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sammael world
22 janvier 2012

ossements....

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Les ossuaires, un peu d’histoire…
Selon Philippe Ariès*, la coexistence des vivants et des morts était inconnue dans l’Antiquité. En effet, on redoutait alors le voisinage des morts, tenus à l’écart et honorés mais hors des murs d’enceinte de la ville. L’entrée des morts dans les villes provient du culte des martyrs. D’abord enterrés dans des nécropoles extra-urbaines, la vénération dont ils font l’objet s’assortit d’une volonté d’être inhumé à leurs côtés, afin d’être protégé. De même, durant tout le Moyen-Age, la volonté d’être enterré « ad sanctos », c’est-à-dire près des saints, conduit les plus pieux et les plus riches à se faire enterrer à l’intérieur même des églises, et les plus pauvres tout autour, comme le prouvent encore certaines anciennes églises de village en France et le fameux « church yard » anglais, qui combine église et cimetière. De fait, quand la terre du cimetière rendait des ossements ou lors du creusement de nouvelles fosses, on rangeait respectueusement les ossements des défunts ou encore les jetait-on en vrac dans un ossuaire.

Des galeries et des niches extérieures remplies d’os pieusement conservés
Parfois décorée de motifs religieux ou macabres, cette modeste construction avait souvent la forme d'une petite maison adossée au mur de l'église ou placée dans un coin du cimetière. Le désir d'être enterré le plus près possible des églises, lorsqu'on ne pouvait l'être dans son enceinte même, faisait rapprocher les tombes des fondations «sous l'égout du toit.» Des ossuaires étaient donc habituellement disposés entre les contreforts des nefs, comme pour satisfaire au vœu habituel des mourants. C'est ce qui explique pourquoi les galeries de cloître accolées aux églises étaient, du côté opposé à la claire-voie, percées d'enfoncements, de réduits, sortes d'armoires, dans lesquels on rangeait les ossements rendus au jour par la bêche du fossoyeur. Sur les parois des églises, et même des deux côtés de leur porte principale, on pratiquait ainsi des enfoncements abrités par un bout de galerie de cloître, et dans ces enfoncements garnis de grilles serrées, on jetait les ossements dont regorgeait la terre des cimetières. Un ossuaire de ce genre existait sur l'un des côtés de la façade de l'église de Fleurance (Gers).

Dans les églises, les morts composent le sol et les murs

Si on construisait des ossuaires en dehors des églises, on devait en avoir aussi pour l'intérieur, car on n'aurait pas voulu rejeter au dehors des ossements de fidèles découverts à l'intérieur. Mais comme on ne devait exhiber à l'intérieur de l'église que les restes de personnages saints, on plaçait les os sortis d'anciennes sépultures inconnues dans de petits caveaux, dans certaines parties des cryptes, ou dans des trous pratiqués à travers les maçonneries et murés. Cet usage était fréquent chez les religieux et, en réparant de vieux murs d'églises abbatiales, de ces réduits murés entièrement remplis d'ossements humains provenant évidemment de plusieurs corps ont été mis à jour. Plus souvent, l'ossuaire formait comme une chapelle percée d'une quantité de petites baies, à travers lesquelles on apercevait les ossements accumulés peu à peu à l'intérieur. La Bretagne conserve encore un assez grand nombre d'ossuaires qui datent des XVe et XVIe siècles et l'on n'a pas cessé d'y déposer des ossements; quelques-uns en sont remplis jusqu'au comble. Lorsque les ossements exhumés par le creusement de nouvelles fosses appartiennent à des morts auxquels on a pu donner un nom, les familles font enfermer le chef, le crâne du mort, dans une petite boîte surmontée d'une croix, et ces boîtes sont posées sur l'appui des nombreuses baies de l'ossuaire. Le visuel représente une vue de l'ossuaire du Faouët (Finistère), qui se trouve accolé à l'église et donne sur le cimetière.

Dans des églises des provinces méridionales, surtout dans le pays basque, à l'extérieur des absides des églises rurales entourées de leur cimetière, il y a des niches pratiquées sous les appuis des fenêtres et dans lesquelles se trouvent rangés avec soin des crânes recueillis en remuant la terre sainte. Les caveaux pratiqués sous certaines parties des églises servaient quelquefois aussi d'ossuaires. L'ossuaire était donc un lieu sacré dans lequel s'affirmait la solidarité entre les vivants et les morts. Les paroissiens s'y rendaient pour prier pour leurs défunts et accomplir un ensemble de rites hautement symboliques. On y allait en procession, des bougies y étaient allumées à certains moments de l'année et les restes humains étaient aspergés d'eau bénite. Ainsi, tous les cimetières français possèdent-ils un ossuaire, depuis fort longtemps et sous des formes extrêmement variées.

* Philippe Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen-Age à nos jours

  Au-delà des frontières…

Au Moyen-Age, le cimetière de Kutna Hora (République Tchèque) était en odeur de sainteté : de nombreux habitants des alentours décidèrent de trouver-là leur dernière demeure. Les mille guerres et autres effroyables épidémies qui frappèrent durement la région participèrent également à faire affluer les corps pourrissants vers Kutna Hora... Puis une idée s’imposa soudain : pourquoi ne pas réunir les os blanchis de tous ces augustes décédés dans un grandiose ossuaire ? Toute la décoration de l’ossuaire est donc réalisée avec des os : lustres de tibias, guirlandes de fémurs, amoncellements de cranes… même le blason du seigneur local est confectionné avec des os. Si ce lieu étrange appelle la réflexion du visiteur, c’est parce que l’on est bien obligé de constater la souveraine égalité devant la mort, mais aussi dans la mort : parmi les crânes amoncelés, certains appartenaient à des nobles hautains, d’autres à des penseurs arrogants, d’autres enfin à de simples paysans illettrés et serviles. Tout passe et tout finit…

 

 

 

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