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sammael world
2 juillet 2007

l'homme.......

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« C'est la profonde anatomie
Toujours faussement endormie

Où le moindre de nos organes
Garde sous la peau l’air horrible
De qui vit toujours dans le sang
Et sans cesse réfléchissant
A son immense avenir.
Tout cela est fait pour la nuit
Silencieuse, solitaire,
Où seul le cœur a droit au bruit
Et tout le reste doit se taire ;
Où, dans l’orage de la chair,
Le cerveau lance des éclairs ;

Et donne sa lumière à tous
Les aveugles de là-dessous.

Seul le regard du chirurgien,
Entrant vie et mort à la main,
Guidé par un acier pointu
Qui va décelant l’inconnu,
Découvre par son soupirail,
En flagrant délit de mystère,
Les organes à leur affaire
Qui se cachent pour leur travail
Et son sourdement furieux
Dès que le jour injurieux
Vient dévoiler la boucherie
Où se fait, se défait la vie,

Sous la menace du squelette                           broken_doll13
Qui guette des pieds à la tête.
Car l’ennemi est dans la place

Blanc comme écume  d’océan,
Mais écume qui s’éternise
Avant que vienne le moment
Où la chair soudain lâche prise
Et laisse l’os sans charité,
Par le souffle humain déserté,
Ensorcelé par sa blancheur,

Un blanc qui ne pardonne pas,
Plus cruel que tous les combats
Et retranché dans sa rancœur,

Mais un blanc qui ne s’aime guère
Et préfère vivre sous terre
Où le crâne, dents arrêtées,
Mord sa part de postérité,
La peau voile les os, le sang,

De son regard indifférent,
Pendant que l’homme va et vient,

Discernant le mal et le bien,
Avec son air de malencontre
Discutant le pour et le contre,

Montrant sa face et son profil
Dans les grands blés comme à la ville,

Sa longue face de muraille

Où s’apprivoisent des sourires
Cachant ces opaques batailles,

Et plus sensible qu’une rose          Image490
Qui va s’appuyant sur la pierre
Pour être de moins en moins close
Et s’ouvrir jusqu’à se défaire.

L’homme, paroles à la bouche,

Donnant chaleur à ce qu’il touche,

Pour le reste cérémonieux
Comme sujet à la colère
Et fils d’une longue misère,

Il va, se frayant son chemin
Du regard des pieds et des mains,

Encor mal sorti des cavernes,

A la main sa maigre lanterne,
En aval comme en amont
Il sent encore son limon.

Jules Supervielle dans la Fables du Monde

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