégaux sans enfreindre nos droits humains fondamentaux - tout effort de faire apparaître les Champignons sacrés comme "illégaux"' est "un moyen inhumain d'action discriminatoire et de désinformation'", contre des individus possédant une vision du monde non conforme et pacifiste.
Les Champignons Sacrés sont "des champignons guérisseurs de l'âme", des amis des Champignons sacrés se trouvent poursuivis en raison de leur vision du monde et de leur pratique religieuse !
Beaucoup d'amis des Champignons sacrés sont sévèrement poursuivis en raison de leur refus de l'approche "chrétienne orthodoxe", en prétendant être beaucoup plus proches du "christianisme véritable'" que les personnes qui se définissent eux-mêmes comme "chrétiens"...

Ile de la Réunion, décembre 2006

9 novembre 2009

Sentir c'est reflechir......

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Sentir, c'est réfléchir, c'est se souvenir. Chacun a pu observer la même chose, dans les petits et grands accidents; la nouveauté, l'innatendu, l'action pressante occupent toute l'attention, sans aucuns sentiments; celui qui essaie, en toute sincérité, de reconstruire l'événement lui-même, voudrait dire qu'il vivait comme dans un rêve, sans comprendre, sans prévoir; mais la terreur qu'il eprouve maintenant en y pensant l'entraine à un récit dramatique. Il en est ainsi dans les grands chagrins, lorsque l'on suit la maladie de quelqu'un jusqu'a sa mort. On est alors comme stupide et tout entier aux actions et aux perceptions de chaque moment. Même si l'on donne aux autres l'image de la terreur ou du désespoir, ce n'est pas a ce moment-là que l'on souffre. Et ceux qui ont trop pensé à leurs peines, lorsqu'ils les racontent à faire pleurer les autres, ils trouvent encore à cette action un petit soulagement.

Surtout, quels qu'aient pu être les sentiments de ceux qui sont morts, la mort a tout effacé; avant que nous eussions ouvert notre journal, leur suplice avait pris fin, ils etaient guéris. Idée familière à tous, qui me fait penser que l'on ne croit pas réellement à une vie aprés la mort.

Mais, dans l'imagination des survivants, les morts ne cessent jamais de mourir.

24 AVRIL 1912

ALAIN ( propos sur le bonheur)

10 août 2008

les molècules de la solitude.......

Les molécules de la solitude

Par Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences

Chez les solitaires et chez ceux qui vivent bien entourés, les gènes du système immunitaire s’expriment différemment. Voilà peut-être pourquoi les premiers semblent plus fragiles face aux maladies.

Sans disposer d’aucune explication, on a observé depuis longtemps que les personnes socialement isolées présentent une mortalité plus élevée. Une équipe américaine vient de publier dans la revue Génome Biology une étude donnant un début d’explication. Les chercheurs se sont intéressés aux leucocytes, c’est-à-dire les globules blancs, première ligne de défense de l’organisme contre les agresseurs en tout genre.

Quatorze étudiants volontaires se sont prêtés à l’expérience, dont six se rangeaient dans les 15 % supérieurs de l’échelle de solitude mise au point à l’université californienne de Los Angeles (UCLA) et déjà utilisée dans d’autres expériences. Car il ne suffit pas de vivre en célibataire pour être déclaré solitaire. Il faut aussi ne pas compter trop d’amis ni de famille autour de soi… Les sept autres volontaires se situaient, eux, dans les 15 % inférieurs de cette échelle.

Vers un médicament contre la solitude ?

L’équipe (qui comportait des scientifiques de l’UCLA et de l’université de Chicago) s’est focalisée sur l’expression du génome des globules blancs, témoignage de l’activité du système immunitaire. Les chercheurs ont suivi 209 gènes pour vérifier de quelle manière ils étaient lus, ou « exprimés », c’est-à-dire traduits en protéines. Le résultat est éloquent : tous ces gènes sont différemment utilisés par les deux groupes. Pour 78 d’entre eux, leur activité est sur exprimée chez les solitaires, ce qui signifie que ces gènes, plus souvent lus, servent à synthétiser davantage de protéines. A l’inverse, 131 gènes sont sous-exprimés.

Parmi les gènes surexprimés chez les solitaires, beaucoup sont impliqués dans l’activation du système immunitaire et dans les réactions inflammatoires. Dans les 131 dont l’activité est moindre, on trouve des gènes intervenant dans la défense contre les virus et les anticorps.

« Ces découvertes nous fournissent des cibles moléculaires pour tenter de combattre les effets sur la santé de l’isolement social » explique Steve Cole, un des chercheurs de l’équipe. Une pilule pour aider les solitaires, en somme…



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9 juillet 2008

pas si loin.........

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SOLITUDE........

Le 29 novembre 1802 sur l’île de la Guadeloupe, une femme, condamnée à la pendaison par ordre de la France de Bonaparte redevenue esclavagiste, est conduite à l’échafaud. Elle a trente ans. On la surnomme la Mulâtresse Solitude à cause de sa peau claire, fruit du viol d’une captive africaine sur le bateau qui l’entraînait vers les Antilles.

La veille seulement Solitude
a mis au monde l’enfant dont elle était enceinte, aussitôt arraché de son sein pour s’ajouter aux biens d’un propriétaire d’esclaves. Elle aurait du être exécutée six mois plus tôt, mais les colons ne voulaient pas de gâchis : ce ventre animé pouvait rapporter deux bras de plus à une plantation.

Huit ans plus tôt, dans l’euphorie de l’après Révolution, la France avait décrété l’abolition de l’esclavage dans ses colonies malgré l’opposition des planteurs Blancs qui en contrôlaient l’économie. Libérés de leurs chaînes, les Noirs s’éloignent en nombre de leur environnement de servitude pour tenter de se reconstruire une vie loin de la tyrannie des anciens maîtres.

Certes il a fallu cinq ans de débats houleux aux parlementaires parisiens pour savoir si les Droits de l’Homme et du citoyen, proclamés en 1789, devaient aussi s’appliquer aux Nègres, considérés comme inférieurs. En France le lobbying esclavagiste est puissant et les quelques partisans d’un adoucissement de l’esclavage, regroupés au sein de la Société des Amis des Noirs, n’ont pas la virulence des philanthropes anglais engagés dans la lutte contre la traite négrière. Les grands planteurs sauront se faire entendre et l’Assemblée placera les colonies sous un statut d’exception pour maintenir l’esclavage.

Or sur place, certaines catégories de la population ont bien retenu cette proclamation qu’ils ont gravé dans leur tête : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Ils ne doutent pas qu’elle ne puisse pas s’appliquer à eux. Ce sont en majorité des métis ainsi que des Noirs libres et affranchis, tenus en marge de la société par la discrimination blanche. Ils vivent de petit commerce, d’artisanat ou de leurs propres plantations et certains d’entre eux ont même commencé à faire fortune, à force de travail. Parmi eux se trouvent des personnes instruites qui lisent les journaux et savent ce qui se passe ailleurs.

A l’époque de la Révolution française, la population de la Guadeloupe compte près de 100.000 esclaves, 14.000 Blancs et plus de 3000 métis et Noirs libres ou affranchis. Les Français, arrivés sur l’île en 1635 en avaient massacré les tribus amérindiennes qui les avaient pourtant accueillis avec hospitalité, et s’étaient mis à importer des Africains du Ghana, du Togo, du Dahomey, de la Côte-d’Ivoire, du Nigeria et aussi du Cameroun, du Gabon, du Congo, d’Angola, comme main d’œuvre pour leur production de canne à sucre, tabac, café, coton et cacao, destinée aux besoins de la métropole.

Dans la société guadeloupéenne en formation, ils occupent le sommet d’une pyramide caractérisée par une différenciation entre grands blancs et petits blancs. La première catégorie regroupait ceux dont les noms à particule indiquaient l’ascendance noble. On y trouvait aussi de gros négociants, de riches bourgeois, des fonctionnaires, des officiers de l’armée et d’anciens capitaines de navires négriers. Sur ses terres appelées habitations, l’aristocratie sucrière constitue un monde clos, régnant sur l’exploitation de 100 à 300 esclaves. Le maître tout puissant y administre sa propre justice et possède sa prison, son infirmerie, sa chapelle. Aucun pouvoir extérieur n’a de prise sur lui et pour gérer son troupeau d’esclaves, il est aidé d’intendants, de gérants, de contremaîtres et d’une milice.

Quant aux petits blancs, représentant un peu moins de la moitié des Européens de l’île, ce sont généralement d’anciens marins et soldats, devenus intendants, contremaîtres de plantations, petits planteurs, artisans ou boutiquiers dans les villes et les ports. Ils détestent les grands blancs méprisants dont ils envient la fortune, traitent les esclaves avec férocité et rejettent les gens de couleur qui les concurrencent dans certaines activités économiques.

Loin d’être homogène, la communauté des esclaves a aussi ses catégories : les domestiques (servantes, couturières, valets, cuisiniers), mieux nourris, mieux traités, mieux habillés, et qui n’ont qu’une crainte, celle de perdre le statut privilégié que leur confère la proximité avec les Blancs, pour être renvoyés parmi les Nègres de plantation qu’ils couvrent de leur sentiment de supériorité. Ces nègres de houe ou de jardin, justement, représentent plus de 90% des Noirs de l’habitation, travaillant toute l’année, de 4 heures du matin au coucher du soleil, à labourer la terre, couper la canne, récolter le manioc, réparer les chemins, nettoyer les canaux, ramasser du bois de chauffage ou de la paille pour les animaux, préparer le fumier, semer les plants, et ce, sous la menace permanente des coups de fouets qui régissent leur vie.

Parmi les non-blancs, les gens de couleurs, fruits du droit de cuissage des maîtres sur les jeunes négresses, tiennent à se démarquer des autres Noirs libres, considérant les gouttes de sang blanc qui coulent dans leurs veines comme un véritable passeport social pour échapper à un statut infériorisé. Comme on craignait, au temps de Louis XIV, qu’une augmentation des « sang-mêlé » ne vienne ébranler la hiérarchie raciale, en 1685, Colbert édicta un Code Noir destiné à réglementer le statut des esclaves. Les relations interraciales y étaient réprouvées et le fait d’être père d’un mulâtre, jugé infamant. Les Blancs coupables de mésalliances s’exposaient à être déchus de leurs droits et ne pouvaient transmettre de titres à leurs descendants colorés.

Ces mesures ne freinant en rien la libido des coloniaux, le pouvoir finit par s’en prendre directement aux gens de couleur. Il fut d’abord décrété que leur statut dépendrait désormais de celui de leur mère : ils ne seraient considérés comme libres que si celle-ci l’était déjà. Puis l’accès aux emplois publics, aux métiers assermentés et à certaines professions libérales telles qu’avocat, médecin, orfèvre ou apothicaire, leur fut interdit. Dans un univers de dépendance aussi figé, on comprend leur sentiment de révolte lorsqu’ils se rendirent compte que la Déclaration des droits de l’Homme risquait de leur passer sous le nez !

Les premières révoltes éclatèrent en 1790 dans la colonie française de Saint-Domingue (Haïti), où 350 mulâtres furent écrasés par les forces de l’ordre. En Guadeloupe, la pendaison des meneurs en place publique n’arrête pas les soulèvements sporadiques qui agitent l’île entre 1790 et 1792. Face à l’ampleur des révoltes, l’Assemblée législative finit par lâcher du lest. En 1792, après la proclamation de la République, les hommes de couleur et les Noirs libres et affranchis sont autorisés à devenir citoyens français.

Les désordres de la Révolution française allaient cependant fissurer l’ordonnancement bien huilé de cette organisation oppressive. Les nouvelles mettant deux mois à arriver de métropole par bateau, c’est avec un petit décalage que la chute de la royauté allait en effet se répercuter dans les territoires d’Outre mer, avec les grands planteurs blancs dans le rôle des royalistes et les petits blancs dans celui des patriotes ; chaque camp armant ses esclaves pour les placer en première ligne des affrontements. Aussitôt connu le guillotinage, en janvier 1793, du roi Louis XVI, le régime local de la Terreur commença à faire rouler des têtes. Des familles entières de planteurs furent massacrées et leurs biens, ainsi que ceux du clergé - également propriétaire d’esclaves et de sucreries, confisqués par les représentants blancs de la Convention républicaine.

Profitant de l’anarchie ambiante, des esclaves commencèrent à déserter les ateliers pour fuir vers des bourgs plus ouverts aux idées nouvelles de liberté et d’égalité. D’autres prirent la piste de mornes lointains. Ce sont les Nègres marrons, du mot espagnol cimarron, « celui qui fuit son maître ». Enfin, le 4 février 1794, la Convention décréta l’abolition de l’esclavage : « Tous les hommes sans distinction de couleur domiciliés dans les colonies deviennent des citoyens français jouissant de tous les droits garantis par la Constitution » . Un nouvel administrateur est chargé de porter le décret d’abolition à la Guadeloupe. Mais en approchant la côte avec sa flotte d’un millier d’hommes, il apprend par des pêcheurs que la colonie est sous occupation anglaise depuis deux mois. En fait, après la proclamation de la République, la France s’était retrouvée face à une coalition européenne d’empires et de royautés prête à en découdre pour faire rétablir la monarchie. Parmi eux, l’Angleterre, maîtresse du commerce maritime, qui convoitait les îles à sucre françaises.

Déjouant la surveillance des frégates anglaises, Victor Hugues lance une attaque surprise sur la garnison ennemie et entre dans Pointe à Pitre le 7 juin 1794. Conscient que ses troupes ne pourront venir, seules, à bout de l’occupant, il officialise rapidement la libération des esclaves : « Un gouvernement républicain ne supporte ni chaîne, ni esclavage ; aussi la Convention Nationale vient-elle de décréter solennellement la liberté des Nègres…», et dans la foulée, lance un appel à l’enrôlement de volontaires pour défendre la patrie. Afin de donner plus de poids à sa requête, il annonce à la cantonade que tout homme ramenant avec lui dix hommes sera nommé caporal ; plus de dix hommes, sergent ; 25 hommes, sous-lieutenant ; 50, lieutenant, 100 et plus, capitaine. Un processus conforme aux procédures révolutionnaires de l’époque qui nommaient des généraux de vingt-cinq ans.

La nouvelle de l’abolition fit le tour de l’île en un éclair. Aussitôt que les tambours et les trompes en relayèrent l’annonce, les esclaves abandonnèrent les plantations en masse et se précipitèrent sur la place de la Victoire. Ce jour là Solitude est parmi les milliers de pauvres hères incrédules, qui, les larmes aux yeux, commentent le décret de la République. Elle voit des hommes éperdus de reconnaissance sortir de la foule et s’avancer vers l’estrade où le chef blanc harangue le peuple. Trois mille esclaves pieds nus et pantalons troués, et des centaines de Libres, vont rallier en masse l’appel de Victor Hugues pour devenir le premier bataillon de sans-culottes (Nom donné aux volontaires des couches populaires enrôlés dans la défense de la Révolution) noirs.

Jetée à l’assaut des forces anglaises, l’armée des nouveaux citoyens libéra la Guadeloupe en six mois de combats acharnés. Après avoir reconquis leur pays, les Guadeloupéens espèrent maintenant jouir de l’acte libérateur qui pour eux symbolise la reconnaissance par la France que la prospérité des colonies s’est aussi faite sur le dos des Nègres.

En 1794, sa liberté acquise, Solitude
rejoint une communauté de Marrons retranchés dans les mornes. Ce qu’elle a vécu dans l’enfer des habitations, elle préfère l’enfouir aux tréfonds de sa mémoire, sachant bien qu’elle ne pourra jamais oublier… Les viols des maîtres, contremaîtres et intendants qui se sont acharnés sur ce corps de nacre sans arriver à en flétrir la fierté, même si ses yeux noisette plongés dans un abîme de tristesse en reflètent les stigmates… Les avortements clandestins, où l’on risquait sa vie entre les mains de rebouteuses aux plantes plus ou moins efficaces.

Solitude connaissait l’arsenal utilisé pour soumettre les récalcitrants : chaînes, fers aux pieds, entraves, carcans, garrot, colliers de fer dont les pointes empêchaient de dormir, cachots, potence ; et aussi ces masques de fer blanc fixés sur la bouche pour empêcher à l’esclave affamé de sucer même une tige de canne à sucre. Elle avait appris à dompter la révolte qu’elle sentait gronder en elle, face à la jouissance du maître faisant introduire un épieu incandescent dans la croupe d’un Nègre. Ou bien lorsqu’on contraignait une mère à appliquer sur le corps sanguinolent d’un fils, écorché par les coups de nerf de bœuf, un mélange de sel, de piment, de poivre, de citron et de cendre brûlante. Pour accroître la douleur tout en évitant qu’une gangrène ne vienne écorner le capital humain. Elle en avait vu gicler du sang lorsque le Blanc mutilait un poignet, coupait un pied, tranchait une oreille ou lacérait les parties sexuelles d’un téméraire qui avait tenté de fuir le paradis de son propriétaire. Et puis les lynchages. Chaque habitation avait son gros arbre qui n’attendait que la corde à serrer autour d’un cou noir.

Que de fois elle avait fermé les yeux devant l’insoutenable : un contremaître hilare versant de la cire enflammée, du lard fondu ou du sirop de canne bouillant sur un Nègre hurlant, maintenu dénudé au sol par quatre piquets. Elle avait pleuré ses compagnons d’infortune grillés vivants dans des fours à pain ou enfermés dans des tonneaux à intérieur piqué de clous, que l’on faisait ensuite dévaler le long d’une pente. Elle s’était mordue les doigts au sang devant l’effroi de ces hommes ligotés, dont la bouche et l’anus avaient été bourrés de poudre explosive, avant qu’on n’enflamme la cordelette qui en dépassait. Elle avait lu aussi l’humiliation de ceux qu’on obligeait à manger leurs excréments, boire de l’urine et avaler le crachat des autres esclaves, pour avoir mal répondu à un Blanc. Ô respect à ces empoisonneuses dont les décoctions inodores et sans saveur, mélangées à un bol de soupe, foudroyaient en quelques heures un maître maudit ! Mais en attendant, courber l’échine. Juste pour rester en vie et voir un jour la fin de tout ça.

L'euphorie de l’abolition fut de courte durée. Comment en effet redémarrer la production agricole paralysée par le refus des Noirs de travailler dans les mêmes conditions après 160 ans d’une féroce oppression ? Un système de travail forcé est institué pour ramener la main d’œuvre sur les habitations. Les nouveaux affranchis non incorporés dans l’armée sont sommés de réintégrer leurs anciennes exploitations sous peine de prison. Ils sont alors nombreux à choisir la clandestinité du marronnage. Les autorités traquent sans répit ces Noirs suspects d’avoir fui la liberté, l’égalité, la fraternité et le travail forcé. Loin de toute collectivité administrative, ils ont construit des huttes de branchages et ont planté leurs carrés d’ignames sous la frondaison de bois inaccessibles. En ville on dit que les rebelles qui, la nuit, vont saboter les récoltes de leurs anciens maîtres, égorger les molosses qui plantaient leurs crocs dans le dos des fuyards ou régler leur compte aux Blancs qui les maltraitaient, trouvent refuge dans ces campements.


En France pendant ce temps, un jeune général de vingt-cinq ans auréolé de victoires militaires, s’emparait du pouvoir. Accueilli en sauveur de la République en 1799, Napoléon Bonaparte
s’attelle à réorganiser le pays. Mais pour lui, restaurer l’ordre dans les colonies, c’est y rétablir l’esclavage. Son épouse, Marie Josèphe (dite Joséphine) Rose Tasher de la Pagerie, veuve Beauharnais, est une fille de colons de la Martinique et elle l’a sensibilisé aux problèmes de l'économie sucrière.

Dès son arrivée à Pointe à Pitre en mai 1801, le contre-amiral Lacrosse désigné pour cette mission, décide de briser les élites antillaises et notamment celles de l’armée coloniale. L’exemple du général haïtien noir Toussaint Louverture prenant, en1800, le contrôle de Saint-Domingue, a traumatisé la France. Il n’est pas question de laisser se rééditer la même catastrophe en Guadeloupe. Prétextant une conspiration, il fait arrêter plusieurs officiers antillais respectés pour leurs états de service. Les troupes noires qui s’étaient distinguées dans de nombreux combats contre les Anglais étaient admirées de la population. Certains des officiers de couleur avaient fait leurs armes en France où ils s’étaient perfectionnés dans l’art militaire. Arrestations arbitraires, vexations et déportations frénétiques vers Madagascar, New York ou la France, se multiplient.

L’embastillement de notables de couleur accusés d’hostilité au gouvernement et la tentative d’arrestation d’un jeune officier très populaire fera réagir la population. Prévenu à temps, Joseph Ignace
, ancien charpentier devenu, après un brillant parcours, capitaine du premier Bataillon de la colonie, réussit à s’échapper. Mais la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Une partie de l’infanterie se répand dans les rues de la ville, suivie de centaines de cultivateurs descendus de leurs champs de cannes dès qu’ils ont appris qu’on menaçait leurs héros. Ces hommes avaient payé de leur sang pour permettre à la France de ne pas perdre ses possessions dans cette région dans monde !

Alors que la garde nationale composée de Blancs s’avance vers la foule en colère, la tragédie est évitée de justesse par l’interposition de deux officiers noirs accourus à la hâte pour calmer les esprits. Excédés par la brutalité du chef bonapartiste, des notables blancs convainquent l’armée coloniale de participer à un Conseil provisoire de gouvernement dont ils confient le commandement au colonel guadeloupéen, Pélage
qui, dans ses courriers à Bonaparte ne cessera de réaffirmer sa fidélité à la France.

Vue de Paris, cette situation s’apparente à un intolérable acte de rébellion. Bonaparte somme le général Richepance d’aller écraser la mutinerie et de remettre immédiatement à leur place, c'est-à-dire dans les fers de l’esclavage, ces Nègres qui ont osé défier son pouvoir. Une flotte de dix bâtiments transportant un corps expéditionnaire de 4000 hommes surgit le 4 mai 1802 en rade de Pointe à Pitre. Légalistes, les Guadeloupéens se massent sur le port au son de la musique militaire jouée par les troupes coloniales. Ils sont persuadés que Bonaparte compréhensif, leur envoie un administrateur plus équitable !

Sitôt débarqués et sans répondre au salut des soldats antillais, les Français prennent possession des points stratégiques de la ville. Le soir venu, tous les bataillons noirs sont réunis pour la revue des troupes. Richepance ordonne de poser les fusils par terre. Méfiants, quelques fantassins et officiers en armes s’évanouissent discrètement dans la nuit tombante.

Sur le champ d’armes, à peine le dernier soldat noir a-t-il déposé sa baïonnette, que le corps expéditionnaire français se jette sur les hommes, leur arrache leurs uniformes et les roue de coups de pieds avant de les traîner vers les cales des frégates où ils sont enchaînés. A minuit, la fière armée coloniale n’existe plus et ses valeureux soldats sont redevenus esclaves ! Un fuyard qui a couru toute la nuit à travers bois, et fini le reste du chemin dans un canot de pêcheur, arrive en trombe à la garnison de Basse Terre où il informe le commandant de la situation.
Révolté par le revirement de l’État français sur l’abolition, le colonel d’infanterie Louis Delgrès
, intellectuel de trente-six ans d’origine martiniquaise, poète et violoniste à ses heures, pétri de la philosophie des Lumières, libère les soldats et la garde nationale blanche dont il a la charge, sur ces mots : « Mes chers amis, on en veut à notre liberté. Sachons la défendre en gens de cœur et préférons la mort à l’esclavage. Vivre libre ou mourir ! » . Les officiers antillais se rangent aussitôt à ses côtés.

Le 10 mai 1802, une proclamation de Delgrès intitulée : « A l’univers entier, le dernier cri de l'innocence et du désespoir » , est placardée sur les arbres et les murs de plusieurs bourgs de la Basse Terre. « Une classe d'infortunés qu’on veut anéantir, se voit obligée d'élever sa voix vers la postérité pour lui faire connaître lorsqu’elle aura disparu, son innocence et ses malheurs. Nos anciens tyrans permettaient à un maître d’affranchir son esclave, et tout annonce que, dans le siècle de la philosophie, il existe des hommes qui ne veulent voir d'hommes noirs où tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l'esclavage. (…) La résistance à l'oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause : elle est celle de la justice et de l’humanité. »

Son plaidoyer résonne comme un cri de ralliement. Des campagnes et des plantations environnantes, ouvriers, cultivateurs, paisibles pères de famille, femmes, adolescents, arrivent par petits groupes armés de gourdins, de piques et de coutelas. Parmi les femmes qui, aux côtés des hommes, luttent dans cette guérilla inégale, transportent les munitions, soignent les blessés, réconfortent les enfants effrayés, Solitude
est là, un pistolet à la main. Dès que les rumeurs de résistance lui sont parvenues, elle a quitté sa retraite avec les siens, pour rejoindre les maigres forces de Delgrès. Elle est enceinte de son compagnon, un Nègre marron qui se bat comme elle et sera bientôt atteint par un obus. Marthe-Rose la compagne de Delgrès est là aussi avec son sabre.

Après quinze jours d’un siège ensanglanté, les combattants de la liberté décident de quitter la forteresse où ils sont retranchés. Une nuit, trompant la vigilance des assaillants épuisés, le groupe s’évanouit dans une épaisse végétation montagneuse. Leurs poursuivants retrouvent leur piste quelques jours plus tard. Delgrès, blessé au genou, rassemble alors ses gens et demande à ceux qui le souhaitent, de se retirer pour ne pas prendre de risques. Trois cent irréductibles lui font un rempart de leur corps. Il fait miner le manoir fortifié qui leur sert d’abri. C’est là qu’ils attendront leurs ennemis pour un dernier face à face.

Ces pauvres Nègres se battent pour une cause qu’ils savent perdue. Juste pour leur dignité d’hommes et de femmes libres. Sous la terrasse, des barils ont été camouflés. Une traînée de poudre serpente discrètement jusqu’au rez-de-chaussée du bâtiment. Delgrès et son aide de camp, assis sur un canapé, ont chacun un réchaud allumé à leur côté. Les trois cent martyrs se tiennent par la main, les femmes serrant leurs enfants tout contre elles. Une dernière clameur : « La mort plutôt que l’esclavage ! », puis c’est le silence. Lorsque ce 28 mai 1802 à 15h30, l’avant-garde française franchit enfin la demeure, baïonnettes en joue, une effroyable explosion retentit.

Sous les cadavres déchiquetés, [b Solitude blessée, a miraculeusement survécu à l’hécatombe avec une poignée de résistants. Sa grossesse lui évite la corde, mais pour quelques mois seulement... Car la répression qui s’abat sur la population antillaise entraîne l’île dans un tourbillon sanglant. Pendant près d’un an tous ceux qui ont sympathisé avec la rébellion sont impitoyablement traqués, condamnés par une commission militaire et mis à pourrir 48 heures sur la potence de leur pendaison. Fusillés par dizaines sur les plages, jetés vivants dans des bûchers en place publique. On estime à environ 10.000 le nombre de victimes de l’insurrection et de la répression, y compris les déportés et ceux qui furent exécutés pour avoir refusé de reprendre leur condition d’esclave.

Dans la même semaine en effet, les citoyens noirs de la Guadeloupe redevenaient esclaves et étaient réincorporés dans les biens de leurs anciens maîtres ou, si ces derniers n’étaient pas identifiés, revendus à des esclavagistes au profit des pouvoirs publics.

Le 19 novembre1802 la Mulâtresse Solitude
est livrée au bourreau. Elle qui s’était battue pour la liberté, laisse un enfant à l’esclavage : le nouveau-né dont elle a accouché la veille. La foule qui l’accompagne vers la potence est immense et silencieuse. Mais elle comprend tout dans leurs regards. Ne pas montrer même une larme furtive, de crainte d’être taxé de rebelle. Courber l’échine. Juste pour rester en vie et voir un jour la fin de tout ça. Ce sera en 1848. La deuxième abolition de l’esclavage

Sylvia Serbin

http://www.grioo.com/info6001.html

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