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sammael world

10 mars 2014

le steampunk....

Le steampunk, entre fantasy et science-fiction

Pondu par Sarah Bocelli le 4 mars 2014      

À l’origine un sous-genre littéraire né un peu pour la blague, le steampunk demeure difficile à cerner. Et pourtant, il s’agit peut-être de l’un des courants des littératures de l’imaginaire qui connaît le plus de succès ! Petit retour sur un genre, qui est devenu un style assez particulier…

Il n’y a pas longtemps, j’essayais de vous parler en un seul article du vaste genre de la fantasy. S’il y aurait encore beaucoup à en dire, beaucoup de références à citer et de détails sur lesquels s’appesantir, il avait au moins un mérite : celui de bien faire comprendre à quel point il est difficile de catégoriser les divers styles et courants qui alimentent le genre. Enfin, j’espère.

Un de mes premiers réflexes est d’établir une frontière entre fantasy et science-fiction, qui sont les deux genres phares du petit monde joyeux des littératures de l’imaginaire. C’est assez simple de réussir à les opposer si on part sur un principe : la fantasy s’apparenterait au passé, tandis que la science-fiction serait relative à toute idée de futur. Ça marche la plupart du temps.

Malheureusement, les écrivains de l’imaginaire, et les écrivains en général d’ailleurs, aimant bien s’amuser à tout retourner dans tous les sens pour s’amuser avec, le temps s’avère être une notion particulièrement compliquée dans ce domaine. À force de jouer avec les paradoxes temporels, les sauts dans le temps, les réécritures de l’Histoire, extrapolations, interprétations, spéculations et autres « Et si… », le steampunk devait bien finir par arriver.

Peut-être que ce mot vous parle – si vous n’êtes pas déjà complètement fans et cosplayé-e-s en victorien-ne-s un poil déjanté-e-s à chaque Comic Con. Peut-être que sans avoir lu de roman steampunk, il vous évoque époque victorienne, cuivre, machines bizarres, passé un peu futuriste… Oh, et puis, je vais vous dire : même si ça vous fait penser à un punk à vapeur, vous n’êtes pas si loin du compte.

« Steampunk », qu’est-ce que c’est exactement ?

Bon, je plaisante, ôtez-vous cette image de punk à crête qui fait de la fumée par les oreilles. À la limite, « punk » dans ce contexte fait référence au slogan « no future » et à son caractère dystopique. L’utilisation du mot prend tout son sens avec le « cyberpunk », un sous-genre de la science-fiction que le steampunk était censé parodier à l’origine. Mais prenons les choses dans l’ordre.

Le cyberpunk, contrairement au steampunk, fait clairement partie de la science-fiction — c’est même le genre poussé à l’extrême. Il présente des mondes dystopiques, des futurs proches ou éloignés qui ont la particularité d’avoir accès à une technologie très avancée (« cyber », de cybernétique)… et d’être dans le caca. Ou, pour dire les choses plus joliment, un univers lugubre, désabusé, et dans lequel l’humanité semble être arrivée à une impasse.

« Steampunk » est un jeu sur ce genre d’anticipation : on garde « punk » pour l’idée futuriste un peu sombre, et on le colle à « steam » (vapeur) pour plutôt faire une référence à l’époque victorienne du XIXème siècle, qui se caractérise notamment pour sa révolution industrielle où l’invention de la machine à vapeur est devenue le symbole de l’avancée du progrès vers le futur. En gros, un âge victorien futuriste.

Le steampunk, entre fantasy et science fiction steampunk gentlemen

On doit l’invention du terme aux écrivains K.W. Jeter, Tim Powers et James P. Blaylock, qui, dans les années 80, cherchaient un nom pour les « fantaisies victoriennes » qu’ils prenaient plaisir à écrire, et qui ne rentraient dans aucune case. Ce serait en plaisantant que Jeter parodia alors le terme « cyberpunk » pour en faire le « steampunk ».

Blague ou non, il n’a pas été le seul à vouloir s’amuser à exploiter les promesses de l’appellation… et ainsi, un genre était né… grâce à son nom… qui allait rejoindre la cour des grands des littératures de l’imaginaire.

Le steampunk a étendu ses ailes mécaniques pour devenir, effectivement, des « fantaisies victoriennes ». Des récits se déroulant au XIXème siècle, le plus souvent à Londres, qui se jettent parmi les victoriens avec un regard décalé. Pourquoi l’époque victorienne ? Ça aurait pu être autre chose. Mais la fascination qu’exerce cette période si paradoxale, si ancrée dans les traditions du passé tout en regard vers l’avenir et le progrès, fait que non seulement ce choix ne me surprend pas… mais qu’en prime, il me paraît tout à fait adapté pour un jeu entre magie et science.

Mais faisons clair pour l’instant. Le steampunk, c’est un nombre infini de réponses à la question : « Et si la révolution industrielle ne s’était pas faite avec la machine à vapeur ? ».

Uchronie, dystopie, fantasy ou science-fiction ?

« Le steampunk », disent-ils si bien sur Les Sentiers de l’Imaginaire« c’est en quelque sorte la science-fiction d’hier, vue avec un regard actuel ». Dans la première acceptation du terme, le steampunk est un jeu de réécriture de l’Histoire, où au lieu de creuser uniquement les possibilités des machines à vapeur, on découvrirait les propriétés du cuivre, de l’éther… De cette façon, le « progrès » prend un tout autre visage, tout en restant futuriste !

On peut donc fatalement parler d’uchronie, ou « histoire alternative », puisqu’il s’agit bien de notre Histoire à nous, jusqu’au moment de césure, une divergence où, au lieu de prendre la direction qui nous a menés à aujourd’hui, on part dans un tout autre délire. Mais si le steampunk, ce n’était que ça, on le rangerait dans la catégorie « uchronie » et puis basta.

Le steampunk, entre fantasy et science fiction steampunk raybender

par l’artiste Alex Broeckel

En fait, le steampunk ne se focalise pas sur la réflexion historique comme le fait l’uchronie – la césure, le « et si.. ? » n’est qu’un prétexte, et très souvent implicite (dans le sens où aucun lien n’est jamais fait avec notre dimension actuelle, ou rarement). Le but est d’avoir le contexte victorien, et de développer une intrigue au milieu d’anachronismes, de progrès technologique alternatif voire prématuré, de savants un peu fou, pour mélanger le tout à la société victorienne classique.

Par exemple, on trouvera un Londres dont le ciel est plein de zeppelins mais où les classes sociales sont tout aussi marquées malgré les automates qui servent le thé.

Dans ce cas-là, me diriez-vous avec raison, pourquoi ne parle-t-on pas tout simplement de science-fiction ? C’est compliqué. Déjà, parce que c’est un passé futurisco-alternatif. Et aussi parce que les réponses à « et si… ? » sont nombreuses. Si bien que la plupart du temps, cette science imaginaire développée dans un roman de steampunk est au moins implicitement mêlée à la magie. Il faut dire que la question « où s’arrête la magie et où commence la science », et inversement, est au coeur de bien des réflexions de l’imaginaire !

Ceci sans compter le fait qu’une fois le décor posé, le récit peut prendre des allures de romance, de romans policiers, de thrillers, de parodies, de fantasy urbaine… Le steampunk ressemble plus à un univers qu’à un genre bien précis, ce qui le rend délicat à définir dans toutes les possibilités qu’il offre.

Ainsi, si on peut avoir l’image des dirigeables, des pistolets bizarres, des styles vestimentaires victoriens, des engins en cuivre pleins de boulons, en bref, un univers industriel avec une touche de baroque… la porte est ouverte à bien d’autres interprétations. Une sorte de niche qui s’est ouverte à mi-chemin entre la nostalgie de la fantasy et la science-fiction désabusée, ou, comme on le qualifie souvent, de « futur antérieur ».

Le steampunk, entre fantasy et science fiction steampunk style

Non, je n’ai pas de réponse claire pour vous : le steampunk, ce n’est ni de la fantasy, ni de la science-fiction, c’est un peu des deux à la fois. C’est un courant qui part d’un même point, l’époque victorienne avec l’esprit Jules Vernes, pour piocher un peu partout. C’est même devenu un style vestimentaire à part entière, voire un style tout court, à base de lunettes d’aviateurs, de chapeaux et jupons victoriens pleins de sangles et de corsets améliorés. Bref. Un monde à part.

Les références du steampunk

C’est bien beau tout ce blabla, mais sans une illustration pratique de la théorie, vous allez juste me balancer des boulons à la gueule avant d’aller vous prendre un Doliprane. Je vous jure, le plus compliqué dans le steampunk, c’est sa quantité de possibilités ! D’ailleurs, la question qu’on se pose le plus souvent, c’est « Machin, c’est du steampunk ou pas ? ».

Si vous avez envie de tester cette littérature bizarre, je vous propose quelques références, en commençant par les grands classiques fondateurs du mouvement, avant de vous proposer quelques-uns de mes chéris un peu plus actuels. Cette fois encore, vous êtes invité-e-s à proposer vos titres préférés dans les commentaires, et ainsi contribuer à noyer les tables de chevet de vos confrères et consoeurs internautes sous des piles de livres ! On n’a jamais trop à lire.

Le steampunk, entre fantasy et science fiction steampunk powers

On commence avec Les Voies d’Anubis, par Tim Powers, auteur prolifique et pas des moindres. Si ce nom vous dit quelque chose, ça peut avoir un rapport avec le fait qu’il fait partie du trio mentionné plus haut, qui est à l’origine du steampunk. C’est un roman absolument génial, et aussi très bizarre, qu’on ne penserait pas tout de suite à classer dans cette catégorie… c’est de la « fantaisie victorienne » dans toute sa splendeur.

Et rappelez-vous de K.W. Jeter, qui illustre la catégorie qu’il a nommée, avec son Machines Infernales, le roman qui vous donnera satisfaction si vous cherchez de l’automate, de la machine et l’atmosphère un peu « what-the-fuck il se passe quoi » du steampunk.

Un autre exemple célèbre est La Machine à différences par William Gibson et Bruce Sterling, où Londres continue de s’étendre, sillonnée par des inventions de toutes sortes, des automobiles aux ordinateurs… à vapeur.

La liste des septs de Mark Frost vous fera découvrir l’auteur de Sherlock Holmes sous un autre angle, Le Cycle d’Oswald Bastable du si prolifique Michael Moorcock envoie ses dirigeables dans les Empires Coloniaux, et L’Équilibre des paradoxes de Michel Pagel sortira un peu de Londres pour une folle histoire de paradoxes temporels…

Il y en a bien d’autres qui ne me reviennent pas ou que je ne connais pas – las ! j’admets mon ignorance, et je la chéris comme on chérit l’idée d’avoir une éternité de livres devant soi. Je découvre notamment les Français, dont Mathieu Gaborit et Fabrice Colin qui se sont associés pour écrire Confessions d’un automate mangeur d’opium, du steampunk qui cette fois choisit comme capitale Paris… Un peu comme Johan Héliot avec son La Lune seule le sait, d’ailleurs. Tour Eiffel et extra-terrestres changeant le cours de l’Histoire, ça vous dit ? Ou quand le steampunk se lâche et se fait moins prévisible.

Le steampunk, entre fantasy et science fiction steampunk confessions copie

Dans l’ensemble, j’ai comme l’impression que ce sous-genre déjanté inspire davantage les nouveaux auteurs français que la fantasy classique ! Mais que ce soit en France ou ailleurs, ce qui ressemble à un genre à part entière, ce mouvement qui s’étend au-delà de la littérature, est définitivement en ébullition du haut de l’infinité des histoires alternatives qu’il propose.

Et vous, le steampunk, ça vous inspire un bon vieux gentleman victorien avec ses lunettes d’aviateur sur un dirigeable ? Vous reprendrez bien quelques conseils lecture pour essayer d’y voir plus clair ?

 

auteur http://www.madmoizelle.com

et aussi pour plus d'infos https://www.facebook.com/frenchsteampunk

 

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21 février 2014

cathare....

200px-Cathar_cross

 

 

 

Le catharisme (du grec καθαρός / katharós, « pur ») est un mouvement chrétien médiéval. Il ne s'est jamais autodésigné ainsi, car ce terme, inventé par l'abbé Eckbert von Schönau (de) († 1184) pour désigner les « hérétiques », fut popularisé en français par l'occitanisme des années 1960 dressé contre le centralisme jacobin. Les « cathares », en effet, se désignaient eux-mêmes comme « Bons Hommes », « Bonnes Dames » ou « Bons Chrétiens » et leurs ennemis contemporains les appelaient les « hérétiques albigeois ».

 

Origines

La doctrine cathare, probablement influencée par des prêcheurs pauliciens, considérait l’univers comme la création d’un dieu ambivalent, le monde matériel procédant d’un mauvais principe offrant tentations et corruption, tandis que le paradis procède d’un bon principe offrant rédemption et élévation spirituelle. Le corps humain est considéré comme la prison matérielle des âmes d’anges précipitées sur terre lors d’une bataille entre les deux démiurges, bon et mauvais. Les âmes errent de corps en corps et de mort en mort, selon le principe de la métempsycose (réincarnation). Seul le baptême spirituel – le Consolament – a la capacité de briser la chaîne qui retient l’âme au corps, et de permettre ainsi après une ultime mort terrestre à l’ange de regagner le ciel. Les cathares attribuent l’Ancien Testament au dieu mauvais, et le Nouveau Testament au dieu bon, ce qui constitue une forme de marcionisme. Les cathares ont été embarrassés par la figure du Christ, dont l’incarnation n’est pas envisageable dans le cadre du dogme, car cette incarnation le jette dans le monde de la matière, et donc, sous le pouvoir du dieu mauvais. Cette dualité entre Dieu bon et Dieu mauvais a connu de nombreuses interprétations divergentes au sein même du clergé cathare (dualisme absolu et mitigé), et cela caractérise les différentes églises cathares.

Le nom de cathares a été donné par les ennemis de ce mouvement, jugé hérétique par l'Église catholique romaine et adopté tardivement par les historiens. Il provient d'un traité desaint Augustin (mort en 430) contre des hérétiques de l'Antiquité tardive, qui étaient dits « cathares », c'est-à-dire 'les purs' en grec. En 1163, le moine bénédictin Eckbert de Schönau est le premier à reprendre ce terme, qu'il tire directement du traité d'Augustin, pour nommer des hérétiques médiévaux (en l'occurrence, ceux qu'Eckbert a contribué à juger et condamner dans la région de Cologne). De nombreuses autres étymologies fantaisistes ont été proposées jusqu'à une date récente, car on n'avait pas encore établi que l'expression latine cathari, id est mundi ('cathares, c'est-à-dire purs') avait été trouvée par Eckbert de Schönau chez Augustin.

La structure du catharisme est une « communauté à deux niveaux ». Les adeptes de ce mouvement se nommaient eux-mêmes « Bons Hommes », « Bonnes Dames » ou « Bons Chrétiens », mais étaient appelés « Parfaits » par l’Inquisition, qui désignait ainsi les « parfaits hérétiques », c’est-à-dire ceux qui avaient reçu le « consolament », c’est-à-dire un rite de baptême par l'apposition des mains, et faisaient la prédication, par opposition aux simples fidèles, dont l’engagement était bien moindre.

Principalement concentré en Occitanie, dans les comtés de Toulouse et de Béziers-Albi-Carcassonne, le catharisme subit une violente répression armée à partir de 1208 lors de lacroisade contre les Albigeois puis, condamné au IVe concile de Latran en 1215, durant un siècle, la répression judiciaire de l’Inquisition.

Cependant, il est important de souligner que le mot « cathare » n'est employé que par les inquisiteurs et autres clercs. Les hérétiques du midi toulousain sont avant tout des chrétiens en recherche de leurs racines, car ils observent stupéfait la montée en puissance de l'Église et la hiérarchisation du pouvoir ecclésiastique et cherchent donc à échapper à cette emprise grandissante.

Étymologie

L’origine du terme semble remonter au grec « καθαροι » (catharoi, qui signifie 'pur'), terme qui, chez saint Augustin, désigne une secte manichéenne africaine dont les adeptes se seraient prétendus purs. L'abbé de Schönau Eckbert (en), moine rhénan, utilise le qualificatif dans un de ses treize sermons en 1163 pour désigner les hérétiques de Germanie puis dans son manuscrit en 1164 Liber contra hereses katarorum qui est un tissu de citations empruntées au De haeresibus de saint Augustin. Invité par l’archevêque de CologneRainald von Dassel à venir débattre publiquement de cette secte dont plusieurs membres viennent d’être brûlés, l’abbé avait conceptualisé le catharisme dès 1155 à partir de différentes traditions manichéennes (cathari, catharistae et catafrigae). Vers 1200, on retrouve le mot dans un ouvrage De haeresi catharorum in Lombardia puis dans Adversus catharos, de Monéta de Crémone vers 1241 et enfin Summa de catharis de Rainier Sacconi, quelques années plus tard.

Trois autres étymologies ont été proposées par Alain de Lille, dans De fide catholica, vers 1200. La première rattache le mot à casti, chaste, juste. Michel Roquebert juge cette hypothèse irrecevable. La deuxième est grecque, cathar, qui signifierait que des cathares suinte le vice. En fait Alain de Lille confond cathar, pur, et katarroos, écoulement. Mais au-delà de l’erreur de grec, le sens reste plausible. Enfin la troisième origine serait latine, de catus, le chat « car, à ce qu’on dit, ils baisent le derrière d’un chat ». Lorsque l’Église catholique n’utilise pas le terme hérétique elle emploie parfois le mot cathare, infamant. Quoi qu’il en soit, le terme n’est jamais utilisé par les hérétiques eux-mêmes. C’est apparemment Charles Schmidt qui relance l’expression en 1848 avec son Histoire ou doctrine de la secte des cathares ou albigeois. Le terme cathare manque donc de neutralité, mais c’est celui qui s’est imposé.

Apparition et expansion en Europe

Possible paternité bogomile ou provenance d’Europe de l’Est

On a longtemps hésité sur les liens entre le catharisme et le bogomilisme. Ces deux doctrines furent considérées alors comme proches du manichéisme, car le clergé romain disposait d'ouvrages de réfutation, notamment ceux d'Augustin, ancien manichéen lui-même. Le bogomilisme né en Bulgarie, subsistera en Bosnie, où il aurait été la religionofficielle jusqu'à la conquête turque, à la fin du xve siècle. La thèse de filiation directe est aujourd'hui contestée, même si les historiens admettent l'existence d'échanges et de convergences des doctrines. Le dernier colloque de Mazamet (2009) vient de confirmer les liens entre cathares et bogomiles, ainsi que les origines doctrinales des deux, qui remontent aux premiers siècles du christianisme (écrits canoniques de Paul, doctrine de Marcion, doctrine de Valentin). En outre, les recherches menées sur les sources grecques et orientales (Pierre de Sicile) montrent que la doctrine bogomile aurait été transmise par les Pauliciens expatriés volontaires ou chassés de l'Arménie (Turquie actuelle) vers laThrace bulgare au viie et au ixe siècle. La doctrine paulicienne fut fondée au viie siècle en Arménie par Constantin-Silas, aussi connu sous le nom de Constantin de Mananalis, à la suite de la transmission d'évangiles et de lettres pauliniennes par un diacre possiblement marcionite vu la région et l'époque considérées. Le lien est encore plus patent lorsque l'on examine le fondement doctrinal faisant référence au dieu étranger et inconnu notamment.

Apparition en Europe occidentale

Le château de Montségur, pris en 1244 après un siège de plusieurs mois, et remanié vers la fin duxiiie siècle.

Des communautés hérétiques sont apparues en Europe occidentale vers l'an Mil, sous différents noms selon les régions :manichéensnéo-manichéen (terme de Bernard Gui), origénistespiphlespublicainstisserands (nord de la France), bougres,patarins (terme surtout en Italie), albigeois, en Allemagne, en Autrichenote 4, en Flandre, en Champagne, en Bourgogne. Le fait que les relevés doctrinaux soient conformes à la base de la doctrine cathare (au sens large du terme) permet de relier ces différentes émergences, même si la répression les a fait disparaître de ces régions. La présence de l'évêque de France à Saint Félix Caraman, cité dans la Charte de Ninquinta (aujourd'hui largement authentifiée), prouve les liens entre ces communautés du nord et celles d'Occitanie.

Persistance dans le midi de la France

Les réactions des autorités civiles ou ecclésiastiques et des populations expliquent cette géographie du catharisme et sa persistance dans le Midi. Selon Michel Roquebert, cette tolérance religieuse est peut être due à une longue cohabitation avec d'autres confessions : arianisme de la période wisigothe, proximité de l’Espagne islamique, présence de nombreux juifs. Pour ce qui est de l'Italie du Nord, l'implantation du catharisme, très différent de celui qui se développa en France, profite du conflit entre le pape et l'empereur. C'est dans ces régions que les Bons Hommes se sont organisés en communautés d'hommes ou de femmes dirigées par des anciens, des diacres et des évêques. Ces communautés étaient constituées de plusieurs « maisons ». On y aurait souvent pratiqué des métiers liés à l’artisanat local, et fréquemment le tissage, en référence aux premières communautés chrétiennes. Plusieurs communautés constituaient une Église, ou diocèse cathare, à la tête duquel se trouvaient des évêques.

la croix du Languedoc, croix « évidée et pommetée », symbole de ralliement cathare.

Cependant des recherches récentes  ont démontré que cette hérésie a été largement instrumentalisée notamment par Raymond Vcomte de Toulouse. C'est ce qu'on peut voir dans sa lettre écrite en 1177 au chapitre général de Cîteaux. En effet, c'est avant tout pour se protéger des Anglais qu'il fait condamner en 1165 des bons hommes à Lombers.

L'importance de l'hérésie cathare a souvent été exagérée par les premiers écrivains et historiens du catharisme, puis par les mouvements régionalistes les évoquant. Les études actuelles rappellent que le phénomène cathare reste un phénomène minoritaire qui ne concerne alors qu'entre 2 et 5% de la population du midi languedocien.

Les cathares en Corse

Article détaillé : Giovannali.

Il y a un débat historique pour déterminer si les Giovannali ont une parenté avec les cathares ou non. Certains chercheurs estiment que les Giovannali sont une branche de la dissidence franciscaine sans lien avec le catharisme. Quoi qu'il en soit, ils semblent avoir représenté une menace politique pour le pouvoir local.

Les Églises cathares

Au milieu du xiie siècle (1167), les Églises cathares étaient au nombre de huit cents en France. Au xiiie siècle, en 1226, un nouvel évêché fut créé, celui du Razès, dans la région de Limoux. Ces Églises étaient indépendantes. Elles ne reconnaissent pas d'autorité supérieure à celle des citoyens, contrairement à l'Église catholique romaine qui avait une hiérarchie avec des prêtres, des évêques et le pape. Les maisons de « parfaits » étaient réunies sous l'autorité d'un diacre, et chacune était dirigée par un ancien ou une prieure. L'évêque était lui-même assisté par un « fils majeur » et un « fils mineur », qui étaient choisis parmi les diacres. Ils prenaient sa succession, le fils mineur remplaçant le fils majeur, qui devenait évêque à la mort de celui-ci ; cela se produisit fréquemment lorsque la persécution commença. Les femmes pouvaient obtenir le consolament, et accéder ainsi à la vie de « parfaite ». Même si elles n'étaient pas habituellement chargées de la prédication, comme les hommes, quelques exemples montrent qu'elles pouvaient assurer toutes les missions dévolues aux bons hommes : prédication en association avec un homme, participation aux disputes (comme le cas célèbre d'Esclarmonde de Foix) et consolament, notamment pendant la répression inquisitoriale. Par contre, nous n'avons pas trace de femme diacre ou évêque.

Le principe de cette structure hiérarchique était vraisemblablement de reproduire fidèlement celle de l'Église primitive, telle qu'elle serait décrite dans le Nouveau Testament (épîtres de Saint-Paul, et dans les Actes des apôtres, principalement). En cela, ils s'opposaient, comme leurs prédécesseurs, à l'Église accusée d'avoir perverti le christianisme authentique par son inféodation à l'empereur Constantin, validée par le concile de Nicée en 325.

La doctrine cathare

Fondements

Article détaillé : Textes cathares.

Le catharisme ne s'appuie pas sur une théologie puisqu'il considère que Dieu, inconnaissable et non accessible, est absent de ce monde. Cette doctrine est le fruit d'un travail de recherche scripturaire, prenant en compte le Nouveau Testament, notamment l'Évangile selon Jean et l'Évangile selon Lucnote 6. Le Nouveau Testament est traduit en occitan. Cette initiative est très mal perçue par la papauté qui, sous le pontificat d'Innocent III, a interdit les traductions de la Bible en langue vulgaire.

Cette interprétation des évangiles est très différente de celle qu'en fait l'Église catholique. Les cathares s'appuient aussi sur de nombreux écrits (Paul de Tarse, Marcion, Livre des deux principes, rituels, etc.). Ils s'inspirent aussi de courants de pensée plus anciens (paulinismegnosticisme), tout en gardant, sur bien des points, de notables distances avec ces philosophies ou religions, auxquelles le catharisme ne peut être assimilé d'un bloc. Les cathares interprètent d’une façon particulière les écrits de Paul de Tarse et de Marcion. Ils recherchent le sens originel du message du Christ. La foi cathare se base sur les principes suivants :

Sur la question de Dieu, du bien, du mal

Dieu, appelé le principe Bon, existe de toute éternité et n'aura pas de fin. Il est parfait et son œuvre est parfaite, inaltérable et éternelle. Il est omniscient et tout puissant dans le Bien. Dieu est le créateur de ce qui est, et ce qu'il n'a pas créé n'est rien (nihil traduit par « néant »). Les esprits, appelés anges par simplification, sont de nature divine.

Dans le Néant est le principe Mauvais, ou principe du Mal. Dieu, qui n'a pas de mal en Lui, ne peut connaître ce principe Mauvais, mais celui-ci, ambitionnant d'imiter Dieu, est parvenu à détourner une partie des esprits de la création divine. Le principe Mauvais a attiré les esprits par force (catharisme absolu ou dyarchien), ou par tentation (catharisme mitigé ou monarchien), car il n'a d'existence que pour autant qu'il puisse se mêler à la création divine (le Bien).

Cette vision de la constitution de l'univers visible est à la base du mythe de la chute du tiers des anges ou, selon les interprétations, de la troisième partie de leur composition : être, âme, et corps subtil. Introduits dans des corps charnels fabriqués par Lucifer, ces êtres sont différents de l'âme qui est de création maléfique, et qui assure la survie du corps charnel. Cette création, issue d'un créateur imparfait et non éternel, est imparfaite et corruptible. Elle a eu un commencement et elle aura une fin. Cette fin surviendra quand le Mal s'étendra sur la création et que les esprits auront réussi à s'extraire de leur prison charnelle pour retourner à Dieu. Alors, le Mal, ayant perdu les avantages du mélange, redeviendra Néant. Le Mal est donc vainqueur dans le temps, mais son accomplissement constitue sa perte. Il est donc vaincu dans l'éternité.

Les deux principes ne sont pas de même nature et de même puissance. Il ne s'agit donc pas d'un dualisme manichéen, ni d'un dithéisme. En opposition avec la doctrine chrétienne, la doctrine cathare soutient un dualisme originel, centré sur la bonne création, qui seule subsistera à la fin des temps. Le Dieu de l'Ancien Testament est en fait l'envoyé du Mal, comme le disait déjà le marcionisme (sources en Asie Mineure), et les livres de l'Ancien Testament ne sont donc pas reconnus comme canoniques, mais sont l'émanation de l'Esprit Mauvais.

Les cathares reconnaissaient un ou deux principes, selon qu'ils étaient « monarchiens », ou « dyarchiens », « mitigés » ou « absolus ». Les cathares absolus pensaient que le principe du Mal ne pouvait trouver son origine dans le principe du Bien. Autrement dit, représentant le Bien absolu, Dieu ne pouvait avoir créé un ange corruptible (Lucifer). Pour les dualistes absolus, les deux principes, le Bien et le Mal, coexistent depuis la création divine, puisque c'est hors de cette création qu'ils se trouvent.

Sur la vie

Les Bons Chrétiens, comme ils se nommaient, avaient et prêchaient un respect inconditionnel de la vie. Tout ce qui avait place dans le monde matériel méritait considération. Le mépris du corps et la volonté de purification expliquent qu'ils observaient un régime alimentaire très strict, qui peut aller jusqu'à l'endura. Les relations sexuelles, que ce soit dans le mariage ou en dehors, relevaient de la même impureté, et devaient être évitées pour les Parfaits. Les Parfaits avaient à cœur de mener leurs contemporains sur la voie du salut afin d'écourter, un tant soit peu, le cycle des passages en ce bas monde.

Sur Jésus-Christ

Selon les cathares, le Christ, fils de Dieu, et envoyé par Lui, est venu pour leur révéler leur origine céleste et pour leur montrer le moyen de retourner aux cieux. Ainsi, le Christ est uniquement l'envoyé du Père (angelos : ange, messager) venu apporter le message du salut aux hommes. Il ne s'est pas soumis au Mal par l'incarnation, et est demeuré un pur esprit. Marie n'a pour les cathares jamais nourri Jésus quand il était dans son ventre, elle n'assurait que sa protection. (Thème de l'adombration)

Sur l'Esprit-Saint et l'esprit en général

L'esprit est transmis, soit par les générations depuis le premier homme, soit par transmigration dans un nouveau-né après la mort (réincarnation).

C’est uniquement par le Saint-Esprit que l'esprit peut être libéré du monde physique, et c’est par le baptême, par imposition des mains, reçu par les apôtres et transmis par eux, que l’esprit pourra accéder au Salut. Toutefois, le baptême ne peut être administré à un jeune enfant de moins de 13 ou 14 ans, car il est jugé inapte à discerner l'importance de cet acte. Le baptême cathare devait être administré à une personne en connaissance de cause et sur la base de sa conviction.

Pratiques, sacrements et rites

Refus de l’orthodoxie

Les cathares, se considérant alors comme les seuls vrais disciples des apôtres, souhaitaient adopter le modèle de vie, les rites et les sacrements, des premières communautés chrétiennes. Ils s'appuyaient principalement sur les enseignements du Nouveau Testament, et leur unique prière était le Notre Père. Ils considéraient que toutes les pratiques etsacrements instaurés par l'Église dès les premiers siècles et petit à petit n’avaient aucune valeur :

  • le sacrement du baptême, que les prêtres confèrent notamment aux nouveau-nés ;
  • le sacrement de l'Eucharistie : ils refusent de croire en la transsubstantiation, c'est-à-dire la transformation du pain et du vin en le corps et le sang du Christ lors de leur consécration par le prêtre lors de la messe. En revanche, en mémoire de la dernière Cène du Christ avec ses apôtres, les cathares bénissaient le pain lors du repas quotidien pris avec leurs fidèles. C’était le rituel du « pain de l’Oraison » ;
  • le sacrement du mariage, celui-ci légitimant à leurs yeux l'union charnelle de l'homme et de la femme, union à l'origine du péché originel d'Adam et Ève selon leur interprétation de la Genèse ;
  • la médiation des saints et le culte des reliques ;

De même que dans certains courants de l'Église chrétienne primitive, l'idéal cathare était basé sur une vie ascétique, alors que le sacrement du mariage aurait été créé plus tardivement. Ils n'attachaient pas d'importance aux églises bâties qui n'étaient pas pour eux les seuls lieux du culte car la parole du Christ peut être enseignée partout où se réunissent les fidèles. Enfin, leur seul sacrement est le baptême par imposition des mains, ou consolament.

Le consolament

Le sacrement du consolament (consolation, en occitan, du latin consolamentum) ou « baptême d'esprit et du feu » par imposition des mains et de l'évangile de Jean sur la tête du postulant , est le seul à apporter le salut en assurant le retour au ciel de la seule partie divine de l'homme : l'esprit. Il est le point de départ d'un choix de vie en accord avec la doctrine cathare (justice et vérité), permettant à la nature divine de l'impétrant de se détacher partiellement de la nature mondaine ou charnelle, et d'accéder au salut. Le consolament officialise donc le choix du novice ou du mourant à mener une vie chrétienne. Il n'est que la reconnaissance d'un état et non un apport d'une qualité extérieure. Ce sacrement jouait un rôle fondamental dans les communautés cathares car il était à la fois sacrement d'ordination et de viatique (extrême-onction), alors appelé « consolamentdes mourants ».

Le consolament était conféré par un membre de la hiérarchie et engageait celui qui le recevait dans une vie religieuse qui, comme toute ordination, suppose de prononcer des vœux et de respecter une Règle. Ici il s'agissait de pratiquer l'ascèse, de s'engager à ne pas manger de nourritures provenant des animaux ( viandes, œufs, lait, graisses animales, …), de pratiquer la morale évangélique, comprise comme l'interdiction de jurer, de mentir, et de tuer. Il faisait d'un croyant cathare un Bon Homme ou une Bonne Dame, membre du clergé, prédicateur, et capable d'apporter lui-même le consolament aux mourants.

Le consolament était donc aussi administré aux mourants qui en faisaient la demande, c'est-à-dire aux simples croyants qui n'avaient pas franchi le pas de l'ordination durant leur vie, mais souhaitaient rencontrer le Saint-Esprit, leur donnant une chance d'accéder au salut avant de mourir. Les prières des « parfaits », Bons Hommes ou Bonnes Dames, après la mort du consolé, pouvaient durer encore quatre jours.

La vie des « parfaits » et « parfaites »

Travail manuel et vie communautaire

Étant ordonnés, les parfaits entraient dans un ordre religieux, mais sans sortir du siècle. Ils étaient en effet astreints au travail manuel pour vivre, ce qui leur donnait un avantage considérable pour leur prédication, en les maintenant au contact de la population qu'ils instruisaient directement, via des traductions des Écritures saintes en langue vernaculaire, contrairement au clergé catholique qui refusait à l'époque l'accès direct du peuple aux textes sacrés. Cela leur rapportait également l'argent du produit de leur travail. Cet argent leur permettait, par exemple, de se déplacer et, avec les dons et les legs, de créer les conditions de l'existence d'une hiérarchie. Par contre la pauvreté personnelle était prescrite.

Les cathares vivaient dans des « maisons de parfaits », intégrées aux villes et aux villages, qui leur permettaient de rencontrer la population et de prêcher, et leur servaient d'atelier. Des jeunes y étaient envoyés par leurs parents simples fidèles ou déjà ordonnés, pour leur formation en vue de leur propre ordination. Tout « parfait » rejoignait une maison de « parfaits », et y travaillait de ses mains, y compris les nombreuses épouses nobles et leur progéniture qui faisaient partie des rangs des cathares. Le sacrement de mariage n'étant pas reconnu, elles se séparaient de leur mari, généralement lui-même simple croyant.

Le consolament des mourants pouvait être conféré dans les maisons des « parfaits », dans laquelle le consolé était transporté et mourait. Lorsque vint le temps des persécutions, les « parfaits » durent se cacher chez des fidèles, mais ils y payèrent toujours leur nourriture par le travail manuel.

Vie apostolique

Se rapprochant des premiers chrétiens, les « parfaits » cathares envisageaient un salut passant par un grand zèle religieux, parfois jusqu'à l'ascétisme, afin de ne pas procréer, ils étaient astreints à la chasteténote, et devaient constamment aller par deux personnes du même sexe. Chacun avait son sòci, ou compagnon, ou sa sòcia pour les femmes. Cette prédication au coin du feu de deux personnes de même sexe conduira à l'accusation de bougrerie (c'est-à-dire d’homosexualité) fréquemment enregistrée dans les registres de l'Inquisition. Cette façon de vivre toujours au moins à deux tenait à la conviction que l'esprit seul ne peut éviter de se fourvoyer alors qu'avec au moins un compagnon ou une compagne, les tentations de la chair sont plus faciles à combattre.

Les « parfaits » ne devaient pas mentir, s'abstenir de tout vice, de toute méchanceté, en un mot être simplement de bons chrétiens selon les Évangiles. Cela devait inévitablement conduire à l'édification de toute la population chrétienne. Néanmoins, le catharisme toucha essentiellement une population bourgeoise ou noble, sauf dans la dernière période. Outre l'interdit du meurtre, les « parfaits » ne devaient pas tuer les animaux. Ils devaient s'abstenir de toute consommation de produits animaux car issus de la reproduction animale. En cela ils s'interdisaient toutes viandes ainsi que le lait et les produits dérivés. Le jeûne était de pratique courante, mais le jeûne le plus strict prévoyait du pain et de l'eau. Trois carêmes annuels étaient pratiqués. L'endura est un jeûne suivant le consolament et qui a pu conduire certains « parfaits » à la mort pendant l'inquisition en raison de situation particulières (mourants ou blessés recevant in extremis le consolament).

Dernière obligation faite surtout aux hommes : la prédication. Les « parfaits » devaient prêcher le salut par l'ordination du consolament et la morale évangélique. Cette prédication se faisait dans les maisons ateliers, mais également parfois chez des fidèles ou sur la place publique.

Refus de l'alimentation carnée

Article détaillé : végétarisme#Religions_abrahamiques.

« Dès la fin du XIIe siècle dans le Midi de la France, « manger de la viande » et se convertir au catholicisme sont synonymes. »

— René Nelli, la vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle,1969.

Pour les cathares, l'abstinence de nourriture animale n'est pas une privation. Guilhem Bélibaste, dernier « parfait » cathare connu, a dit à propos des pratiques de privations catholiques : « le jeûne que vous faites vaut autant que le jeûne du loup ». Il s'agit plutôt d’un prolongement de l’interdit du meurtre à toute vie animale. Le catharisme, là encore, se distingue par une certaine radicalité. En effet, tous les animaux, dans la perspective cathare, sont susceptibles d'avoir reçu une âme céleste.

Le végétarisme cathare était un refus de commettre la violence à l'égard d'une créature « ayant du sang », principe pour eux des « vrais chrétiens » :

« Si un criminel dangereux les attaquait, ils pouvaient se défendre ; tuer la vipère ou le loup. Encore qu'à l'époque du catharisme triomphant, un « parfait » ne l'eût sans doute point fait, car il était aussi grave de tuer une bête « ayant du sang » que de tuer un homme. »

— René Nelli, la vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle.

On retrouve, à l'autre extrémité de la période cathare, des indications explicites de l'idée d'âme reçue également par toute vie animale : Deux femmes de Montaillou (Ariège), vers 1300, discutent religion : « ma commère, ce serait un grand péché de tuer cette poule ! – Est-ce un si grand péché de tuer une poule qu'on le dit ? – Oui, car dans notre religion, les âmes humaines, quand elles sont sorties des corps des hommes et des femmes, se mettent ou s'introduisent dans des poules.  »

Le refus de tuer la volaille est un topique de la littérature médiévale: un inquisiteur dénonce à l'empereur les cathares amenés à Goslar par le duc de Lorraine vers 1053, un autre inquisiteur fait brûler un toulousain qui lui avait répondu qu'il ne voyait pas quelle faute avait commise ce coq, pour qu'il dût le tuer (vers le milieu du XIIIe siècle); le même fait brûler deux dames de Foix, en fuite, et que leur déguisement de mauresque n'avait pas mise hors de la suspicion de leur aubergiste toulousaine, qui renseignait l'Inquisition : en effet, prétextant qu'elle s'en allait faire le marché, l'aubergiste leur demanda de tuer et de déplumer les poules pendant son absence, afin de l'avancer dans son travail ; comme lorsqu'elle fut revenue les poules étaient toujours vivantes, l'aubergiste ne dit pas un mot, appâtée par la prime promise aux délateurs ; elle sortit et revint avec deux sergents de l'Inquisition, qu'elle avait déjà alertés; il n'y a pas lieu de chercher des motifs mystérieux à cette épreuve, qui remplaçait avantageusement les ordalies en usage si longtemps contre les hérétiques dans le nord de la France.

Les poulets ne sont pas seuls en cause. Les cathares fréquentaient les paysans, et essayaient de modifier leur mentalité. Ils leur recommandaient, par exemple, de traiter les animaux avec douceur. Les femmes se montraient sans doute plus sensibles que leurs maris :

« Guillemette, voyant un Croyant cathare faisant fonction de Parfait battre méchamment son ânesse, ne contient pas son indignation : « ça se dit receveur d'âmes, et ça martyrise les animaux ! » »

— René Nelli, la vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle.

La sensibilité cathare à ce sujet pouvant prendre les formes les plus désespérées :

« Un hérétique que l'on mène en prison, à travers les rues de Limoux, se met à pleurer en voyant les bouchers tuer des veaux, près de l'abattoir de la ville. Il pleurait sur le sort de tous ces gens qui pêchaient mortellement – et se perdaient – en mettant à mort une bête. »

— René Nelli, la vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle.

Si les Parfaits tombaient par hasard sur un animal pris au piège, ils avaient le devoir de le délivrer, mais, de ce fait, ils causaient un dommage au chasseur. Alors, bien que leur rituel ne leur en fît pas obligation, ils faisaient partir le lièvre et laissaient à sa place une pièce de monnaie.

La fin du mouvement cathare

Les Inquisiteurs exigeaient d'abord des sympathisants hérétiques qu'une croix latine jaune soit cousue sur leurs vêtements, l'une sur le dos et l'autre sur la poitrine, signe d'infamie.

Un sujet d'inquiétude pour l'Église

En 1119, le pape Calixte II réunit un concile à Toulouse. Celui-ci dénonce notamment les déviants qui condamnent les sacrements du baptême, de l'Eucharistie, du mariage et le sacerdoce et enjoint au comte de Toulouse de sévir contre eux. Ce canon est repris en 1139 par le concile du Latran. La présence des hérétiques dans le midi de la France inquiète l'Église catholique qui envoie Bernard de Clairvaux et le cardinal évèque d'Ostie en inspection dans la région de Toulouse et d'Albi. Motif supplémentaire de crainte, les hérétiques ont recruté à Toulouse de « riches personnages » et des chevaliers de la région se sont également laissés entraîner. Pire encore, la doctrine séduit « des clercs, des prêtres, des moines et des religieuses ». Le concile de Tours (1163) fustige « l'hérésie condamnable qui a surgi il y a longtemps dans le pays de Toulouse ». Enfin, le concile de Saint-Félix de Lauragais (1167) permet de mesurer l'ampleur de l'hérésie et redéfinit les territoires des différents évêchés en sus de celui d'Albi, Toulouse, Agen et Carcassonne.

Causes de la persécution

Au début du treizième siècle, le roi d'Aragon Pierre II et son beau-frère, le comte de Toulouse, soutiennent la cause des Cathares tandis que les rois chrétiens de Navarre épousent à chaque génération l'une des filles des émirs qui règnent sur la moitié sud de l'Espagne. Une alliance devient envisageable entre les Cathares et les Maures d'Espagne contre le catholicisme malgré leur conflit de 1212. Les princes d'Europe du Nord veulent à tout prix éviter cette nouvelle menace après l'expulsion des Sarrasins de Sicile un siècle plus tôt par les Normands. Ce sont du reste des seigneurs anglo-normands qui vont diriger les croisades d'extermination des Albigeois.

Leur obstination, leur anticléricalisme intransigeant, leur opposition à la hiérarchie catholique, à laquelle ils reprochent sa richesse ostentatoire et ses abus de pouvoir, et surtout l'assassinat du légat du Pape Pierre de Castelnau, en contradiction avec leurs propres principes, constituent les prétextes pour attirer sur les cathares les foudres de l'Église romaine, d'autant plus que leur mépris pour le corps et leur conception nihiliste de l'existence étaient perçus comme éminemment dangereux. Ils sont condamnés comme hérétiques. Ainsi que beaucoup d'autres mouvements dissidents ou contestataires, les cathares deviennent l'objet d'une lutte permanente. L'Église romaine tente d'en « purifier » la chrétienté occidentale en excluant systématiquement tout individu ou groupe mettant en péril le projet de société chrétienne qu'elle construit depuis le début du xe siècle.

Un critère qui sera souvent utilisé est leur refus du mariage, qui permettra de les nommer orgiaques et impies. Une prière des confréries corses porte toujours une mention de cette réputation de « satanales », lorsqu'elle dit, « chandeliers triangulaires aux cierges éteints », écho des vices qui se pratiquaient prétendument dans les églises, une fois les cierges soufflés, et qui renvoie à toutes les peurs de la sorcellerie, des messes noires, etc.

Les tentatives d'éradication de l'hérésie par la prédication

Dispute entre saint Dominique et des Albigeois, où les livres des deux parties furent jetés au feu pour une ordalie. L’histoire raconte que ceux de saint Dominique furent miraculeusement préservés des flammes. Peinture par Pedro Berruguete.

L'Église catholique confie aux cisterciens, au xiie siècle, puis, avec plus de succès, au xiiie siècle, aux ordres mendiants (auxfranciscains et au nouvel ordre des dominicains, ayant reçu leur constitution en 1216) le soin de combattre ce danger de l'hérésie. Les cathares sont difficiles à convaincre. La prédication ou le débat doctrinal instaurés à cette fin dans le Midi de la France par l'Église tourne court pour le moment, malgré la prédication de Saint Dominique, qui fut par la suite mise en valeur par l'Église.

La croisade contre les Albigeois

Article détaillé : croisade des Albigeois.

Face à cet échec de faire disparaître cette hérésie ainsi que celle des Vaudois, le pape Innocent III lance en 1208 contre les « Albigeois », ou cathares, la première croisade qui se déroulera sur le territoire de la chrétienté occidentale. Avec la croisade contre les Albigeois, il s'agit pour l'Église de mater une hérésie, mais aussi en partie, pour le pouvoir central de la royauté française, de soumettre les seigneurs du Sud, ses vassaux trop indépendants. Néanmoins Philippe Auguste, le roi de France, ne voudra jamais participer personnellement à cette croisade, mais il laissera ses vassaux libres de toutes actions. La guerre durera vingt ans (12091229). Il faut savoir que les domaines que tenaient le comte de Toulouse étaient d'une richesse enviable. Eudes III Duc de Bourgogne, le comte de Nevers et le comte de Saint Pol prirent la tête des troupes levées par le pape. Simon IV de Montfortdeviendra le chef de la croisade après la prise de Carcassonne. En effet, Eudes III décide de rentrer sur ses terres ainsi que le comte de Nevers et celui de Saint Pol après avoir fait leur quarantaine. Ils n'acceptent pas la proposition d'Arnaud Amaury qui est de prendre les terres de Trencavel, ne voulant pas faire d'ombrage au roi de France. Cependant Eudes III restera encore quelques jours mais finira par rentrer chez lui. C'est à ce moment qu'Arnaud Amaury donnera la tête de la croisade à Simon IV de Montfort, ainsi que les terres de Trencavel et le titre de vicomte de Carcassonne.

La lutte armée se poursuivit dans le Midi tout au long du xiiie siècle. Elle est relayée sur un plan spirituel par l'institution de l'Inquisition, créée en 1231 pour convaincre les cathares de revenir vers la foi catholique, apostolique et romaine.

La tâche de l'Inquisition fut facilitée par le refus du serment que pratiquaient les cathares. Ainsi, lorsqu'un inquisiteur interrogeait un parfait, les plus convaincus étaient faciles à détecter. Les inquisiteurs (surtout les Dominicains) notaient soigneusement tous les interrogatoires et ainsi tous les Bons Hommes furent l'un après l'autre arrêtés, à la suite, souvent, des révélations de leurs pairs. De plus, un cathare ne pouvait être sacré que par un parfait et les mourants ne pouvaient recevoir l'absolution (consolamentum des mourants) que des mains d'un parfait. Que ce soit une tactique déterminée ou pas, l'Inquisition, en faisant disparaître le clergé cathare, fit disparaître le culte avec lui, ce qui était le but recherché.

Le massacre de Béziers

La ville de Béziers abritait des cathares. Elle était tenue par les Trencavel, vassaux des comtes de Toulouse ― excommuniés par le pape en raison de leur trop grande tolérance envers les cathares. La mémoire bitterroise conserve une place particulière à une date pendant cette période : le 22 juillet 1209. Ce jour-là, la croisade des Albigeois contre les cathares se traduisit par le sac et l’incendie de Béziers, et par le massacre d'une partie de sa population (le chiffre de 20 000 personnes, souvent cité, est considérablement exagéré, car la population totale de Béziers ne dépassait pas à cette époque 8 000 habitants), cathares comme chrétiens ― il n'est plus question ici de lutte religieuse, mais de combattre les hommes de seigneurs excommuniés et rebelles ― en l'église de la Madeleine.

Le moine allemand Césaire de Heisterbach (dont Régine Pernoud précise qu'il est un auteur « peu soucieux d'authenticité ») relate dans son Livre des Miracles, qu'il écrit dix ans après les faits, qu'Arnaud Amaury, le légat pontifical, à qui on demandait comment différencier les cathares des bons catholiques de Béziers pour les épargner, déclara : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » Cette déclaration ne se trouve dans aucun document historique, et elle n'a vraisemblablement jamais été prononcée, mais est employée fréquemment depuis le film de télévision sur les cathares La caméra explore le temps.

Le dernier voyage (De Montaillou à Villerouge-Termenès)

Les travaux inquisitoriaux de l'Evêque de Pamiers, Jacques Fournier, auront bientôt eu raison du « Dernier Parfait », Guilhem Bélibaste. Ce dernier, après avoir commis un meurtre (1305), fut contraint à l'exil, puis, après une pénible initiation, fut ordonné parfait. Pour fuir l'Inquisition, qui se faisait de plus en plus présente, il alla se réfugier en Catalogne, puis à Morella, en haut pays valencien (1309), d'où il allait régulièrement prêcher et visiter la « diaspora » des hérétiques en exil installés dans toute cette région. En 1321, Arnaut Sicre le convainc de l'accompagner chez sa tante, dans le comté pyrénéen du Pallars, à la lisière du comté de Foix. Cela s'avéra être un piège imaginé par Fournier, dont Sicre exécuta la manœuvre par cupidité et pour venger la mort de sa mère victime elle-même du bûcher. Emprisonné et jugé à Carcassonne, il fut condamné au bûcher par l'inquisiteur Jean de Beaune. C'est à Villerouge-Termenès que le « dernier Bon Homme » acheva son ultime voyage par le feu (1322). Les quelques derniers hérétiques furent emprisonnés, jusqu'à ce que, à partir de 1329, on n'entendît plus parler de « Bons Hommes » ni de « Bonnes Femmes » en pays occitan.

 

 

14 février 2014

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Five Points (Manhattan)

Représentation d'habitations précaires dans le quartier de Five Points, publiée dans le Frank Leslie's illustrated newspaper en 1872.

Five Points était un célèbre bidonville situé dans l'arrondissement de Manhattan, à New York.

Le nom de Five Points correspond aux cinq rues qui étaient accessibles depuis l'intersection autour de laquelle le bidonville s'était développé: MulberryAnthony Street (aujourd'hui Worth Street), Cross Street (aujourd'hui Park Row), Orange Street (aujourd'huiBaxter Street) et Little Water Street (qui n'existe plus).

Le quartier s'est formé dans les années 1820, à proximité du site de l'ancienne Collect Pond, mare de 194 000 m² (19,4 hectares) qui avait été asséchée en raison de graves problèmes de pollution, après que les industries locales l'ont utilisée comme un dépotoir. En plus de cela, l'enfouissement des déchets sur le site était de piètre qualité, et le suintement de la mare dans son coin sud-est entraîna la formation de zones marécageuses où les insectes pullulaient, ce qui provoqua une chute brutale de la valeur du terrain. La plupart des riverains de classes moyennes ou aisées quittèrent en conséquence le quartier, en donnant lieu à un afflux d'immigrants pauvres, qui fut renforcé par la grande famine en Irlande dans les années 1840.

Five Points demeura ainsi un quartier très pauvre, et lors de son « apogée », seuls quelques quartiers du London's East End(quartiers les plus pauvres de la banlieue Londres) étaient en mesure de rivaliser avec lui en matière de densité de population, de maladies, de mortalité infantile, de chômage, ou encore de violence, sans faire mention des autres signes de précarité. Mais qualifier Five Points de simple bidonville serait une erreur, car la culture du quartier a eu une certaine résonance qui a donné naissance à plusieurs aspects caractéristiques de l'actuel American way of life. Five points fut en effet l'un des tout premiers melting pots, étant à l'origine peuplé d'afro-américains et d'immigrés irlandais. La cohabitation de cultures africaine, irlandaise, anglaise, et par la suite juive et italienne a en effet joué un rôle important dans la croissance des États-Unis ; or ces cultures se croisaient et se mélangaient déjà à Five Points.

Par exemple, la fusion de la gigue irlandaise et de la shuffle africaine donna très rapidement naissance aux claquettes (appelées avant cela Master Juba), et par la suite à des genres musicaux tels que le jazz ou le rock and roll. Cette fusion culturelle avait lieu à Five Points, dans des lieux comme le Almack's Dance Hall (aussi connu sous le nom de Pete Williams's Place) situé sur Orange Street (l'actuelle Baxter Street). Le terrain sur lequel la salle était construite est aujourd'hui occupé par le Columbus Park, où les premiers résidents de l'actuelle Chinatown s'étaient au départ établis.

Scène d'affrontement entre les "Dead Rabbits" et les "Bowery Boys".

Sur le plan politique, Five Points faisait partie du Old Sixth Ward (le sixième district électoral), où la corruption des partis locaux était importante, et où les postes clés étaient pour la plupart occupés par des non anglo-saxons. Même si les tensions entre les Africains et les Irlandais sont très anciennes, leur cohabitation dans le quartier de Five Points constitue le premier exemple d'intégration communautaire dans l'histoire des États-Unis. Par la suite, les populations noires migrèrent progressivement vers la côte ouest de Manhattan, avant de s'établir au nord, dans la région de ce qui constitue aujourd'hui Harlem. Mais les années passées à cohabiter avec les Irlandais, et par la suite avec les juifs et les Italiens dans un même quartier ont permis l'émergence d'un objectif commun à toutes ces minorités, et ceci se manifeste encore aujourd'hui dans les courants les plus libéraux de l'échiquier politique américain, à commencer par le parti démocrate.

Au cours des années 1880, les politiques de « nettoyage » des bidonvilles permirent de raser le quartier de Five Points, afin de reconfigurer la zone, mais cela ne fit finalement que déplacer le problème puisque les habitants du quartier migrèrent vers la Lower East Side, située plus au nord. L'emplacement de l'ancien quartier de Five Points est aujourd'hui couvert par de grands immeubles urbains et par des bâtiments administratifs, dans un espace couramment appelé Foley Square, en plus de Columbus Park et de plusieurs installations rattachées au New York City Department of Corrections (département carcéral municipal). Ces dernières installations sont celles qui sont le plus liées à l'ancien quartier de Five Points dans la mesure où l'ancienne Tombs Prison, construite en 1839 qui abritait la plupart des criminels de la ville était située au niveau de l'actuelle City Prison Manhattan, au 125 White Street.

Le quartier de Five Points est en outre en vedette dans le film de Martin ScorseseGangs of New York, sorti en 2002 et dans la série Copper. Dans le film L'ArnaqueRobert Redford prétend être originaire de Five Points.

 

Draft Riots

 

Affiche officielle du recrutement, New York 23 juin 1863.

Les Draft Riots (en français : émeutes de la conscription), que l'on nomme à l'époque Draft Week (en français : « semaine de la conscription ») sont de violentes émeutes qui se déroulent à New York du 13 au 16 juillet 1863, après l'adoption par le Congrès des États-Unis de nouvelles lois sur la conscription. Les hommes réquisitionnés sont envoyés sur les champs de bataille de la Guerre de Sécession, qui se déroule entre 1861 et 1865. Ces émeutes sont les plus importantes insurrections civiles que l'histoire américaine ait connues, en dehors de la guerre de Sécession elle-même. Pour reprendre le contrôle de la ville, le président Abraham Lincoln est contraint d'envoyer plusieurs régiments de milice et de volontaires. Les émeutiers se comptent par milliers et bien qu'ils ne représentent pas la majorité, de nombreuses personnes arrêtées ont des noms d'origine irlandaise, selon les listes compilées par Adrian Cook dans son œuvre The Armies of the Streets. En outre, des émeutes de moindre importance éclatent aussi dans d'autres villes à la même époque.

À l'origine conçues pour exprimer le mécontentement de la population vis-à-vis des lois de conscription, elles tournent rapidement aupogrom racial et de nombreux Noirs sont assassinés dans les rues. Le désordre dans la ville est tel que le général John E. Wooldéclare le 16 juillet : « La loi martiale devrait être proclamée, mais je ne dispose pas des forces nécessaires pour la faire respecter. » L'armée parvient enfin à maîtriser la foule après trois jours de troubles, grâce à l'artillerie et baïonnette au canon, mais seulement après que de nombreux immeubles ont été saccagés ou détruits, parmi lesquels de nombreuses habitations, un orphelinat pour noirs et même le musée consacré à Phineas Taylor Barnum.

Les émeutiers s'en prennent aux soldats.

 

Causes

Illustration d'un édifice en feu surLexington Avenue lors des émeutes.

Lorsque la guerre de Sécession débute en avril 1861, les New-Yorkais se rallient rapidement à la cause de l'Union. Un rassemblement massif a lieu à Union Square où sont présents entre 100 000 et 250 000 hommes. Quand Abraham Lincoln lance un appel pour le recrutement de 75 000 volontaires afin de rejoindre l'armée et venir à bout de la sécession, 8 000 New-Yorkais se portent volontaires dans les dix jours. Les forces de l'Union paient un lourd tribut lors de la première bataille de Bull Run en juillet 1861, y compris celles originaires de la ville de New York, entraînant une nette baisse d'enthousiasme et d'optimisme. Une importante faction des démocrates de New York, connue sous le nom de Copperheads, s'oppose à la guerre et est favorable à une paix négociée. Le gouverneur de New York Horatio Seymour est élu en1862, sur un programme électoral pacifiste.

À la suite de l'enlisement de la guerre, une pénurie de soldats se fait sentir au sein des rangs de l'Union. Dans ce contexte, le 3 mars1863, le Congrès des États-Unis adopte la première loi de conscription de son histoire, qui autorise le président à faire appel aux citoyens âgés de 18 à 35 ans, pour une durée limitée à trois ans de service militaire. Les démocrates Copperheads, favorables à la paix, sont consternés par la nouvelle. Ils sont opposés à toute forme de service national, et en particulier à une clause qui stipule que les hommes appelés peuvent être exemptés de conscription s'ils s'acquittent d'une somme de 300 $ ou fournissent un remplaçant, que l'on nomme « taxe d'exemption », ce que les pauvres ne peuvent se permettre, créant ainsi des inégalités face à la conscription. Cette mesure est tournée en dérision sous la forme du 300 dollar man (l'homme à 300 dollars). Formellement, cependant, ces lois visent avant tout à attirer des volontaires et, en fait, peu d'hommes sont enrôlés de force.

Les troupes fédérales font feu sur la foule qui commence à se regrouper.

Dans la pratique, les hommes forment des clubs. Si l'un de ses membres du club est appelé, les autres membres se cotisent pour payer la « taxe d'exemption ». Indépendamment de l'intention de cette taxe de 300 $ (somme considérable pour l'époque), qui est à la fois un moyen de fournir les fonds nécessaires pour la guerre et de permettre aux fils des familles les plus aisées de ne pas partir au combat (ce qui s'appela par la suite draft evasion), elle amène progressivement les classes moyennes et ouvrières à considérer que la guerre est devenue une « guerre de riches faite par les pauvres ».

Le premier tirage au sort de noms a lieu le samedi 11 juillet, sans incident. Les noms sont inscrits sur des petits morceaux de papier, placés dans une boîte, puis tirés un par un. Les noms tirés sont principalement ceux d'ouvriers qui ont été publiés dans les journaux. Bien que les émeutes de New York ne commencent pas à ce moment, elles éclatent dans d'autres villes, impliquant des adversaires de la conscription, notamment à Buffalo, le 6 juillet 1863. Des spéculations sur une réaction similaire à la conscription à New York se développent. Ces évènements coïncident avec les tentatives du Tammany Hall (base du parti démocrate de New York), qui souhaite faire des immigrants irlandais des citoyens américains, pour qu'ils puissent participer aux élections locales. C'est alors que de nombreux immigrants réalisent que la citoyenneté ne leur apporte pas qu'un droit de vote, mais aussi le devoir de se battre pour leur nouveau pays. Ainsi, parmi les 184 émeutiers qui ont pu être identifiés, 117 sont nés en Irlande, 40 aux États-Unis et 27 dans d'autres pays d'Europe.

Les émeutes

Lundi

Le Bull's Head Hotel, représenté ici tel qu'il était en 1830, est incendié durant les émeutes.

Le second tirage au sort a lieu le lundi 13 juillet 1863, dix jours après la victoire de l'Union à la bataille de Gettysburg. Le matin, à 10 heures, une foule furieuse composée de 500 hommes emmenés par la Black Joke Fire Engine Company 33, attaque le bureau de l'assistant du Provost Marshal du Neuvième District, à l'angle de la Troisième Avenue et de la 47th Street, où la conscription se déroule. La foule commence à lancer de gros pavés à travers les fenêtres, puis à casser les portes et enfin détruire le bâtiment. Parmi les émeutiers, des travailleurs irlandais, s'opposent également au gradualisme politique, ils n'acceptent pas d'être mis en concurrence avec des esclaves émancipés pour obtenir un emploi.

Charge de la police sur les émeutiers aux bureaux du New York Tribune.

La milice d'État de New York est absente, elle a été envoyée en Pennsylvanie pour renforcer les troupes de l'Union, laissant à la seule police le soin de faire face aux évènements. Le chef de la police, John Kennedy, se rend sur place le lundi pour examiner la situation. Bien qu'il ne soit pas en uniforme, il est reconnu par les émeutiers qui l'attaquent. Kennedy est abandonné à demi conscient, il a le visage meurtri et tailladé, un œil blessé, les lèvres enflées, sa main coupée et son corps couvert de sang et d'ecchymoses. Les policiers contre-attaquent avec leurs gourdins etrevolvers, chargeant la foule, mais celle-ci les maîtrise. La police de New York est dans l'impossibilité d'apaiser les troubles, les policiers étant par trop inférieurs en nombre vis-à-vis des émeutiers. Leur tâche consiste surtout à limiter les dégâts et à secourir ceux qui peuvent l'être. Ils parviennent cependant à maintenir les émeutes hors de Lower Manhattan, en dessous d'Union Square. Les immigrants et autres habitants du quartier Bloody 6th Ward près du port ne participent pas aux émeutes car ils ont vécu suffisamment de violences à cause des gangs entre les années 1830 et 1850.

Un noir, qui après s'être fait torturer par des émeutiers, est pendu et brûlé, à Clarkson Street.

Le Bull's Head Hotel de la 44th Street, qui refuse de servir de l'alcool, est incendié. La résidence du maire sur la Cinquième avenue, les postes de police du Cinquième et Huitième Districts, et d'autres bâtiments sont attaqués puis incendiés. Le siège du journal à tendancerépublicaine, le New York Tribune est lui aussi attaqué. La foule est refoulée par le personnel du New York Tribune qui est équipé de deux mitrailleuses Gatling. Les compagnies de pompiers sont mobilisées, mais certains sapeurs-pompiers sont favorables aux émeutiers, car ils ont eux aussi été mis sur les listes d'enrôlement le samedi. Plus tard dans l'après-midi, les autorités tirent sur un homme et le tuent alors que les émeutiers s'attaquent à l'arsenal situé à l'angle de la Deuxième Avenue et 21st Street.

Les afro-américains deviennent les boucs émissaires et les victimes désignées de la colère des émeutiers. De nombreux immigrants et les pauvres voient les esclaves noirs affranchis comme des concurrents pour décrocher les rares emplois disponibles et les Afro-Américains sont considérés comme la cause première de la guerre fratricide qui oppose le Nord et le Sud. Ceux qui ont le malheur de tomber entre les mains des émeutiers sont battus, torturés et parfois tués. Un Noir est ainsi attaqué par une foule de 400 hommes armés de gourdins et de pavés. Il est pendu à un arbre puis brûlé. Le Colored Orphan Asylum (orphelinat pour enfants noirs) qui offre un abri à des centaines d'enfants, est attaqué par la foule. La police parvient cependant à protéger l'orphelinat suffisamment longtemps pour permettre aux enfants de prendre la fuite

Mardi

De fortes pluies tombent dans la nuit du lundi, aidant ainsi à contrôler les incendies et renvoyant les émeutiers chez eux. Cependant, la foule se rassemble à nouveau le lendemain. La vie économique de la cité s'arrête, les ouvriers ayant rejoint les manifestants. Les émeutiers commencent à s'en prendre aux maisons de républicains notables dont celle de l’activiste abolitionniste Abigail Hopper Gibbons.

Le gouverneur Horatio Seymour arrive le mardi et fait un discours à l’hôtel de ville de New York où il tente de calmer la foule en proclamant que la loi sur la conscription est inconstitutionnelle. Le général John E. Wool fait venir environ 800 soldats du port de New York et de l’Académie militaire de West Point. Il ordonne également aux milices de revenir à New York.

Mercredi et jeudi : l'ordre restauré

Affrontements entre les émeutiers et les militaires.

La situation s'améliore le mercredi 15 juillet, lorsque l'adjoint du Provost Marshal Robert Nugent reçoit l'ordre de son supérieur, le colonelJames Barnet Fry, de mettre fin à l'émeute. Comme cette information est reprise par les journaux, certains manifestants restent prudemment chez eux. Certaines milices commencent à revenir en ville et emploient des vigoureuses mesures à l'encontre du reste des émeutiers.

L'ordre commence à revenir le jeudi 16 juillet lors du retour, après une marche forcée, de nouvelles troupes fédérales, dont le 152nd New York Volunteers, le 26th Michigan Volunteers, le 30th Indiana Volunteers et le 7th Regiment New York State Militia de Frederick. En outre, le gouverneur ajoute dans la mêlée le 74ème et le 65ème régiment de la milice de l'État de New York, qui n'était pas en service fédéral et une partie du 20th Independent Battery, New York Volunteer Artillery de Fort Schuyler à Throggs Neck. Dès le 16 juillet, il y a plusieurs milliers de soldats fédéraux en ville. Un dernier affrontement a lieu le jeudi soir à proximité de Gramercy Park, entraînant la mort de nombreux émeutiers.

Conséquences

Ruines du bureau du prévôt.

Le nombre exact de victimes est inconnu, mais selon l'historien James M. McPherson, au moins 120 hommes sont tués durant les émeutes. Selon les estimations, au moins 2 000 hommes sont blessés. Les dommages causés par les émeutes s'élèveraient quant à eux à environ un million de dollars. L'historien Samuel Morison écrit que les émeutes sont « l'équivalent d'une victoire des Confédérés ». Le département du trésor de la ville indemnise par la suite environ un quart du montant des dommages. Cinquante bâtiments, dont deux églises protestantes sont complètement détruits après avoir été incendiés. Le 19 août, les tirages au sort de conscription reprennent sans qu'on ait à déplorer de nouveaux incidents. On enrôle beaucoup moins d'hommes que ne le craignait la population: sur les 750 000 conscrits du pays, seuls 45 000 partent effectivement au combat.

Le Colored Orphan Asylum brûlé et pillé par les émeutiers.

Alors que les émeutes impliquent principalement la classe ouvrière, les New-Yorkais moyens et la classe dirigeante sont divisés en ce qui concerne la conscription elle-même et l'usage du pouvoir fédéral ou de la loi martiale afin de l'imposer. De nombreux riches hommes d'affairesdémocrates tentent de faire proclamer la conscription inconstitutionnelle. Les démocrates duTammany ne souhaitent pas eux-mêmes voir la conscription proclamée inconstitutionnelle, mais souhaitent plutôt aider les pauvres à payer leur taxe d'exemption.

L'immense soutien de New York à la cause de l'Union se poursuit ensuite mais un peu à contrecœur. À la fin de la guerre, plus de 200 000 soldats, marins et miliciens ont été enrôlés dans la ville. 20 000 d'entre eux sont morts durant la guerre. Les brigades Irish et Excelsior, originaires de la cité, font partie des cinq brigades de l’armée de l’Union à avoir subi les plus lourdes pertes au combat pendant la guerre. Si l'on inclut les pertes à Bull Run, aucun régiment d’infanterie de l’Union n’a connu autant de pertes que le 69ème régiment des Fighting Irish de New York. Bien que leurs faits d'armes soient peu mis en avant par les historiens modernes, les plus de cent Medal of Honor reçues rappellent leur bravoure au combat

Culture populaire

Les émeutiers se mettent à frapper les Noirs.

Les émeutes de la conscription sont omniprésentes dans les romans On Secret Service de John Jakes (2000) et Paradise Alley de Kevin Baker (2002).

La comédie musicale Maggie Flynn jouée à Broadway en 1968 est mise en scène dans l’orphelinat pour enfants noirs qui fut assiégé durant l’émeute. Dans le roman steampunk La Machine à différences (1990) de William Gibson et de Bruce Sterling, les lecteurs apprennent que les émeutes (lors d'une guerre de Sécession finalement gagnée par États confédérés) se terminent par la création d'une commune de Manhattan (comme celle de la Commune de Paris), dirigée par Karl Marx. Dans le roman uchronique Grant Comes East de Newt Gingrich, les émeutes sont dépeintes comme bien plus graves qu'elles ne le furent en réalité, car ce livre est la suite de son précédent roman où la Confédération remporte la victoire lors de la bataille de Gettysburg.

Le film Gangs of New York de Martin Scorcese (2002) se déroule à l'époque des émeutes mais ne dépeint pas de manière fidèle les événements qui se sont alors déroulés. Il tente plutôt de décrire « la naissance de Manhattan et la manière dont les différentes vagues d'immigrants ont façonné l'évolution de la ville de New York ». Selon le journaliste et écrivain Pete Hamill : « Les voyous irlandais établirent alors un lien, entre criminalité et politique à New York, qui allait durer plus d'un siècle. »

Le roman New York, d'Edward Rutherfurd, relate ces émeutes à travers le point de vue des différents personnages. L'un des personnages, Hetty Master, contribue à l'évasion des enfants du Colored Orphan Asylum, et assiste au lynchage d'un Irlandais qui a voulu dit hugo l'aider. Un autre, Hudson, un ancien esclave du Sud, est pendu à un arbre et brûlé. Edward Rutherfurd décrit ces émeutes avec beaucoup de précision, mêlant fiction et Histoire.

12 février 2014

la violence des riches......

Débat autour de "la violence des riches" (partie 1) avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon


La salle Jean Renoir était complète et durant 2h les invités ont présenté leurs travaux sociologiques sur la caste des "riches". Ensuite, un débat avec le public a eu lieu autour des thèmes si actuels que sont l'inégalité, le respect, les solutions...

Partie 1

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Débat autour de "la violence des riches" (partie 2) avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon


La salle Jean Renoir était complète et durant 2h les invités ont présenté leurs travaux sociologiques sur la caste des "riches". Ensuite, un débat avec le public a eu lieu autour des thèmes si actuels que sont l'inégalité, le respect, les solutions...

Partie 2

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Débat autour de "la violence des riches" (partie 3) avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon


La salle Jean Renoir était complète et durant 2h les invités ont présenté leurs travaux sociologiques sur la caste des "riches". Ensuite, un débat avec le public a eu lieu autour des thèmes si actuels que sont l'inégalité, le respect, les solutions...

Partie 3

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Débat autour de "la violence des riches" (partie 4) avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon


La salle Jean Renoir était complète et durant 2h les invités ont présenté leurs travaux sociologiques sur la caste des "riches". Ensuite, un débat avec le public a eu lieu autour des thèmes si actuels que sont l'inégalité, le respect, les solutions...

Partie 4

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Débat autour de "la violence des riches" (partie 5) avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon


La salle Jean Renoir était complète et durant 2h les invités ont présenté leurs travaux sociologiques sur la caste des "riches". Ensuite, un débat avec le public a eu lieu autour des thèmes si actuels que sont l'inégalité, le respect, les solutions...

Partie 5

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https://www.youtube.com/watch?v=Ys3cjJlTcDE
le résumé sur youtube.........maintenant ont reflechis.......
28 janvier 2014

Faire comme "tout le monde".

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Nous sommes nés au plein cœur du $ystème, comme la plupart des gens en France (ou ailleurs en occident) 
On a eu des tas de jouets en plastiques faits par les petites mains, "Made in China" comme on dit, on voulait les mêmes fringues de marque que nos camarades de classes, on a été nourris de légumes pesticidés, de viande industrielles aux anti-bio et de biscuits à l'huile de palme. Du fluor pour la protection de nos dents... On savait que c'était bon pour nous. On nous a donné le goût de l'artificiel, du pré-emballé, du pré-mâché, de la désinformation. L'important c'était que l'on fasse toujours bien comme on nous disait de faire. Adopter la perspective dominante. Pour notre bien toujours. Et quand on avait été sage on avait alors droit à plus d'aspartame, de colorants artificiels, gluten, conservateurs, et d'autres choses encore qui nous faisaient très plaisir. Tartinés de crème aluminium hydratante, methylparaben pour aller au soleil. "Normale" la vie. 

Suiveurs toujours - qu'il pleuve ou qu'il vente. On aimait aller faire les courses, chercher ce dont on avait besoin dans les rayons. On nous faisait du poisson bien pané, des frites bien graissées et pour le plaisir on nous emmenait chez Macdo! La vie en occident c'est une fête sans fin. On nous faisait passer des Noël "magiques", des galeries bondées et des rues déguisées en lieux joyeux et féeriques scintillants de toutes leurs lumières artificielles. On fonçait tête baissée dans le monde de l'hyper-consumérisme, un monde glauque, accroc au clinquant de sa culture matérialiste, mais qui ne sera jamais prêt à payer l'addition de ces conséquences directes et ravageuses. On s'en foutait un peu, on comprenait rien à ses problèmes "écologiques" ou d'esclavagisme présents dans le monde entier... La vie est si courte, il faut profiter. On vivait pour les jeux vidéos. On achetait des gadgets, des babioles, tous ses machins conçus pour casser, étudiés pour devoir être remplacés rapidos. Acheter, consommer, amasser, acquérir, posséder, assurer, jeter, racheter, jeter... C'est notre culture à nous. On s'est perdu dedans, on s'est jetés avec. On est nés dans l'abondance, l'excès, l'opulence, l'insouciance, l'indifférence. Normal. 
On ne nous a jamais appris ce qui nous était élémentaire, des valeurs sociales durables, ni ce qu'était l'éthique, l'intégrité, ni ce qu'était la vie sur Terre, et comment on devient autre chose qu'un esclave du système d'exploitation capitaliste. Ça nous barbe d'apprendre, on se moque de tout ce qui ressemble à un intellect développé. On sait pas comment produire notre nourriture, s'intéresser à la différence, remettre des choses en question, ou découvrir des alternatives. On nous déposait à l'école, pour nous inculquer des matières pour lesquelles il fallait avoir nos "bons points". Obéissants on suivait le troupeau pour avancer, s'éduquer.. on pensait s'amuser, recevoir de bonnes leçons, on singeait toutes les tendances et copiait le seul vocabulaire d'expressions qui dominait notre environnement. On était tous pareil, pas cons juste idiots utiles, façonnés par un unique même moule. Cool. On pensait jamais à sortir la tête au dehors de la petite boîte. Pour quoi faire? On était pas contrariants, divertis dans tous les sens, influencés par les mêmes références, tous les mêmes produits, on connaissait tout ce qu'il y avait à connaître, on se comprenait. On rentrait chez nous, on mettait la télé, pour s'enfiler des programmes et manger des publicités. On voyait nos parents fatigués le soir, l'air jamais heureux, se crier dessus, souvent au sujet de crédit et de dettes. On a adopté leur caste, leurs valeurs, leurs références, leurs idées. Faire un crédit sur 35 ans, faire construire une maison, acheter des meubles, remplir la maison, être sûr d'être à "l'abris" et travailler pour rembourser tous ces objets et toutes ces assurances... On nous a pressé d'avoir notre "BAC", pour faire de soi un salarié, un "employé", trouver le "CDI", croiser les doigts, faire de l'argent, trouver un "bon" boulot pour avoir "une bonne situation"... 

Faire comme "tout le monde". 

On n'a jamais vraiment compris notre malheur. On ne savait même pas remarquer les barreaux de la prison. On continuera alors de chercher bonheur dans le même triste décors de société en décomposition, endoctrinés, pour marcher au pas, dans un marché de "l'emploi" qui est sans le moindre avenir, mais on n'en parle pas donc ça on ne l'entend pas. Normal. Le confort, la richesse, le bonheur, on cherche... on est en quête... encore et encore. Plus la voiture est belle, plus la maison est grande, plus il y a de fric, plus l'image est reluisante. Plus on a de beaux cheveux de Stars, bronzés, recouverts des crèmes de la cosmétique, au mieux on aura « réussi » aux yeux des autres. Ça nous convient. Ça ne peut que nous convenir. Entretenir les mêmes aspirations, même aveuglement en suivant ce même schéma qui fait de la planète un dépotoir insensé: On ne connaît réellement que ça. 

On contribue tranquillement à ce cycle vain, et ce maintien en place du status-quo d'un ordre socio-économique monétaire fasciste inacceptable. Mais finalement bien normal pour "la norme".

Changer? évoluer....mais vers quoi? Encore faudrait-il le savoir...
REVOLUTION? BOF. TROP TARD. CHANGEONS RIEN.

 

pas de moi j'ai pas retrouver l'auteur....mais ca résume la pensée de beaucoups.....

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15 janvier 2014

le théâtre no.......

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HISTOIRE DU THEATRE NÔ : 
Le théâtre Nô est l'héritier des formes les plus anciennes du théâtre Japonais. Il trouve son origine dans les fêtes religieuses célébrées dans les campagnes, afin d'égayer les divinités, et ce faisant, s'assurer de leur bienveillance pour les récoltes. Ces danses avec costumes et masques sont connues sous le nom de Kagura.

Avec l'arrivée du Bouddhisme et de ses nouvelles cérémonies, vers 650, les Kagura, d'obédience Shintôcommencèrent à perdre de leur prestige. Les spectacles évoluèrent alors vers une forme plus profane, mais toujours très festive. Cette nouvelle forme de représentation s'appela alors le Gagaku ou Bugaku. Au IXéme siècle, une nouvelle évolution nommée Sangaku, puis Sarugaku ( "Jeux de Singes" ) ajouta au répertoire des acrobaties et des tours de magie ou de textes comiques.

C'est à l'époque Muromachi, sous l'autorité des Shoguns Ashikaga que deux acteurs, père et fils, établirent les règles de ce qui allait devenir le Nô. Kanami et Zeami gardèrent les grandes lignes du Sangaku, mais en changèrent totalement la forme. Inspirés par la religion Zen, en pleine essor, ils écrivirent de nouveaux textes et imposèrent des règles strictes pour les kimonos, les masques, la musique, la scène... En l'espace d'une vingtaine d'année, ils avaient transfiguré l'ancien Sarugaku populaire, en un art raffiné destiné à l'élite militaire et politique du Japon.


 

LA SCENE DU THEATRE NÔ : 
La scène du Théâtre Nô n'est apparue que plusieurs siècles après la mort de Zeami. Joué le plus souvent en plein air, comme l'aimaient les guerriers Japonais, le spectacle de Nô n'était séparé du public que par une simple estrade de bois légèrement surélevée. A partir du XVII éme siècle on prit l'habitude d'assister aux représentations dans un bâtiment en bois dont la scène devait refléter l'esprit de cette forme théâtrale si raffinée.

La scène du théâtre Nô ( Butai ) s'étend sur environ 6 mètres de côté, et est surplombée d'un toit traditionnel Shintô, soutenu par 5 piliers de bois. Un couloir ouvert de bois laqué ( Hashi-Gakari ) relie la scène aux coulisses ( Kagami No Ma ). Un rideau ( Agemaku ), tendu sur une partie de ce couloir, permet l'apparition feutrée des acteurs sur scène. La décoration du fond est souvent une représentation simple et traditionnelle d'un pin Japonais ( Matsu ).

Au fond de la scène se trouvent les quatre musiciens ( Hayashi ) : la flûte ( Fue ), deux tambours moyens ( Ô Tsuzumi et Ko Tsuzumi ) et un grand tambour ( Taiko ). Le Choeur des récitants ( Jiutai ) se place, quant à lui, à droite de la scène. Enfin un petit escalier de trois marches en bois permet d'accéder à la salle, après avoir franchi un espace rempli de pierre qui crée une barrière symbolique entre le monde imaginaire des acteurs et celui réel des spectateurs.


 

LES PERSONNAGES DU THEATRE NÔ : 
Conformément à la tradition du théâtre Nô, codifiée au XV éme siècle, les personnages du théâtre Nô sont répartis en deux grandes catégories. L'acteur principal ( Shite ) fait progresser l'intrigue par ses danses ou ses lentes melopées. Alors que le spectateur peut voir son visage lors de la première partie de la pièce ( Mae ), dans la deuxième partie (Nochi ), le Shite porte un masque pour effectuer la grande danse lente ( Kuse ). Vêtu de superbes kimonos, l'acteur principal est donc le véritable coeur de la représentation.

Important pour dialoguer avec le Shite, le deuxième rôle ( Waki ) permet aux spectateurs de comprendre à la fois le lieu et le rôle de chaque personnage, mais également l'intrigue principale de la pièce. Le Waki est le premier à rentrer sur scène, introduisant l'ensemble de la représentation. Puis, lorsque le personnage principal rentre en scène, il s'efface durant la première partie de la pièce ( Mae ) ou dialogue avec lui dans la deuxième partie ( Nochi ). Le Waki ne porte pas de masque.

Les autres personnages sont moins importants pour la représentation. Le Tsure ( assistant ) accompagne le Shite dans certaines occasions, et l'assiste pour les danses. Il porte également un masque. On peut aussi noter la présence de quelques figurants présents sur la scène, mais uniquement pour de brefs instants. Dernière précision importante : quelque soit le personnage interprété, les acteurs du théâtre Nô sont tous des hommes.


 

LES MASQUES DU THEATRE NÔ : 
Les masques ont toujours joué un rôle prédominant dans la culture Japonaise. Employés depuis l'époque Jômon, ils se sont répandus dans l'ensemble des fêtes populaires Shintô à l'époque Kamakura. C'est probablement dans ces traditions qu'il faut trouver les origines des masques du Théâtre Noh de l'époque Muromachi.

Haut de 20 cm environ, les masques de Nô sont sculptés dans un bois de cyprès, puis enduit d'une couche de peinture blanche sur laquelle sera appliquée la couleur jaune caractéristique de ces masques. De l'encre noire est utilisée ensuite pour les sourcils et les cheveux. L'ensemble est ensuite recouvert d'une couche de laque très finement appliquée. Les yeux sont d'étroites ouvertures, rendant difficile la vision de l'acteur.

Il existe quatre familles de masque : hommes âgés (Jô), femmes (Onna), hommes (Otoko) et démons (Oni). Chacune de ces catégories comprend elle-même 4 ou 5 variantes différents permettant de représenter la quasi-totalité du répertoire du Nô. Il est à noter que traditionnellement, seul le personnage principal de la représentation (Shite) porte un masque.

 

 

Le théâtre nô ou nô () est un des styles traditionnels du théâtre japonais venant d'une conception religieuse et aristocratique de la vie. Le nô allie des chroniques en vers à des pantomimes dansées. Arborant des costumes somptueux et des masques spécifiques (il y a 138 masques différents), les acteurs jouent essentiellement pour les shoguns et lessamouraïs. Le théâtre nô est composé de drames lyriques des xive et xve siècles, au jeu dépouillé et codifié. Ces acteurs sont accompagnés par un petit orchestre et un chœur. Leur gestuelle est stylisée autant que la parole qui semble chantée. La gestuelle est entrecoupée par les fameux miiye qu'ont représentés les graveurs d'acteurs japonais. Ce sont des arrêts prolongés dans le temps du geste et de la mimique afin d'en accroître l'intensité.

Constitué fin xiiie siècle au Japon, le nô est une forme théâtrale unissant deux traditions : les pantomimes dansées et les chroniques versifiées récitées par des bonzes errants. Le drame, dont le protagoniste est couvert d'un masque, était joué les jours de fête dans les sanctuaires. Ses acteurs, protégés par les daimyos et les shoguns, se transmettent depuis lors de père en fils les secrets de leur art. Le nô a évolué de diverses manières dans l'art populaire et aristocratique. Il formera aussi la base d'autres formes dramatiques comme le kabuki. Après que Zeami a fixé les règles du nô, le répertoire s'est figé vers la fin du xvie siècle et nous demeure encore intact. Le nô est unique dans son charme subtil (yūgen) et son utilisation de masques distinctifs. Lorsqu'ils mettent le masque, les acteurs quittent symboliquement leur personnalité propre pour interpréter les personnages qu'ils vont incarner. Au lieu de narrer une intrigue compliquée, le théâtre nô, hautement stylisé et simplifié, développe donc une simple émotion ou une atmosphère. Fonctionnant sur le même mode que les autocaricatures, la théâtralité permet de passer à une autre interprétation de soi.

Le nô fut une des premières formes d'art dramatique à être inscrite en 2008 (originellement proclamé en 2001) sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO, étant un des types de théâtre du nōgaku, conjointement au kyōgen.

 

Définition et sens du mot no

Le nô peut être défini comme un « drame lyrique » à condition d'entendre le mot « drame » dans son acception première de « action », le lyrisme du nô étant principalement poétique et ne demandant à la musique qu'un rythme et des timbres pour le soutenir.

Le mot « nô » vient d'un verbe signifiant « pouvoir, être puissant, capable de » ; d'où, employé comme nom, le sens de « pouvoir, faculté, talent ».

Le terme nô a, très tôt, été employé pour désigner le « talent » des artistes, danseurs ou exécutants, ce dont ils étaient capables. Par glissement de sens (talent > ce qu'on exécute avec talent > pièce exécutée), on en est très vite arrivé à désigner la pièce elle-même. C'est ce dernier sens de « pièce » que Zeami Motokiyo donne au mot « nô » dans le Nôsakusho consacré à la façon de composer les nô.

Histoire

Sarugaku et Dengaku

Jusqu'au xviie siècle, le nô est connu sous le nom de sarugaku no nō, ou simplement sarugaku. Ce dernier terme provient lui-même de sangaku, qui désigne tout un ensemble d'arts du spectacle, incluant les acrobaties, la jonglerie, la prestidigitation et la pantomime, importés de Chine. Progressivement, la pantomime comique devint l'attraction principale, entraînant le changement de nom (sarugaku pouvant se lire spectacle du singe).

À la cour, l'art privilégié était le gagaku (musique) et le bugaku (danse accompagnant le gagaku). Cet art se voulait harmonieux, élégant, raffiné, et était destiné à un public principalement aristocratique.

À la même époque, les traditions et rites paysans avaient donné naissance à un ensemble de danses et de rites destinés à assurer de bonnes récoltes et à apaiser les mauvais esprits appelés dengaku. Pratiqués en relation avec les pratiques divinatoires du bouddhisme ésotérique, ces rituels avaient l'appui des grands seigneurs et des grands temples bouddhistes. Ces appuis amenèrent les danseurs gagaku à mettre l'accent sur la dimension dramatique de leur art. Le kagura est souvent mentionné comme une des sources essentielles du nô.

Kan'ami et Zeami

En 1374Yoshimitsu Ashikaga, le futur shogun, assiste à un spectacle sarugaku donné par un acteur expérimenté (41 ans) : Kiyotsugu Kan'ami (1333 − 1384). Très impressionné par son jeu de scène, Yoshimitsu Ashikaga l'invite (lui et sa troupe, ainsi que son fils Motokiyo Zeami, alors âgé de 11 ans) à s'installer à sa cour. L'appui conféré par cette puissante relation permit à Kan'ami de développer une synthèse de pantomime sarugaku et des danses et chants du gagaku dans la direction d'un art élégant et raffiné, adapté aux goûts d'un public aristocratique.

La paternité du nô revient cependant au fils de Kan'ami, Motokiyo Zeami (1363-1443). Acteur dans la troupe de son père, il bénéficia également de la faveur du shogun. Poussant la stylisation plus loin que ne l'avait fait son père, il imposa le yūgen, « élégance tranquille », comme idéal du nô. Zeami fut à la fois un acteur, un metteur en scène, et un auteur prolifique, écrivant tout à la fois des pièces et des essais théoriques qui devinrent les fondations du nô. Il est probable qu'il remania en profondeur la plupart des pièces écrites par son père, ainsi que les pièces antérieures. Du fait de la contrainte imposée par ces nouvelles règles, l'aspect burlesque du sarugaku trouva son expression dans la forme comique du kyōgen, dont les représentations sont liées comme un contrepoint à celles du nô. Le traité essentiel de Zeami est la Transmission de la fleur et du style (Fushi Kaden), écrit en1423 et qui reste l'ouvrage fondamental pour les acteurs contemporains.

Nô et shoguns

L'histoire ultérieure du nô est étroitement liée à ses relations avec le pouvoir. Ainsi, après la mort de Kan'ami, trois personnes se partageaient le devant de la scène : Zeami lui-même, son cousin On'ami (mort en 1467) et son frère adoptif Komparu Zenchiku (1405 − 1470). Adeptes d'un style plus flamboyant que celui de Zeami et sans doute aussi meilleurs acteurs, On'ami et Konparu reçurent la faveur des successeurs de Yoshimitsu Ashikaga, les shoguns Yoshinori Ashikaga (1394 − 1441) et Yoshimasa Ashikaga (1436 −1490), tandis que Zeami tomba en disgrâce.

La guerre d'Ōnin (1467-1477) et l'affaiblissement du pouvoir des shoguns qui en découla portèrent un grave coup au nô. Afin de survivre, les descendants de On'ami et de Zenchiku Komparu tentèrent de s'adresser à un public plus large en introduisant plus d'action et plus de personnages.

Le renouveau du nô eut cependant lieu sous les auspices de Oda Nobunaga (1534 − 1582) et de Toyotomi Hideyoshi (1537 − 1598), ce dernier étant un grand amateur pratiquant le nô, qui assurèrent la protection des troupes. C'est en accord avec ses préférences esthétiques (celles de la classe du Bushidô) que fut créée l'École (Ryû) KITA qui vint s'ajouter aux quatre troupes (ZA) traditionnelles. Dans le même temps, la culture splendide de l'époque Momoyama marqua profondément le nô, lui transmettant le goût des costumes magnifiques, la forme des masques encore employés aujourd'hui ainsi que la forme de la scène. C'est également à cette époque que se compose le répertoire classique du nô, phénomène en rapport direct avec le changement de statut des « troupes » en « écoles ».

Scène peinte sur un paravent représentant un acteur de nô, fin du17e siècle.

Cette protection fut poursuivie à la période Edo sous l'autorité des Tokugawa. Déjà profondément lié à une transmission familiale, le nô devint alors totalement une affaire de famille, chaque acteur devant appartenir à un lignage (l'adoption d'adultes était alors une pratique courante, permettant d'intégrer de nouveaux acteurs). Cette évolution est à mettre en relation avec la division de la société en classes de plus en plus étanches qui eut lieu à cette époque.

Élément essentiel des divertissements des shoguns et par extension des samouraïs, le nô devint pratiquement réservé à ces derniers. Sous l'influence de ce public, les représentations se firent plus solennelles et plus longues, le nô devenant un art sérieux, demandant une grande concentration de la part du public.

Vers le nô contemporain

Le nô faillit bien disparaître avec ses protecteurs à l'ère Meiji, avant de connaître un retour en grâce à partir de 1912. C'est à cette époque que le terme nōgaku commença à être utilisé pour désigner l'ensemble formé par le nô et le kyōgen et que se construisirent les premières salles exclusivement dédiées à cet art.

À nouveau menacé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le nô réussit à survivre, et constitue aujourd'hui un des arts traditionnels les plus établis et les mieux reconnus. Le nô fut une des premières formes d'art dramatique à être inscrite en 2008 (originellement proclamé en 2001) sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco en tant qu'un des types de théâtre du nōgaku, conjointement au kyōgen.

Dramaturgie

Ce sont des drames brefs (entre trente minutes et deux heures) : une journée de nô est composée de cinq pièces, de catégories différentes.

La première pièce forme le jo, ou ouverture ; les trois suivantes constituent le ha, ou développement ; la dernière forme le kyû, ou finale. Cette organisation (empruntée par Zeami à la musique) se retrouve également dans la composition de chaque pièce, faisant du jo-ha-kyû un principe esthétique fondamental du .

La scène

La scène de nô du Théâtre national du nō à Tokyo.

La scène procède du dispositif chinois : un quadrilatère à peu près nu (excepté le kagami-ita, peinture d'un pin au fond de la scène) ouvert sur trois côtés entre les pilastres de cèdre qui en marquent les angles. Le mur à droite de la scène est appelé kagami-ita, tableau-miroir. Une petite porte y est ménagée pour permettre l'entrée des aides de scène et du chœur. La scène, surélevée, est toujours surmontée d'un toit, même en intérieur, et entourée au niveau du sol de gravier blanc dans lequel sont plantés de petits pins au pied des piliers. Sous la scène se trouve un système de jarres de céramique amplifiant les sons lors des danses. Les détails de ce système sont l'apanage des familles de constructeurs de scènes de nô.

Un vieux théâtre de nô, Hakusan Jinja, Hiraizumi, Iwate

L'accès à la scène se fait pour les acteurs par le hashigakari, passerelle étroite à gauche de la scène, dispositif adapté ensuite au kabuki en chemin des fleurs (hanamichi). Considéré comme partie intégrante de la scène, ce chemin est fermé côté coulisses par un rideau à cinq couleurs. Le rythme et la vitesse d'ouverture de ce rideau donnent au public des indications sur l'ambiance de la scène. À ce moment l'acteur encore invisible, effectue un hiraki vers le public, puis se remet face à la passerelle et commence son entrée. Ainsi, il est déjà en scène avant même d'apparaitre au public et le personnage qu'il incarne se lance sur la longue passerelle, le hashigakari qui impose des entrées spectaculaires. Le long de cette passerelle sont disposés trois pins à la taille decrescendo; ceux-ci sont des points de repère utilisés par l'acteur jusqu'à son arrivée sur le plateau principal.

Organisation de la scène de nô
Noh Theatre Ground Plan.PNG Légende :
  • 1 : Kagami-no-ma (pièce au miroir)
  • 2 : Hashigakari (pont)
  • 3 : Scène
  • 4-7 : Quatre piliers, respectivement Metsuke-BashiraShite-BashiraFue-Bashira et Waki-Bashira.
  • 8 : Jiutai-za (emplacement du chœur).
  • 9 : Musiciens. De droite à gauche, kue-za (flûte traversière No-kan),kotsuzumi-za (petit tambour), ohtsuzumi-za (tambour moyen) et parfois taiko-za (grand tambour).
  • 10 : Kohken-za (souffleur)
  • 11 : Kyogen-za
  • 12 : Kizahashi (marches)
  • 13 : Shirazu (sable blanc)
  • 14-16 : Pins
  • 17 : Gakuya (coulisses)
  • 18 : Makuguchi (entrée principale, obstruée par un lourd rideau de trois ou cinq couleurs, Agemaku)
  • 19 : Kirido-guchi (entrée du chœur et du souffleur)
  • 20 : Kagami-ita (dessin d'un pin, habituellement dans le style de l'école Kanō.

Le public est disposé face à la scène (butai) ainsi qu'entre le pont et le flanc gauche du butai. Observé sur 180 degrés, l'acteur doit en conséquence prêter une attention particulière à son placement. Les masques restreignant beaucoup son champ de vision, l'acteur utilise les quatre piliers pour se repérer et le pilier à la jointure de la passerelle et du plateau principal (dit le pilier du shite) pour se positionner.

Acteurs et personnages

Un ensemble de nô compte environ vingt-cinq artistes.

Scène de nô: le shite au centre, le wakià droite de dos, chœur à droite et orchestre au fond.

Il y a quatre catégories principales d'artistes, et cinq catégories principales de rôles :

  • Le shitekata correspond au type de jeu d'acteur le plus représenté. Ces acteurs interprètent divers rôles, dont le shite (le protagoniste), le tsure (compagnon du shite), le jiutai (chœur chanté, composé de six à huit acteurs), et les koken (serviteurs de scène).
  • L'acteur wakikata incarne les rôles de waki, personnage secondaire qui est la contre-partie du shite.
  • Le kyōgenkata est le style de jeu réservé aux acteurs jouant les rôles populaires dans le répertoire nô et toute la distribution des pièces kyōgen (représentées en intermède entre deux pièces nô).
  • Le style hayashikata est celui des musiciens qui jouent des quatre instruments utilisés dans le nô.

Les artistes suivent une formation complète de leur métier. Ainsi, qu'il soit acteur, danseur ou musicien, un artiste étudiera avant tout le chant. Le disciple, par exemple un joueur de percussion, lors d'un cours de tsuzumi, se prépare à frapper son instrument puis le maître entonne le chant de la pièce concernée. Le disciple attentif au chant apprend à placer les rythmes qu'il a mémorisés sur le chant qu'il doit « encourager ». Pour comprendre le concept de cette forme musicale, il est indispensable d'être initié au rythme du chant.

De plus, n'étant pas seul sur scène, il doit se combiner avec les autres percussions dans un contexte musical où la mesure est fluctuante (et non constante comme celle d'un métronome) et nécessite une écoute permanente entre les artistes. C'est le chant qui sert de guide à l'ensemble. Pour acquérir cette puissante capacité d'écoute, on étudie également tous les autres instruments. Ainsi, tous les artistes sont pluridisciplinaires mais sur scène, sauf cas exceptionnel, l'artiste ne jouera que dans sa spécialité. Le chant est l'élément essentiel et commun à tous les artistes.

Acteur costumé
Shite, acteur principal du nô, ici dans un costume de divinité féminine.
  • Le shite (littéralement « celui qui agit») est avant tout l'acteur qui joue le personnage principal de la pièce et qui exécute les danses. Il doit pouvoir jouer une vaste gamme de personnages, allant de l'enfant au dieu en passant par le vieillard ou la femme. Tous les acteurs étant des hommes, la nature d'un personnage est signifiée par son costume, très élaboré, et surtout par son masque, plus petit que la taille réelle. Seuls les acteurs shite mettent des masques, réputés concentrer l'essence du personnage à interpréter. Certaines pièces tolèrent un shitesans masque. Il s'agit de mises en scène spéciales compte tenu de la spécificité de l'acteur, une force intrinsèque à son âge (enfant ou vieillard). Dans les deux cas, il doit s'attacher à garder un visage inexpressif, tout comme les autres personnes présentes sur scène, et jouercomme s'il portait un masque (hitamen). Le métier d'acteur shite recouvre aussi les rôles de personnages accompagnant le rôle principal (mais qu'il ne faut pas confondre avec les rôles secondaires) : femme, enfant, animal ou être surnaturel.
  • Le waki (littéralement celui qui est « sur le côté ») a pour rôle essentiel d'interroger le shite et de lui donner une raison pour effectuer sa danse. Joué sans masque, le waki est toujours un personnage d'humain mâle et vivant. Il peut s'agir d'un aristocrate, courtisan ou envoyé, d'un prêtre, d'un moine, d'un samouraï ou d'un homme du peuple. Sa fonction sociale est indiquée par son costume.
  • Les tsure (littéralement « accompagnants, suivants ») sont des personnages secondaires qui accompagnent de leur chant soit le shite, on parle alors de shite-zure, soit le waki, on parle alors de waki-zure. Personnages sans nom, les tsure n'influent pas sur l'action de la pièce. Dans la pièce, plus qu'un personnage, le tsure n'est qu'une voix.
  • Les tomo (littéralement « compagnons ») sont des utilités et n'ont qu'un rôle épisodique. Ils représentent des serviteurs.
Kyôgen-shi au premier plan, avec sonwaki assis au second plan.
  • Le kyôgen-shi, présent dans un grand nombre de nô, le kyôgen-shi est le comique de la pièce. Parfois mêlé à l'action en qualité de comparse (portier de temple, batelier, portefaix, etc.) il n'a, la plupart du temps, qu'un rapport indirect avec la pièce elle-même. Son rôle consiste essentiellement à occuper la scène pendant le ai (littéralement « intervalle »), l'intermède qui sépare le nô en deux parties.
Membre du chœur allant s'installer à sa place
  • Le ji est un chœur, soit il prend directement part à l'action en se substituant à un acteur pour exécuter certains chants soit, personnage intemporel, il exprime le sentiment que l'action suggère. À la différence de la tragédie grecque, il ne représente jamais un groupe de personnages.
  • Le kôken (littéralement « surveillant »), n'est pas un acteur. Mais, bien que ne prenant pas part à la pièce, il est essentiel à son bon déroulement. Assis au fond de la scène en costume de ville, il dispose à l'avance les objets nécessaires, les faire disparaître lorsqu'ils ne le sont plus et fournit à point nommé ceux qui sont indispensables au cours de l'action (épée, éventail, canne, etc.). Il peut en cas de nécessité remplacer le shite.

Musique et texte

Les musiciens du nô : de droite à gauche, taikoō-tsuzumi et ko-tsuzumi(tambours), nōkan.

Outre les acteurs, la scène est occupée par des musiciens, rangés au fond de la scène, et par un chœur de huit à douze personnes occupant le côté droit. La musique est produite au moyen de trois types de tambours de taille croissante, l'un porté à l'épaule (ko-tsuzumi), le second entre les jambes (ō-tsuzumi) et le troisième (taiko) joué avec des baguettes de cyprès, ainsi que d'une flûte de bambou à sept trous (fue est le nom générique des flûtes traversières au Japon, le théâtre nô utilise la flûte nōkan). Les deux premiers tambours ont un corps de cerisier, le troisième d'orme, tous sont tendus de cuir de cheval et réglé par des cordes de lin.

La musique a pour fonction de créer l'ambiance, souvent une atmosphère étrange, en particulier quand interviennent des éléments surnaturels. Les anciens masques du nô étaient tenus par la bouche et les acteurs ne pouvaient pas prononcer de texte, c'était donc le chœur qui parlait à leur place.

Pour l'essentiel, le chœur est chargé de fournir les éléments de narration, de commenter le récit et de dire les répliques d'un acteur lorsque celui-ci exécute une danse, ou d'amplifier l'intensité dramatique d'une tirade. La domination des percussions dans la musique souligne l'importance fondamentale du rythme dans la représentation de no.

Le texte est psalmodié selon des intonations rigoureusement codifiées.

On distingue neuf formes chantées :

  • le shidai sorte de prose chantée est, en général, un récitatif assez simple ;
  • l'issei commence le rôle du shite. C'est l'une des formes les plus mélodiques du nô et son exécution est ordinairement confiée à deux voix,shite et shite-zure ;
  • l'uta (littéralement « chant ») revient plusieurs fois au cours de la pièce, généralement quatre ;
  • le sashi dont la forme présente une certaine régularité désigne un passage situé entre deux formes de caractère différent pour les relier ou préparer la seconde ;
  • le kuri est un chant animé aux inflexions variées qui introduit le kuse. Il débute souvent par une maxime, une généralité ;
  • le kuse, forme chantée la plus développée. Le kuse, au rythme calme et régulier, est ordinairement accompagné d'une danse ;
  • le rongi (littéralement « discussion ») est une sorte de dialogue chanté entre le chœur et le shite ;
  • le waka suit la danse du shite pendant laquelle il n'y a pas de chant. L'éventail ouvert devant le visage, le shite, immobile au centre de la scène, chante le premier vers, le chœur le reprend et continue le morceau pendant que le shite exécute une nouvelle danse ;
  • le kiri (littéralement « finale ») est un chœur assez court, de forme libre, qui clôt la pièce.

Du fait de la fixation du répertoire à la fin du xvie siècle, le texte est en japonais archaïque, incompréhensible pour les Japonais contemporains. La plupart des salles proposent ainsi des traductions du texte.

Structure du no

Le nô comporte deux parties, l'une d'exposition, l'autre d'action. Le shite, acteur dans la première devient danseur dans la seconde, ce que souligne le changement de costume plus somptueux alors.

Le nô se divise en scènes appelées ketsu (littéralement « division, coupure »). Ces dernières sont caractérisées beaucoup plus par les formes littéraires ou musicales employées que par l'entrée ou la sortie des personnages.

Première partie

  • Scène 1 : entrée du wakiShidainanorimichiyuki.
  • Scène 2 : entrée du shiteIssei (avec ou sans ni no ku), sashiuta, (sage-uta et age-uta).
  • Scène 3 : dialogue et exposition. Mondô avec ou sans katarisashi (kakaru), uta.
  • Scène 4 : développement. Kurisashikuse.
  • Scène 5 : suite du développement et conclusion partielle. Ronginaka-iri, intermède.

Deuxième partie

  • Scène 6 : entrée du nochi-jiteMachi-utaiissei dialogue chanté.
  • Scène 7 : danse du shite conduite soit par le chant du kuse, soit par l'orchestre.
  • Scène 8 : conclusion. Wakakiri. Danse du waka interrompue par le chant du shite qui scande le kiri.

Pièces

Une pièce de nô implique toutes les catégories d'acteurs. Il y a approximativement deux cent cinquante pièces au répertoire. On peut les répartir en deux groupes selon leur réalisme, ou en six catégories selon le thème. Ce dernier influera sur le moment où la pièce est jouée au cours de la journée traditionnelle de nô, qui comporte une pièce de chacune de ces six catégories.

Genzai nō et mugen nō

Le genzai nō désigne les pièces réalistes. Le personnage principal est alors un être humain vivant, et l'histoire se déroule en temps réel. La pièce est centrée autour des sentiments du personnage, toujours pris dans une situation dramatique. Le dialogue parlé constitue le moyen essentiel d'exposition.

Le mugen nō fait en revanche appel à des créatures imaginaires, divinitésfantômes ou démons. Ces créatures sont toujours jouées par le shite. Les pièces sont alors divisées en deux actes. Dans le premier, la créature apparaît sous l'aspect d'un être humain au waki venu visiter un lieu sacré ou célèbre. Au second acte, il se révèle et exécute une danse. Ce second acte est supposé se dérouler dans un rêve ou une vision de waki, d'où le nom de mugen, qui désigne ce type d'expérience.

Le sujet des mugen nō fait le plus souvent référence à une légende ou à une œuvre littéraire. Écrit dans une langue à la fois archaïque et poétique, le texte est chanté selon des intonations obéissant à des règles strictes de kata (formes imposées par la tradition). De même, les acteurs adoptent pour ce type de pièces un pas glissé caractéristique, et les mouvements des danses sont eux-mêmes très codifiés. Cette stylisation extrême donne à chaque mouvement et intonation une signification conventionnelle propre.

La mise au point des caractéristiques essentielles du mugen nō est attribuée à Zeami. Plutôt que de tenter de recréer la beauté sur la scène, son but est de susciter dans l'auditoire un état d'esprit propre à la contemplation de la beauté, sa référence étant le sentiment éprouvé face à la beauté d'une fleur.

Les six types de pièces

Les pièces de nô sont le plus souvent classées par sujet, qui régissent leur ordre de représentation (une journée de 5 pièces voit ainsi se succéder les catégories 1 à 5 de pièces). Cet ordre constitue un héritage de l'époque des Tokugawa :

  • Okina ou kamiuta.
  • 1re catégorie : pièces de dieux.
  • 2e catégorie : pièces de guerriers.
  • 3e catégorie : pièces de femmes.
  • 4e catégorie : pièces de femmes folles ou de folie.
  • 5e catégorie : pièces de démons.

Okina ou kamiuta

Il s'agit d'une pièce unique alliant danse et rituel shinto. En toute rigueur, il ne s'agit pas de nô, mais d'une cérémonie religieuse utilisant le même répertoire de techniques que le nô et le kyōgen. Il représente la bénédiction accordée par une divinité à l'assistance. Le masque est alors un objet religieux à part entière.

Ces pièces sont aussi connues sous le nom de sanban, « les trois rituels », en référence aux trois pièces essentielles chichi-no-jookina, et kyōgen sanba-sarugaku. Le rôle principal est tenu par un acteur de nô, le rôle secondaire par un acteur de kyōgen.

Ces pièces ne font partie des journées de nô qu'à l'occasion de la nouvelle année ou de représentations spéciales. Elles sont alors toujours données au début du programme.

Nô de dieux

Appelées aussi waki nō (nô d'après, après l’okina), elles ont une divinité comme personnage principal. Typiquement, le premier acte narre la rencontre d'un prêtre avec un autre personnage sur un lieu célèbre ou en route vers un tel lieu. À la fin de l'acte, l'autre personnage se révèle une divinité. Celle-ci, ou une divinité liée, revient à l'acte II pour exécuter une danse et bénir l'assistance, un temple ou les récoltes.

Exemples de pièces : le Vieux Pinles Deux PinsPo Chu-il'Arc du temple d'Hachimanla Déesse des cerisiersla Reine-mère de l'OuestKamole Dieu du temple de Shirahigel'Île aux bambous de la déesse Benten, etc.

Nô de guerriers

En japonais shura-nō, ces pièces sont centrées autour de l'esprit de guerriers morts, et tombés en enfer après leur mort. Ils reviennent alors pour raconter la vie dans l'ashura(enfer de la guerre), ou leur dernière bataille.

Exemples de pièces : le Général Tamura-maruYoshitsune à Yashimale Carquois de Kagetsuele Guerrier Michimorila Noyade de Kyotsunele Vieux SanemoriMinamoto no YorimasaDame Tomoe.

Nô de femmes

Appelées « nô de femmes » ou « nô à perruque » (kazura-nō), ces pièces tournent autour de l'esprit de femmes belles, de jeunes nobles, voire de plantes ou de déesses. Le moment essentiel de ces pièces est une danse gracieuse.

Nô de femmes folles ou de folie

Cette catégorie, assez mal définie, regroupe les pièces n'appartenant pas aux autres groupes, c'est pourquoi elle est aussi appelée la catégorie des «nô variés». Les pièces dépeignent en général un personnage, souvent une femme, tombant dans la folie par jalousie ou après la mort d'un être cher.

Nô de démons

Aussi appelées « nô de la fin » (kiri nō), ces pièces comprennent un personnage surnaturel, démon, roi-dragon, gobelin ou autre esprit de ce type, quoique le personnage central de certaines soit simplement un jeune noble. Ces pièces ont un rythme plus rapide, soutenu par l'utilisation du tambour à baguettes (taiko). Une danse rythmée constitue leur point culminant, qui est également celui de la journée de nô

Accessoires

Tout comme le répertoire, la diction et les attitudes, les accessoires sont issus d'un corpus traditionnel et jouent un rôle dans la compréhension de la pièce. Les accessoires les plus connus sont les masques, mais les costumes et les autres accessoires font l'objet de la même attention.

Les masques

Des documents de l'époque Momoyama (xvie siècle) font état d'une soixantaine de masques de nô (en japonais omote, « visage »), dont la plupart sont encore employés aujourd'hui. Ils sont utilisés pour tous les rôles de shite à l'exception des rôles d'enfants et d'hommes adultes vivants (par opposition aux fantômes). Quand le shite joue sans masque, il doit garder une expression neutre, exactement comme s'il portait quand même un masque. La conception des masques de nô mêle des éléments réels et symboliques, leur but étant de renseigner sur le type de personnage ainsi que sur son humeur. Lorsqu'il met le masque, l'acteur quitte symboliquement sa personnalité propre pour prendre celle du personnage qu'il va incarner. La contemplation du masque fait ainsi partie du travail de préparation pour le rôle. De plus, du fait de l'éclairage, l'expression du masque est conçue pour pouvoir varier en fonction de l'angle d'exposition. L'acteur doit ainsi constamment contrôler l'inclinaison de sa tête afin de présenter à la lumière son masque selon l'orientation voulue par l'humeur de son personnage.

Plus petits en taille que le visage de l'acteur, les masques réduisent considérablement son champ de vision. Il utilise alors les piliers de la scène pour se situer.

De même que pour les pièces, les masques sont répartis en six catégories.

Masques pour Okina

Les masques pour Okina proviennent du sarugaku, et datent donc dans leur conception d'avant la formalisation du nô. De ce fait, les plus anciens constituent des objets sacrés conservés dans des temples. Ils représentent à une exception près des dieux âgés et riants. Ils se distinguent des masques de nô proprement dits par le fait que la mâchoire n'est pas solidaire du reste du masque ainsi que par la forme des yeux et des sourcils.

Masques de vieil homme

Masque de vieil homme, époque d'Edo.

Les masques de vieil homme regroupent une grande variété de masques qui se distinguent les uns des autres par l'implantation des cheveux, la présence d'une barbe, le traitement des dents, et surtout l'impression. Cette dernière signale la véritable nature de la créature se présentant sous l'apparence d'un vieillard : véritable vieil homme, il peut aussi s'agir d'un dieu, d'un fantôme ou d'un esprit ayant adopté un tel déguisement.

Masques de démon

Masque de démon, époque d'Edo.

Les masques de démon, qui peuvent avoir la bouche ouverte ou fermée, se distinguent par la grande expressivité des traits et la coloration dorée des yeux. Ces deux éléments expriment la puissance brute et la sauvagerie des êtres surnaturels qu'ils représentent. Seuls des masques de démons féminins possèdent des cornes; les masculins n'en ont pas.

Masques d'homme

Masque d'adolescent, époque d'Edo.

Les masques d'homme sont la catégorie la plus nombreuse. Ils peuvent représenter un type humain particulier (le beau jeune homme, par exemple), signifier une caractéristique physique (la cécité) ou encore servir de déguisement à un être surnaturel (fantôme, jeune dieu) ; certains sont même propres à un rôle particulier.

Masques de femme

Masque de femme

Tout comme les masques d'homme, les masques de femme sont classés en fonction de l'âge et de l'expression du personnage représenté. Cependant, ils varient beaucoup moins en diversité d'expression, se concentrant plus sur des types particuliers, la jeune et belle femme, la mère inquiète et la vieille femme digne. Certaines expressions, en particulier celle de la femme jalouse, ne sont pas classées parmi les masques de femme, mais parmi les masques d'esprit vengeur.

Masques d'esprit vengeur

Masque d'esprit vengeur féminin, époque d'Edo.

Les masques d'esprit vengeur sont employés dès lors que la colère, la jalousie ou la haine submergent le caractère propre de la créature représentée, qu'elle soit un être vivant (homme ou femme) ou surnaturel (un fantôme), ces masques signifiant d'ailleurs le passage d'un état à l'autre. Ils ont en commun une coiffure ébouriffée et la dorure des yeux qui, comme dans le cas des masques de démon, dénotent l'absence de retenue et la sauvagerie des caractères possédés par leur passion.

Costumes

Les costumes (shozoku) sont issus des vêtements de cérémonie des nobles et des samouraïs de l'époque Muromachi (xive-xvie siècles). Le plus souvent en soie, ils sont particulièrement épais et lourds afin d'accentuer l'impression de richesse et d'élégance. Leurs ornements, sophistiqués, font partie intégrante du personnage joué, dont ils dénotent la nature ainsi que l'humeur. De ce fait, ils sont pratiquement aussi importants que le masque pour la composition du caractère, et font l'objet d'une contemplation de l'acteur qui s'imprègne de son rôle.

Accessoires

Tous les personnages entrant sur scène, y compris les musiciens, sont dotés d'un éventail. Les motifs des éventails, tout comme les masques et les costumes, renseignent sur la nature et l'humeur du personnage. L'éventail peut représenter un éventail, un objet différent (rame, épée...), un élément de l'environnement (soleil, neige...) ou un sentiment du personnage (joie, colère...).

Une boîte à perruque, la plupart du temps une boîte en laque, sert fréquemment de siège.

Enfin, le décor est constitué d'éléments légers, à base de bambou, sur lesquels sont liés des végétaux ou des tissus, donnant une idée du type d'environnement de la pièce. Contrairement à tous les autres objets du nô, les éléments de décor sont construits pour chaque représentation, et détruits ensuite.

Le nô aujourd'hui

Il y a environ mille cinq cents acteurs et musiciens professionnels de nô au Japon aujourd'hui4, et cette forme d'art recommence à prospérer. Contrairement au kabuki qui est toujours resté très populaire, le nô s'est peu à peu tourné principalement vers une certaine élite intellectuelle. Les cinq familles de nô sont les écoles Kanze (観世), Hosho (宝生),Komparu (金春), Kita (喜多), et Kongo (金剛). Les familles de kyōgen étant à part.

On compte environ soixante représentations par mois à Tokyo, plus trente dans le Kansai, pour un fonds de deux cent cinquante pièces régulièrement jouées.

Influence sur le théâtre occidental

L'ouverture du Japon, à la fin du xixe siècle, suscite l'intérêt de plusieurs artistes occidentaux. En 1921, le poète Paul Claudel est nommé ambassadeur de France au Japon, ce qui le marque le plus dans la structure dramatique du nô est sa musicalité. Il expose cette idée dans certains de ses textes critiques comme le Nō et Le drame et la musique. L'influence que le théâtre nô a pu avoir sur la dramaturgie de Claudel est surtout formelle. À la même époque en Irlande, Yeats, prix Nobel de littérature en 1923, est initié au nô et en imprègne tout son théâtre. Stanislavski ou Meyerhold se penchent également sur la dramaturgie japonaise, et font quelques expériences de mise en scène orientalisantes, mais s'inspirant plutôt du kabuki pour son aspect plus coloré et exotiquement spectaculaire. Bertolt Brecht, après s'être passionné pour le théâtre chinois, adapte en 1930 un nô :Taniko, sous le titre Der Ja-sager (celui qui dit oui).

Plus récemment, les nô modernes de Yukio Mishima, grâce à la traduction française de Marguerite Yourcenar, ont fait connaître au grand public francophone quelques éléments essentiels du nô, tels que les « fantômes vivants » ou les métamorphoses animalières. Les pièces de Mishima sont très fréquemment mises en scène également par les jeunes compagnies, et beaucoup dans le Off du Festival d'Avignon jusque dans les années 2000.

Actuellement en Suisse, le metteur en scène Armen Godel, passionné de nô et traducteur du japonais, monte notamment des œuvres de Racine, Corneille, ou bien sûr Mishima, les imprégnant du yūgen (mot typique du nô que René Sieffert traduit par « charme subtil ») et en France, depuis les années 1980, le metteur en scène et directeur de théâtre Junji Fuseya initie des artistes occidentaux à sa technique adaptée de sa propre formation traditionnelle de nô et kyōgen. Il faut noter encore l'inspiration que Peter Brook a certainement trouvé chez Yoshi Oida, avec lequel il a travaillé de nombreuses années.

 

Masques du théâtre japonais

Nom suivi de la description des masques utilisés dans le théâtre japonais  (drame lyrique), Kabuki (drame épique) et kyogen (farce). Le plus souvent, les masques sont utilisés indifféremment dans tous les théâtres. Lorsqu’ils sont particuliers à l’un d’entre eux, ils sont signalés. Enfin, ils sont classés par ordre alphabétique. Les dessins de certains masques sont reproduits en fin d'article. .

  1. ayakashi, masque d'homme (illustré dans le « Kokkiwa »);
  2. mitama ayakashi, variante du précédent1;
  3. akobu et akobujo;
  4. Akubo, méchant prêtre à la barbe hirsute;
  5. akujo, vieillard méchant habituellement barbu;
  6. hanakobu akujo, identique au précédent mais porte une verrue sur le nez;
  7. kobu akujo, variante du n° 5;
  8. meika akujo, variante du n° 5;
  9. washibana akujo, variante du n° 5 avec le nez crochu;
  10. ama za kuro;
  11. asakura, voir Kojo (n° 63);
  12. ayakiri, masque gigaku;
  13. bato, masque gigakuavec un grand nez et des cheveux longs;
  14. beshimi, masque de démon;
  15. chorei beshimi, variante de Beshimi, chef desOnis. Voir égalementObeshimi (n° 85) etKobeshimi (n° 60);
  16. boatsu, masque d'unBiddhisattva;
  17. buaku, vieillard très ridé et très méchant;
  18. bugaku, peut-être une variante du précédent;
  19. chiji no jo, masque de vieillard;
  20. choja, masque gigakud'un homme arborant un mince sourire et au nez crochu;
  21. chujo, appelé aussi wata otoko, jeune officier. Voir n° 127;
  22. dai hechi nommé Dai Hetsu shi ou « masque de démon »;
  23. dai kasshoku, masque de femme souriante;
  24. dai doji, grand masque de doji (jeune homme);
  25. deigan (de Dei, « boue » en japonais et Gan, « œil »), masque féminin;
  26. emmei kwanja, serait Daikoku pour Muller. Voir égalementjomeikenja (n° 48)
  27. fudo, divinité des chutes d’eau (cascades);
  28. fukai ou fukami oushakumi ou zo, jeune femme;
  29. fukujin, homme chanceux;
  30. futen, Dieu du vent;
  31. fukakusa otoko, masque masculin au faciès angoissé;
  32. gedo, masque de diable ou d’hérétique;
  33. genjoraku, masque gigaku;
  34. hakushiki, de « couleur blanche », signification semblable au masque d’Okina et utilisé dans la danse « Sembasso ». Sa forme est identique à celle du masque Kokushiki à la différence près que ce dernier est noir.
  35. hannya, masque de diable féminin. Apparaît fréquemment dans diverses pièces Nô en tant que : Adachigahara,Dojo-ji (Kiyohime), Aoi no ue, Momijigari, ainsi que dans les pièces de Watanabe no Tsuna, Omori Hikohichi, etc…;
  36. hashihime;
  37. heida, masque d’homme;
  38. hemi jo, masque de vieillard très semblable au masque Snko (n° 100);
  39. hyottoko masque masculin dont la bouche, de forme tubulaire se porte en avant (ce masque est aussi appelé le « souffleur d'eau »), semblable à une personne qui fait la moue. Il arbore parfois une moustache. On le rencontre habituellement avec des danseurs de Manzai en tant que personnage comique. Il est alors utilisé dans le théâtre Kiogen;
  40. hokwansante, masque gigaku;
  41. ikazuchi, autre nom de la divinité du tonnerreKaminari ou Raiden;
  42. ikkaku sennin, masque d’homme porteur d’une unique corne au milieu du front. Personnage principal de la pièce du même nom parMotoyosu;
  43. imawaka, masque masculin;
  44. jaguchi, masque figurant une « gueule de serpent »;
  45. jido, masque de jeune homme. Le personnage principal dans la pièce Nô Kikudjido;
  46. jisungami, « Kami aux dix pieds ». Masque féminin;
  47. jo nom générique donné aux masques figurant un homme;
  48. jomei kanja, masque de vieil homme souriant. La barbichette est identique à celle d’Emmei Kwanja(n° 26);
  49. jiuroku, masque d’homme de la soixantaine avec une mine reposée, peut être Kikujido;
  50. kachiki, masque d’une femme affamée;
  51. kagekiyo, masque d’un vieillard aveugle héros d’une pièce  portant le même nom;
  52. kaminari (voir Ikazuchi), divinité du Tonnerre;
  53. kantan no otoko, personnage masculin tiré de Hantan (Chih lih,Chine, héros d’une pièce traduit dans Classical Poetry of the Japanesepar Chamberlain;
  54. kawazu, masque de crapaud utilisé dans la pièce Jiraiya;
  55. katsujiki, masque masculin, un Glouton;
  56. kijo, masque d’un diable féminin plus petit que celui d’Hannya (n° 35);
  57. kiokumi, masque féminin;
  58. kitoku, masque gigaku;
  59. kitsune, masque d’un renard;
  60. kobeshimi, petit masqueHeshimi représentant un diable parfois barbu;
  61. koja, « Serpent-renard »;
  62. koji, peut-être le même que Katsujiki (n° 55).togan kojijinen koji;
  63. kojo, « Petit homme âgé »;
  64. koiguchi kitoku, masque gigaku;
  65. kokujiki, masque noir utilisé pour la danse « Sambasso »;
  66. ko-omote, petit masque de femme;
  67. konkwai, masque de renard ayant revêtu l’aspect d’un prêtre;
  68. kotobide, « petitTobide »;
  69. ko ouchijo, voir Ouchijo(n° 94);
  70. kozura, petite jeune fille vierge;
  71. kumasaka, voir Kumasaka Chohan, le voleur;
  72. kurohige, homme à la barbe noire;
  73. kurokami, homme à la barbe noire;
  74. kwonin, masque gigaku;
  75. magojiro, masque féminin;
  76. maijo ou bujo, vieillard dansant;
  77. mambi, en japonais « sourcils parfaits ». Remarquables par leur absence;
  78. masu ou masugami, masque de fille;
  79. moko, en japonais : « tigre furieux »;
  80. nakimasu, femme pleurant;
  81. mamanari, masque de diable dont les cornes sont plus courtes que celle d’Hannya. Utilisé dans la pièceShekkoseki du théâtre et décrit lors de la scène de capture d’unOni par Koremochi;
  82. nanja, « Homme-serpent »;
  83. niakunan, identique au masque Chujo (n° 21);
  84. niudo, identique au masque Mitsume Niudo, le lutin porteur de trois yeux. « Niudo » veut dire « retiré de la vie religieuse » en japonais;
  85. obeshimi, en japonais « grand Heshimi ». Masque de diable sans ses cornes. La bouche est hermétiquement close;
  86. okame. Voir Uzume (n° 126);
  87. okina, masque de la danse Sambassoreprésentant un vieil homme avec des touffes de cheveux sur le front et sur les commissures labiales. Très semblable à un masque comique illustré par Floegels;
  88. omoni;
  89. oni, nom générique donné au diable;
  90. otobideGrand Tobide, masque de diable sans ses cornes mais représenté la bouche ouverte et avec une barbe noire;
  91. otoko et onna, vieil homme et vieille femme. Masques gigaku.
  92. raiden, divinité du tonnerre. Voir Kaminari(n° 52) et Ikazuchi (n° 41);
  93. rashomon, masque de diable. Voir Watanabe no Tsuna;
  94. ouchijo, veil homme;
  95. ran RIO, appelé aussiRIU-O. masque du RoiRiujin de la Mer. Masque gigaku;
  96. rôjô, vielle femme souriante;
  97. roso, prêtre âgé souriant;
  98. saisoro, masque gigaku;
  99. samba ousambasso. Voir les masques de Kokujiki(n° 65), Hakushiki (n° 34) et Okina (n° 87). Il existe aussi un masque avec une langue protruse utilisé lors des dansesSambasso;
  100. Sanko ou sankojo, masque de vieil homme sculpté, à l’origine, par le sculpteur Sankobo;
  101. Saru, masque de singe dont il existe plusieurs variantes parmi lesquelles Saru Beshimiet Saru Tobide tous deux des « singes-démons »;
  102. Saruta, masque gigakude Satura Hiko no Mikoto porteur d’un long nez à la Pinocchio. Il ne faut pas le confondre avec un Tengu;
  103. Semimaru, masque masculin représentant le fameux joueur de flûte Semimaru;
  104. Shaka, masque du Bouddha;
  105. Shakumi, masque de femme. voir Fukai (n° 28);
  106. Shikami, masque d’un homme fronçant les sourcils;
  107. Shinja
  108. Shinsotoku, masquegigaku;
  109. Shintai, masque d’homme;
  110. Shiofuki, vent salé. La bouche est allongée en forme de tuyau;
  111. Shishiguchi, gueule de lion, mentionné dans le Sun;
  112. Shiwajo, veillard ridé et fronçant les sourcils;
  113. Shôjô, buveur desaké;
  114. Shojô, masque de vieillard portant la barbe et dont le visage exprime la souffrance;
  115. Shunkwan, masque du prêtre Shunkwan, héros de la pièce  du même nom;
  116. Suikô, masque gigakuaux oreilles aplaties, un nez crochu et pointu et dont la tête est couverte d’une peau de tigre. Voir Kappa.
  117. Sumiyoshi Otoko, jeune homme dont les sourcils sont relevés en forme d’accent circonflexe;
  118. Tako ou Hiottoko ou encore Igo, souvent représenté avec un œil ouvert et l’autre fermé. La bouche est allongée en forme de tuyau. C’est un masque de comédie (théâtre Kabuki);
  119. Tenko, masque de renard;
  120. Tengu, les anciens masques de Tenguavaient le type du Tengu à fort bec d’oiseau mais on rencontre des masques de Tengu arborant une figure humanoïde dotée d’un long nez à la Pinnochio très proche de Saruta (n° 102) mais peint en rouge. Le masque deSōjōbō est souvent identique à celui Otobide (n° 90) mais le personnage qui le porte est muni d’ailes dans le dos;
  121. Tokouka, vieillard au large sourire et dont les yeux, à moitié onverts, clignent;
  122. Toru (voir Owada Tateki,vol. 4);
  123. Tsurimanako, homme au regard en coin, démon sans corne;
  124. Uba, masque de veille femme. Sorcière du théâtre ;
  125. Uobiyoe;
  126. Uzume, voir Okame (n°86);
  127. Waka Onna, jeune femme ; Waka Otoko, jeune homme;
  128. Waraijo, vieillard riant. Identique à Sankojo (n° 100);
  129. Yace Otoko, homme mince;
  130. Yace Onna, masque de jeune femme mince arborant une souffrance;
  131. Yakan, masque de renard (voit Kitsune, n° 59);
  132. Yama no Kami, Seigneur des Montagnes. Parfois porteur de trois yeux;
  133. Yama Uba, masque féminin parfois porteur de cheveux blancs peints. Utilisé associé à une perruque;
  134. Yasha, masque d’une divinité féminine arborant un sourire féroce;
  135. Yorimasa;
  136. Yoshisada Nitta, morsure de la lèvre inférieure, une flèche traverse le front.
  137. Yorohoshi, appelé aussiYowa Hoshi, prêtre infirme;
  138. Zo ou Zo-onna, voirFukai (n° 28).

Quelques masques

 

13 janvier 2014

le masque.....

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De l'ensemble de mes travaux sur le symbolisme du masque, je ne prétends apporter ici qu'une très modeste esquisse, défectueuse peut-être sur bien des points. D'autres feront mieux.

Le masque dans le Martinisme est présent dès le degré d' « Associé », il est verticalement le premier effet vestimentaire dans notre Ordre et c'est à ce titre qu'on peut dire qu'il est fondamental. Aussi, avant de lever le voile sur le symbolisme du masque, il serait bon de reformuler ce qu'est un symbole et sa fonction.

Un symbole est un médiateur entre le monde physique et le monde de la pensée. C'est un langage ou plutôt un méta-langage qui dépend bien sûr de la culture et du contexte dans lequel on l'emploie. Depuis les travaux de Jung en psychanalyse, les symboles ont repris une place importante dans la vie de notre société matérialiste, ce qui est en soi un bon signe de son évolution vers le monde de l'esprit, la spiritualité.

Les fonctions du symbole dans la tradition ésotérique sont multiples. Dans un premier temps, le symbole évoque tout en voilant, il structure alors notre pensée et permet ainsi de faire en nous les prises de conscience qui mènent au « Connais-toi, toi-même ». Par principe, un symbole n'est jamais vraiment interprété, car sa partie voilée est beaucoup plus importante que sa partie visible; le symbole, disait L.C.de Saint Martin en parlant des Nombres, n'exprime que l'étiquette du sac, et ne donnera pas communément la substance de la chose. Cette substance, comment l'obtenir? Eh bien, tout simplement, par recoupement entre divers symboles dans une même tradition, ou avec d'autres traditions, quand notre perception personnelle de ce symbole est assez solide. Les symboles jettent des ponts dans la conscience de l'individu .Ils permettent des associations d'idées qui favorisent l'éveil de la conscience.

Après cette brève explication du symbole, voyons maintenant notre sujet qui est Le symbolisme du masque.

Revêtir sa jeunesse de quelque costume élégant, éclatant et fantastique, cacher son visage sous un masque d'expression immobile, assumer une personnalité nouvelle, de tous inconnus; devenir un autre, un autre plus libre et plus léger, déchargé des soucis habituels et s'exaltant de sa métamorphose, c'est cueillir la joie que toujours donne à l'homme l'oripeau (vêtement usé qui a conservé un reste de splendeur), mais aussi l'inquiétude vague que lui donne le masque. Inquiétude ? Eh oui: ce n'est pas sans cause que dans l'antiquité romaine, les jours carnavalesques, «Les Saturnales» étaient placés sous les auspices de Saturne, le Dieu planétaire auquel toute la tradition attribue une humeur inquiète et chercheuse.

Inquiétude ? oui, puisqu'il s'agit de cacher sa personnalité sous l'apparence d'une autre très différente, de déguiser sa propre réalité, d'augmenter au maximum la distance entre sa vie intérieure et son activité extérieure, de créer une personne superposée à la sienne.

Mais déjà une personne, n'est-ce pas un masque ? Dans le théâtre antique, l'acteur portait toujours un masque dont la bouches étaient un porte-voix, et ce masque se nommait « per sona » (personne): la voix sonnait à travers lui. Ainsi, si l' homme est une personne, c'est que le masque lui a donné son nom. Un héros de tragédie était toujours en relation avec le monde divin ou le monde démoniaque. Pour frayer avec les êtres surnaturels, il portait toujours un masque; il leur présentait de lui-même une apparence rituelle, façonnée selon les canons d'un art hiératique (c'est-à-dire conforme d'une tradition liturgique). Dans toute l'Afrique, le sorcier, pour évoquer les puissances ténébreuses, revêt un costume solennel et fantasmagorique, et cache son visage sous un masque.

La nature même pose un masque à la créature humaine pour une entrée dans la vie comme pour une entrée dans la mort. Elle modèle le masque de la femme enceinte; elle sculpte d'un doigt tragique, avec l'os et la chair, ce masque prémonitoire, lisible comme des lettres familières, des hommes que va saisir la griffe de la mort.

Plus loin encore, plus haut, monte le symbole du masque. La théologie dit que Dieu est personnel, proposition qui choque fort ceux qui n'entendent pas la langue française. Elle a conservé au mot «personnel» son sens fondamental de «masqué». Elle signifie que Dieu est masqué par le monde, c'est-à-dire incommunicable. Pour la théologie catho-lique, le monde est le masque de Dieu.

Pour le Martiniste, le masque est une chose destinée à masquer la personnalité et à augmenter au maximum la distance entre l'initié et le monde profane, c'est donc une aide pour créer la personnalité idéale, c'est aussi l'un des trois outils dont l'Initié se sert pour entrer dans la voie tracée par les Supérieurs Inconnus et bénéficier de leurs influences. L'Initié doit-il alors se cacher ? Uniquement au monde profane, à ses Frères il se présente sans contrainte, tel qu'il est.

Qu'enseigne alors le masque à l'Initié ? II enseigne que la connaissance est impersonnelle et n'est connue que par ses manifestations. Elle ne peut être personnifiée comme individualité.

Qu'elle est l'origine du masque? Dans les tragédies, les divinités mêmes étaient sensées parler par le masque de l'acteur. Aussi l'homme a été amené à associer le masque à des communications avec d'autres mondes. Avec nous il est devenu le symbole de cette communication.

Le langage direct est incapable d'exprimer pleinement et complètement la pensée. S'il répond aux besoins immédiats de l'homme, il est néanmoins insuffisant pour présenter en un grand ensemble une idée.

Ainsi, de réflexion en méditation, au fil du temps, se tissera dans notre conscience une structure, un tissu, un réseau d'association d'idées qui relèveront progressivement la substance du symbolisme du masque.

(source: hermanubis )

Le masque est la technique la plus simple et rapide pour changer d'apparence. En cachant son visage aux personnes qu'il rencontre, il autorise son porteur à jouer un rôle tout différent de sa propre personnalité. Il est utilisé à l'occasion de carnavals, Halloween (masques d'horreur) et bals masqués. 

Cependant, le masque est aussi le signe de la condition mortelle des humains. Ainsi, au moment des funérailles du roi de Léré (Tchad), la société lui confère, par la présence des masques, le statut d'homme qui lui a été refusé, lors de sa circoncision. Les za-tchou-tchou hurlant la devise rappellent au souverain sa condition mortelle: «La mort, la mort est le masque du roi!». Au Gabon, dans le bassin de la Ngounié, le mukuyi commémore les défunts. Monté sur d'immenses échasses, un danseur masqué, dont le corps se dissimule sous un vêtement en tissu -autrefois en raphia- exécute des figures acrobatiques tout en brandissant de chaque main un chasse-mouches. Les masques du mukuyi sont censés représenter des ancêtres, parfois féminins. Le visage énigmatique du masque est légèrement triangulaire. Sous les yeux clos, étirés en amande, et comme gonflés par le sommeil, les pommettes haut placées s'arrondissent.

« Parce qu'il dévoile en dissimulant, sert le culte comme les plaisirs profanes, le masque est aussi vieux que le monde. A la fin du XIXe siècle, alors que les codes du naturalisme entrent en crise, sa résurgence est massive, inventive et troublante ; elle profite de l'intérêt de l'époque pour la Grèce archaïque, le Japon et le portrait rapproché en photographie. Tous les arts donc alimentent le renouveau du masque, de la peinture au théâtre d'avant-garde. Ensor*, Munch*, Vallotton, Böcklin, Klinger, Gauguin ou Picasso, soit quelques-uns des vrais créateurs de l'époque, à travers l'Europe entière, ont attaché leur nom et leur esthétique à cette étrange vogue ».

http://www.musee-orsay.fr/fr/manifestations/expositions/au-musee-dorsay/
presentation-generale/article/masques-de-carpeaux-a-picasso-20450.html?
cHash=5bfb5c7d8f&tx_ttnews%5BbackPid%5D=221

«Mais déjà une personne, n'est-ce pas un masque? Dans le théâtre antique, l'acteur portait toujours un masque dont la bouches étaient un porte-voix, et ce masque se nommait « persona » (personne): la voix sonnait à travers lui. Ainsi, si l'homme est une personne, c'est que le masque lui a donné son nom. Un héros de tragédie était toujours en relation avec le monde divin ou le monde démoniaque. Pour frayer avec les êtres surnaturels, il portait toujours un masque; il leur présentait de lui-même une apparence rituelle, façonnée selon les canons d'un art hiératique (c'est-à-dire conforme d'une tradition liturgique). Dans toute l'Afrique, le sorcier, pour évoquer les puissances ténébreuses, revêt un costume solennel et fantasmagorique, et cache son visage sous un masque.

La nature même pose un masque à la créature humaine pour une entrée dans la vie comme pour une entrée dans la mort. Elle modèle le masque de la femme enceinte; elle sculpte d'un doigt tragique, avec l'os et la chair, ce masque prémonitoire, lisible comme des lettres familières, des hommes que va saisir la griffe de la mort.»

En portant le masque, l'Iroquois cesse d'être un membre de la tribu comme un autre et se métamorphose en un sorcier. il n'appartient plus alors à la vie quotidienne, mais prend part au sacré, à l'invisible. S'il s'est masqué, c'est moins pour ne pas être identifié que pour être reconnu en tant que chaman:

« Il y a la mort ; un masque, c'est de la mort, un morceau de mort. La mort d'un arbre d'abord. Voici comment le profane, une fois accepté par la False Face Society, procédait à la fabrication de son masque. Il se rendait dans les bois pour y choisir un arbre adéquat, c'est à dire vivant et plein de sève. Ceci est essentiel : en effet il s'agit de tuer, et les lois du combat, du meurtre, exigent que le vaincu s'y soit présenté en pleine Forme; pour une raison de fair-play bien sûr, mais aussi, et surtout, parce que le but recherché dans ce genre d'affaire est toujours l'appropriation de la force, de l'énergie, de la vie de l'adversaire abattu. L'Iroquois rendait visite à son arbre trois jours de suite et brûlait du tabac à son pied : ii soufflait également de la fumée dans ses branches, et lui demandait par avance pardon du crime qu'il se préparait à commettre. Puis il arrachait une partie de l'écorce, sculptait grossièrement l'esquisse de son masque à même le tronc et, parfois en abattant l'arbre, découpait la partie entaillée. Il s'écoulait parfois une dizaine d'années avant que cette dernière opération ne soit effectuée, et la croissance de l'arbre ajoutait encore à la déformation des traits du faux visage. Le travail de sculpture était terminé à la maison, où avait lieu également la finition, polissage et peinture.

Un masque iroquois représente donc la torture et, souvent, la fin d'un arbre. Mais ta matière dont il est fait ne suffit pas à évoquer la mort, il y faut ajouter son immobilité. Cette face horriblement déformée présente aujourd'hui les mêmes traits que ceux qu'elle avait le jour où elle a été sculptée; son expression n'a pas changé depuis. Elle est restée identique, arrêtée, figée comme celle d'une dépouille mortelle que paralyse la «rigor mortis» [la rigidité de la mort]. L'Iroquois nie le visage que la nature lui a donné, il y colle une peau morte. Porter un masque, c'est donc remplacer un visage mobile par un autre figé, transformer une face vivante en une morte, on peut parler de suicide symbolique.

Cependant l'homme masqué, l'Indien qui porte ce symbole de mort est bien vivant: et il exalte, dans la danse, son corps et. sa vie. de manière frénétique. [...] Le masque concrétise, rend visible la frontière entre la vie et la mort. Il illustre le moment où le vivant meurt (et c'est l'action de se masquer) et où le mort redonne la vie (et c'est le premier pas de la danse), l'instant incompréhensible où le mouvement et l'immobilité s'engendrent réciproquement, la portion de temps, ou plutôt d'éternité, où vie et mort se confondent. C'est ainsi qu'il guérit : les danseurs entraînent le malade dans un monde où toute opposition, toute contradiction est dépassée, transcendée, dans l'au-delà où sa maladie ne compte plus ; puis ils le rejettent dans l'univers de son quotidien. La maladie est restée dans ce « là-bas » symbolisé par le faux visage. Fabriquer un masque et le porter, c'est geler la vie. Figer le mouvement et, de cette mort, de cette immobilité, tirer une danse, une renaissance, la guérison ».
http://michel.balmont.free.fr/charis/masque.html

 

L’Afrique a donné naissance à un très grand nombre de masques qui n'ont évidemment pas une seule fonction, ni une seule signification. Il s sont fondamentalement des symboles du sacré en tant que supports temporaires d'un dieu c’est-à-dire tout être ou force qui est invisible parce qu'il ne se confond pas de façon permanente avec l'humain. Cette signification est fondamentale pour définir les masques et pourrait être commune à la majorité des sociétés traditionnelles du monde, celles qui, à l'aube du 19ème siècle, résistaient encore à la fois à l'influence de la culture des puissances coloniales et à celles des grandes religions monothéistes. Les masques ont souvent disparus là où le christianisme et l'islamisme ont été adoptés. 

Traiter un sujet sur les masques pose inévitablement un délicat problème d'équilibre à trouver entre ethnologie et esthétique, entre exoterisme et ésotérisme, deux approches indispensables l'une que l'autre. Aborder les arts de l'Afrique sous l'angle exclusivement esthétique aboutit à les priver d'une grande partie de leur signification, de leur poids de l'humanité. Pour sentir toute la beauté d'une œuvre, il faut connaître sa raison d'être et son but, son sens mythique pour celui qui l'a créé et pour ceux qui l'ont vécue. Faute de quoi, on la mutile. Si, choisissant la solution inverse, on privilégie l'ethnologie aux dépens de l'esthétique, on mutile également une création ; on la réduit au niveau d'objet, fût-ce un objet à but sacré. 

Au début de ce siècle, Matisse, Picasso et autres peintres cubistes, ont les premiers exploiter la beauté ou l'intérêt de certaines formes de l'art nègre. Mais, on peut se demander s'ils avaient une vision complète de ces œuvres ou simplement s'ils recherchaient en priorité la solution à certaines problèmes plastiques. En effet l'appréciation totale des arts de l'Afrique passe par un effort conscient, une abstraction des modes de raisonnement cartésien, une adoption de la vision de l'homme qui a créé l'œuvre ou qui l'a vécue. Dans ces conditions, l'art apparaît comme l'aboutissement final, la réalisation la plus parfaite d'un moment de vie et non comme un concept parmi les plus dangereux du monde moderne, le concept d'art qui ne considère que la beauté de l'objet en lui adjoignant une valeur financière artificielle avec comme corollaire le pillage, les trafics, la spéculation et l'exploitation touristique. 

Sous l'apparence matérielle du masque, sous son attrait esthétique, il ne faut pas oublier qu'il y a presque toujours une dimension philosophique : l'objet est le support d'un rite ou d'un principe de vie. La première raison d'être de ces objets n'est pas le plaisir de l'œil. Leur destination profonde est ésotérique, axée sur les cultes ancestraux ou mythiques : faire revivre des mythes fondateurs, perpétuer la mémoire des ancêtres, agir de manière positive sur des forces surnaturelles ou sur les émanations de l'au-delà ce qui entraîne de nombreuses implications dans les domaines de la morale et de la sociologie. En d'autres termes, les masques permettent d'assurer la cohésion et la hiérarchie sociales, le respect des lois coutumières et la répression des comportements non admis dans un groupe. Le masque garantit un mode de vie. 

Les mythes qui relatent l'existence d'un dieu créateur ou l'intervention des astres dans la vie quotidienne sont très nombreux dans les sociétés africaines animistes. On conçoit aisément que les conjonctures célestes prédéterminent ce qui se passe sur terre et inversement chaque événement terrestre a ses répercutions dans le ciel. L'homme a toujours voulu dépasser les limites de ses cinq sens afin de pouvoir franchir le seuil du surnaturel. Ainsi de tous temps, les hommes ont imaginé et élaboré des intermédiaires et presque toute l'Afrique connaît et utilise des masques. Le masque est apparu comme l'expression symbolique de certains aspects du surnaturel. Il permet d'entrer sans danger en contact avec le transcendant. Cette prise de conscience avec le monde surnaturel se retrouve non seulement dans les masques proprement dits, mais aussi dans des statuettes ou même des amulettes avec une représentation très variée. 

En visitant pour la première fois un musée consacré à l'art africain, j'ai été frappé par l'absence de vie des pièces exposées, des pièces totalement amputées de leur richesse ésotérique pour ne conserver que le coté esthétique devant lequel d'ailleurs les visiteurs semblaient satisfaits. Isolés de leur monde, de leur milieu d'origine dans lequel ils avaient un sens, rangés dans des pièces froides, prisonniers des vitrines, ces masques ne sont plus des objets vivants destinés à servir la religion des peuples auxquels ils appartenaient. Désormais, ce sont des objets morts et comme tels ils sont défonctionnalisés. Alors qu'à l'origine, ils étaient indissociables de la musique, des rythmes, des danses, des chants, des sacrifices et de tout le rituel qui les animait. Immobile et solitaire, le masque a gardé son signe mais il a perdu son sens. A quel but répondait-il ? Quel était son sens ? A quelle réalité contemporaine, à quel vécu d'aujourd'hui pouvait bien correspondre cette pratique ? 

Le monde des masques est aussi complexe, proliférant et inextricable que la forêt équatoriale, mais on peut tenter de dégager quelques éléments pour répondre à ces trois questions. 

Le terme "masque" est couramment utilisé avec des sens différents, et il apparaît que l'on pouvait facilement passer d'une définition à une autre : 
- déguisement plus ou moins grotesque : c'est un faux visage pour se donner un aspect différent : 
- dans le cadre physique, le masque peut signifier le faciès, l'aspect réel d'un visage humain ou bien son aspect anormal lorsqu'on est malade 
- dans le cadre plastique, un masque peut être un modelé de visage, un motif ornemental reproduisant une personne ou un animal. Un masque peut se réduire à une couche de crème, de fard plus ou moins gracieusement appliquée sur le visage 
- dans le cadre pratique, le masque désigne généralement une sorte de protection, le masque pour anesthésier, le masque à oxygène, le treillis des escrimeurs, le masque des soudeurs, cette liste n'étant pas exhaustive... 

On pourrait ajouter le terme "mascarade" qui se rapporte de très près à celui de masque en désignant parfois une mise en scène ou une attitude trompeuse ou hypocrite. Ce dernier aspect est possible parce que l'homme peut se masquer sans porter de masque en se composant une attitude afin d'apparaître de façon plus ou moins dissimulée. L'animal est également capable de se masquer mais à la différence de l'homme qui pense, il est guidé uniquement par son instinct pour attraper ses proies, se fondre dans un environnement ou adopter une attitude terrifiante pour faire fuir ses prédateurs. 

Le masque peut et même doit, à travers tous ces aspects, permettre la dissimilation par la perte factice de l'individualité, la métamorphose par l'adoption d'une apparence et enfin l'intimidation qui peut chez l'homme aller jusqu'à l'épouvante. 
Cette classification que j'ai empruntée au Petit Robert est nécessairement artificielle parce qu'un masque quel qu'il soit peut appartenir à plusieurs de ces catégories. Et le masque africain, grâce à son pouvoir de personnification de la tradition par le culte des ancêtres, résume bien tous ces aspects. 

Pour être cosmique, le masque africain emprunte ses éléments à la nature mais il les recompose en fonction de la culture dont il émane et en fonction également de l'idée ou de l'impression qu'il doit communiquer. 

Le masque est généralement fabriqué en bois mais il emprunte aussi au règne végétal d'autres éléments comme les feuilles, les fibres et les teintures. Les masques de feuilles sont destinés à être détruits immédiatement après utilisation. Le monde animal n'est pas en reste. Le masque utilise les cornes, les coquillages, les dents et même la peau de bête. La plupart des masques Kuba au Zaïre sont décorés à l'aide de cauris qui font partie intégrante du masque. Trois concepts pour expliquer l'utilisation des cauris : tout d'abord, symbole de richesse grâce à la valeur économique du cauri en cours dans le royaume Kongo ; symbole de pouvoir par l'évocation de l'ancêtre mythique, héros fondateur de la dynastie Kuba qui épousa sa soeur, il témoigne de l'omnipotence du chef et de la prohibité de l'inceste ; métaphore du sexe féminin, il est associé à la notion de fertilité et de fécondité et donc à la prolifération des êtres humains. Pour les cornes, ils sont pour l'animal qui les possède ce que les pousses des végétaux sont à la terre et par analogie, elles renvoient à ce qu'il y a de plus profond en nous. 

Le masque, quel qu'il soit, se distingue des autres formes de représentations comme la statuette sculptée du fait qu'il est souvent la figure anthropomorphe la plus représentée et la plus exotérique possible avec toutes les variantes possibles pour ce qui est du relief depuis la circonférence absolument plate jusqu'au relief le plus profond avec parfois un saisissant réalisme. 

L'aspect du visage a une signification précise à travers les traits faciaux : un regard avec des yeux fendus correspond à une expression de possession spirituelle alors que les traits faciaux saillants avec des yeux orbitaux se retrouvent sur les masques destinés à faire peur. Certaines sociétés secrètes utilisent directement un crâne humain porté en haut de masque par un initié dissimulé par le costume d'accompagnement. 
Il est souvent porteur de combinaisons formelles surprenantes unissant très souvent l'humain et l'animal, créant ainsi un être hybride qui incorpore à l'humain non seulement sa forme mais recrée avec lui un ensemble complexe recomposé en fonction de la culture dont il émane et en vue de l'idée et de l'impression qu'il doit communiquer : la crainte, la joie ou l'épouvante. 

Les masques zoomorphes sont encore plus variés comme chez les Baoulés en Côte-d'ivoire le masque antilope lié aux cérémonies d'exorcisme et d'invocation des forces de la nature ou le masque bovidé dans les îles Bissagos en Guinée Bissau. 

Les masques de coloration blanche, couleur de la mort représenterait l'esprit d'un défunt, sont utilisés pendant les funérailles ou les cérémonies de fin de deuil alors que le rouge représente le courage, la vie, et la santé. Certains masques sont polychromes ce qui donne au visage son maximum de qualité expressive. Exemple de masque de devin chez les Vili du Sud Congo où le blanc signifie la fortune, la santé, le rouge représente la femme, le danger et le noir est le malheur, le deuil. Cette situation de glissement sémantique montre bien l'équivoque qui imprègne de manière constante toute interprétation d'un symbole en dehors de ses relations avec la culture dont il dérive. Nous y reviendrons. 

A partir de tous ces éléments, l'intention esthétique du sculpteur se manifeste souvent dans la variété des formes des masques même si celui-ci doit toujours respecter le modèle. Leur port offre également une grande diversité : la plupart couvrent la face, d'autres se placent sur le front du danseur ou au sommet de sa tête ou se portent comme un casque. Bien souvent, le reste du corps est couvert par le costume d'accompagnement. Il s'y ajoute des parures et des accessoires. Le costume est constitué de fibres, de feuillage, en peau de bête ou tout simplement en tissu épousant parfois jusqu'à la forme des mains  et des pieds. 

Avant d'être utilisé, le masque doit être consacré par les dignitaires initiés pour le rendre apte à intégrer l'esprit de la divinité qu'il est censé représenter et acquérir par ce fait la valeur sacrée. Ainsi chez les Bamoun du Cameroun, il existe des masques appelés Tu Ngunga représentant le singe que l'on sculpte en brousse à l'abri de tout regard. Lorsque le sculpteur a terminé son travail, il porte le masque enveloppé, jusqu'à la maison où il n'est vu que par les initiés et seulement après leur consécration. Si, avant la consécration, il est vu par quelqu'un d'autre (même par un initié) que le sculpteur, il est considéré comme souillé et par conséquent inapte à représenter la divinité. 

Le masque s'accommode de diverses fonctions. Certains masques sont portés lors des cérémonies publiques auxquelles participent les jeunes robustes et auxquelles assistent les autres membres de la communauté, femmes, vieillards et enfants. Ces cérémonies constituent à la fois un rituel par les chants, les rythmes et les cris et un divertissement qui coïncide avec les activités collectives : rites d'investiture des chefs du village, réjouissances accompagnant le retour d'un membre de la communauté, chasses, récoltes et pêches communes, etc. L'objectif de ces cérémonies n'est pas que purement jouissif même s'il est vrai que les spectateurs manifestent une certaine satisfaction émotionnelle en observant les masques danser. L'existence d'un tel sentiment a pour but de favoriser la cohésion de la communauté. Dans ces catégories, je peux évoquer les masques observés lors de nos fêtes et autres carnavals, où ces éléments de base des fêtes masquées primitives  se retrouvent avec une similitude frappante. 

Il y a des masques exclusivement agricoles, considérés comme le support des forces surnaturelles associées aux pluies, aux germinations, à l'entretien des cultures et aux récoltes. Ils n'ont pas un caractère secret puisqu'il est possible de voir le porteur de masque danser publiquement dans les champs en encourageant les travailleurs. 

Il y a également des masques d'initiation, objets d'interdits rigoureux, placés sous la garde des responsables initiés et conservés quand ils ne dansent pas, à l'abri des regards. Ces masques reçoivent un culte dès leur fabrication et sont même nourris avec le sang des sacrifices d'animaux et avec des offrandes régulières. Ils ne sont portés que par les initiés pendant ou à la fin des cérémonies qui accompagnent les rites de passage, initiation, circoncision ou funérailles des initiés. Les sociétés secrètes qui regroupent soit les hommes, soit les femmes, jamais les deux  utilisent des masques qui sont des témoins et des supports des forces spirituelles du groupe concerné. Ils reçoivent comme ceux d'initiation, des offrandes et le sang des sacrifices. Interdits à la vue des non-initiés, ils sont parfois détruits après usage. 

Enfin, il existe dans les villages, des objets (entre autres des masques) que toute personne même étrangère au groupe peut voir et la place qu'ils occupent correspond à leur destination. C'est le cas des autels. L'autel de famille, installé en face de l'entrée de la maison, est destiné à défendre l'enceinte familiale contre les mauvais esprits. Quant à l'autel du marché, placé à un endroit consacré à cet effet, il est chargé de veiller sur la sécurité des biens et des personnes qui s'y retrouvent les jours de marché. 

Quel est le rôle des masques dans les sociétés traditionnelles ? La réponse à cette question vient d'une scène chez les Bété, une ethnie au sud de la Côte-d'Ivoire. Le masque représentant la tête d'un chimpanzé porté par un jeune de la tribu, se présente juché sur une civière. IL en saute et commence une danse effrénée. Et puis, brutalement il se jette sur l'un de ses camarades de danse, le terrasse et semble l'étriper, lui met un fruit dans la bouche et s'en va dans la forêt, le laissant comme mort. Peu après, l'homme s'éveille et danse avec les autres, une danse triomphale totalement endiablée. En fait, le masque a mimé la scène qui évita autrefois aux ancêtres des hommes du village de se faire massacrer par leurs ennemis. Plongés dans un sommeil hypnotique grâce à l'ingestion du fruit remis par le chimpanzé, ils furent tenus pour morts et épargnés par leurs ennemis. Depuis, ce clan ne tue pas et ne consomme pas le chimpanzé. 

Du fait de la nature orale de la plupart des cultures africaines, l'histoire s'est souvent figée en mythes et le masque leur donne vie en les insérant dans la réalité des vivants. Ainsi, le masque perpétue et réactive régulièrement le récit historique dont il est le reflet. Le masque porté par un danseur dont il cache l'identité, devient la concrétisation d'un esprit, d'une créature exceptionnelle, surnaturelle intervenant dans la vie sociale du groupe. Sous ce couvert, tout est possible. L'esprit auquel le masque fournit un support formel peut se faire le défenseur d'un code moral non écrit évidemment ou le redoutable pouvoir répressif pour traquer, punir ceux qui ne se plient pas aux lois coutumières. Ces lois bien qu'orales et souvent aux allures ludiques, contraignantes, voir même d'un autre temps sont transmises de génération en génération, intégrées à l'inconscient collectif et de ce fait facilement admises. 

Tout en protégeant le danseur du regard ou en organisant la sortie du masque, les acteurs n'expliquent pas leurs actes. Ainsi par le silence, ils expriment leur volonté de ne présenter ni le danseur, ni le masque. Ce qui veut dire que le masque n'est pas un objet de présentation. C'est un objet destiné à signifier, à dire, même dans le silence. De même, lorsque le porteur du masque disparaît dans son costume de fibres ou de feuilles, il ne cherche pas seulement à se déguiser, ni à s'embellir pour épater le public. Il se retranche derrière une image conforme aux exigences du mythe. L'homme masqué ne veut pas se faire passer pour un dieu, ni pour une divinité. C'est le dieu ou la divinité qui le possède, qui agit par lui et qui fait de ce porteur ainsi que les spectateurs, une individualisation. Encore faut-il qu'il y ait de l’émotion. Cette émotion est possible que si le porteur du masque et les spectateurs sont capables de faire abstraction de leur personnalité, de leur propre individualité, c’est-à-dire d'aller au-delà d'eux-mêmes pour pouvoir intégrer le message. Que serait-il de nos initiations par exemple si l'émotion ne présidait pas à nos rituels ? On aurait l'impression d'assister à une mascarade, à un jeu de rôle. Nous avons tous lu  la description d'une cérémonie d'initiation avant d'être initié et je suis persuadé que nous l'avons vécue autrement le jour venu. Cette différence est due au sens donné à cette cérémonie par un processus initiatique. C'est pourquoi le masque doit toujours être perçu en mouvement comme un élément complexe où interviennent les chants, la danse qui d'ailleurs est elle-même significative et susceptible d'être interprétée comme n'importe quel signe symbolique, autrement dit à différents niveaux selon le degré de connaissance et d'intérêt des spectateurs. Donc c'est cette rétention du savoir (réservé aux seuls initiés) qui confère au masque son importance et sa dimension sociale. 

Si les divinités trouvent une représentation qui s'exprime dans un matériau solide, c'est parce que chaque élément constitue un signe doué d'un sens précis et consacré et parce que l'ensemble de ces signes constitue un message, le message de la vie, susceptible d'être lu, interprété et approfondi en fonction d'un système mythique auquel il se réfère et du niveau d'initiation du spectateur. Je dirai même pour paraphraser Léopold Sédar Senghor que tout est signe et sens donc tout est symbole pour le négro-africain. Le bout de bois, l'animal dans la forêt, l'eau des cours d'eau, les nuages, tous ces éléments qui constituent l'environnement de l'homme sont des manifestations précises de grands principes de la vie capables d'individualiser ce qui est général. Mais ces symboles, porteurs de réponses à toutes les grandes questions humaines, n'ont de valeur que dans la mesure où ils sont représentés sans contradiction au carrefour de l'imagination (propre à chacun) et de la tradition (paramètre constant), sans contradiction c’est-à-dire l'une enrichissant l'autre et vice versa. 

Nous retrouvons là la définition du symbole que la sœur C... nous a rappelée. Que chaque élément de notre rituel, chaque outil de nos travaux a une fonction sémantique précise excluant toutefois une rigidité de l'esprit mais intégrant un concept bien défini. C'est pourquoi si le masque a une fonction sémantique, il est analogue à un langage et l'on a besoin de connaître le code pour décrypter, comprendre le message. Seuls les initiés connaissent le code. C'est pourquoi aussi le profane n'a rien à dire et ne peut rien dire d'un masque quel qu'il soit. Il se contentera de l'aspect esthétique de l'œuvre et de l'émotion que cela lui procure. 

Le masque est un art de la matérialisation (matérialisation des mythes), un art de la signification et il apparaît souvent comme une combinaison reconstruite à partir de plusieurs signes pris dans un ou plusieurs domaines de référence qui recréent une réalité à l'aide d'un vocabulaire ayant un sens particulier, un sens intellectuel et dont les éléments ne sont pas toujours imités du réel. Ce qui complique encore plus le message. C'est l'exemple d'un masque que l'on retrouve dans la zone limitée par le Nord Congo et le sud Tchad. Ce masque représente un visage mi-homme (par la barbe) et mi-femme par la finesse des traits, symbole de la bivalence originel, surmonté d'un oiseau, messager du ciel, intermédiaire entre Dieu et les hommes, symbole de l'éternité de l'âme. Sur les côtés du visage, sont représentés des serpents enroulés en nœuds semblables à ceux de notre temple (les lacs d’amour) ; le serpent par ses mues successives représente le cheminement de l'homme qui doit passer par des étapes d'initiation pour atteindre sa plénitude et prétendre à la vie éternelle. Parfois le serpent est remplacé par les poissons, symbole de liberté et de modération. Sur la base du menton, sont représentés une ou deux figurines représentant les ancêtres symbolisant l'esprit des ancêtres parmi les vivants. Le côté féminin du masque pourrait aussi signifier le danger qui empêcherait tout individu à atteindre l'état oiseau, un peu à l'exemple du couple originel biblique. 

Mais je suis persuadé que l'interprétation globale de ce masque est plus compliquée plus subtile et plus ésotérique que ce que j'ai tenté d'expliquer. On pourrait opposer un autre constat selon lequel ces éléments constituent la réalité même rendant le message au premier abord facilement accessible. Prenons l'exemple d'un masque de fécondité qui chez les Kongo au sud du Congo, clôt la cérémonie de la sortie des masques, mime le rapport sexuel (ce qui est un élément imité du réel) comme pour inviter les spectateurs à faire de même. En effet, la sortie de ce masque autorise chaque membre du village, en âge de procréer, à rencontrer qui il désire. Le refus d'accomplir l'acte sexuel (pris ici au sens large du terme c’est-à-dire une sexualité socialisée obéissant à des règles bien définies) est considéré comme un interdit. La raison est simple : pendant son séjour sur terre, l'individu doit procréer afin de pouvoir ultérieurement revenir sur terre mais aussi pour que les descendants, ayant honoré le défunt devenu ancêtre, celui-ci puisse leur accorder aide et assistance. C'est comme cela que se déroule le parcours des solidarités et des devoirs des uns envers les autres, des vivants à l'égard de leurs morts. Le célibat est donc considéré comme un désordre. 

C'est pourquoi l'information ethnographique peut enrichir la compréhension de l'œuvre. Reste à savoir comment ce processus de transmission de la tradition arrive à échapper aux équivoques de la pluralité des significations. Si un symbole ne renvoie pas souvent à un seul signifié, le masque ou l'art primitif en général ou l'art premier selon la dénomination chère à notre président de la république, n'entretient-il pas volontairement un flou à la fois spirituel et philosophique pour garantir la pérennité de la structure sociale ? C'est peut-être là la vraie signification du symbolisme des masques. 

Et qu'en est-il à notre époque ? A coup sûr le masque s'est transformé, s'est amélioré mais le masque existe encore parce que le bon sens populaire sait aussi se servir des masques. Si l'homme pense et sait qu'il pense, il faut bien souvent que ses sentiments n'apparaissent pas dans ces rapports avec les autres. Il doit cacher ce qu'il ressent en adoptant une attitude trompeuse et le masque devient théâtral. Ne dit-on pas souvent que la vie est une comédie ? Le médecin est souvent amené à cacher ce qu'il ressent devant un malade et ce sentiment se renforce souvent avec l'expérience. Il reste souvent impassible devant des cas désespérés. Cet aspect sans émotion du médecin cache parfois un désarroi interne réprimé par le masque professionnel et le malade ne doit surtout pas se rendre compte. Ce masque professionnel, au contraire du masque matériel ou représentatif doit laisser paraître une certaine indifférence, ce qui exclut totalement l'émotion apparente pour l'acteur, mais peut-être pas pour la famille, les proches du malade c’est-à-dire les spectateurs. 

Dans notre réalité maçonnique, l'aspect théâtral s'y retrouve aussi. Nous nous présentons dans les parvis avec parfois nos masques profanes qui tiennent de la politesse du bon sens. Il y des Pierre par-ci des Luc par-là et puis soudain trois coups du maître de cérémonie, et chacun à tour de rôle nous rentrons dans la scène. Dès l'ouverture des travaux, nous mettons nos masques de maçon. Nous avons laissé nos métaux à la porte du temple. Il n'y a plus d'Alain, c'est le vénérable, plus de Simone c'est la sœur Orateur. Pendant un moment, les mots prononcés, les gestes exécutés comme la mise à l'ordre, même la formule consacrée pour prendre la parole ne vont plus être de simples mots et nous passons du profane au sacré grâce à la représentation symbolique que nous nous faisons au fond de nous. Par quel miracle cela est-il possible si ce n'est celui de la métamorphose comme le porteur de masque africain ! Nous chassons le naturel, nous chassons le profane comme le porteur de masque parce que nous avons le code, parce que nous nous efforçons à apprendre le langage. Nos rites, nos outils, notre manière de travailler ressembleraient parfois à s'y méprendre à une cérémonie au fin fond de la forêt équatoriale. 

Mais à la différence du masque représentatif, à la différence du masque moderne, le masque maçonnique doit se nourrir de la sincérité, sincérité des sentiments pour assurer la cohésion de la loge, de l'ordre et pourquoi pas de l'humanité ; la sincérité des actes par le travail personnel sur la pierre brute et par le rayonnement que cela peut avoir autour de nous. Continuons à l'extérieur l'œuvre commencée à l'intérieur parce que nous savons que notre rituel n'est qu'une représentation symbolique et que la réalité est la fraternité agissante, celle de prendre l'autre par la main. Et ce n'est pas là le plus mince enseignement dont nous puissions être redevables à la tradition maçonnique. 

 

27 décembre 2013

la revanche des geeks......

La revanche des geeks (documentaire Arte 2012)

 

 

Pourquoi avoir choisi la forme d'un documentaire "historique" ?

Nous avons voulu remonter aux origines, et raconter une prise de pouvoir : comment les losers d'hier sont devenus les winners d'aujourd'hui. A l'origine de l'origine, on trouve des formes anciennes du mot geek chez Shakespeare. Mais le stéréotype se fixe dans les années 1960-1970. Aux Etats-Unis, dans les cours de récréation, "geek" ou "nerd", c'était une insulte : quelqu'un de bon à l'école, apprécié des profs et pas forcément des autres élèves, qui avait du mal avec les filles... En France, c'est la figure du souffre-douleur. L'émergence de la culture geek est une épopée historique. Les années 1970 sont l'époque de la "lose", les années 1980-1990 celles de la contre-attaque.

La figure du "geek" s'est beaucoup construite par opposition au "jock", l'étudiant sportif et populaire. Mais sociologiquement, ce sont deux constructions très américaines ; sont-elles adaptées à l'europe et à la France ?

Quand le mot geek est importé en France, dans les années 2000, il donne une forme d'identité. Les "anciens" sont plus indifférents par rapport au mot. L'opposition avec les "jocks" a certes été fabriquée par la fiction, mais inspirée de ce qui se passait dans les écoles aux Etats-Unis. Ce qui est amusant, c'est que trente ou quarante ans après, l'insulte est devenue un compliment. Dans la silicon valley, beaucoup de gens se disent geek, c'est banal, évident, revendiqué. Etre geek est devenu cool, mais nerd a gardé un côté stigmate. Les geeks énervés par le phénomène de mode se revendiquent nerds. Ironie suprême : ils excluent à leur tour, ce qui est peut-être un peu triste.

Geek, nerd : faites-vous une différence entre ces deux termes ?

Ce sont deux synonymes que l'on distingue aujourd'hui de manière un peu artificielle. Comme souvent, les stéréotypes sont réappropriés et deviennent presque un étendard. Parmi les premières personnes qui ont vu le documentaire, beaucoup m'ont dit "je ne suis pas un geek mais je me suis un peu reconnu dedans". Se sentir un loser durant son adolescence, c'est une expérience assez courante.

En France tout particulièrement, le développement de la culture geek est aussi associé à un attrait pour la culture japonaise...

La culture geek, aux Etats-Unis et en Europe, se définit aussi dans un regard sur le japon. L'ethnologue Jason Tocci disait que le geek, qui se sent un peu différent des autres, se projette dans ce pays lointain – qui plus est perçu comme une menace aux Etats-Unis dans les années 1980. Le terme otaku est passé dans le langage courant en France, où il désigne un geek fan de culture japonaise ; au Japon, le stéréotype de l'otaku qui ne sort jamais de chez lui reste très fort, très négatif.

Vous considérez Star Wars comme la première étape de la reconnaissance des geeks. Pourquoi ce film en particulier ?

D'abord, parce que c'est un phénomène tellement massif que la science-fiction, ce "truc de geek", devient une forme de culture appréciée du grand public. Ensuite,Star Wars est fait par un geek : George Lucas. C'est aussi le début des figurines et du merchandising : la culture geek commence à devenir un énorme enjeu commercial, parce que les enfants du monde entier veulent leur figurine de Luke Skywalker.

La deuxième rupture, c'est l'apparition des nouvelles technologies de l'information : la culture geek est toujours à l'intersection de la technologie et des contenus. D'un seul coup, tout le monde a un ordinateur... et a besoin d'un geek. Ce dont on avait un peu peur, dont on se moquait, devient tellement massif que le regard change. Bill Gates le raconte très bien, et les deux aspects sont liés. Mark Zuckerberg a fait sa Bar Mitzvah à thème Star Wars !

Mark Zuckerberg est aussi le premier geek à devenir un héros hollywoodien, dans The social Network...

the social Network représente une forme d'aboutissement : dans les années 1980, les geeks étaient systématiquement des losers, des faire-valoir des héros, comme Screech dans Sauvé par le gong. Dans les années 2000 ils deviennent les héros de séries : Chuck, The IT crowd... Mais il y a toujours une ambivalence. La consécration arrive avec The Social Network : dans ce film, ce sont les "jocks" les losers, il y a une inversion complète des rôles. C'est toute la force de Hollywood : un studio prépare d'ailleurs un remake du film Revenge of the nerds,Revenge of the jocks.

Propos recueillis par Damien Leloup

27 décembre 2013

le golem......

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Dans la tradition juive ashkénaze, humanoïde fait d'argile et amené à la vie par magie

 

Le golem (en hébreu: גולם ou גֹּלֶם, parfois prononcé "goilem" en yiddish) est un homme artificiel, modelé dans l'argile par un rabbin et amené à la vie par des procédés magiques s'appuyant sur la science kabbalistique? et l'existence de mots sacrés dans la langue hébraïque.

Les contes décrivent le golem comme une créature imparfaite et inachevée, le plus souvent muette et dépourvue de discernement ou de raison... ce qui s'explique par le fait qu'il s'agit d'une création humaine, qui ne peut tenir la comparaison avec les êtres vivants dans lesquels « l'esprit de vie » ((רוה, rouah) a été insufflé par Dieu. 
Le golem comprend cependant les ordres simples qu'on lui donne, et comme il est d'une force prodigieuse, les rabbins l'utilisent pour les assister dans leurs expériences ou pour protéger la communauté juive. Dans certaines histoires, les golems se voient également attribuer des pouvoirs surnaturels comme la capacité de devenir invisible, des mains pouvant devenir chaudes comme du métal en fusion...


L'origine du nom golem est mal connue. Il pourrait provenir d'une modification du mot גֶּלֶם (gelem) désignant un matériel brut, ou des mots גֶעָלאֵנו (go'al anu) signifiant « notre rédempteur » (ce qui va dans le sens de l'histoire du golem de Prague, créé dans le but de protéger les juifs du ghetto). 
En hébreu moderne, le mot golem veut dire "cocon", mais il peut également désigner une personne idiote, en allusion au caractère inachevé et sans intelligence de la créature. En yiddish, le mot est utilisé comme une insulte pour quelqu'un d'indolent ou de mou.

 

Mentions dans les textes sacrés et légendes


Le mot "golem" est utilisé dans l'Ancien Testament (psaume 139:16) pour désigner une masse embryonnaire informe. Dans le Talmud (Sanhedrin 38b), Adam est décrit comme un golem, un corps humain inachevé et sans âme, lors de ses 12 premières heures d'existence.

L'ouvrage kabbalistique? Sefer Yezirah (ספר יצירה, "Le Livre de la Formation"), qui spécule sur la façon dont Dieu a créé le monde, s'intéresse également à la naissance des premiers hommes. Différents rabbins ont commenté cet ouvrage et y ont vu des indications qui permettraient à celui qui serait suffisamment savant pour les déchiffrer et les comprendre, de créer un humain artificiel. 
Il y est fait allusion dans le Talmud : le rabbin babylonien Rava est supposé avoir fabriqué un homme artificiel à l'aide du Sefer Yezirah, qu'il envoya voir le rabbin Zeira. Mais la créature était muette ; le rabbin Zeira compris alors que celle-ci était l’œuvre d'un magicien, et il la détruisit en la faisant retourner à son état primordial de poussière (Sanhedrin 65b).

Plus récemment, le rabbin lituanien Haim de Volozhin affirmait en 1818 dans la préface du livre Sifra Dezniuta que son maître, le célèbre rabbin Gaon de Vilna (1720 - 1797), lui avait confié qu'il avait un jour essayé de créer un golem à partir des informations du Sefer Yetzirah. Toutefois, il avait reçu au cours de son travail un signe divin qui l'avait dissuadé de terminer son œuvre. 
Gaon de Vilna est le seul rabbin ayant affirmé de son vivant avoir personnellement cherché (et presque réussi) à créer un golem.

 

Le Maharal de Prague et son golem. Gravure du XIXème siècle

La plus célèbre histoire impliquant le golem est celle du rabbin Judah Loew ben Bezalel, plus connu sous le nom de Maharal (מהר"ל, acronyme hébreux de Moreinu ha-Rav Loew, « notre chef spirituel le rabbin Loew »). Considéré comme l'une des plus grandes figures spirituelles que le monde juif ashkénaze ait jamais connu, il vécu à Prague au XVIème siècle (1526 - 1609). 
Le Maharal est un personnage semi-historique semi-légendaire : si le rabbin Loew a historiquement réellement existé (il a écrit plusieurs ouvrages qui nous sont parvenus, et sa tombe est toujours visible à Prague), un certain nombre d'histoires traditionnelles l'entourent. On lui attribue notamment la création d'un golem.

La version la plus connue de la légende raconte comment pour protéger les juifs du ghetto de Prague des attaques antisémites dont ils étaient victimes, le Maharal modela de l'argile provenant de rives du fleuve Vltava, et lui donna forme humaine. Puis il lui insuffla la vie en récitant des incantations et en lui inscrivant l'un des noms de Dieu sur son front : Emeth (אמת), "vérité" en hébreu. 
Dans une autre version de l'histoire, le rabbin donna vie au golem en lui plaçant dans la bouche un parchemin sur lequel il avait inscrit l'un des multiples noms du Seigneur avec son propre sang. 
Le golem devint peu à peu méchant avec le temps, tuant les gentils (les non-juifs) et répandant la peur dans Prague. L'empereur Rudolf II demanda au Maharal de désactiver sa créature, en échange de quoi il ferait cesser les persécutions antisémites. 
Pour ôter la vie au golem, le Maharal effaça le premier caractère (l'aleph א) de l'inscription Emeth, qui devint alors le mot Meth (מת) "mort" en hébreu. Dans l'autre version, il lui enleva simplement le parchemin de la bouche.

Le corps du golem ne fut pas détruit, mais caché dans la guenizah du grenier de la synagogue Vieille-Nouvelle. La guenizah est une pièce servant au stockage des vieux ouvrages religieux en attendant que ceux-ci ne soient enterrés dans un cimetière, dans la mesure où le judaïsme interdit de jeter des documents dans lesquels sont écrit les noms de Dieu. 
Conserver le golem permettait de garder un moyen de pression sur les autorités et d'empêcher que les violences à l'égard des juifs ne recommencent. 
Suivant les versions de la légende, le golem serait toujours conservé à l'heure actuelle dans la guenizah de la synagogue Vieille-Nouvelle. Un rumeur de source indéterminée prétend que durant la seconde guerre, des soldats allemands voulurent s'approprier le golem mais qu'ils moururent instantanément au moment où ils le touchèrent. 
Les rares personnes ayant eu l'occasion de rentrer dans la guenizah de la synagogue Vieille-Nouvelle (le lieu est interdit au public), notamment lorsque le grenier fut rénovée en 1883 ou qu'une équipe de télévision y tourna un film en 1984, n'ont pas témoigné de la présence du golem. D'autres traditions orales disent que le golem fut volé et enterré dans un cimetière du quartier Žižkov à Prague.

 

La synagogue Vieille Nouvelle à Prague, où serait conservé le golem

La légende du golem de Prague fut fixée pour la première fois à l'écrit dans les années 1830 - 1840, mais elle est absente des textes antérieurs au XVIIIème siècle ce qui laisse penser qu'elle est d'origine moderne. Bien que considérée comme une pure fiction par la plupart des juifs, certains courants orthodoxes affirment que l'histoire est tout à fait authentique et que le rabbin Loew a réellement créé un golem au XVIème siècle. 
Le conte est devenu très populaire en République Tchèque, et de nombreuses boutiques touristiques de Prague vendent de petites répliques en argile du golem.


L'histoire du golem de Prague puise peut-être son inspiration dans un autre conte traditionnel, plus ancien (il est attesté dès le XVIIème siècle), mettant en scène le rabbin semi-légendaire Elijah ben Aharon Yehuda. Surnommé le Ba'al Shem, il vécut au XVIème siècle dans la ville de Chełm à la frontière polonaise et ukrainienne. 
Le rabbin fabriqua un golem pour protéger les juifs des violences que les paysans leurs faisaient subir. Le golem grandit et atteint peu à peu une taille colossale. Lorsqu'il devint incontrôlable et que le rabbin voulut le désactiver, il était en fait devenu si grand que le Ba'al Shem ne pouvait plus atteindre sa tête pour lui effacer l'inscription sur son front. 
Le rabbin rusa et lui demanda de lui défaire ses lacets ; la créature se baissa et le Ba'al Shem put alors lui ôter la vie. Cependant le golem blessa le rabbin au visage dans l'opération, ou selon d'autres versions, écrasa son créateur sous son propre poids en tombant inanimé.

 

Symbolique du mythe


Le mythe du golem est similaire (et probablement apparenté) à celui de l'homoncule, un être humain artificiel que les alchimistes essayaient de créer au Moyen-Age. La tradition populaire affirme ainsi par exemple qu'au XIIIèmesiècle, le savant Albert le Grand a construit un automate en bois auquel il a donné la vie par magie. De même le livre semi-légendaire de Paracelse De natura rerum (« De la nature des choses ») a acquis auprès des alchimistes une réputation semblable à celle qu'avait le Sefer Yezirah auprès des rabbins juifs, puisqu'il était supposé expliquer lui aussi la méthode permettant de créer la Vie.


Il n'est pas anodin de constater que dans la plupart des légendes liées au golem, la créature est modelée à partir d'argile (comme l'a été l'Homme dans la Bible) et amenée à la vie en lui apposant sur le corps l'un des multiples noms sacrés de Dieu (dans la mesure où Dieu est la source de toute vie en ce monde). 
Les contes mettant en scène le golem servent le plus souvent à illustrer l'hybris, l'orgueil et la démesure des êtres humains qui essayent de s'élever au niveau des dieux. Dans certaines versions, comme celle du rabbin de Chełm, le golem finit par se retourner contre son créateur, allant éventuellement jusqu'à le tuer. 
De la même façon, la kabbale extatique? voit dans le mythe du golem un avertissement qui met en garde contre la connaissance, lorsqu'elle sert des ambitions personnelles et qu'elle est dégagée complètement de la sphère divine. Cette utilisation "contre-nature" de la connaissance est instable et incomplète... Ce qui n'a pas découragé de nombreux érudits juifs dans leurs recherches autour du véritable nom de Dieu, source du pouvoir ultime.


Le Golem, et de façon plus générale le thème de l'homme artificiel et inachevé se retournant contre son créateur, ont été une grande source d'inspiration pour la littérature fantastique. Les romans Frankenstein de Mary Shelley (1831) et R.U.R. (Rossum's Universal Robots) de Karel Čapek (1921) (c'est ce dernier livre qui contribua à répandre le terme "robot" dans le langage courant) ne sont que des reprises modernisées de ce mythe.

17 novembre 2013

la vie?? .........la faim du tigre

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Pourquoi se préoccuper de tout cela? Puisqu’il y a la vie, et que nous sommes dedans, eh bien, nous vivons !
Bien sûr… Il n’y a qu’à vivre… C’est ce que nous faisons tous, c’est ce que tu fais d’habitude. Mais il suffit d’un instant… Tu es assis sur une pierre chaude ou sur la plage, ou sur le bois poli de la chaise où tu t’assieds jour après jour pour travailler. Tu te reposes ou tu travailles, ou tu manges ou tu bois ton café. Toute la vie coule autour de toi. Et toi avec.
Milliards d’hommes, milliards de milliards d’êtres vivants et d’étoiles. Et toi avec. Sans que tu t’en soucies.
Depuis vingt ans ou quarante ou soixante, tu fais partie de tout. Ce tout qui se dilate ou se contracte ou qui monte ou descend, qui vient de quelque part et va quelque part.
Et toi avec.
Tu y es à ta place, avec ta forme à toi, et ta fonction, que tu ignores. Tu travailles, tu dors, tu respires sans te préoccuper. Tu existes. Comme le grain de sable sur la plage.
La marée te roule et te mouille, le soleil te sèche, le vent t’emporte et te laisse tomber. Tu tiens ta place de grain de sable. Milliards de milliards sur la grande plage. Et toi avec. Tu nais, tu vis, tu fais des enfants, tu travailles pour eux, pour les autres, contre les autres, contre les tiens, tu aimes, tu hais, tu te bats, tu es heureux, malheureux, tu manges, tu pleures, heureux au fond malgré tous les malheurs, sans réfléchir, le train t’emporte, tout va, tu vas, tu es assis sur une pierre de vacances ou sur ta chaise de travail…
Et tout à coup, suspendu entre le vent, la marée et le soleil, suspendu immobile abandonné tout seul, tout à coup suspendu brutalement lucide, un instant, un éclair, tu n’es plus dans le coup
Tout à coup, tu vois le fonctionnement autour de toi. L’énorme prodigieux tourbillon qui entraîne tout et tout depuis des milliards de temps jusqu’au fond des milliards d’éternités, au fond des milliards d’espaces jusqu’au fond des milliards d’infinis. Milliards de milliards de multiples créatures en mouvement, atomes, cellules, individus, étoiles, galaxies, univers, tout en vient et tout y va.
Et toi avec.
Où?
Un instant, un éclair suspendu, tu as vu. Le temps de comprendre que tu n’es rien, sans importance, nul, moins que zéro. Milliards de milliards de multitudes emportées. Et toi avec, parmi les multitudes de multitudes dont chaque grain a autant d’importance que toi. Ni plus ni moins. Ni moins la patte de mouche ni plus la Lune. Comme la Lune. Comme la Lune, toi, ta famille, humanité, galaxies, univers : zéro, poussière de poussière, rien, rien, dans le Tout.
Le Tout tourbillonnant immobile en voyage depuis où jusques à quand. Toi zéro. Toi, tes coliques, ton envie de sexe et de Légion d’honneur, ton petit ventre à soupe, tes seins d’amour, tes moustaches, ta robe de soie, ta fameuse cervelle, ta belle jambe, toi zéro. Tu as repris ta place dans le vent et la marée. Mais inquiet. Brûlant le sable, dure la chaise. A quoi bon ces durillons aux fesses, ces mains calleuses, cette fumée par les oreilles? A quoi bon cette bataille? Naître, vivre, mourir? Vivre? Vivre? Pourquoi? Pourquoi?
Ce n’est pas toi qui répondras, ni moi non plus. Mais, sans espoir de réponse, si tu ne cries pas la question, alors tu n’es qu’un os…

 

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L’individu ne s’est pas fait, il n’a pas voulu sa vie, et sa vie se continue sans le secours de sa volonté.
A aucun moment, il ne continue d’exister parce qu’il le veut. C’est une organisation totalement indépendante de sa conscience et de ses décisions qui le maintient en vie. Son intelligence est trop faible, son attention trop instable, son ignorance trop grande pour qu’il puisse assurer cette tâche, même pendant quelques instants. Si un individu devenait tout à coup responsable de son corps, celui-ci sombrerait aussitôt dans le désordre et la décomposition. Le gouvernement d’un monde aussi complexe que le corps humain réclame une connaissance totale des ressources de la matière et des lois de notre univers.
Il exige un éveil perpétuel, une attention ininterrompue, une capacité de réception, de coordination et de décision qui ne laisse en dehors du circuit de la vie aucune parcelle de l’organisme. Tout cela est très loin au-dessus des possibilités de connaissance, de compréhension et de volonté humaines. L’homme est logé en lui-même à la façon d’un passager incompétent. Il ignore tout de la conduite d’un organisme qui ne dépend pas de lui, et qu’il est tout juste capable de détraquer par son comportement.
Ce n’est pas l’homme qui a décidé de son commencement, ce n’est pas lui qui fait le nécessaire à tout instant pour continuer de fonctionner, ce n’est pas lui qui doit décider du moment où son fonctionnement s’arrêtera. Le suicide est considéré par la plupart des religions comme le pire des péchés et provoque toujours, chez les proches de celui qui s’y est livré, une stupéfaction mêlée d’une sorte d’horreur. Car c’est c’est une intervention de l’individu dans un domaine qui n’est pas le sien.

 

rené barjavel "la faim du tigre"

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