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sammael world
27 décembre 2008

un jour.........lautreamont

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….un jour, jour néfaste, je grandissais en beauté et en innocence ; et chacun admirait l’intelligence et la beauté du divin adolescent. Beaucoup de consciences rougissaient quand elles contemplaient ces trais limpides où son âme avait placé son trône.

On ne s’approchait de lui qu’avec vénération, parce qu’on remarquaient dans ses yeux le regard d’un ange. Mais non, je savais de reste que les roses heureuses de l’adolescence ne devaient pas fleurir perpétuellement, tressées en guirlandes capricieuses, sur son front modeste et noble, qu’embrassaient avec frénésie toutes les mères. Il commençait à me sembler que l’univers, avec sa voûte étoilée de globes impassibles et agaçants, n’était peut être pas ce que j’avais rêvé de plus grandiose. Un jour, donc, fatigué de talonner du pied le sentier abrupt du voyage terrestre, et de m’en aller, en chancelant comme un homme ivre, à travers les catacombes obscures de la vie, je soulevai avec lenteur mes yeux spleenétiques, cernés d’un grand cercle bleuâtre, vers la concavité du firmament, et j’osai pénétrer, moi, si jeune, les mystères du ciel !

Ne trouvant pas ce que je cherchais, je soulevais la paupière effarée plus haut, plus haut encore, jusqu’à ce que j’aperçusse un trône, formé d’excréments humains st d’or, sur lequel trônait, avec un orgueil idiot, le corps recouvert d’un linceul fait avec des draps non lavés d’hôpital, celui qui s’intitule lui-même le Créateur !!!

Il tenait à la main le tronc pourri d’un homme mort, et le portait, alternativement, des yeux au nez et du nez à la bouche ; une fois à la bouche, on devine ce qu’il faisait. Ses pieds plongeaient dans une vaste mare de sang en ébullition, à la surface duquel s’élevaient tout à coup, comme des ténias à travers le contenu d’un pot de chambre ; deux ou trois têtes prudentes, et qui s’abaissaient aussitôt, avec la rapidité de la flèche ; un coup de pied, bien appliqué sur l’os du nez, était la récompense connue de la révolte au règlement, occasionnée par le besoin de respirer un autre milieu ; car, enfin, ces hommes n’étaient pas des poissons ! Amphibies tout au plus, ils nageaient entre deux eaux dans ce liquide immonde !....

Jusqu’à ce que, n’ayant plus rien dans la main, le créateur, avec les deux premières griffes du pied, saisit un autre plongeur par le cou, comme dans une tenaille, et le soulevât en l’air, en dehors de la vase rougeâtre, sauce exquise !

Pour celui la, il faisait comme pour l’autre. Il lui dévorait d’abord la tête, les jambes et les bras, et en dernier lieu le tronc, jusqu’à ce qu’il ne restât plus rien ; car, il croquait les os.

Ainsi de suite, durant les autres heures de son éternité. Quelquefois il s’écriait :

« je vous ai créés ; donc j’ai le droit de faire de vous ce que je veux. Vous ne m’avez rien fait, je ne dis pas le contraire. Je vous fait souffrir, et c’est pour mon plaisir. »

Et il reprenait son repas cruel, en remuant sa mâchoire inférieure, laquelle remuait da barbe pleine de cervelle. Ô lecteur, ce dernier détail ne te fait-il pas venir l’eau à la bouche ?

 

Comte de LAUTREAMONT (Isidore-lucien DUCASSE)

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