profession: arpenteur.......
Un brin nostalgique, il est assis sur le bord du chemin, la pioche et la pelle à portée de main. Il cherche son souffle et, refusant d'ecouter la petite voix qui dans sa tête s'epoumone, "roule une cigarette". Ca fait partie de la pause le long du chemin qui le conduit au vallon découvert quelques mois plus tôt en arpentant la campagne.
Le climat a changé. C'est vrai, le soleil tape dur, l'eau se fait rare, les saisons se télescopent, mais c'est au climat politique qu'il pense. Assis à l'abri d'un massif de genêts, loin de l'agitation, il pourrait s'en moquer et jouir du paysage, ces innombrables tons de verts, qui, selon les caprices du vent, se jouant du soleil et des nuages parfois le bouleversent. Il s'etait expatrié, avait fui la grande ville pour le fin fond du monde, là où on ne capte que quelques chaines de télé, là ou le seul journal disponible relate la vie des villages, du concours de boules au bal des pompiers, des accidents de la route aux exploits des gendarmes...
Encore un effort et il pourrait virer mystique. Assis à l'ombre de son genêt, il avait l'impression de capter le sens du mot bonheur, de pouvoir le toucher. Il etait contenu dans le silence entrecoupé par quelques piaillements ou le bruissement du vent dans les branches, par le paysage qui s'offrait à ses pieds, puis par le son d'une cloche lointaine annonçant le repas de midi.
Il était temps de lever le camp. Il ecrasa consciencieusement sa cigarette roulée, puis la depiauta avant de la disperser aux quatres vents. Il se leva avec precaution et scruta les alentours. Le sac à dos pesait trés lourd sur ses épaules et il tenait ses outils plaqués devant lui comme s'il portait une croix.
Ouais, la nostalgie! ce n'est pas à son enfance lointaine, qu'il pensait. Plus prosaiquement, il pensait à avant l'arrivée de la droite pur et dur au pouvoir. Rien de tel pour revenir sur terre. Il avait rêvé d'un vingt et unième siècle plus tolérant envers les hommes et plus respectueux de la nature. Il s'etait lamentablement planté. Les hommes au pouvoir, jouent sur les peurs, attisent la haine, se moquent du peuple, lequel n'a pas d'autre choix que le salariat pour survivre. Il s'enervait, le ton montait dans sa tête, il marchait à grands pas, écartant d'un geste rageur les branches qui gênaient sa progression. Survivre à crédit et se nourrir de rêves etriqués prescrits par une télé qui impose ses divertissements a deux balles, non merci!
Parce qu'il ne voulait pas louper le moment ou il passerait la frontière symbolique le séparant de la realité vraie, il respira un grand coup, avalant jusqu'au chant des oiseaux. Il etai enfin chez lui. Adossant ses outils au tronc d'un arbre, il se delesta délicatement de son sac a dos, l'ouvrit et sortit l'une aprés l'autre trois boutures qu'il posa sur le sol. Il ébouriffa gentiment les feuilles de ses plantes comme pour les inciter à se réveiler et à prendre conscience de leur nouvel environnement.
Il aurait voulu expulser tous le stress qui l'encombrait. Il decida de rouler un petard, un ensemble de gestes plus qu'une symphonie.
Depuis qu'on lui a volé quelques plantes, depuis que le pouvoir a changer de mains, il n'est plus le même. On n'avait pas reussi à le baillonner totalement, mais il ouvrait moins sa gueule.
Les nouveaux pauvres, ceux qui craignent pour leurs maigres biens de consomations achetés à crédit, ont pris le pouvoir. Ils ont le droit de dénoncer les déviants et il avait peur qu'on lui retire ce qui ne lui permettait même pas de survivre, le érémi, qu'on lui impose un stage, pire un emploi au rabais. Soit tu rentre dans le rang acceptant d'être considéré comme une bête corvéable à merci, soit tu crève.
Une autre ère, pensa t il alors qu'allonger prés de ses plantes il laissait la chaleur du soleil l'engourdir. C'est la fraicheur qui le tira du sommeil, le soleil rasait la colline. Il aurait donner cher pour boire un café... avant de preparer les emplacements qui accueilleraient ses plantes, il éprouva le besoin de se doper, un rituel qui ponctuait ses journées et leur donnait un rythme parfois un peu de piment. Au secours!! il etait dépendant. Il l'admettait volontiers et ne concevait pas la vie sans un bon pétard de temps à autre. Des dépendances, il y en a des foultitudes qui souvent se confondent avec les passions, elles sont plus ou moins destructrices. S'il en était arrivé la, pauvre délinquant par défaut, c'etait la faute a ce foutu canabis, ca l'avait desintegrer, peut être, mais si s'integrer c'est courir apres un boulot, s'accrocher et ne plus lacher afin de se construire un vie supportable, il ne regrettait rien, même si il lui arrivait parfois de rêver à une existence ou tous les lendemains seraient identiques du lever au coucher du soleil.....
c'etait le moment ou le soleil donnait à l'hiver un petit air d'été. Assis a l'ombre de son massif de genets, il fumait un stick et degustait le paysage. Les collines aux courbes harmonieuses, sa maison perdue au loin, le paysage etait un vrai petit bonheur, une douceur, un dessin dans un livre d'enfants qu'il voudrait partager avec vous.....