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sammael world
27 octobre 2012

Eugenisme...theorie raciste.....

Eugenics_congress_logo

 

 

L’eugénisme peut être défini comme l’ensemble des méthodes et pratiques visant à transformer le patrimoine génétique de l’espèce humaine, dans le but de le faire tendre vers un idéal déterminé. Il peut être le fruit d’une politique délibérément menée par un État. Il peut aussi être le résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’ « enfant parfait », ou du moins indemne de nombreuses affections graves.

Le terme eugenics a été employé pour la première fois en 1883 par le scientifique britannique Francis Galton dont les travaux ont grandement participé à la constitution et à la diffusion de l'idéologie eugéniste. Mené par des scientifiques et des médecins, le mouvement de promotion de l'eugénisme qui se met en place au tournant du XXe siècle milite en faveur de politiques volontaristes d'éradication des caractères jugés handicapants ou de favorisation des caractères jugés bénéfiques. Son influence sur la législation s’est traduite principalement dans trois domaines : la mise en place de programmes de stérilisations contraintes, le durcissement de l’encadrement juridique du mariage et la restriction de l’immigration. L'histoire du XXe siècle a fourni des exemples de politiques eugéniques, aux États-Unis et dans de nombreux pays européens (au premier chef desquels l'Allemagne nazie), désormais majoritairement désapprouvées.

Dans la période contemporaine, les progrès du génie génétique et le développement des techniques de procréation médicale assistée ont ouvert de nouvelles possibilités médicales (diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire...) qui ont nourri les débats éthiques concernant la convergence des techniques bio-médicales et des pratiques sélectives.

 

Les origines de l’eugénisme galtonien

Francis Galton, l'inventeur du terme « eugénisme ».

L'étymologie du mot « eugénisme » est grecque : eu (« bien ») et gennaô (« engendrer »), ce qui signifie littéralement « bien naître ». Ce néologisme a été utilisé pour la première fois en 1883 par le britannique Francis Galton, cousin de Charles Darwin par le biais d'Erasmus Darwin. La préoccupation de Galton pour l’amélioration de l’espèce humaine précède néanmoins largement l’invention de ce terme. À la fin des années 1850, la lecture de L'Origine des espèces de son cousin Charles Darwin renforce sa conviction sélectionniste. En 1869, dans Hereditary Genius, une étude consacrée au génie des grands hommes britanniques, il conclut à son caractère héréditaire. Il lui paraît alors nécessaire de maintenir les lignées des grands hommes de la nation par une organisation rationnelle des mariages, une discipline qu’il désigne sous le nom de « viriculture ». En 1883, Galton publie Inquiries into human faculty and its development : la viriculture y devient l’eugénisme que Galton considère comme la « science de l’amélioration des lignées » et qu’il entend appliquer aux êtres humains sur le modèle de l’élevage sélectif des animaux.

Eugénisme, spencérisme, pensée évolutionniste

L'eugénisme ou le galtonisme est également souvent amalgamé avec le spencérisme.

Or, le galtonisme est une conception conservatrice ou néoconservatrice de l'évolution des sociétés forgée par Francis Galton. C'est forcer la sélection naturelle par une sélection artificielle contre des tares supposées préjugeant à une dégénérescence de la société et des individus.

Tandis que le spencérisme est une conception libérale de l'évolution des sociétés forgée par Herbert Spencer. C'est laisser faire la sélection naturelle au seins de la société permettant une régénérescence de la société par elle-même en éliminant naturellement, sans aide extérieure, les moins adaptés à l'environnement social.

Spencerisme et galtonisme sont des pensées évolutionnistes dont la base centrale est exclusivement la sélection naturelle bien que d'autres facteurs sont mises en jeu dans l'évolution de la nature et des sociétés.

L’obsession de la dégénérescence

Pour le philosophe Jean-Paul Thomas, « l’eugénisme [...] est habité par l’obsession de la décadence ». Dans le contexte de la révolution industrielle, qui initie un mouvement d’urbanisation et de prolétarisation de la population la plus pauvre, la prolifération désordonnée des classes laborieuses constitue un motif d’inquiétude profond pour les élites victoriennes. Les maux sociaux et sanitaires (tuberculose, syphilis, alcoolisme...) qui se multiplient dans le Royaume apparaissent comme autant de manifestations de la contamination de l’espèce humaine par les tares congénitales véhiculées par les populations les plus pauvres. Comme l’indique le succès des théories malthusiennes, la différence de fécondité entre classes attire plus particulièrement l’attention des scientifiques britanniques. Galton n’échappe pas à la règle. À terme, les individus les plus pauvres, conçus comme naturellement inférieurs, lui semblent devoir irrémédiablement submerger les représentants des classes sociales aisées qui cumulent les caractéristiques physiques, intellectuelles et morales les plus hautes.

La mixophobie sociale

Pour Galton, les classes sociales possèdent des qualités propres, transmises héréditairement. La préservation des qualités des familles de bonne lignée nécessite d’éviter le mélange des sangs qui ne peut conduire qu’à la disparition des caractères les plus hauts de la race humaine. Cette représentation du monde, qui préexiste à ses travaux « eugéniques », le conduit à traduire les différences sociales sur un strict plan biologique. Elle valorise explicitement un modèle d’homme qui correspond précisément au groupe social dont Galton est issu : l’élite de la société britannique correspond pour lui aux professions libérales, aux vieilles familles de l’aristocratie terrienne et aux hommes de science. Les nouvelles fortunes, bâties sur l’industrie et le commerce, ne trouvent pas grâce à ses yeux. Sur le plan politique, l’eugénisme galtonien apparaît ainsi comme une théorie défensive qui vise à protéger un groupe social défini contre une menace largement fantasmée. Sous couvert d’une apparente scientificité, elle revient en effet à préserver le maintien de l’ordre social en exigeant une stricte limitation des unions entre les individus d’origines sociales différentes.

La civilisation contre la sélection naturelle

Les eugénistes trouvent dans la lecture de L'Origine des espèces de Darwin, et dans le déplacement de ses conclusions à l’espèce humaine, une clé explicative de leur hantise de la décadence. De leur point de vue, la civilisation, en enrayant les mécanismes de la sélection naturelle, court à sa perte. Les dispositifs sociaux de protection des plus pauvres, des malades et des plus faibles en général constituent la première de leurs cibles. Pour Clémence Royer, la première traductrice de Charles Darwin en France, la charité chrétienne puis les valeurs de solidarité développées avec les idées démocratiques ne peuvent que mener à la dégénérescence de la race humaine.

Galton partage largement les positions de Royer. Comme nombre de ses confrères eugénistes après lui, il s’est converti, après la lecture de l’ouvrage phare de son cousin, à un antichristianisme farouche. Sur le plan politique, s’il n’embrasse pas explicitement le credo de l’anthropologue français Vacher de Lapouge qui entendait substituer à la formule révolutionnaire « Liberté, égalité, fraternité » celle de « Déterminisme, Inégalité, Sélection », il s’oppose aux principes de l’égalité naturelle et donc politique des hommes.

La science et la religion du progrès

Malgré la menace de la dégénérescence, l’eugéniste reste pénétré par un optimisme sans faille, pourvu que l’homme daigne se laisser guider par les principes de la science. Le salut de la civilisation occidentale passe par la soumission du politique aux principes scientifiques. Galton place ainsi tous ses espoirs dans le pouvoir illimité de la science, présentée comme un substitut à la religion traditionnelle. Vacher de Lapouge résume cette idée, centrale chez les eugénistes, quand il affirme que « c’est la science qui nous donnera […] la religion nouvelle, la morale nouvelle, et la politique nouvelle ». Si les règles sociales sont venues parasiter le processus de sélection naturelle, il faut donc pour les eugénistes exercer, en lieu et place de la nature, les mesures sélectives indispensables à l’évolution de l’espèce humaine.

Le paradigme héréditariste

L’eugénisme s’appuie, avec la génétique balbutiante, sur la croyance que les capacités et les aptitudes humaines sont déterminées par des caractères biologiques transmissibles. À l’époque de la première formulation des théories eugénistes de Galton, les travaux de Gregor Mendel ne sont pas encore connus de la communauté scientifique. La connaissance des lois de l’hérédité n’est basée que sur l’expérience des agriculteurs dans la sélection de leurs variétés animales et végétales. Toute l’ambition de Galton est de montrer le caractère héréditaire des « capacités naturelles » de l’homme et d’en comprendre le mécanisme de transmission dans le but avoué de découvrir les moyens d’ « améliorer la race humaine » sur le modèle de l’élevage animal. Dès 1869, il lui paraît ainsi « tout à fait possible de produire une race humaine surdouée par des mariages judicieux pendant plusieurs générations consécutives ».

Souhaitant découvrir les lois de l’hérédité qui seules pourraient lui permettre de donner une base scientifique à son projet d’amélioration de l’espèce, il adopte une méthode statistique, inédite à l’époque dans le domaine de la biologie, en s’appuyant sur la loi normale gaussienne, dont la densité de distribution dessine une courbe en cloche. Il applique la distribution normale à l’étude des populations, comme l’avait fait peu avant lui le Belge Adolphe Quetelet. Il mesure ainsi les variations par rapport à la moyenne de différents éléments d’une population de pois de senteur et de leur génération suivante, et commence à collecter des données sur la taille et le poids de la population britannique.

Le plus important réside dans le présupposé de sa démarche. Galton applique un schéma explicatif très différent de son confrère belge. Là où Quetelet déduit des régularités statistiques qu’il observe des « causes constantes morales », Galton conclut invariablement à l’origine biologique et héréditaire des phénomènes qu’il étudie. Malgré une méthode innovante, les résultats de Galton furent minces. En 1892, il reconnaît que « le grand problème de l’amélioration de la race humaine n’a pas pour l’instant dépassé le stade de l’intérêt académique ».

Entre la science et l'idéologie

Alexis Carrel, prix Nobel de médecine 1912, connut un succès international avec son essai eugéniste L'homme, cet inconnu.

Une part du succès de l’eugénisme tient aux liens étroits qu’il entretient avec les principaux courants idéologiques de la fin du XIXe siècle : l'évolutionnisme, qu’il soit libéral-spencérien ou marxiste, le malthusianisme, le darwinisme social ou le racisme trouveront tous à s’articuler à l’eugénisme. Comme l’ensemble de ces idéologies, l’eugénisme tire sa légitimité des rapports qu’il entretient avec la science. L’eugénisme peut ainsi être considéré comme une « idéologie scientifique » au sens que lui donne Georges Canguilhem. Il s’appuie sur une science instituée dont il utilise le prestige pour légitimer un projet politique. L’eugénisme partage avec la science biologique des présupposés héréditaristes et, pour un temps, une même approche statistique des populations. Pour André Pichot, ce rapport n’est cependant pas univoque. Si la science biologique participe à la légitimation de la doctrine eugéniste, cette doctrine renforce en retour le rôle social de la science. Le projet eugéniste participe ainsi à la construction de l’image que la science de la fin du XIXe siècle se fait d’elle-même et qu’elle veut refléter aux yeux du reste de la société : l’eugénisme figure aux côtés de la vaccination ou de l’électricité au nombre des bienfaits que la science entend offrir à l’humanité. La génétique naissante et encore mal assurée y trouve la clé de voûte de son projet de recherche et de sa justification idéologique.

La science

Darwin et l'eugénisme

Avant même la définition du terme « eugénisme », Francis Galton s’est inspiré de la théorie de l’évolution de Charles Darwin dans ses travaux, amenant ce dernier à se prononcer sur la question de la doctrine eugéniste naissante. Dans son ouvrage La Descendance de l'homme et la sélection sexuelle, paru en 1871, Darwin reprend les conclusions de son cousin sur l’hérédité en affirmant qu'il est probable que le « talent » et le « génie » chez l'Homme soient héréditaires. Il lui paraît également vraisemblable que les protections sociales vont à l’encontre de la sélection naturelle. Il se refuse cependant à adopter les conclusions politiques de Galton, plaçant l’esprit de fraternité humaine au-dessus des lois scientifiques : « nous ne saurions restreindre notre sympathie, en admettant même que l’inflexible raison nous en fît une loi, sans porter préjudice à la plus noble partie de notre nature », déclare-t-il ainsi dans le même ouvrage. Ce n’est qu’après la mort de son cousin qui intervint en 1882 que Galton commença à appeler « eugénisme » sa philosophie sociale. Le nom de Darwin y resta cependant durablement attaché, à cause de l’implication de sa famille– outre Galton, son fils Leonard Darwin en fut l’un des promoteurs les plus influents au Royaume-Uni – et des principaux défenseurs du darwinisme dans le développement de la doctrine. Les travaux de Galton scellent en effet une union durable entre la science en général, la génétique en particulier, et la doctrine eugéniste.

La génétique des populations

Ronald Fisher, un des fondateurs de la génétique moderne, fut titulaire de la chaire Galton d’eugénisme de l’University College de Londres.

Pour André Pichot ou Troy Duster, le succès de l’eugénisme qui s’amplifie au début du XXe siècle est en partie déterminé par des causes internes à l’histoire des sciences, et notamment par la prépondérance de la génétique des populations dans le domaine de la biologie.

L’approche de Galton, qui deviendra la biométrie avec l’apport de Karl Pearson, pose en effet les jalons de la génétique des populations qui restera, avec sa variante mendélienne, l’approche dominante en matière de génétique jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. La génétique des populations se fixe l’objectif de découvrir les lois du modèle darwinien de l’évolution en s’appuyant sur des méthodes statistiques. Ses deux axes de recherche principaux sont l’étude de la fréquence de la version des gènes dans une population (fréquence allélique) et le rôle joué par la sélection naturelle dans cette répartition . En s’appuyant sur la génétique des populations, la théorie de l’évolution connut des développements importants jusqu’à la formulation de la théorie synthétique de l'évolution (ou néo-darwinisme) qui constitue toujours le schéma explicatif dominant.

Eugénisme et génétique des populations, dont les origines sont liées à travers les figures de Galton et Pearson, avaient donc des préoccupations et des méthodes très proches : il s’agissait, grâce au recours à l’étude statistique de grands segments de population, de découvrir les lois régissant l’évolution. Une grande partie des représentants de la génétique des populations de la première moitié du XXe siècle a ainsi exprimé des positions eugénistes, militant même souvent ouvertement dans les principales organisations du mouvement. Le biologiste August Weismann (1834 – 1914), auteur de la théorie du plasma germinatif, était membre de la société d’hygiène raciale allemande. L’américain Charles Davenport, l’un des principaux promoteurs de la théorie mendélienne aux États-Unis, fut l’un des leaders de l’eugénisme américain. Les prestigieux biologistes Julian Huxley, John Haldane ou Ronald Fisher, tenu pour le fondateur de la génétique moderne, militèrent quant à eux pour un eugénisme moins dur, que l’on qualifiait de « réformiste ».

Au-delà du champ de la biologie, l’inventeur Alexander Graham Bell ou Luther Burbank, un influent agronome américain, ont été d’actifs militants eugénistes. En France les plus célèbres des scientifiques eugénistes furent les prix Nobel de médecine Alexis Carrel et Charles Richet.

Convergences idéologiques

Le racisme

Charles Robert Richet, prix Nobel de médecine 1913 et président de la Société française d'eugénisme de 1920 à 1926.

Dès l’origine, l’eugénisme de Galton est imprégné du racisme de son promoteur, dont les préjugés initiaux ont été renforcés par le voyage qu’il a mené en Afrique du Sud en 1850. Racisme et eugénisme se mêlent fréquemment dans les argumentaires des eugénistes conservateurs, en particulier lorsqu’ils abordent la question de l’immigration.

Au début du XXe siècle, la « détérioration nationale » est une préoccupation qui se renforce avec la mise en place d’outils statistiques de mesure des conscrits. Sur la base de ces chiffres, on conclut régulièrement à une dégénérescence physique et intellectuelle de la population. On s’inquiète particulièrement des différences de fécondité entre les « races nordiques » et les nouveaux migrants venus de l’est. La peur de la fécondité des classes populaires s’accompagne ainsi régulièrement d’inquiétudes concernant celle des migrants catholiques irlandais et juifs polonais, russes et allemands, qui alimentent un antisémitisme latent.

Aux États-Unis la préoccupation est plus forte encore et aboutira à une limitation sévère de l’immigration. Les eugénistes sont à la pointe du combat pour une législation anti-immigration. Pour le célèbre économiste Irving Fisher la focalisation de la société sur les questions migratoires « était une occasion rêvée pour amener les gens à s’intéresser à l’eugénisme ».

Situé dans une perspective plus vaste que la simple défense de la pureté de la « race », le projet de nombreux eugénistes était d’améliorer les capacités de l’humanité dans son ensemble. Pour Charles Richet, le prix Nobel français de médecine de 1913, « lorsqu’il s’agira de la race jaune, et, à plus forte raison, de la race noire, pour conserver, et surtout pour augmenter notre puissance mentale, il faudra pratiquer non plus la sélection individuelle comme avec nos frères les blancs, mais la sélection spécifique, en écartant résolument tout mélange avec les races inférieures ». Il faut ainsi qu’une autorité conduise l’ « élimination des races inférieures » puis celle des « anormaux ».

Le régime nazi consommera tragiquement les noces du racisme et de l’eugénisme, en s’attaquant avec ses lois de stérilisation aux Noirs nés de l’occupation de la Ruhr par les troupes coloniales françaises en 1923 (un épisode dénoncé comme la Honte noire avant même l’avènement du nazisme) puis en appliquant méthodiquement le programme d’élimination des « races inférieures » aux Juifs et aux Tsiganes.

Dimensions hygiénistes et esthétiques

L’eugénisme s’accorda aussi largement avec le dégoût pour le désordre, la saleté et la matérialité organique qui accompagna le développement des courants hygiénistes dans les sociétés occidentales. L’obsession pour le culte du corps parfait qui s’incarna dans la construction de stéréotypes nationaux virils constitua un des aspects de ce rapport renouvelé au corps. Le nazisme envisagea même de porter ce principe à son extrémité, en réfléchissant à une législation qui conduirait à l’élimination des prisonniers de droit commun les plus laids.

Le mouvement eugéniste

Arthur Balfour, prononça le discours d'ouverture du Ier congrès international d’eugénisme en 1912.

Loin de se cantonner à un petit cercle de croyants ou de scientifiques marginaux, la doctrine eugéniste s’est progressivement répandue dans le grand public. Au début du XXe siècle, le mot « eugénisme » devint d’usage courant (on parlait ainsi de « mariage eugénique ») et les manifestations et rassemblements visant à promouvoir la doctrine rencontrèrent de larges échos. Galton lui-même fut anobli en 1909 et reçut en 1910 la très prestigieuse médaille Copley décernée par la Royal Society. Il est le premier organisateur d’un mouvement qui devint rapidement international. En 1912, se tint ainsi à Londres le Ier congrès international d’eugénisme dont le discours d’ouverture fut assuré par l’ancien Premier ministre Arthur Balfour.

Principaux débats

Législation ou éducation

Si le principe général de l’eugénisme était fixé — il s’agissait d’améliorer génétiquement l’espèce humaine grâce aux progrès de la science —, de nombreuses questions se posèrent quant à son application concrète. Le mouvement eugéniste hésita, à l’image de Galton, entre deux possibilités : l’intervention de l'État et l’éducation des masses. Galton pensait originellement que le programme eugéniste devait s’appuyer sur la libre volonté des personnes et que seul l’inculcation d’un « mode de pensée » eugéniste pouvait avoir des effets durables. Il s’agissait d’ancrer dans les esprits une nouvelle manière de voir le monde qui devait mettre l’eugéniste au premier rang des préoccupations humaines. Plus tardivement, la position de Galton et celle d’une grande partie des eugénistes conservateurs évolua. L’intervention de l’État, concernant notamment les cas considérés comme les plus graves, devint une de leurs principales revendications. Même ceux qui, se réclamant du darwinisme social, se refusaient à voir l’État intervenir dans la vie sociale et économique estimèrent indispensable de s’écarter sur ce point de la doctrine du « laissez-faire » pour adopter des mesures de « sélection artificielle ».

Eugénisme « négatif » et « positif »

Les eugénistes se divisaient aussi sur la question des moyens à mettre en œuvre pour parvenir à leur but. Les partisans d’un « eugénisme négatif » comptaient améliorer l’être humain en éliminant les gènes indésirables de la population : la restriction du mariage, la stérilisation, voire l’élimination physique des individus porteurs des gènes indésirables furent les options défendues par l'« eugénisme négatif ». L'« eugénisme positif » comptait quant à lui améliorer l’espèce en stimulant la reproduction des individus dont le potentiel génétique lui apparaissait comme le plus élevé. Il militait par exemple pour la mise en place d’incitations financières devant favoriser la procréation des classes favorisées ou des individus jugés conformes aux canons physiques et moraux. Les eugénistes réformistes ou marxistes entendaient pour leur part lever les barrières de classes qui empêchaient selon eux les meilleurs éléments de l’humanité de pouvoir unir leur sang. La distinction entre eugénisme positif et négatif est cependant purement heuristique : les deux positions n’étaient nullement exclusives l’une de l’autre et se combinaient le plus souvent.

Eugénisme « classique » et « réformiste »

Loin d’être monolithique, le mouvement eugéniste était secoué de débats récurrents concernant les questions du mariage, du divorce ou de la sexualité. La méconnaissance des règles précises de l’hérédité ouvrait par ailleurs de nombreuses controverses au sein même de la communauté scientifique. Les milieux eugénistes qui partageaient les mêmes préoccupations et souvent les mêmes membres étaient logiquement traversés par les mêmes clivages. De manière schématique, on peut avec Daniel Kevles, distinguer deux familles principales d’eugénistes : les eugénistes « classiques » ou conservateurs qui accordent un rôle prépondérant voire exclusif à l’hérédité dans l’explication des phénomènes sociaux. Sur le plan politique, ils sont favorables au maintien de l’ordre social et sexuel. Les eugénistes « réformistes », appartenant aux milieux progressistes ou socialistes, concilient la recherche d’un horizon révolutionnaire ou la défense de revendications féministes et l’avènement d’un « homme nouveau », conçu sur des bases biologiques.

Au Royaume-Uni

Le statisticien Karl Pearson, principal disciple de Galton et fondateur de la biométrie.

L’eugénisme constitua jusqu’à la Seconde Guerre mondiale un élément incontournable du débat politique britannique : Arthur Balfour, Arthur Neville Chamberlain ou Winston Churchill pour ne citer que des Premiers ministres, défendront des points de vue eugénistes.

Karl Pearson, le principal disciple de Galton continua l’œuvre de son mentor, en s’appuyant sur une approche statistique dont il raffina les méthodes pour en faire une discipline à part entière : la biométrie. Sur le plan scientifique, il participa ainsi à l’émergence de la génétique des populations mais fut progressivement marginalisé par le développement de la génétique mendélienne. Si les travaux de son laboratoire furent régulièrement utilisés par les militants eugénistes, il rechigna tout au long de sa carrière à intervenir directement dans le débat public.

Il n’adhéra ainsi jamais à la Société pour l’éducation eugéniste (Eugenics education society), créée en 1907 et existant toujours aujourd’hui sous le nom d’Institut Galton (Galton Institute). Elle devint la principale association britannique de promotion de l’eugénisme. Francis Galton ne s’y engagea lui-même qu’après de longues hésitations, devenant en 1908 son président honoraire. La société essaima rapidement sur l’ensemble du territoire britannique et compta même une représentation locale en Australie. Si elle n’atteignit jamais la taille d’une organisation de masse — elle ne compta jamais plus de 1700 adhérents —, elle parvint toutefois à faire entendre sa voix dans le débat public. Sa composition sociale en faisait une organisation fermée mais influente. Majoritairement investie par des scientifiques, des avocats et des notables, elle pouvait se targuer de réunir quelques-uns des noms les plus prestigieux du royaume. De 1911 à 1928, son président fut ainsi le fils de Charles Darwin, Leonard Darwin.

Ses modes d’intervention ont été repris par l’ensemble des organisations similaires, aux États-Unis notamment : la publication d’une revue — l’Eugenics review —, de brochures, la réalisation d’un film et l’organisation de congrès qui traitèrent des principales préoccupations du mouvement (l’hérédité, l’hygiène, le mariage et la sexualité). L’un des effets du mouvement eugéniste fut ainsi paradoxalement de porter sur la place publique des sujets qui en avaient longtemps été exclus par la rigueur morale victorienne. La Société pour l’éducation eugéniste exerça aussi une importante activité de lobbying en organisant des délégations auprès du Parlement du Royaume-Uni sur des sujets comme les lois sur les pauvres, les maladies vénériennes ou le traitement des déficients mentaux. Elle milita notamment pour un internement en asile de ces derniers de façon à les empêcher de procréer. La loi sera votée en 1913, sans toutefois qu’apparaisse explicitement le motif qui sous-tendait la démarche des eugénistes.

Le courant conservateur, dont le principal représentant était Leonard Darwin, était majoritaire au sein de la Société eugéniste. Favorable à la stérilisation et à l’internement des déficients mentaux, les conservateurs militaient sur le plan des mœurs pour la conservation de rôles sociaux sexuellement différenciés, exprimant notamment leur opposition à la contraception, considérée comme une puissante incitation à la débauche. Opposés à l’accès des femmes aux études supérieures, ils considéraient que l’exercice des tâches de direction ne pouvait que les détourner de la fonction procréatrice qui constituait selon eux « leur devoir naturel le plus glorieux ».

Même s’ils étaient minoritaires, les « réformateurs sociaux » participèrent rapidement, parfois même au sein de la Société d’éducation eugéniste, à la promotion de la nouvelle doctrine. Les militants socialistes de la Fabian Society Sidney Webb, George Bernard Shaw ou Havelock Ellis, qui devint même vice-président de la Société eugéniste, défendaient des positions sensiblement différentes des conservateurs. Partisans d’un enseignement des principes eugénistes, ils pensaient, comme Galton, que l’éducation était le meilleur moyen de faire pénétrer les principes eugénistes dans les esprits. Ils s’attachaient surtout à articuler l’eugénisme et la « question féminine ». Pour les réformistes, l’indépendance financière des femmes devait leur permettre de choisir un mari conforme aux préoccupations eugénistes, le contrôle des naissances et la contraception de découpler sexualité et procréation. Enfin, la disparition des classes sociales devait permettre de favoriser une rationalisation des arrangements matrimoniaux, jusqu’ici contrariée par les barrières de classe. « Ces Socialistes pouvaient jouer à l'intérieur de la Société eugénique sur la nécessité de d'agir sur l'environnement. »

États-Unis

En 1922, la Société américaine d’eugénisme (American Eugenics Society) est créée pour coordonner l’action des militants eugénistes américains. Elle comptera des délégations dans 28 États. Comme sa cousine britannique, elle resta une organisation de taille modeste ne dépassant jamais les 1 200 adhérents mais regroupa principalement des scientifiques et des notables. Elle fut ainsi présidée par l’économiste Irving Fisher et financée par John D. Rockefeller. Une des principales revendications des eugénistes américains est la limitation de l’immigration en provenance du sud et de l’est de l’Europe. La Société américaine d’eugénisme se dota ainsi en 1923 d’un « comité sur l’immigration sélective » qui milita, dans la lignée des analyses de Madison Grant, en faveur d’une loi de restriction permanente de l’immigration.

En France

En France, la création de la Société française d’eugénique intervient le 29 janvier 1913. Dans les années qui ont précédé sa fondation, les préoccupations eugénistes se sont nourries du discours sur le déclin démographique du pays, alimentés par les plus éminents démographes.

Ce courant de pensée décliniste se montre particulièrement attentif aux débats qui se tiennent outre-manche sur ces questions. Un comité consultatif français qui réunit 45 personnes est ainsi formé pour participer au premier Congrès international d’eugénisme qui se tient à Londres en 1912. Il contient, outre des scientifiques, des médecins et des statisticiens, deux hommes politiques à la pointe du mouvement nataliste, Paul Doumer et Paul Strauss. De retour en France, plusieurs participants du Congrès sont convaincus de la nécessité d’organiser leurs forces. À l’appel du statisticien Lucien March, une première réunion se tient le 12 décembre 1912 à l’École de médecine de Paris avant que les statuts de l’association soient finalisés en janvier. La réunion inaugurale réunit 104 personnes dont 64,5% de médecins.

D'une manière générale en France, l'eugénisme fut surtout un hygiénisme social pasteurien et lamarckiste avec des mesures de natures environnementales et sociales contre propagation des tares que l'on croyait alors héréditaires : tuberculose, syphilis, protection des femmes enceintes et des nourrissons, éradication de l'alcoolisme.

Ainsi les scientifiques français, encore significativement de mode lamarckiste, sont restés à l'écart du mouvement eugéniste international puisqu'il leur fallait déjà approuver le darwinisme. Le néodarwiniste, Lucien Cuénot, contrairement aux restes du monde néodarwiniste minimise par exemple le rôle de la sélection naturelle et propose un mélange des classes sociales et des races pour la vigueur hybride. Cela n'était cependant pas de l'avis de certain membres de l'institut de France comme Charles Richet.

Lois eugénistes

L’influence du mouvement eugéniste sur la législation s’est traduite dans trois domaines principaux : la mise en place de programmes de stérilisations contraintes, le durcissement de l’encadrement juridique du mariage et la restriction de l’immigration, qui constitue un de ses principaux champs d’intervention aux États-Unis.

Programmes de stérilisation contrainte

Pays occidentaux

Le premier pays à adopter une législation eugéniste fut les États-Unis où ce type de dispositions relève de la compétence des états. En 1907, l’État d’Indiana autorise la stérilisation de certains types de criminels et de malades. Il est suivi en 1909 par la Californie, le Connecticut et l’État de Washington. En 1917, quinze États avaient voté des dispositifs de ce type ; ils étaient trente-trois en 1950. Les criminels récidivistes, les violeurs, divers types de malades — les épileptiques, les malades mentaux, les idiots — et parfois les alcooliques et les toxicomanes étaient visés par ces lois de stérilisation.

Pendant l’entre-deux-guerres, plusieurs États européens votent à leur tour des textes similaires : la Suisse en 1928, le Danemark en 1929, la Norvège et l’Allemagne en 1934, la Finlande et la Suède en 1935, l'Estonie en 1937. La plupart des pays protestants furent touchés, à l'exception notable de la Grande-Bretagne, où cette revendication fut toutefois portée par une partie du mouvement eugéniste.

Allemagne nazie

Affiche publicitaire pour la revue nazie Neues Volk (Nouveau Peuple), qui prônait l'eugénisme et l'euthanasie.
« 60 000 Reichsmark, c'est ce que cette personne souffrant de maladie congénitale coûte à la communauté durant toute sa vie. Lisez Neues Volk, la revue mensuelle de l'Office des politiques raciales du NSDAP. »

Avant même l'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir, une majorité de scientifiques et une large partie de la classe politique allemande étaient favorables à l’eugénisme. Une politique eugéniste propre à l'Allemagne nazie, qui s’insère dans un programme plus vaste que l’on peut qualifier d’« eugénico-raciste » est mise en place dès 1933. Basée sur des techniques à prétention scientifiques et organisée par l'administration, elle est définie par un ensemble de lois et de décrets dont les objectifs consistent :

  • d'une part à favoriser la fécondité des humains considérés comme supérieurs (politique nataliste, soutien familial, pouponnières, lebensborn ...) ;
  • d'autre part à prévenir la reproduction des humains considérés comme comme inférieurs et socialement indésirables (les criminels, handicapés physiques ou mentaux, homosexuels, sourds et aveugles de naissance,alcooliques sévères etc.) ou racialement « impurs » (Juifs, Tziganes, Noirs ou Slaves) ;
  • tous les patients hospitalisés depuis au moins cinq ans.

L'Allemagne a ainsi durci la législation contre l’avortement pour les femmes considérées comme supérieures, alors que dans le même temps la circulaire secrète de 1934 aux Offices de la santé du peuple autorisait l'avortement pour les femmes si une « descendance héréditairement malade » était considérée comme prévisible. Le décret secret du 19 novembre 1940 a été plus loin en rendant obligatoire l'avortement pour les femmes « inférieures ».

La loi du 14 juillet 1933 portant sur la stérilisation eugénique est rédigée à l'aide de la participation active du médecin et haut fonctionnaire Arthur Gütt, du juriste Falk Ruttke et du psychiatre suisse Ernst Rüdin. Cette loi qui entre en vigueur le 1er janvier 1934 impose la stérilisation obligatoire pour les malades atteints de neuf maladies considérées comme héréditaires ou congénitales (cécité, alcoolisme, schizophrénie, ...). Ces stérilisations ont fait l'objet d'un quasi consensus dans la communauté médicale allemande. On estime qu’environ 400 000 personnes ont été stérilisées entre 1934 et 1945, en incluant les territoires annexés par l’Allemagne après 1937 où la loi fut aussi appliquée.

L'homosexualité, considérée par le pouvoir nazi et la très grande majorité des médecins et psychiatres de l’époque comme une « dégénérescence pathologique héréditaire », a fait l’objet d’une législation spécifique. L'Allemagne eugéniste proposait aux homosexuels le choix entre la castration volontaire ou la détention en camps de concentration.

D'autres pratiques ont été utilisées pour éliminer les personnes indésirables : camps de concentration pour les alcooliques, criminels, délinquants, asociaux divers, castration des criminels homosexuels, stérilisation des enfants métis nés de mères allemandes et pères africains, indochinois de l'armée française, extermination des tsiganes et des juifs.

Suède

La Suède a maintenu un programme eugéniste de 1936 à 1976. On estime que près de 63 000 personnes ont été stérilisées durant les quarante années de ce programme. Les femmes ayant purgé une peine de prison, les alcooliques, les malades mentaux, les « socialement inadaptés » et ceux qui étaient de différentes races étaient en particulier visé

Asie

Japon Showa

Lors de la phase de l'expansionnisme du Japon Showa, les gouvernements nippons successifs mirent en place des mesures visant la stérilisation des handicapés mentaux et des « déviants », dont notamment une Loi nationale sur l'Eugénisme, promulguée en 1940 par le gouvernement Konoe.

En vertu de la Loi Eugénique de Protection (1948), la stérilisation pouvait être imposée aux criminels « avec des prédispositions génétiques au crime », aux patients souffrant de maladies génétiques comme l'hémophilie, l'albinisme, l'Ichtyose, et de maladies mentales comme la schizophrenie, la maniaco-dépression et l'épilepsie.

D'autre part, les Lois sur la Prévention de la Lèpre de 1907, 1931 et 1953, la dernière n'étant abolie qu'en 1996, permettaient l'internement des malades dans des sanatoriums où l'avortement et la stérilisation étaient monnaie courante, en raison notamment du fait que bon nombre de scientifiques nippons soutenaient que la constitution physique prédisposant à la lèpre était héréditaire. En vertu de l'ordonnance coloniale coréenne de prévention de la lèpre, les malades coréens pouvaient aussi être soumis à des travaux forcés.

Corée du Nord

Selon le rapport publié en avril 2009 par l'Institut coréen pour l'unification nationale, le gouvernement de la Corée du Nord pratique également l'eugénisme : les nains devaient subir une vasectomie et être mis en quarantaine et dans les années 1980, des opérations contraceptives se pratiquaient aussi sur des femmes de moins de 1,50 mètre.

Chine

Des pays comme la Chine ont lancé depuis le milieu des années 1990 une politique d'eugénisme franchement affirmée visant à favoriser les naissances dans les milieux urbains aisés et à les limiter dans les milieux ruraux défavorisés. Les experts locaux ont précisé que « des ressources humaines de qualité » étaient nécessaires à la modernisation du pays mais que les tendances présentes laissaient présager une « qualité de population moindre » ».

Cette politique mise en place par les autorités chinoises dans les années 1970, répondait au risque de voir le pays sombrer dans une catastrophe démographique. En trois décennies, la population fut réduite de quatre cents millions d'individus. D'autre part, et à la différence de beaucoup de pays occidentaux, la RPC autorisa les minorités ethniques vivant en Chine de pouvoir avoir, elles, deux enfants par femme. Ce n'est pas dans les villes, mais plutôt dans les campagnes, avec l'introduction du libéralisme et du besoin croissant de bras, pour le paysan indépendant, que cette loi, fut le plus souvent contournée.

Singapour

Singapour a mis en œuvre dans la première moitié des années 1980 une politique incitative visant à favoriser les naissances dans les milieux aisés et à les limiter dans les milieux modestes. En 1983, le Graduate Mums Scheme entend favoriser la fertilité des femmes diplômées, notamment par le biais de réduction d’impôts au-delà du troisième enfant. Ce premier dispositif s’est accompagné en 1984 d’une politique d’incitation à la stérilisation pour les femmes de moins de 30 ans dont le revenu est inférieur à 1500 dollars, sous la forme d’une prime de 10 000 dollars. Fortement critiqué, le Graduate Mums Scheme a été abandonné en 1985, tandis que le second volet de cette politique n’a jamais rencontré d’échos significatifs auprès de la population.

Les législations concernant le mariage

Aux États-Unis, l’influence du mouvement eugéniste a aussi conduit à une évolution de la législation concernant le mariage dans une trentaine d'États : les nouvelles lois annulaient le mariage des idiots ou des malades mentaux et restreignaient le droit au mariage des individus atteints de maladie vénériennes, parfois même des alcooliques comme dans l’Indiana.

Le contrôle des mariages fut un des terrains d’intervention principaux des eugénistes français. L’examen prénuptial, institué par le régime de Vichy avec la loi du 16 décembre 1942, est la seule disposition juridique française s’étant explicitement réclamé d’un objectif « eugénique ». Il est resté obligatoire jusqu’au 1er janvier 2008.

Législation contemporaine en France

En France, la question de l'eugénisme est traitée par le code pénal, dans le Sous-titre II du Titre I du Livre II, intitulée « Des crimes contre l'espèce humaine » :

  • Article L 214-1 : « Le fait de mettre en œuvre une pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende ».
  • Article L 214-3 : « Cette peine est portée à la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises en bande organisée »

L'eugénisme est plus solennellement encore, réprouvé par le Code civil en son article 16-4 : " Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite"

À l'Assemblée nationale, le scrutin n°167 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la bioéthique, a été adopté avec modifications en deuxième lecture séance du mardi 8 juin 2004 (310 votants, 304 suffrages exprimés, 187 pour, 117 contre).


Cependant, aussi claire qu'elle paraisse, la position française est en pratique bien plus ambiguë, si on considère les obligations de dépistage (visites prénatales obligatoires) et les facilités légales ainsi que l'encouragement à l'avortement lorsque l'enfant à naître présente des malformations. Dans le cas du dépistage pré-natal de la trisomie 21, il s'agit clairement d'un eugénisme « négatif » (par élimination).

Débats contemporains

Anthropométrie

Le discrédit porté sur l’eugénisme à la suite des politiques mises en œuvre notamment par le régime nazi, est à l’origine de deux positions, que l’on peut qualifier avec Jean-Paul Thomas de « continuistes » et de « discontinuistes ».

Pour les continuistes, l’issue logique d’une perspective eugéniste est illustrée par l’Histoire et les crimes commis par le régime nazi au nom des principes de cette doctrine. Les fondements mêmes de l’eugénisme, en particulier ses présupposés héréditaristes et scientistes, contiennent en germe des éléments qui conduisent nécessairement à des développements contraires aux lois de la morale. Les discontinuistes affirment au contraire qu’une position eugéniste, encadrée par des dispositions morales et juridiques suffisantes, peut signifier un progrès pour l’humanité.

Selon ses défenseurs l'eugénisme visait à assurer une humanité plus adaptée, donc en principe plus heureuse. Ce n'est donc pas sa fin en elle-même qui a été critiquable, mais bien souvent les moyens choisis. Si le diabète, l'hémophilie et d'autres maladies héréditaires venaient à être éliminées par thérapie génique, tout le monde en serait ravi ; cette forme d'eugénisme ne pose pas les difficultés de sa variante du XIXe et XXe siècles, périodes où les moyens utilisés avaient dépassé les bornes autorisées par nos propres valeurs.

Mais quid de l'orientation à choisir, même par des moyens licites ?

  • Au XVIIIe siècle, on aurait pu vouloir favoriser l'émergence d'hommes robustes capables surtout d'une grande endurance pour devenir portefaix ou travailleurs de force. La machine à vapeur permit de faire mieux pour dix fois moins cher, les réduisant au chômage et peut-être à l'inanition. L'eugénisme aurait ici augmenté le nombre des inadaptés.
  • Le XIXe siècle aurait favorisé sans doute l'apparition d'un autre type d'humain : l'employé aux écritures à la mode de Dickens, capable d'additionner douze heures par jour de longues colonnes de chiffres sans se fatiguer ni se tromper. Quel emploi la deuxième moitié du XXe siècle, où un ordinateur faisait le même travail pour juste quelques centimes et en un temps bien plus court, aurait-elle pu trouver pour un type d'homme n'ayant que ces qualités-là à offrir ? L'eugénisme aurait là encore augmenté le nombre des inadaptés.
  • La deuxième moitié du XXe siècle demandait beaucoup d'employés de guichet. Au XXIe siècle, une très grande partie de leur travail est effectuée 24 heures sur 24 et pour bien moins cher par des serveurs Internet.

« Nous devons éviter que nos jolis objectifs deviennent les geôliers de nos enfants », disait Myron Tribus (« We should ensure that our goals do not become their gaols », avec un jeu de mots entre goals/buts et gaols/geoles) en citant ces trois exemples.

Bien plus que les moyens employés, qui peuvent dans certains cas être irréprochables, c'est probablement là que se trouve la principale impasse de l'eugénisme. Même lorsque celui-ci s'attache à autre chose qu'à la simple élimination - en observant une stricte éthique - des maladies héréditaires. Car, dans certains cas particuliers, ce qui est une maladie peut être, aussi, un facteur de survie : que l'on repense par exemple à la célèbre drépanocytose, maladie héréditaire qui permet de résister au paludisme.

La variété et le nombre (la biodiversité) représentent autant d'opportunités possibles d'adaptation des systèmes vivants à des conditions futures inconnues, et donc à la survie de l'espèce. L'élimination systématique de tous les caractères jugés handicapants ou superflus à un moment donné pourrait parfaitement abréger la durée de vie d'une lignée... Les sélectionneurs de races animales, qui le savent, prennent soin de conserver (sous forme de paillettes de sperme congelées, par exemple, ou sous forme d'information : c'est l'un des enjeux du séquençage génétique) les caractères que par ailleurs ils éliminent dans les animaux de production. Ils savent qu'un demi-siècle peut s'intéresser à la seule quantité, et par exemple le demi-siècle suivant au contraire à des qualités gustatives, etc.

Mais grâce à cet exemple, on peut considérer qu'il suffirait de conserver certains caractères, tout en les supprimant de l'humanité présente, pour les réintroduire à l'avenir si le besoin s'en faisait sentir. Une telle pratique eugénique permettrait à l'humanité de maîtriser son adaptabilité et son évolution. Les auteurs de science-fiction et de politique-fiction s'interrogent néanmoins sur le sens que les eugénistes donnent au mot « bénéfique » : pour les individus, ou simplement pour l'État ?.

Sparte

Il a été longtemps soutenu qu'à Sparte l'eugénisme ait longtemps été pratiqué. Les enfants nés malades ou faibles auraient été tués dès la naissance ainsi que les handicapés mentaux et physiques. De cette manière, seuls les plus « forts » auraient subsisté et auraient pu se reproduire.

De récentes fouilles archéologiques contredisent cette légende rapportées par de rares et imprécises sources antiques. En effet, après l'analyse les ossements trouvés dans le gouffre des Apothètes, il a été conclu que seuls des restes d'adolescents et d'adultes ont été recueillis.

L'Église catholique

L'Église combat avec fermeté toute doctrine eugénique. L'eugénisme va à l'encontre des dogmes moraux transcendants et providentielles de l'église chrétienne. Elle s'est notamment exprimée à ce sujet lors de la conférence des chrétiens d'Europe à Gniezno en Pologne.

Les pays à dominante catholique, même fascistes comme quelque temps l'Espagne, le Portugal ou l'Italie ne pratiquèrent pas l'eugénisme.

Les pays à dominante protestante (scandinaves et germaniques) y cédèrent. Et, l'Angleterre vit des débats animés sur la question, pour en fin de compte ne pas adopter de politique eugéniste malgré l'insistance de Wells contre le spencérisme (la non intervention de l'état sur les "tares" de la société), le racisme, le colonialisme qui domine en politique et qui pèse sur la société et ces membres.

Néandertal

Les caractéristiques de l'homme de Néandertal auraient pu sans doute ne pas intéresser des eugénistes du XIXème siècle. Une étude génétique de 2010 sur son léger métissage avec les Cro-Magnon du continent européen (mais pas du continent africain), conduite par l'Institut Max Planck de Leipzig, suggère cependant que ce capital peut avoir apporté une petite touche originale aux populations d'Europe. Certains sites Internet ont mentionné cette étude en termes sensiblement moins scientifiques.

 

 

 

 

 

 

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20 septembre 2012

la corée.....les origines......

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Histoire de la Corée

 

Des origines jusqu'en 1948


La péninsule coréenne aurait été habitée dès le paléolithique et aurait accueilli une immigration venue de Mandchourie et de la Chine du Nord entre le VIIe et le VIe siècle avant notre ère. Selon la légende coréenne, le plus ancien État fut le Choson (le «Matin calme»), qui couvrait le nord-ouest de la Corée et le sud de la Mandchourie; il fut conquis par la Chine en 108-107 avant notre ère, qui y créa quatre «commanderies»: Lolang, Xuantu, Lindun et Zhenfan.

Les royaumes de Paekche dans le sud-ouest de la péninsule, fondée en 18 avant notre ère, et de Silla dans le sud-est, fondée en 57 avant notre ère, émergèrent aux IIIe et IVe siècles, alors que l'influence chinoise s'était affaiblie. Sur la côte sud, un troisième État, appelé Kaya, rivalisait avec les autres, mais ce fut le Koguryo qui, au Ve siècle, devint le plus puissant.

1 L'unification de la péninsule coréenne

La Corée à l'apogée de l'expansion de Koguryo au Ve siècle Le Koguryo réussit à contrôler la plus grande partie de la péninsule coréenne et de la Mandchourie. Au milieu du VIe siècle, le Silla conquit le Kaya et s'empara de territoires autour de Séoul et de la vallée du Han, tandis que le Koguryo et le Paekche perdaient graduellement des portions de leurs territoires. Ces États conservèrent une forte culture distinctive. Par exemple, le Koguryo excellait dans l'art militaire, mais le Silla mit en place des institutions sociales et politiques plus durables; le Paekche entretenait des relations avec la Chine et le Japon, et développa une grande civilisation, mais il était faible politiquement et militairement.

En 668 de notre ère, le Silla, allié à la dynastie chinoise Tang et aidé par son armée, avait, cette année-là, vaincu le Koguryo et le Paekche en 660, et établit le premier État de la péninsule coréenne unifiée après avoir reconquis en 735 les deux protectorats établis par les Chinois.

Le bouddhisme, apparu dans la péninsule au IVe siècle, était devenu une force puissante au VIe siècle et inspira fortement la vie intellectuelle et artistique du Silla. Mais la culture, l'écriture et les institutions politiques chinoises eurent aussi une grande influence, car tous les États coréens adoptèrent l'écriture chinoise pour transcrire leur langue respective. Néanmoins, la culture propre au Silla fut le principal véhicule du développement coréen de cette période. Au Xe siècle, une forme d'État typiquement coréen, fortement hiérarchisé, était déjà bien implantée et, malgré plusieurs changements et problèmes ultérieurs, cette forme de gouvernement resta en place jusqu'aux temps modernes.

2 Le Koryo (918-1392)

Au cours du IXe siècle, la monarchie et les institutions gouvernementales du Silla déclinèrent, alors que les dirigeants régionaux devenaient plus puissants. De 890 à 935, les trois anciens royaumes émergèrent à nouveau dans la péninsule. Cette fois, l'État du Nord, appelé Koryo, parvint à refaire l'unité dans la péninsule. Il fut fondé en 918 lorsqu'un guerrier nommé Wang Kon obligea le roi de Silla à abdiquer. Le Koryo réunit les dirigeants régionaux sous une autorité centrale et étendit les frontières du pays au nord du fleuve Yalu. C'est alors que le Koryo entra en conflit avec la dynastie mandchoue des Khitan (rebaptisée Liao en 947). Au cours des guerres qui durèrent de 993 à 1018, le Koryo parvint à maintenir ses positions et, en 1122, il obtint une paix définitive. Le terme de Koryo (selon la transcription, Koryo ou Goryeo) est à l'origine du nom moderne de Corée (en français),Coréia (en portugais), Corea (en espagnol et en italien), Korea (en anglais, en néerlandais, en allemand, en danois, en suédois), Koreya (en russe), Koreańska (en polonais), Koreai (en hongrois), etc. C’est sous ce nom que des marchands arabes ont parlé pour la première fois de ce pays aux Européens.

Dès le début, le bouddhisme devint la religion officielle de la cour de Koryo. Il prospéra considérablement, comme d'ailleurs en témoignent les temples et les représentations, tant peintes que sculptées, du Bouddha. La cour adopta l'écriture et le système chinois des examens pour le recrutement des fonctionnaires, classés selon leurs mérites scolaires. Toutefois, contrairement à la Chine où les concours étaient ouverts aux hommes de toutes origines, il restait, au royaume de Koryo, le monopole des familles de hauts fonctionnaires. La plupart des instituts publics d'enseignement furent fondés selon le modèle éducatif chinois et leurs contenus furent centrés sur les classiques confucéens. Le programme de l'enseignement supérieur comprenait, outre les classiques confucéens, des matières plus pragmatiques comme la législation, la calligraphie et la comptabilité. L'influence chinoise grandissante favorisa l'enseignement et l'apprentissage du chinois. Dans les universités, on n'étudiait que la littérature et les sciences chinoises, le chinois étant la «langue officielle du gouvernement et de la haute société». Dans la formation des interprètes, le chinois restait la langue la plus importante. Dès le Xe siècle, un bureau chargé de la traduction et de l'enseignement des langues étrangères (le Thongmunkwan) avait commencé à former des interprètes. En 1276, ce bureau fut renforcé tant pour contrôler la qualité de la traduction que pour enseigner les langues étrangères — surtout le chinois et le japonais — de manière plus systématique.

L'épanouissement de la culture du Koryo se produisit au XIe siècle; elle fut marquée par la présence d'un gouvernement stable, dont les institutions et les méthodes étaient empreintes de l'influence chinoise. Le bouddhisme inspira l'éducation et les arts. Mais, au début du XIIe siècle, la stabilité du Koryo fut remise en cause. De puissantes familles aristocratiques luttèrent contre le trône pour contrôler la région, tandis que la dynastie mandchoue des Jin exerçait une pression extérieure, provoquant des réactions divisées de la part d'un pouvoir devenu incertain. En 1170, les militaires, irrités par la discrimination dont ils étaient victimes, chassèrent les officiels civils, et les rois perdirent leur autorité, ce qui entraîna une période de conflits intérieurs. Puis les moines finirent par acquérir de plus en plus de pouvoirs. Durant les dernières années du royaume, le bouddhisme fut gravement remis en question en raison des conflits entre les fonctionnaires lettrés et les militaires, d'une part, les confucianistes et les bouddhistes, d'autre part.

Les Mongols envahirent la péninsule en 1231, ce qui déclencha une série de guerres, lesquelles se terminèrent en 1259 par la conquête du Koryo, qui devint un État vassal de la Mongolie pendant près d’un siècle, et ce, malgré la résistance dont fit preuve, durant vingt ans, le peuple de Koryo contre les envahisseurs. Les rois de Koryo ne retrouvèrent leur position dominante que sous la gestion de commissaires résidents mongols. Grâce à l'accession au pouvoir de la dynastie des Ming en Chine, en 1368, en lieu et place de la dynastie mongole des Yuan, le Koryo put se dégager du joug mongol. Le général Yi Songkae se débarrassa de ses adversaires politiques, prit le pouvoir en 1392 et établit ainsi en Corée la dynastie des Yi, qui régna sous le nom dynastique de Choson.

3 La dynastie Choson (1392-1910)

Durant le XIVe siècle, les Coréens furent fortement influencés par des théories néo-confucianistes, qui avaient été formulées par le philosophe chinois Zhu Xi. Ce système de valeurs très développé stimula les classes moyennes de l'administration du Koryo, et leur mouvement pour une réforme politique et sociale fut à l'origine de l'accession au pouvoir de la dynastie Choson (ou Joseon).

La Dynastie Choson (XVe Siècle)

Ce n’est qu’au XVIe siècle, avec l’avènement de la dynastie Choson (1392-1910), souvent connue en Occident sous le nom de «dynastie des Yi» (nom véhiculé par les Japonais) que le confucianisme devint un puissant instrument de réorganisation étatique et sociale.

Sous le règne du roi Sejong (1418-1450), le quatrième monarque de Choson, la Corée connut un épanouissement culturel et artistique sans précédent. C’est sous son règne que des savants de l’Académie royale inventèrent l’alphabet coréen, le Hangul, un système d’écriture conçu de manière scientifique, mais simple et efficace à la fois. Ce fut l'un des premiers exemples d'interventionnisme linguistique dans l'histoire du monde. Le règne du roi Sejong marqua ce qu'on appelle «l’âge d’or» de la Corée. Nombre d’inventions et d’idées nouvelles virent le jour durant cette période, dans les domaines de l’administration publique, de l’économie, des sciences naturelles, des sciences humaines, de la musique et de la médecine.

Bien que très influencé par la culture chinoise, le Choson parvint à garder une identité propre, utilisant son système d'écriture particulier, à la fois alphabétique et syllabique. L'utilisation de ce système d'écriture très compliqué a causé des problèmes très sérieux, parce que le chinois (monosyllabe) et le coréen (polysyllabique) sont des langues très différentes.

Durant les deux premiers siècles de son existence, le royaume Choson fut bien gouverné et connut la paix, mais des divisions commencèrent à apparaître parmi l'élite au XVIe siècle. C'est au cours de cette période que le royaume fut envahi en 1592 par les Japonais, qui voulaient utiliser le pays comme base de transit pour conquérir la Chine. En septembre 1593, avec l'aide de la dynastie chinoise des Ming et des efforts de son héros national, l'amiral Yi Sunsin (1545-1598), le royaume Choson réussit à chasser les Japonais. Ces derniers renouvelèrent leur tentative en 1597, mais furent définitivement refoulés en 1598. Quelques décennies plus tard, le pays dut subir une invasion par le nord, perpétrée par la nouvelle dynastie chinoise d'origine mandchoue des Qing (1636). Le Choson dut accepter de devenir vassal de la Chine, alors que le prince héritier devait rester en otage à la cour impériale des Qing. La langue chinoise pénétra de façon plus importante dans le vocabulaire des Coréens.

Au cours des deux siècles qui suivirent, le royaume Choson fut gouverné par des rois compétents, malgré l'apparition périodique de conflits entre différentes factions. Mais des changements sociaux, économiques et religieux mirent à l'épreuve le système politique et social du royaume Choson. Le christianisme fut introduit 1784 par la Chine et propagé après 1833 par des missionnaires français. En 1864, le roi Taewonkun déclara le christianisme hors la loi et repoussa les interventions militaires de la France (1866) et des États-Unis (1871). Il tenta aussi d'éliminer la corruption et de restaurer le prestige de l'État. Les réactions politiques suscitées par ces réformes provoquèrent néanmoins la chute du Taewonkun. Le Choson demeura un royaume relativement isolé du monde occidental, mais fidèle dans son alliance avec la Chine. En réalité, la Corée devint l'enjeu des puissances chinoise, japonaise et russe. En 1876, les Japonais obligèrent le pays à établir des relations diplomatiques avec eux, tout en affaiblissant les liens traditionnels du royaume avec la Chine. La victoire du Japon sur la Chine (1895) et sur la Russie (1905) permit l'annexion officielle de Choson par le Japon en 1910, ce qui mit fin à la plus longue dynastie (celle des Choson) qu'ait connue l'histoire du monde.

En 1897, le 26e roi de la dynastie Choson (1392-1910), agissant sous l'influence des idées occidentales et poussé par les Japonais, se déclara «empereur des Han» (le nom ancien des tribus coréennes, à ne pas confondre avec la dynastie chinoise du même nom) et proclama ainsi son égalité avec l'empereur de Chine tout en affirmant son indépendance politique. Un nouveau nom pour le pays a été donné: Taehancheguk («le Grand Empire Han»).

Au chapitre de la langue, le coréen, qui n'avait jusqu'alors qu'un statut de langue orale, commença à s'affirmer comme langue écrite à partir des réformes amorcées en 1894.  Le statut officiel du chinois mandarin fut supprimé et le coréen est devenu la seule langue officielle (kugo); les anciens noms péjoratifs accolés au coréen (onmun «langue de mauvais goût», pancheol «dialecte», etc.) tombèrent en désuétude. Néanmoins, l'enseignement du chinois classique se poursuivit dans les écoles ainsi que l'influence du système d'écriture japonais (la combinaison de caractères chinois et des lettres coréennes). Le premier journal en langue coréenne, le Tongnipsinmun (Journal de l'Indépendance) fut publié en 1896. Il se développa alors en Corée une période de purification linguistique destinée à supprimer l'écriture chinoise dans la langue coréenne écrite. Après la signature des traités d'amitié et de commerce (1882-1886), l'enseignement des langues occidentales (anglais, allemand et français) et des sciences humaines dans les nouvelles écoles permit aux Coréens de se rendre compte des dimensions du monde.

4 La domination japonaise (1910-1945)

[Zainihon Daikanminkoku Dan (Mindan)] L'occupation japonaise avait commencé avec le «traité de protection» de 1905, imposé au pays après la guerre russo-japonaise, par lequel le Japon prenait le contrôle des Affaires étrangères de Choson, puis de la police et de l'armée, de la monnaie et du système bancaire, des communications ainsi que de tous les secteurs vitaux. L'assassinat de la reine coréenne pro-russe mit fin à la dynastie Choson en 1910 et, le 29 août de la même année, la Corée fut annexée par le Japon, malgré l'hostilité des Coréens. Cette occupation allait durer trente-cinq ans, soit jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. De 1910 à 1918, le Japon consolida ses positions en éliminant les nationalistes, en prenant le contrôle des terres et en imposant des changements administratifs draconiens.

Au plan linguistique, le Japon fit tout pour éliminer la langue coréenne et la remplacer par le japonais. Le chinois fut placé au même rang que les autres langues étrangères, le japonais devenant la langue officielle de la Corée. La politique linguistique reposa sur l'enseignement forcé du kokugo, la «langue nationale», c'est-à-dire le japonais. Dès 1911, un décret impérial fut promulgué en Corée sur l'éducation; il était destiné à «faire des Coréens un peuple fidèle». Après le soulèvement coréen du 1er mars 1919, un second décret impérial établit en 1922 un système d'enseignement primaire en six années, comme au Japon, et supprima les écoles traditionnelles coréennes qui assuraient l'éducation en coréen. Dans ces nouvelles écoles, on utilisa uniquement des manuels japonais identiques à ceux de la métropole. Un autre décret impérial fut promulgué en 1937. C'est alors que la japonisation devint plus sévère. Naisen ittai était le slogan officiel, c'est-à-dire «faire des Coréens des Japonais à part entière» (littéralement Japon et Corée, un seul corps). Des linguistes coréens patriotes tentèrent de réagir contre la normalisation japonaise en publiant une première grammaire moderne (Tachan munjôn) en 1909, suivie d'une grammaire nationale (kugô munbôp) en 1910 et d'une phonétique (Mal-ûi sori) en 1914. Des sociétés savantes se formèrent pour définir la langue coréenne. Lorsque cde fut le temps de rédiger un dictionnaire, plusieurs linguistes coréens furent arrêtés «pour activités anti-japonaises» et certains moururent en prison. En 1933, commença le Projet d'unification de l'orthographe du coréen effectué par la Société d'étude de la langue coréenne. Mais les conditions coloniales qui régnait alors en Corée ne permit pas de mener à bine cette entreprise.

La politique linguistique reposa sur l'enseignement forcé du kokugo, la «langue nationale», c'est-à-dire le japonais. Les autorités japonaises encouragèrent les populations locales à abandonner d'elles-mêmes le coréen pour la «langue nationale». Dès 1911, un décret impérial (Rescrit) sur l'éducation fut promulgué en Corée sur l'éducation; très similaire à celui de Taiwan, il était destiné à «faire des Coréens un peuple fidèle». Les article 2 et 5 se lisent comme suit: :

Article 2

Les activités pédagogiques doivent être basées sur la pensée fondamentale du Rescrit impérial concernant l'éducation, et éduquer les Coréens à devenir de pieux sujets de l'Empire.

Article 5

L'éducation normale doit viser comme objectif, de dispenser aux enfants des connaissances et des habiletés normales, et de leur inculquer les caractéristiques de la citoyenneté japonaise et la diffusion de la langue nationale.

Après le soulèvement coréen du 1er mars 1919, un second décret impérial établit en 1922 un système d'enseignement primaire en six années, et supprima les écoles traditionnelles coréennes qui assuraient l'éducation en coréen. Dans ces nouvelles écoles, on utilisa uniquement des manuels japonais identiques à ceux de la métropole. Un autre décret impérial fut promulgué en 1937. C'est alors que la japonisation devint plus sévère. Naisen ittai était le slogan officiel, c'est-à-dire «faire des Coréens des Japonais à part entière» (littéralement «Japon et Corée, un seul corps»).

La troisième version du programme japonais en éducation (en 1938) supprima l'enseignement de la langue coréenne, demeuré facultatif, et accentua la japonisation dans les programmes d'études.  Le Règlement sur les écoles primaires, qui a été révisé la même année, déclarait : 

Article 1er

L'école primaire, tout en portant une attention prudente au développement physique des enfants, doit inculquer chez les enfants les principaux moraux de la nation et leur dispenser des connaissances normales essentielles à la vie nationale, et éduquer les Coréens à devenir de pieux sujets de l'Empire

Plus loin, l'article 16 obligeait les écoles à utiliser le japonais (la «langue nationale») comme langue d'enseignement. Ainsi, l'enseignement du coréen fut interdit dans les écoles primaires dès 1939, les élèves étant surpris à parler coréen étaient punis ett devaient parfois porter une pancarte infamante. Les Coréens furent obligés d'adopter des noms japonais s'ils voulaient bénéficier de droits comme citoyens. Cette obligation de renoncer à leur nom a vivement marqué les mentalités en Corée, où elle se heurta à une vive résistance. Le gouvernement japonais interdit aux Coréens de parler coréen dans la rue et décerna des diplômes d'honneur aux «familles qui n'utilisaient que le japonais à la maison». Toutes les publications en langue coréenne furent interdites: les premiers rédacteurs du grand dictionnaire de coréen furent arrêtés en 1942; l'année suivante, la Société pour l'étude de la langue coréenne, fondée en 1921, fut dissoute. Les écrivains coréens furent forcés de publier seulement en japonais. L'enseignement de l'anglais régressa (supplanté par le japonais) et fut même interdit à la suite de la guerre entre le Japon et les Alliés. 

Parallèlement, l'enseignement de la langue allemande fut renforcé vers la fin de l'occupation japonaise. Suivant une tradition instaurée par les Japonais, la plupart des lycées coréens enseignaient l'allemand. Curieusement, la mobilisation des jeunes conscrits coréens dans l'armée japonaise se fit sans difficultés majeures; beaucoup de Coréens réquisitionnés furent employés à la garde des prisonniers de guerre. Puis, après la guerre, les Américains les considéreront comme des «criminels de guerre» parce qu'ils les assimileront à des «collaborateurs du Japon», la politique de japonisation s'étant retournée contre ces Coréens abandonnés par les Japonais.

Mais avant la guerre, le Japon intensifia son contrôle en supprimant les mouvements nationalistes de gauche et en favorisant ceux de droite. Les efforts d'assimilation, incluant des mesures draconiennes telles que l'interdiction de la langue coréenne et même des noms de famille coréens, ne prirent fin qu'avec la défaite du Japon (1945) pendant la Seconde Guerre mondiale. Parallèlement, les Japonais favorisèrent la chasse aux mots chinois dans la langue coréenne et dévalorisèrent l'usage des caractères chinois restés populaires en Corée. Cette période d'occupation a entraîné un rejet systématique de la culture japonaise par les Coréens et la montée du nationalisme coréen, bien que la langue coréenne s'imprégna de quantités de mots japonais. Les intellectuels, exaspérés par la politique japonaise d’assimilation, revendiquèrent leurs différences et luttèrent pour se distancier culturellement de leurs oppresseurs. Les mouvements pour l’indépendance développèrent chez les Coréens un fort sentiment d’identité nationale et de patriotisme.

5 La partition de la Corée (1948)

En février 1945, à la conférence de Yalta, peu de temps avant la fin de la guerre dans le Pacifique, les États-Unis et l'URSS s'entendirent pour diviser la Corée au niveau du 38e parallèle pour veiller à la reddition et au désarmement des troupes japonaises. Voici comment le Département d'État américain explique la situation:

Japan surrendered in August 1945, and Korea was liberated. However, the unexpectedly early surrender of Japan led to the immediate division of Korea into two occupation zones, with the U.S. administering the southern half of the peninsula and the U.S.S.R taking over the area to the north of the 38th parallel. Le Japon s'est rendu en août 1945 et la Corée a été libérée. Cependant, la reddition du Japon, hâtive et inattendue, mena à la division immédiate de la Corée dans deux zones d'occupation, les États-Unis administrant la moitié du sud de la péninsule et l'URSS s'emparant de la zone située au nord du 38e parallèle.

La reddition du Japon ne fut pas «hâtive et inattendue» («the unexpectedly early surrender»), puisque les États-Unis savaient depuis des mois que le Japon avait l'intention de capituler, soit bien avant que les bombes atomiques soient larguées sur Hiroshima et Nagasaki. En réalité, les Américains virent d'un mauvais oeil l'entrée de l'URSS (le 8 août 1945) dans le conflit contre le Japon, car ils craignaient une mainmise soviétique sur l'ensemble de la péninsule coréenne. C'est alors que Washington proposa que les Soviétiques occupent le pays depuis le nord jusqu'au 38e parallèle et que les États-Unis occupent le reste. Staline accepta aussitôt! Il est donc farfelu de croire que les État-Unis voulurent simplement administreradministering») un territoire, tandis que l'URSS s'emparait du Nord («taking over the area to the north»). C'est beaucoup plus simple: les soi-disant libérateurs de la Corée avaient décidé de s'en partager les dépouilles afin d'assurer leur influence dans cette région devenue hautement stratégique pour leurs intérêts. Autrement dit, les efforts des Coréens en vue d’établir un gouvernement indépendant furent réduits à néant par l’«influence» l'occupation des États-Unis au sud et celle de l'Union soviétique au Nord.

Puis les deux grandes puissances utilisèrent leur présence militaire pour imposer des gouvernements amis. L'URSS supprima les nationalistes modérés dans le Nord et apporta son soutien à Kim il Sung, un communiste qui avait mené une guérilla anti-japonaise en Mandchourie. Dans le Sud, il existait un mouvement de gauche très développé, opposé à plusieurs mouvements nationalistes de droite. Incapables de trouver un mouvement modéré favorable aux Américains, qui aurait pu rapprocher les deux extrêmes, les États-Unis finirent par éliminer la gauche et apporter leur soutien à Li Sungman [Syngman Rhee], un nationaliste qui s'était opposé aux Japonais et avait vécu en exil aux États-Unis.

Tous les Coréens furent favorables à la réunification, mais, dans le contexte de la guerre froide, les conférences américano-soviétiques pour l'unification (1946 et 1947) suscitèrent une méfiance réciproque. En 1947, les deux grandes puissances commencèrent à organiser des gouvernements distincts. Des élections organisées par les États-Unis le 10 mai 1948 (observées par les Nations unies) aboutirent à la victoire du parti de Li Sungman — qui fut élu président — et à la création de la république de Corée, proclamée le 15 août 1948. En réaction, le Nord fit de même et, le 25 août 1948, créa la République populaire démocratique de Corée proclamée le 18 septembre 1948. Kim il Sung devint premier ministre du nouveau gouvernement. Dès lors, l'armée soviétique et l'armée américaine se retirèrent temporairement des deux moitiés de pays qu'elles occupaient et laissèrent face à face les deux États.

Le 25 juin 1950, les forces nord-coréennes, sans avoir été provoquées, franchirent le 38e parallèle et attaquèrent le Sud, ce qui déclencha la guerre de Corée, qui devait durer trois ans. Plus de 1,4 million de Coréens perdirent la vie au cours du conflit. Aux États-Unis, on vit dans cette guerre la preuve flagrante que le communisme représentait la plus grave menace à la sécurité nationale.


Voyage dans l’imaginaire coréen. Légendes, mythes et contes de Corée

Hye-Gyeong Kim

 

En 2000, paraissait en coréen, traduit du japonais, l’ouvrage de l’historien coréen Shon Chin-T’ae (손진태) (1900- ?) Légendes, mythes et contes  de Corée (한국 민화에 대하여). Ce livre écrit dans les années 1930 marque un tournant dans la recherche ethnologique en Corée.

Shon Chin-T’ae, né en 1900, à Pusan dans la province du Kyǒngsang, part en 1921 effectuer ses études d’histoire au Japon, à l’université de Waseda, où dès cette période, il porte un grand intérêt au folklore. Pendant ses études, il revient souvent en Corée pour les vacances et commence la collecte de son matériau scientifique. Il termine ses études en 1927, travaille dans l’édition au Japon, part ensuite voyager dans toute la Corée, alors un seul pays, et rassemble les contes, les légendes et les mythes racontés par les gens du peuple.

En 1933, il retourne définitivement en Corée et enseigne à l’actuelle université de Yǒnse. En 1945, il est nommé professeur au département d’histoire de l’Université nationale de Séoul et devient, en 1950, président de la faculté de lettres de l’Université nationale de Séoul et vice-ministre de l’Éducation Nationale.

La même année, la guerre de Corée éclate (1950-1953) ; Shon Chin-T’ae est kidnappé et emmené en Corée du Nord. L’information selon laquelle il serait mort en 1950 n’a jamais pu être confirmée.

Historien, ethnologue, Shon Chin-T’ae crée à son retour du Japon en 1933 l’Association pour la recherche sur l’ethnologie coréenne et publie la première revue d’ethnologie du folklore intitulée Folklore coréen. Le point de vue qu’il développe, de 1920 à 1930, en matière de recherche sur le folklore est de reconnaître l’universalité de la culture populaire, en dépassant la situation du moment (dans cette période, la Corée est occupée par le Japon). Il n’aborde pas seulement les contes, mythes et légendes, mais s’intéresse aussi aux religions primitives du peuple, telles que le chamanisme, par exemple.

En tant qu’historien, il se fixe comme objectif, à la fin des années 1930, de construire une pratique scientifique neuve. Il publie des ouvrages sur l’histoire de la Corée, qui ne sont pas seulement l’histoire de la royauté et de la noblesse, mais aussi l’histoire du peuple coréen. Son action, en avance sur son temps, a été décisive pour la recherche en histoire et en ethnologie, et l’est aujourd’hui encore.

Au mois de décembre 2002, il a été désigné par le ministère de la Culture et du Tourisme coréen comme « personnage représentatif de la culture coréenne ».

Légendes, mythes et contes de Corée (한국 민화에 대하여)

Durant des années, Shon Chin-T’ae sillonna le pays et écouta les histoires racontées par les gens simples. L’ouvrage qui s’ensuivit est un recueil de contes, de mythes, de légendes populaires de Corée. Publié pour la première fois au Japon en 1930 sous le titre Collection de contes populaires de Chosǒn, il présente cent cinquante-quatre contes rassemblés par l’auteur lui-même. Ce livre sera traduit pour la première fois en coréen en 2000.

L’ouvrage se divise en quatre parties : les mythes et légendes ; les contes folkloriques, les histoires ironiques et anecdotes ; les contes populaires. On trouve dans cet ouvrage des thèmes chers aux Coréens, l’honneur, la famille, les valeurs traditionnelles, la nature, traités avec humour et parfois ironie.

Dans le premier chapitre consacré aux mythes et aux légendes, on découvre la manière dont le peuple coréen se représente l’origine du monde, du temps, le soleil, la lune, les étoiles, la montagne, la mer, les rivières… Dans le deuxième chapitre intitulé « Contes folkloriques sur la croyance », sont évoqués les coutumes et les tabous des Coréens, par exemple celle de l’heure des offrandes aux ancêtres ou pour quelle raison on ne doit pas jeter les rognures d’ongles des mains et des pieds n’importe où ni n’importe comment. Des fables, des histoires ironiques sont rassemblées dans le troisième chapitre de cet ouvrage. On y rencontre le bestiaire coréen, du tigre un peu ridiculisé, métaphore de la critique des grands, jusqu’aux dérangeantes puces. On découvre aussi comment les trois sœurs naïves ne savent pas du tout se comporter la nuit de leurs noces, mais aussi comment les hommes mariés agissaient préventivement contre l’adultère de leur femme. Enfin, dans le quatrième chapitre, on peut lire vingt-trois contes populaires sur les quatre géants, les dimensions de la baleine et la taille de la crevette, le voleur à neuf têtes…

Ce livre n’est pas une adaptation de contes souvent transformés en histoires à raconter aux enfants, mais le fruit d’un travail de chercheur, historien, ethnologue, profondément convaincu de la valeur de la culture populaire et désireux de saisir, dans cette période trouble de l’occupation japonaise, les éléments qui cimentent la culture nationale de la Corée.

Cet ouvrage est particulièrement intéressant au sens où il est un travail de recherche, avec toute la rigueur scientifique que cela suppose, mais aussi le respect de la parole populaire, retranscrite fidèlement.

De Pusan à la frontière chinoise, de ville en village et en hameau, ces histoires retracent l’itinéraire de Shon Chin-T’ae à travers le pays. Jour après jour, il collecte les histoires issues de la culture populaire et de la tradition orale alors fortement ancrée.

Il n’hésite pas à multiplier les narrations, à donner plusieurs versions, à varier les locuteurs, sans jamais commenter ou intervenir. Il collecte ces histoires fantastiques ou superstitieuses, souvent considérées par leurs auteurs comme déraisonnables, au point que bon nombre d’entre eux ne veulent plus les raconter à leurs enfants et à leurs petits-enfants, au risque de voir un pan entier de la culture orale s’éteindre.

Transmises oralement à travers les générations, ces histoires le plus souvent racontées par les gens des campagnes, jeunes ou vieux, leur permettent d’interpréter le monde. Ces contes témoignent de l’humour et de l’ironie, parfois féroce, avec laquelle les gens du peuple marquent l’histoire du pays, la vie quotidienne, le rapport avec les riches et les puissants de l’époque. Venues de la lointaine tradition, les légendes disent l’histoire de ceux qui sont partis à la découverte du monde et qui, une fois revenus, réintègrent le monde des vivants ou le monde céleste, pour former une nouvelle vision du monde et travailler à la stabilité des rapports entre les individus.

La profonde originalité de l’ouvrage repose sur l’identité de ceux qui racontent. Il ne s’agit pas ici d’histoires venues de la lointaine mythologie coréenne mais de la parole de monsieur Untel, de tel village, tel jour. Cet ouvrage est donc le recueil d’une culture vivante. Dans ce monde dominé aujourd’hui par la technologie, ces légendes et mythes illustrent un passé qui, loin de disparaître, témoigne de son étonnante vigueur imaginative.

Fidèle à la posture de chercheur qui intervient le moins possible, Shon Chin-T’ae rapporte les histoires et donne des points de repère, tels que les locuteurs le disent. Ainsi, de l’actuelle Corée du Nord à la Corée du Sud, ces conteurs deviennent les garants de ce qu’ils racontent et placent le lecteur en fidèle observateur de la tradition.

Shon Chin-T’ae entreprend ce travail dans la période d’occupation japonaise qui marqua durement le peuple coréen. Il parcourt la Corée du nord au sud nous montrant combien le patrimoine folklorique de la Corée se joue des frontières. Dans cette période de lourdes menaces sur l’identité coréenne, il montre que la culture populaire est un moyen de produire une histoire vivante du pays qui concourt à maintenir l’identité et la solidarité du peuple coréen0.

Chaque histoire est datée et le nom du village ou du hameau est signalé, de sorte que l’on peut suivre l’itinéraire emprunté par Shon Chin-T’ae et découvrir la méthode utilisée pour la collecte du matériau.

En témoignant de l’imaginaire social, le livre nous donne à voir comment le peuple se saisit du patrimoine mythologique et le prolonge en incarnant des aspects de la condition humaine ; Shon Chin-T’ae s’inscrit résolument dans le courant moderne de la recherche historique.

Avec l’édition de ces contes, on peut découvrir ou redécouvrir la Corée, telle qu’elle se présente au début du xxe siècle, dans ses contextes symboliques, linguistiques, politiques et sociaux.

Avec ce travail d’ethnologue, Shon Chin-T’ae construit aussi une pratique scientifique interdisciplinaire qui fera largement école en Corée et dont l’influence continue d’agir aujourd’hui. C’est d’ailleurs dans la même période qu’il organise cette discipline scientifique en créant une société savante et une revue.

Parmi cent cinquante-quatre mythes, légendes et contes de ce livre, nous présentons ici deux mythes qui reflètent l’imaginaire des Coréens à propos du soleil, de la lune et des étoiles, avant que les humains ne les aient explorés scientifiquement.

Traduction

Le soleil, la lune et les étoiles

(Histoire racontée par le jeune Chang Dong-Wǒn, à Hamhǔng, province du Hamkyǒng du Sud, le 14 août 1923.)

1-Jadis, il y a de cela de longues, longues années, vivait une mère avec ses trois fillettes et son nouveau-né. Une nuit, au retour des courses, la mère se trouva dans la montagne face à face avec un tigre qui s’apprêtait à la dévorer.

2-« Ne vaudrait-il pas mieux dévorer mes quatre enfants qui sont à la maison, au lieu de me dévorer moi ? » dit-elle. Le tigre lui demanda alors le prénom de ses enfants. La mère lui donna les noms de ses fillettes : « Haesuni, Talsuni, Pyǒlsuni », tandis qu’elle lui disait que le bébé n’avait pas encore de prénom. Le tigre pourtant la dévora et alla frapper à la porte de chez elle : « Haesuni, Talsuni, Pyǒlsuni, ouvrez vite la porte », s’écria-t-il.

3-Les fillettes, ne reconnaissant pas la voix de leur mère, eurent des soupçons.

4-« Si vous êtes vraiment notre maman, montrez-nous votre main », demandèrent alors les enfants. Après avoir observé cette main, les enfants lui dirent : « Pourquoi votre main est-elle aussi jaune que cela ?

5– J’ai glaise le mur de la grand-maison, c’est pour cette raison que mes mains sont devenues ainsi », répondit le tigre.

6-« S’il en est ainsi, montrez-nous vos jambes », demandèrent alors les enfants.

7-Le tigre tendit ses pattes. Les fillettes les regardèrent en détail et lui demandèrent : « Pourquoi vos jambes sont-elles si noires ?

8– J’ai été battu à la grand-maison et cela m’a laissé une trace bleue sur les jambes. C’est pour cela qu’elles sont devenues ainsi », répliqua le tigre.

9Pensant qu’il s’agissait tout de même de leur mère, elles ouvrirent la porte. À la demande du tigre : « Passez-moi le bébé », les fillettes le lui passèrent. L’ayant pris, le tigre se dirigea vers la cuisine. Peu de temps après, les enfants entendirent mâcher durement quelque chose, ududuk, ududuk…

10Justement, les enfants avaient très faim. « Maman, qu’est-ce que tu manges toute seule ? Donne-nous-en un peu», demandèrent-elles. Mais elles ne reçurent aucune réponse. Les fillettes allèrent à la porte et jetèrent alors un coup d’œil furtif par un trou fait dans le ch’anghoji, pour voir ce que celle-ci mangeait. Elles découvrirent le tigre en train de mâcher les os des doigts du bébé. Elles voulurent alors s’enfuir, mais elles pensèrent que si elles étaient prises au moment de filer, il leur arriverait un grand malheur. Si bien qu’elles mirent au point la ruse suivante. « Maman, nous avons tellement envie d’aller aux toilettes. C’est possible ? » demandèrent-elles. Mais le tigre ne leur donna pas la permission et leur dit : « Non, c’est impossible. » Les enfants lui demandèrent de nouveau : « Est-il permis alors de faire caca sur le seuil de la porte de derrière ? » Cette fois, le tigre donna la permission. Faisant semblant d’aller faire leurs besoins, les petites s’échappèrent par la porte de derrière et grimpèrent dans un grand arbre qui s’élevait au milieu de la cour, à côté du puits.

11-La terrible bête sauvage chercha les fillettes jusqu’au puits. Le tigre remarqua à la surface de l’eau le reflet de trois visages d’enfants. C’est ainsi qu’il découvrit les trois fillettes dans l’arbre.

12-« Haesuni, Talsuni, Pyǒlsuni, comment êtes-vous arrivées à monter là-haut ? demanda-t-il.

13– Nous avons emprunté l’huile de sésame à la grand-maison, nous avons huilé l’arbre et nous sommes montées », mentirent les enfants.

14-Le tigre fit comme elles avaient dit, mais il glissait, si bien qu’il ne put monter.

15-« Mes petites, comment êtes-vous arrivées à monter ? » demanda-t-il à nouveau.

16-Sans réfléchir, l’une des trois sœurs lui dit : « Va emprunter à la grand-maison une hache pour faire quelques entailles à l’arbre. » Le tigre fit ainsi et commença à grimper facilement, ch’ǒk, ch’ǒk.

17-Ne pouvant rien faire, les trois sœurs se mirent à prier le Seigneur des Cieux : « Hanǔnim, envoie-nous une corde d’argent. » Le Ciel écouta leur prière et fit descendre trois cordes d’argent. Aussitôt, chacune saisit une corde et les trois cordes s’élevèrent d’un trait vers le ciel, tsuk, tsuk.

18-Sur l’arbre, le tigre demanda encore : « Haesuni, Talsuni, Pyǒlsuni, comment êtes-vous arrivées à monter ?

19– Prie Hanǔnim de t’envoyer une corde pourrie », mentirent-elles à nouveau. Le tigre pria d’après le conseil des enfants. Pour le tigre aussi, évidemment, une corde descendit du ciel. Et pendant qu’il s’élevait vers le ciel, la corde, parce qu’elle était pourrie, se rompit. Le tigre, tombant dans le puits, mourut.

20-Parvenues au ciel, les trois petites filles furent transformées : Haesuni devint le soleil, Talsuni la lune et Pyǒlsuni les étoiles

L’origine de la Grande Ourse

(Histoire racontée par la grand-mère d’Ippuni, 69 ans, à Hamhǔng, province de Hamkyǒng du Sud, le 28 août 1923.)

21Il était une fois une veuve qui vivait quelque part. Elle avait sept fils tous dévoués à leur mère. En hiver, pour que la vieille mère puisse dormir au chaud, ils allaient dans la montagne chercher des bûches de bois et allumaient le feu dans l’ondol.

22Mais la mère disait tout le temps qu’elle avait froid et avait l’air toujours triste. Même s’ils mettaient tant de bûches qu’ils en risquaient de brûler le sol, la mère disait encore qu’elle avait froid. Et même pendant les périodes de chaleur caniculaire, elle disait avoir froid. Ses fils ne pouvaient plus la comprendre.

23Un jour, le fils aîné se réveilla dans la nuit et remarqua que sa mère n’était plus à la maison. Il eut une intuition si bien qu’il attendit le retour de sa mère et passa une nuit blanche. En fin, à l’aube, la mère rentra furtivement.

24La nuit d’après, le fils aîné suivit sa mère en cachette. Elle arriva au bord d’un ruisseau qui courait à l’entrée du village, remonta le bas de sa jupe et franchit le ruisseau en répétant : « Ah ! Elle est glaciale » – c’était l’hiver. Ensuite, elle se dirigea vers une pauvre chaumière, de l’autre côté de la rivière. S’arrêtant devant cette maison, la mère dit : « Monsieur, vous êtes là ? » De la chaumière, un vieux sortit et dit : « C’est vous, madame ? », et il l’accueillit.

25Ce vieil homme était veuf, pauvre et vivait en tressant des sandales de paille, pour gagner sa vie. Les deux rentrèrent et se grattèrent le dos l’un l’autre.

26Le fils aîné comprit sa mère. Il rentra immédiatement à la maison, réveilla ses petits frères et leur raconta tout. Aussitôt, les sept frères fabriquèrent un passage à gué, pour que leur mère puisse franchir sans peine la rivière en hiver. Ensuite, ils firent semblant de rien et allèrent dormir.

27Au moment où la mère s’en retourna à la maison, elle fut surprise de trouver le passage à gué, qui n’existait pas à l’aller. Pourtant, même en rêve, elle ne pouvait imaginer que ce fût ses fils qui l’avaient fait. Tout de même, elle ne savait pas comment remercier la personne qui avait fait cela et pria le Ciel : « Dieu des Cieux, fais que la personne qui a fabriqué ce passage à gué devienne la Grande Ourse, au nord ou bien au sud. »

28Par la suite, après la mort des sept enfants, suivant la prière de leur mère, ils devinrent la Grande Ourse dans le ciel du Nord.

 

 

 

 

 

19 août 2012

blaxploitation

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La blaxploitation est un courant culturel et social propre au cinéma américain des années 1970 qui a revalorisé l'image des afro-américains en les présentant dans des rôles dignes et de premier plan et non plus seulement dans des rôles secondaires et de faire-valoir. Le mot est la contraction des mots « black » (qui signifie Noir) et « exploitation ». Le mot s'écrit parfois Blaxplotation, de black et de plot - le sujet d'un film.

 

Définition

Ces films n'engageaient que des Noirs et ne s'adressaient qu'à la même communauté sur des thèmes qui lui tenait à cœur en utilisant tous les stéréotypes possibles. Tous les genres cinématographiques à la mode durant les années 1970 ont été mis à la sauce blaxploitation. Que ce soit les films policiers (trilogie des Shaft) ou les enquêtes par des détectives privés (Shaft), le cinéma d'horreur (Blacula, Le vampire noir, Abby), les arts martiaux (Black belt Jones), le péplum (The arena), le western (Boss nigger), l'espionnage (Cleopatra Jones), le film politique engagé (The spook who sat by the door), le comique (Uptown Saturday Night). Ces films étaient très appréciés par la communauté noire car ils montraient des acteurs afro-américains dans des situations d'hommes fiers et libres de leurs choix de vie. Des personnages noirs qui résistent aux Blancs, qui leur répondent. Dans beaucoup de films le personnage noir est associé au bien et le blanc au mal. Alors que les films Hollywoodiens des années 1930, 1940 ou 1950 montraient les Noirs seulement dans des rôles de danseurs de cabaret, serveurs, bandits ou esclaves. On peut ajouter que les films de la blaxploitation cherchaient à donner une image de la vie quotidienne des Afroaméricains. Ainsi que leurs aspirations, la vieille femme noire au début du film servant les riches Blancs, puis l'inverse à la fin. Lorsque le personnage est un homme, dans beaucoup de films comme Black Ceasar, la mère tient une place importante dans la vie du personnage, en raison d'un problème persistant hérité de l'esclavage dans les quartiers noirs dans les années 1970 : beaucoup de pères abandonnaient l'enfant à leur mère. On peut dire que les films de la blaxploitation reflètent les aspirations des Noirs aux droits civiques, à leurs difficultés quotidiennes. Mais aussi à ce qu'ils vivaient dans les années 1970. La prostitution, la drogue, la corruption, le racisme de la part des policiers, les viols... tout cela est abordé dans les films de la blaxploitation.

Le premier film date de 1971 est Sweet Sweetback's Baadasssss Song, tournée par Melvin Van Peebles. Ce film « 100% noir » rapportera 10 millions de dollars, un chiffre remarquable pour une production indépendante d'un budget de 100 000 dollars. La même année sort Shaft, les nuits rouges de Harlem cette fois ci produit par un grand studio mais toujours réalisé par un noir : Gordon Parks (photographe et journaliste). Shaft sera un succès planétaire grâce en partie à la musique originale du film d'Isaac Hayes.

Une grande majorité des films de blaxploitation étaient de qualité plutôt médiocres, souvent violents et remplis de clichés et préjugés. Ils parlaient de prostituées, de dealers, de tueurs dans le ghetto. Tous ces stéréotypes sont aujourd'hui repris dans le gangsta rap, Snoop Dog a été fortement influencé par Rudy Ray Moore.

Chaque film était l'occasion de fournir une bande originale de grande qualité. Tous les grands musiciens noirs des années 1970 ont exercé leurs talents ; la liste est longue et non exhaustive : James Brown (Black Caesar), Curtis Mayfield (Superfly, Short eyes), Isaac Hayes (Shaft, Truck Turner, Three tough guys), Johnny Pate (Brothers on the run, Bucktown), Marvin gaye (Trouble man), Norman Whitfield (Car wash), Edwin Starr (Hell up in Harlem), Roy Ayers (Coffy), J.J. Johnson (Cleopatra Jones), Willie Hutch (The Mack), Herbie Hancock (The spook who sat by the door) et Barry White (Together brothers)...

Certains de ces films étaient parfois réalisés par des Blancs (Larry Cohen pour Black caesar) et beaucoup étaient produits par des Blancs, ce qui poussa des associations afro-américaines à les rejeter. Par la surproduction, le public finit par se lasser et à la fin des années 1970, le genre tomba en désuétude.

Quelques icônes du cinéma de blaxploitation sont à signaler comme Pam Grier (vue dans Jackie Brown), Jim Kelly (vu dans Opération Dragon, de Bruce Lee), Rudy Ray Moore et Fred Williamson.

Le genre a eu une grande influence sur certains réalisateurs contemporains. Ainsi, Quentin Tarantino lui a rendu maintes fois hommage dans ses films, principalement dans Jackie Brown mais aussi dans Kill Bill vol 1 par l'usage de la musique du film Truck Turner et quelques clins d'œil appuyés.

En 2009, le film Black Dynamite parodie les films de blaxploitation.

Exemples de films de blaxploitation

Comic-book

Parallèlement à la blaxploitation au cinéma, un mouvement similaire a pu être observé dans l'univers du comic-book avec des personnages tels que :

Dans la culture populaire

Les influences et les références à la blaxploitation :

Autres films

Animations

Bibliographie

  • 1993 : Framing Blackness: The African American Image in Film de Ed Guerrero (Temple University Press)
  • 1995 : That's Blaxploitation!: Roots of the Baadasssss 'Tude (Rated X by an All-Whyte Jury) de Darius James (St. Martin's Griffin)
  • 1997 : Who Stole the Soul?: Blaxploitation Echoed in the Harlem Renaissance de Brian Dorsey (Institut F'Ur Anglistik Und Amerikanistik)
  • 1998 : What It Is... What It Was!; The Black Film Explosion of the '70s in Words and Pictures de Andres Chavez, Denise Chavez, Gerald Martinez (Miramax Books)
  • 1998 : The Superfly Guide to Blaxploitation Movies de Alan McQueen & Martin McCabe (Titan Books)
  • 2001 : Blaxploitation Cinema de Dr. Mikel J. Koven (Pocket Essentials)
  • 2006 : Women of Blaxploitation: How the Black Action Film Heroine Changed American Popular Culture de Yvonne D. Sims (McFarland & Company, Inc.)
  • 2007 : Blaxploitation Films of the 1970s: Blackness and Genre de Novotny Lawrence (Routledge)
  • 2007 : The Notorious Phd's Guide to the Super Fly '70s de Todd Boyd (Broadway edition)
  • 2008 : Blaxploitation Cinema: The Essential Reference Guide de Josiah Howard (FAB Press)
  • 2008 : "Baad Bitches" and Sassy Supermamas: Black Power Action Films de Stéphane Dunn (University of Illinois Press)
  • 2009 : Reflections on Blaxploitation: Actors and Directors Speak de David Walker, Andrew J. Rausch, Chris Watson (The Scarecrow Press, Inc)
  • 2009 : Jack Hill: The Exploitation and Blaxploitation Master, Film by Film de Calum Waddell (McFarland & Company, Inc.)
  • 2009 : BadAzz MoFo's Book of BLAXPLOITATION, Volume One de David Walker (Drapetomedia)
  • 2010 : Blaxploitation Films de Mikel J. Koven (Oldcastle Books)
  • 2008 : Blaxploitation, 70's Soul Fever. Sévéon, Julien. Bazaar & Compagnie. Paris, 2008
  • 2007 : Mad Movies, Hors-série spécial Grinhouse (cinéma d'exploitation), juin 2007.

Liens externes

 

Blaxploitation ou Blacksploitation :

 



Terme désignant une catégorie de films, datés généralement de la première moitié des années 1970, et mettant en vedette des héros noirs. La blaxploitation fit suite aux mouvements d'émancipation des Noirs américains, et mit en valeur des personnages généralement éloignés des noirs "trop parfaits" tels qu'avait pu les incarner Sidney Poitier dans la décennie précédente. Le flic violent Shaft, le karatéka Black Belt Jones sont des héros souvent amoraux, en phase avec une époque cynique. La blaxploitation fut une mode essentiellement américaine, mais elle fut reprise dans des films originaires d'autres pays, comme "T.N.T. Jackson", du philippin Cirio H. Santiago. A noter que, si certains réalisateurs qui s'illustrèrent dans cette mode étaient bien noirs (comme Gordon Parks), d'autres cinéastes spécialisés dans la blaxploitation étaient tout ce qu'il y a de plus blancs (Jack Hill).



Généralement agrémentées de bandes originales branchées, dont certaines devaient mal vieillir tandis que d'autres ont aujourd'hui plus d'intérêt que les films, les oeuvres de la blaxploitation sont pour la plupart des séries B sans prétention artistique, comportant des doses plus ou moins fortes de violence et de sexe. Ces films à petit budget, sans acteurs connus, servirent cependant de tremplin aux carrières de comédiens comme Pam Grier, Jim Kelly, Fred Williamson, Jim Brown ou Richard Roundtree. La blaxploitation, comme son nom l'indique, n'échappe pas à l'ornière du cinéma d'exploitation et dérape fréquemment dans le grotesque et le nanar à force de manque d'ambition et de clichés sur des héros noirs forcément cools, sans complexes, et se tapant à l'occasion toutes les femmes blanches qu'ils veulent. (Prétexte à plans nichon et autres éléments racoleurs bien putassiers).



 







A force de vouloir à tout prix "ethniciser" les genres cinématographiques (on vit un Dracula noir, un Frankenstein noir, un Exorciste noir...), le genre finit par passer de mode, la présence d'acteurs noirs comme protagonistes étant par ailleurs devenue très ordinaire. L'intérêt pour les années 1970 a valu à cette mode un peu kitsch un certain revival : la parodie "I'm gonna git you sucka" (1989) en fut le premier signe, comme la présence de Pam Grier et Jim Brown dans "Mars attacks!" (1997) et surtout "Jackie Brown", avec Pam Grier.



Parmi les films de blaxploitation modernes, citons par exemple "Vampiyaz" (prononcer "Vam-paï-yeuz"). Avec son orthographe copiant l'argot jusqu'à la caricature (l'accroche est "Brothaz in blood"), le titre est dans la droite lignée de ses prédécesseurs. Ce qui est parfaitement stupide, car le film, bien que médiocre, réussit pourtant à éviter la plupart des clichés sur les Noirs dans le ghetto.

 

 

 

 

 

7 août 2012

les affaires et l'horreur, de IG farben a IBM..........

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IG Farben

Le premier rapprochement des sociétés chimiques allemandes s'est constitué le 8 octobre 1904 sous l'impulsion des comités de direction des sociétés Bayer, BASF et Hoechst (appelées les « Trois Grandes »), suivent de près par les sociétés Agfa, Cassela et Kalle (les « Six Grandes »).

En 1916, sous l'impulsion de Duisberg (voir photo ci-contre) toujours, se joignirent à ces 6 Grandes, quelques sociétés pour former l'Interessen Gemeinschaft de Teerfarbenindustrie (le Groupement d'Intérêts de l'industrie allemande des colorants dérivés du goudron). Mais ce ne sera qu'en décembre 1925 que les huit compagnies dites IG se mirent d'accord pour fusionner en une seule et même compagnie.

De 1925 à 1939, IG Farben va devenir un empire industriel de tout premier plan. Grâce à un important groupe de recherche et de nombreux partenariats (en particulier avec la Standard Oil de Rockefeller), elle a mis au point plusieurs procédés industriels très importants conduisant à de nouveaux produits.

Elle produit, outre le caoutchouc synthétique (BUNA), de l’essence synthétique et du Zyklon B, et fait tester par les médecins SS divers « préparations » chimiques sur les détenus.

En 1939, IG Farben profite de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne pour acquérir la totalité de son industrie chimique. Elle fera de même dans les pays occupés pendant laSeconde Guerre mondiale, en particulier en France avec la création de la société Francolor (filiale à 51% d'IG Farben). À partir de 1941, elle construisit à Auschwitz une usine d’essence synthétique et de caoutchouc, en employant du personnel en provenance du camp de déportation voisin.

Les dirigeants d’IG Farben seront jugés par un tribunal américain en 1947 à Nüremberg ; certains seront reconnus coupables de crimes de guerre et condamnés à des peines de prison. La société sera dissoute par décret en août 1950, et démantelée en 1952 en 12 sociétés héritières, dont Agfa, BASF, Hoechst, Bayer AG et Dynamit Nobel.

 

IG Farben est un consortium de plusieurs entreprises chimiques, dont AGFA, BASF, Bayer et Hoechst, qui s’enreichissent considérablement durant le seconde guerre. Elle produit, outre le caoutchouc synthétique (BUNA), de l’essence synthétique et du Zyklon B, et fait tester par les médecins SS divers « préparations » chimiques sur les détenus. Dans ses diverses entreprises disséminées dans tout le Reich, IG Farben emploie durant la guerre plus de 350.000 détenus, parmi lesquels des milliers trouveront la mort, condamnés au travail forcé dans des conditions inhumaines.

IG Farben possède également la maison « Degesh » qui produit le Zyklon B, employé pour le gazage des déportés. La firme a reçu pour la vente de ce gaz environ 300.000 marks. A Auschwitz seul furent utilisés environ 20 tonnes de Zyklon B.

 
 

Le consortium verse à la caisse du camp 4 marks pour une journée de spécialiste et 3 marks pour une journée de manoeuvre. Ainsi, pour 7 mois de travail des hommes et 9 mois de travail des femmes, l’administration du camp gagne plus de 12 millions de marks.

D’emblée la coopération entre IG-Farben et la SS est totale à Auschwitz. La compagnie fait siennes, dans son usine, les méthodes et la mentalité de la SS. Un jour de 1944, un groupe important de nouveaux détenus est accueilli par un discours où on leur dit qu’ils viennent d’arriver au camp de concentration de l’IG-Farben Industrie. Ils ne sont pas là pour vivre mais pour « périr dans le béton ». Ce discours de bienvenue fait référence, selon un survivant, à une pratique d’IG Farben consistant à jeter les cadavres des détenus dans des tranchées creusées pour les câbles et à les couler dans le ciment.

 
 

IG Farben est responsable du logement des prisonniers et de leur nourriture. Mais l’entreprise ne les traite pas mieux que les SS : dans un block logent 400 détenus au lieu de 162 ; la nourriture est très largement insuffisante, les soins inexistants. Dans l’entreprise, les détenus sont « tués » à la tâche, maltraités par les chefs d’équipe et les encadrants, certains même assassinés.

Environ 35.000 détenus passèrent par Buna ; 25.000 au moins y ont péri.

 

IBM


On ne peut pas raconter l'histoire de ces trois lettres en un article. Je vous propose donc un dossier sur les débuts d'IBM, qui remontent tout de même à la fin du XIXème siècle ! Le dossier s'arrête à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, ou Big Blue a joué un rôle important, tant dans un camp que dans l'autre.

IBM, ces trois lettres sonnent comme la haute noblesse du monde de l'informatique. On connaît assez peu son histoire, car celle-ci remonte très loin... A des histoires de recensement.
Ce dossier, déjà assez volumineux, ne présente la fameuse entreprise que jusqu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.


Compter les gens

Pour retrouver les débuts d'IBM, il faut remonter à la fin du XIXème siècle, avec un personnage nommé Hermann Hollerith. Ce fils d'intellectuels allemands, qui étaient venus s'installer aux Etats-Unis, était né en 1860. Déjà tout jeune, Hellerith pris conscience des difficultés de la vie : son père mourut alors qu'il avait tout juste sept ans, et sa mère s'évertua à l'élever avec ses quatre autres frères et soeurs sans en se faisant un point d'honneur à ne pas demander d'aide. Ainsi se forgea une partie de ce caractère très spécial.
A quinze ans, Hollerith partit pour le Collège of the New City de New York. Il montra très vite de grandes facilités pour tout ce qui touchait à la technique. Avec un diplôme de l'école des Mines de l'Université de Columbia en poche, il s'en fut travailler au Bureau du rencensement des Etats-Unis, grâce à l'aide de l'un de ses professeurs.
Le recensement à cette époque était très sommaire, et ne se contentait que de compter les gens, aucune autre indication sur leur mode de vie ou quoi que ce soit d'autre n'était mentionné. Il était déjà très long et difficile de compter les millions d'Américains dans un pays aussi vaste ! Le gros problème était que les spécialistes annonçaient que la population avait grandement augmenté depuis le dernier recensement, effectué en 1870 - ces derniers ayant lieu tous les dix ans - et que le prochain, de 1890, ne serait pas encore totalement dépouillé lorsqu'il faudrait lancer celui de 1900 ! Un sacré casse-tête.
Hellerith n'avait que dix-neuf ans, mais de très grandes aptitudes pour tout ce qui touchait à la technique, et lorsque John Billing, directeur des statistiques démographiques, lui insinua qu'une machine capable de compter mécaniquement les gens faciliterait et accélèrerait considérablement le travail, le jeune homme commença à réfléchir.
Il lui fallut un an pour mettre au point une machine capable d'une telle prouesse, si bien que dès 1884 il existait un prototype. Se basant sur le principe des boîtes à musique, son invention marchait avec des cartes perforées, qui permettaient de recenser des informations de base sur une personnes, comme la taille ou la couleur des yeux.
Fort de son invention, Hollerith emprunta de l'argent et fit breveter son travail. Il commença donc à vendre sa machine afin de recenser les gens. L'avantage était qu'il pouvait la particulariser en fonction des besoins du client : ainsi, certaines machines ont servit à gèrer les morts pour les services de santé des Etats du Maryland, de New York et du New Jersey. Peu à peu, le principe s'élargit et fut adapté à la comptabilité et autres tâches fastidieuses facilement automatisables.
L'informatique était née ! L'informatique, c'est bien l'Automatisation de l'Information non ?!?

Mais le recensement continuait son bout de chemin, et un appel d'offre fut lancé pour savoir quel serait le procédé le plus intéressant afin de faciliter le prochain comptage des américains, en 1890. Bien évidemment, ce sont les machines d'Hollerith qui remportèrent la victoire. Ainsi devint-il maître en mécanographie aux yeux de tous. Les machines avaient non seulement permit de faciliter et d'accélérer le recensement, mais elles avaient aussi permis d'économiser pas mal d'argent. Le tout pour une qualité jusqu'alors impossible : de cinq questions, on passait à 235 !
Un autre principe si cher à IBM allait être posé : les gens du recensement n'avaient besoin de ces machines qu'une fois tous les dix ans, et, aussi pour ne pas se faire voler son invention - Hollerith était parano à un très haut point - il décida de les louer à sa clientèle. Cette paranoïa le suivait dans sa vie de tous les jours, si bien que sa maison était entourée de grande barrières et que, pour ne pas être embêté par les chats du voisinage, il avait tendu un fil électrique branché à une batterie qu'il actionnait lorsqu'il voyait arriver un de ces matous sur son territoire.
Les nouveaux client ne se firent pas attendre, cette technologie ayant largement prouvé son efficacité. Beaucoup de gouvernements louèrent ainsi les services des machines Hollerith pour divers travaux.

Il était donc temps de créer une société. Avec toutes ces choses à faire, le temps n'avait pas encore été trouvé pour cette tâche. Ce fut bientôt fait. Il faut aussi dire que les questions commerciales n'étaient pas ce qui passionnait le plus Hollerith, tout cela l'ennuyait, même, et son caractère irascible le rendait très directif dans les contrats qu'il passait avec ses clients : généralement, c'était "à prendre ou a laisser".
La nouvelle société fut baptisée The Tabulating Machine Company.
Mais bien, vite on s'aperçut que Hollerith escroquait purement et simplement le gouvernement américain par l'intermédiaire du recensement ! Les prix fixés étaient totalement arbitraires, aussi bien concernant les machines que les cartes perforées qui allaient avec, et les contrats n'étaient pas toujours très réguliers. Le bureau du recensement avait contribué à faire la grandeur de la Tabulating Machine Company et en devenait peu à peu l'esclave. Si bien qu'il fut demandé à Hollerith de revoir ses prix concernant le gouvernement américain. Plutôt que d'essayer de s'entendre avec son meilleur client, Hollerith refusa de parlementer, persuadé que comme il était le seul dans ce domaine, il pouvait soustraire encore plus au gouvernement.
Mais North, du Recensement, découvrit que les brevets déposés expiraient en 1906 : un beau jour de 1905, il mit Hollerith et tout ce qui le concernait à la porte. Le plus gros client venait d'être perdu. En effet, Powers, un autre technicien du recensement avait mis au point une autre machine. Une bonne aubaine pour échapper à l'écrasante hégémonie de la Tabulating Machine Company.

La fin d'un reigne ?
C'est le début d'une longue chute. L'entreprise perd plusieurs gros clients et Hollerith, plongé dans une dépression, n'arrive plus à reprendre le dessus pour remettre son entreprise à flot. Aveuglé par la rencoeur, il intentera même un procès au gouvernement américain pour empêcher le recensement de 1910, et il y réussi ! Par contre, concernant l'idée que les autres machines n'étaient que des copies de son invention, Hollerith n'obtint rien.
Tout commençait à battre très sérieusement de l'aile, les médecins de Hollerith lui affirmèrent qu'il devrait prendre sa retraite, ce que le conseil d'administration approuva. Mais il ne l'entendait pas de cette façon, et commença à démanteler son empire, en commençant par l'Allemagne. Il commença par la Deutsche Hollerith Maschinen Gesellschaft, plus communément appelée par son diminutif, la Dehomag, qui fut la première partie de l'empire liquidée.
La société était détenue en grande majorité par Heidinger, et exploitait les machines de la Tabulating Machine Company, qui recevait les royalties qui s'imposaient.

Intervient alors un nouveau personnage : Charles Flint, un businessman dans le sens plus mauvais du terme, qui avait en tête de monter un trust regroupant quatre compagnies - l'International Time Recording, qui fabriquait des pointeuses, la Computing Scale Company qui commercialisait des balances équipées de tableaux de prix, mais aussi des trancheuses à viande et à fromage, la Bundy Manufacturing qui produisait de petites pointeuses à clé et disposait d'un gros capital immobilier, et bien entendu la Tabulating Machine Company.
Etant à genoux au niveau financier, Hollerith vendit sans trop se faire prier. Il faut aussi avouer que le deal n'était pas mauvais : l'ensemble du capital pour 1.21 million de dollars, plus un contrat d'expert-conseil d'une durée de dix ans à 20 000 dollars par an, il était difficile de refuser.
La nouvelle société fut nommée la Computing-Tabulating-Recording Company, ou CTR. Il manquait à la Tabulating Machine Company un aspect plus commercial ? Qu'à cela ne tienne, Flint voulait faire de l'argent à tout prix. Restait à trouver un homme pour mettre à la tête de ce groupe, Flint ne voulait pas d'un technocrate, et surtout pas de Hollerith, il mit ainsi à la tête Thomas J. Watson, un nom qui restera à jamais collé à l'image d'IBM.

Le début d'une hégémonie !
Revenons un peu sur l'histoire de Watson, qui n'est pas piquée des vers, elle non plus. Watson a commencé tout en bas de l'échelle, comme démarcheur à domicile sur les routes boueuses de Finger Lake, une région de l'Etat de New York. Il se présentait dans les maisons afin de vendre des pianos et des machines à coudre. Il avait un don pour la vente, ce qui lui permit bien vite de devenir le meilleur vendeur de l'entreprise où il opérait. Mais ce petit coin était bien trop calme pour ses ambitions, si bien qu'il ne tarda pas à aller voir ailleurs. Il fut embauché dans une société de crédit immobilier de Buffalo, et était presque exclusivement payé à la commission, il réussi bien, mais c'est au cours d'une rencontre avec John J. Range qu'il entra à la National Cash Register, la NCR, une boîte qui vendait des caisses enregistreuses et qui passait pour une des plus dures en affaire. Son président, John Patterson, avait même écrit un recueil sur les façons de vendre, et imposait des quotas à ses vendeurs.

Là, Watson était dans son élément : vendre coûte que coûte et éliminer les éventuels concurrents. Bien vite il fut remarqué, si bien que Patterson l'envoya à Rochester, où sévissait une autre société qui vendait elle aussi des caisses enregistreuses, nommée Hallwood. Watson avait la mission officieuse de détruire purement et simplement Hallwood... Ce qu'il fit en quelques années seulement. Mais les pratiques utilisées étaient vraiment peu reluisantes : par exemple, Watson s'était lié avec une des employés de Hallwood, et se servait des renseignements fournis par ce dernier pour piquer quelques clients.
La principal concurrent étant désormais éradiqué, il restait une dernière chose : les vendeurs de machines d'occasion. Une nouvelle cible pour Watson, qui s'en fut à New York créer une société écran du nom de Watson's Cash Register and Second Hand Exchange, qui, sous couvert d'une pseudo vente de machines d'occasion, devait laminer ses concurrents. Il vendait moins cher, et les autres vendeurs ne pouvaient pas suivre. Bien entendu, tout ne s'est pas fait en un jour ni sans accros, un des gros commerçants de New York dans le domaine de l'occasion s'était rendu compte du double-jeu que jouait Watson, mais la NCR ne s'est aucunement démonté et, avec force de chantage (ouvrir un magasin moins cher à proximité du sien), l'homme fut contraint de vendre.
C'est à cette époque que Watson eu l'idée du THINK, qui existe encore chez IBM, qui a entre autre donné don nom au magazine interne à l'entreprise. Il avait écrit ce mot sur un bout de papier durant une réunion, et Patterson le réutilisa en en faisant des badges qu'ils distribua à tous ses vendeurs.

Mais ce qui devait arriver arriva, les techniques de la NCR étaient souvent frauduleuses - ventes à pertes, violences, chantage - en 1913, la majorité des cadres de la NCR sont condamnés, Patterson et Watson en tête. Ils ne furent sauvés que par les inondations qui eurent lieu dans l'Ohio, où ils accomplirent un gros travail humanitaire, passant ainsi aux yeux de tous comme des sauveurs très médiatisés. Tout alla si bien que des pétitions furent signées et envoyées au président Wilson afin que ce dernier leur accorde la grâce présidentielle. Afin de faciliter les choses, on proposa aux accusés de renoncer aux activités illégales qu'ils ont commises par le passé. Beaucoup acceptèrent mais Watson refusa, arguant qu'il n'avait rien fait de mal...
Difficle.
Finalement, le procès fut annulé pour vice de forme par les avocats de la NCR, et les poursuites furent grosso modo abandonnées. Mais Patterson, toujours aussi imprévisible, remercia Watson, doublant le tout d'une humiliation publique lors d'une réunion.
La chute fut difficile, d'autant que Patterson faisait figure de maître pour Watson, qui acceptait volontiers l'idée que cet hystérique lui ait appris la plupart des choses qu'il savait. Il pris alors une résolution : il allait monter sa propre entreprise, et faire encore mieux que le Maître.

On peut ainsi facilement se rendre compte que Watson avait le charisme qui lui permettrait de mener à bien le projet de Flint.

La naissance des légendaires trois lettres
Tout ne se fit pas aussi facilement que l'on pourrait le penser, les deux hommes se jaugèrent un moment avant de s'accepter mutuellement. De plus, Watson faisant toujours l'objet de poursuites judiciaires, et il était donc mauvais pour l'entreprise de l'introduire par la grande porte. Beaucoup dans la CTR n'étaient pas d'accord avec le choix de Flint, mais Watson, en parfait vendeur, sut se montrer sous les meilleurs hospices et apaiser les inquiétudes. Il pris ainsi la place de Directeur Général, celle de président l'attendant si son travail serait bien fait et surtout que ses ennuis judicaires seraient effacés.
Peu à peu, il consolida les bases de l'entreprise et devint même un pilier de cette dernière, sachant louvoyer entre les divers protagonistes des quatre firmes assimilées de la CTR. Il avait même une chanson que lui chantaient les veneurs !
Peu à peu, il prit la tête de l'entreprise, Hollerith ayant démissionné par ennui (il n'était plus du tout écouté et son caractère faisait qu'on l'évitait autant que possible), tandis que d'autres étaient décédés.
Les dernières barrières étant tombées, l'entreprise était à lui, et il lui restait à la modifier à ses idées. La société s'était déjà réorienté, ne vendant plus de trancheuses par exemple. Le nom de CTR ne collait plus, il fallait trouver autre chose. Un bulletin d'information interne devait être créé, et son nom devait être International Business Machines. Cela fit Tilt dans la tête de Watson, qui su que c'était ce nom dont avait besoin son entreprise. Ainsi naquit IBM.
Bien vite, les idées de Patterson furent appliquées : l'Esprit IBM, comme aimait à le dire Watson, consistait à créer un culte autour de sa personne, créant dans l'entreprise une ambiance vraiment particulière, une sorte de paternalisme poussé à l'extrême. Par exemple, un de ses employés était venu le voir afin de lui demander l'autorisation d'acheter une voiture, alors qu'il disposait de l'argent pour le faire sans problèmes ! De même, de grandes affiches le représentant et soulignées de petites phrases élogieuses étaient placardées un peu partout dans l'entreprise. Cela fait sombrement penser à un 1984 de Orwel.

Fachos ? Les années noires
Durant la première guerre mondiale, la filiale de la CTR en Allemagne avait été placée sous séquestre en tant qu'entreprise appartenant à l'ennemi. A la fin de la guerre, Watson jugea que sa filiale avait été fort bien gérée.
Ainsi commencèrent les bons rapports entre IBM et l'Allemagne.
Durant les années 1920, la Première Guerre Mondiale avait mis l'Allemagne à genoux, la monnaie allemande ne valait plus rien, ou presque. La Dehomag, alors toujours dirigée par Heidinger, ne pouvait plus payer ses royalties. Watson en profita pour profiter de l'occasion et de récupérer l'entreprise. Au départ, il demanda 51% des actions de l'entreprise, mais en voyant l'étendue des problèmes financiers de Heidinger, il demanda 90%. Ainsi la Dehomag devint presque entièrement américaine. Et Heindinger garda en travers la gorge les actes de Watson envers son entreprise.
Watson suivi de près la gestion de sa filiale allemande, qui pour lui avait un potentiel énorme. Et il ne s'était pas trompé ! Quelques dix ans plus tard la Dehomag rapportait beaucoup plus que toutes les autres filiales européenne réunies.

En 1933, Hitler arrive au pouvoir, imposant peu à peu ses lois raciales. Mais ce que le monde ne sait pas, c'est que les machines IBM ont tenu un rôle prépondérant dans l'éradication des Juifs poussée par Hitler. En effet, les trieuses d'IBM servaient à recenser les gens, qui devaient répondre à tout un tas de questions, dont la religion qu'ils pratiquaient. Les gens ne s'en sont pas souciés. C'est ainsi que les SS arrivaient sur les places publiques et donnaient les noms des juifs qui devraient monter dans les trains, à partir de 1941 et de la Solution Finale de Hitler.
Pourtant, la situation était presque la même que durant la Première Guerre Mondiale : la Dehomag était sous scellée en tant qu'entreprise appartenant à l'ennemi. Mais c'était en réalité bien plus compliqué que cela : d'un côté, nous avions Watson qui était bien vu par les allemands - il s'était même vu remettre une médaille par Hitler - et qui savait habilement filouter pour garder les rênes de sa société, et de l'autre nous avions la Dehomag qui était totalement indispensable pour Hitler dans le cadre de ses recensements. Sachant que ces machines servaient aussi pour calculer les horaires des trains partants pour les camps de concentrations, et même pour ces camps de concentration eux-mêmes afin de gérer les Juifs qui travaillaient et mourraient dedans, on se rend compte de leur l'importance. C'est aussi en grande partie pour cela qu'il y a eu moins de Juifs déportés parmi les français : les recensements ne demandaient plus la religion depuis le début du siècle ! Mais ceci est aussi en grande partie dû à un homme : René Carmille, fondateur de l'ancêtre de l'INSEE, qui était à la tête du recensement mécanographique en France, afin de constituer un fichier Juif, confié par le Commissariat général aux questions juives. Mais Carmille travaillait pour la Résistance. Il fit là un bel acte qui permit d'éviter de nombreux morts, qui lui coûta la vie.

Hitler ne pouvait même pas prendre tout simplement l'entreprise pour lui, il lui fallait du savoir-faire, et aussi du papier bien spécial, qui était en partie fabriqué en Allemagne, mais dont la majeure quantité arrivait des Etat-Unis, presque sous le manteau, car la loi américaine interdisait tout commerce avec les pays ennemis. IBM se jouait ainsi des lois. Mais encore et toujours pour l'argent, Hitler étant obligé de payer la Dehomag, l'idée de remonter des usines a bien été envisagée, mais cela aurait pris beaucoup trop de temps. Les fonds de la Dehomag étaient bien entendu bloqués, mais à la fin du conflit, IBM récupèrerait ses biens.
Mais avec l'avancée de la guerre, ce fut de plus en plus difficile, et Watson, sous la pression des Etats-Unis, rendis la médaille que Hitler lui avait rendu. Ce fut la fin de la bonne réputation de Watson auprès des Nazis. Tout fut beaucoup plus difficile à faire, et Watson fut obligé de déléguer et de ne pas communiquer avec ses filiales.
Il y avait de l'eau dans le gaz, certains se rendirent compte des manigances de Watson, et même si l'homme gardait une réputation énorme dans son pays, il avait tout de même longuement encouragé le commerce avec les Nazis avant que la guerre n'éclate. Il faut dire aussi que Watson ne croyait pas que tout irait aussi vite et aussi violemment.
Avec l'entrée en guerre de l'Amérique, Watson trouva comment se couvrir : il converti pas mal de ses usines américaines en usines d'armes, fabriquant des fusils estampillés IBM ! Etonnant. Mais cela lui permit de passer pour un héros national. Encore une fois, il était passé à travers les mailles du filet, car, tandis que ses fusils tiraient sur les allemands, ses trieuses cassaient les codes établis par les allemands... avec des machines IBM quasiment identiques !

L'Allemagne, à la sortie de la Guerre, était totalement affaiblie. Les entreprises américaines récupérèrent leurs biens. Elles pouvaient même demander réparation pour les dégradations matérielles ! IBM, qui avait déjà amassé beaucoup d'argent, fit de même et cela alla jusqu'à la demande de remboursement de chaises cassées...
Mais il ne faut pas se leurrer : IBM ne fut certainement pas la seule entreprise à jouer ce double jeu, d'autres y ont joué, et se sont fait prendre, tandis que d'autres comme IBM ont su le faire assez finement pour ne pas éveiller l'attention. Quand l'argent entre en compte, il n'y a plus de partis politiques qui tienne, ni même de pays ou de patrie.

Une firme hors du commun pour des faits qui ne le sont pas moins. On parle de l'artisanat des premières entreprises qui fabriquèrent des micro-ordinateurs, hé bien il faut maintenant savoir qu'IBM n'a jamais rien fait au hasard, et qu'elle fut critiquée pour ses pratiques bien avant Microsoft. On peut entre autre leur reprocher - et c'est encore le cas aujourd'hui - d'utiliser des techniques marketing qui vont à l'encontre de l'innovation : tant qu'un produit se vend, on ne sort pas d'innovations le concernant, on attend qu'un concurrent le sorte pour sortir de nos cartons l'innovation que nous avons inventé, et comme dans la majeure partie des cas elles est de très bonne qualité, eh bien en continue à vendre, et ainsi de suite. Mais ils sont aussi à la base de grandes avancées sans lesquelles le monde de l'informatique ne serait plus le même que celui que nous connaissons.

Pour les personnes intéressées, je leur conseille très vivement de se procurer IBM et l'holocauste, d'Ewin Black. Un bouquin très édifiant sur le sujet de l'attitude d'IBM durant la Seconde Guerre Mondiale et sur les débuts de Big Blue, je me suis d'ailleurs très largement inspiré de ce bouquin pour écrire ce dossier (les quelques photos en sont d'ailleurs extraites).
Cette machine a servi au recensement racial de 1933. Elle était louée aux client, et restaient la propriété d
Cette machine a servi au recensement racial de 1933. Elle était louée aux client, et restaient la propriété d'IBM. On peut voir d'ailleurs la marque sur ce modèle. Peu après, le logo IBM sera supprimé afin de rendre la Dehomag




Une des millions de cartes perforées qui servirent aux différents recensements.
Une des millions de cartes perforées qui servirent aux différents recensements.




Une photo datant de 1937, qui présente Thomas J. Watson, alors président de la Chambre de Commerce Internationale. Watson est la deuxième personne en partant de la gauche.
Une photo datant de 1937, qui présente Thomas J. Watson, alors président de la Chambre de Commerce Internationale. Watson est la deuxième personne en partant de la gauche.




Siemens AG est un groupe allemand d'équipements électroniques et électrotechniques. Le groupe a une longue histoire, puisqu’il a été fondé en 1847 par Werner von Siemens. Le groupe, dont le siège est à Munich, est l’une des plus grosses entreprises allemandes.

Histoire

Avant la Seconde Guerre mondiale

En 1847 Werner von Siemens révolutionne la télégraphie dans un petit atelier de Berlin. Sur la base de cette invention, il fonde la compagnie le 1er octobre 1847. La compagnie s'appelle à l'époque Telegraphen-Bauanstalt ; elle s'installe dans son premier atelier le 12 octobre.

En 1848, elle construit la première ligne de télégraphe à longue distance en Europe, s'étendant sur 500 km de Berlin à Francfort-sur-le-Main. En 1850 le jeune frère, Carl Wilhelm Siemens, ouvre un bureau de représentation à Londres. Dans les années 1850, la société participe à la construction d'un réseau de télégraphe à longue distance en Russie. En 1855, une branche de la companie ouvre à Saint-Pétersbourg, dirigée par un autre frère, Carl Heinrich von Siemens.

En 1881, un alternateur à courant alternatif Siemens, entraîné par une turbine hydraulique, est utilisé pour alimenter le premier éclairage urbain à Godalming, Royaume-Uni. La compagnie continue de croître et se diversifie dans les trains électriques et les ampoules électriques. En 1890, le fondateur se retire et laisse les rênes de la compagnie à son frère Carl et à ses enfants Arnold et Wilhelm.

Pendant la Seconde Guerre mondiale

De la même manière qu'un très grand nombre d'entreprises telles que BMW, Thyssen, Daimler-Benz, Krupp, IG Farben, Siemens exploitait de la main d'œuvre puisée parmi les déportés. Les détenus étaient utilisés jusqu'à épuisement total dans le cadre du projet nazi de " l'extermination par le travail ". Lorsqu'ils ne travaillaient pas assez vite, et donc ne produisaient pas suffisamment, les déportés étaient roués de coup par les SS et les Kapos, souvent jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Les détenus étaient volontairement maintenus en mauvaise santé par de très maigres repas. Les épidémies (typhus, dysenterie) étaient fréquentes.

Après la Seconde Guerre mondiale

Le 28 janvier 1972, Siemens crée le consortium Unidata, projet européen destiné à permettre dans les années 1970 l'émergence d'une grande industrie informatique européenne à l'identique d'Airbus dans l'aéronautique. Les compétences des trois participants étaient valorisées : la Compagnie Internationale pour l'Informatique (CII) recevait la maîtrise d'œuvre l'architecture des machines et le logiciel, la technologie électronique revenait à Philips, et Siemens se chargeait des périphériques mécaniques. Valéry Giscard d'Estaing élu président en 1974 mit fin au projet en 1975 : la France dénonça unilatéralement l'accord Unidata et CII fusionna avec Honeywell-Bull. Philips ne revint plus jamais dans l'informatique et Siemens rejoint Fujitsu pour devenir un des grands constructeurs mondiaux.

En octobre 1998 aux Etats-Unis, un groupe de survivants de l'holocauste intente une action en justice contre des sociétés allemandes célèbres pour leur participation aux exactions durant le régime nazi. Le 24 septembre 1998, la BBC News reporte que Siemens lançait une vaste collecte de fonds en compensation aux survivants de la Shoah. Peu de temps après, Volkswagen, qui était aussi poursuivi, a annoncé la création d'un système similaire.

Le 18 juin 2006, Nokia et Siemens annoncent la fusion de leurs activités de télécommunications, donnant ainsi naissance à un géant mondial : Nokia Siemens Networks


Pendant la Seconde Guerre mondiale, Mercedes-Benz exploite des travailleurs soviétiques et français à partir de 1941. Cette force de travail devient rapidement indispensable au fonctionnement de l'entreprise, qui équipe la Luftwaffe et la machine de guerre allemande. Les conditions de travail étant très dures, des grèves ont lieu et les protestataires sont envoyés en camps de concentration. En décembre 1944, Mercedes-Benz exploite 26 958 travailleurs forcés et 4 887 prisonniers de guerre

 

et la liste reste non exhaustive............

 








 

 

 

 

 

 

 

3 décembre 2014

désobéissance civile......

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La désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique. Le terme fut créé par l'américain Henry David Thoreau dans son essai La Désobéissance civile, publié en 1849, à la suite de son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique. Si la désobéissance civile est une forme de révolte ou de résistance, elle se distingue pourtant de la révolte au sens classique. La révolte classique oppose la violence à la violence. La désobéissance civile est plus subtile : elle refuse d'être complice d'un pouvoir illégitime et de nourrir ce pouvoir par sa propre coopération. Le principe même du pouvoir politique pourrait rendre possible l'efficacité de cette action.

L'idée de la résistance à une loi injuste a existé bien avant le xixe siècle. On peut la faire remonter à la jus resistendi (« droit de résistance ») du droit romain et on peut dire que La Boétie, dès le xvie siècle, a démontré l'efficacité du procédé. Il montre dans le Discours de la servitude volontaire que le pouvoir d'un État repose entièrement sur la coopération de la population. Ainsi, dès l'instant où la population refuse d'obéir, l'État n'a plus de pouvoir. Un peuple peut donc résister sans violence par la désobéissance et provoquer l'effondrement d'un État illégitime, car, disait-il, le pouvoir le plus féroce tire toute sa puissance de son peuple. Encore faut-il une prise de conscience générale et le courage des premiers militants pour que ce principe puisse être efficace. C'est principalement Gandhi en Inde, Martin Luther King aux États-Unis, Mandela en Afrique du Sud, les Grands-Mères de la Place de Mai en Argentine et la contestation du pouvoir soviétique dans les années 1980 qui en ont montré l'efficacité.

Le principe est utilisé aujourd'hui au sein des démocraties pour lutter contre certaines lois lorsque les militants estiment que la légalité — qui dépend de la majorité et / ou d'une certaine inertie — ne parviendra pas à modifier ces lois. La désobéissance est illégale par définition, mais est en principe non violente. Cependant certaines actions en France ont revendiqué la dégradation de biens privés (par exemple les faucheurs volontaires). Certains ne voient dans ces actions que la dégradation de biens ou la résistance d'individus ou de groupes isolés, d'autres y voient un acte salutaire de désobéissance civile visant à faire modifier la politique des autorités.

 

 

Définition de la désobéissance civile

Il n'y a pas d'unanimité sur la définition de la désobéissance civile. John Rawls et Jürgen Habermas ont chacun une définition de la désobéissance civile.

Selon Rawls : « La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. En agissant ainsi, on s'adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres libres et égaux ne sont pas actuellement respectés.»

Pour Habermas : « La désobéissance civile inclut des actes illégaux, généralement dus à leurs auteurs collectifs, définis à la fois par leur caractère public et symbolique et par le fait d'avoir des principes, actes qui comportent en premier lieu des moyens de protestation non violents et qui appellent à la capacité de raisonner et au sens de la justice du peuple. »

Six éléments sont donc caractéristiques d'un acte de désobéissance civile.

Une infraction consciente et intentionnelle

L'acte de désobéissance doit être une infraction consciente et intentionnelle, et il doit ainsi violer une règle de droit positif. Si l'infraction porte sur la norme contestée directement, on parle de désobéissance directe ; ce fut, par exemple, le cas des campagnes de désobéissance civile lancées par Martin Luther King qui visaient à faire occuper par les noirs les espaces légalement réservés aux blancs. Mais la norme violée peut ne pas être celle contestée, on parle alors de désobéissance civile indirecte, c'est le cas par exemple des sit-in, qui ne visent pas à contester le code de la route.

Bien qu'il ne soit pas possible de constater l'existence d'une infraction a priori (c'est le juge qui détermine l'existence d'une infraction), on considère qu'un acte est constitutif d'un acte de désobéissance civile lorsque ses auteurs prennent le risque de commettre un acte qui est, aux yeux de l'opinion publique et à ceux des autorités, généralement tenu comme une infraction.

Touchant cette question, il est intéressant de rappeler l'expérience réalisée par Stanley Milgram où le sujet de l'expérience consiste à mesurer la proportion des individus capables de démarrer un tel acte de désobéissance malgré la pression sociale ou administrative.

Un acte public

L'acte de désobéissance se traduit par une attitude publique, ce qui le différencie de la désobéissance criminelle — cette dernière, ne prospérant que dans la clandestinité (parfois, avec une revendication).

Dans la désobéissance civile, la publicité vise à écarter tout soupçon sur "la moralité de l'acte", à lui conférer, en outre, une valeur symbolique ainsi que la plus grande audience possible afin que l'acte ait le plus grand retentissement pour modifier le "sentiment" ou "la conviction" de l'opinion publique. L'acte vise ainsi la plus grande médiatisation possible et peut rentrer dans une stratégie de provocation et d'agitprop.

Certains auteurs vont au-delà. Fidèle à la ligne de Gandhi, ils voient dans la publicité une exigence qui veut que l'on communique à l'avance aux autorités compétentes les actions futures de désobéissance.

Un mouvement à vocation collective

L'acte de désobéissance s'inscrit par principe dans un mouvement collectif. Elle est l'acte d'un groupe qui se présente comme une minorité agissante, et se traduit par l'action concertée de celle-ci, ainsi Hannah Arendt relève que « loin de procéder de la philosophie subjective de quelques individus excentriques la désobéissance civile résulte de la coopération délibérée des membres du groupe tirant précisément leur force de leur capacité d'œuvrer en commun. » La désobéissance est donc par nature une action collective. Cependant, rien n'empêche que le sursaut moral d'un individu ne finisse par mobiliser un courant plus large qui pourra alors être qualifié de désobéissance civile.

Une action pacifique

Le désobéissant use généralement de moyens pacifiques. La désobéissance civile vise à appeler aux débats publics et, pour ce faire, elle en appelle à "la conscience endormie" de la majorité plutôt qu'à l'action violente. C'est un des traits qui la distingue de la révolution, qui pour arriver à ses fins peut, potentiellement, en appeler à la force. En outre l'opposition à la loi qui est inhérente à la désobéissance civile se fait dans une paradoxale fidélité à une loi considérée supérieure, il n'y a donc pas de violence dans l'esprit de la désobéissance civile. Celle-ci étant plutôt le fait de l'État, le seul qui dispose d'une « violence légitime » selon Max Weber, cette violence pouvant être physique mais aussi "symbolique" c'est-à-dire psychique, voire souvent économique.

Un but : la modification de la règle

Selon ses promoteurs, la désobéissance civile poursuit des fins novatrices. Elle vise "l'abrogation" ou tout au moins la modification de la norme contestée.

Des principes supérieurs

La désobéissance civile fait appel à des « principes supérieurs » à l'acte contesté. C'est sans doute le trait le plus important de la désobéissance civile puisque c'est lui qui lui donne "une certaine légitimité". Ces principes considérés supérieurs peuvent être religieux : ainsi, des membres du clergé ont souvent été des participants ou des dirigeants dans des actions de désobéissance civile. Aux États-Unis par exemple, les frères Berrigan sont des prêtres qui ont été arrêtés des douzaines de fois pour des actes de désobéissance civile dans des protestations antiguerre.

Les principes supérieurs invoqués peuvent également être "constitutionnels" ou "supra constitutionnels". Ainsi des écrivains et cinéastes français, dans leur texte appelant à la désobéissance civile en 1997 contre un projet de loi de Jean-Louis Debré, qui obligeait notamment toute personne hébergeant un étranger en visite privée en France à déclarer à la mairie son départ, faisaient référence aux libertés publiques et au respect de la personne humaine. En faisant cet appel, les désobéissants révèlent qu'il existe selon eux une possibilité d'être entendu par les gouvernants. Ce fut d'ailleurs le cas contre ce projet de loi Debré, car, à la suite du débat qui eut lieu, et devant la mobilisation de l'opinion publique, le gouvernement de l'époque n'eut d'autre choix que de renoncer au projet.

Selon ses promoteurs, la désobéissance civile, loin donc d'affaiblir les institutions, pourrait au contraire les renforcer en provoquant une compréhension plus claire de leurs idéaux fondateurs et en faisant participer davantage l'opinion publique au processus normatif.

La légitimité de la désobéissance civile : le cas français

En France, Les Désobéissants proposent des ateliers et formations autour de la non-violence et de la Désobéissance civile, à destination des citoyens et militants souhaitant œuvrer pour le progrès social, les droits de l'homme, l'écologie, etc.

C'est en la rapportant à la "sphère juridique" et non seulement à "sa dimension morale", pourtant généralement bien acceptée, que la justification de la désobéissance civile présente le plus d'intérêt. Mais c'est aussi là qu'elle est la plus controversée. Y a-t-il un droit à la désobéissance civile ?

La désobéissance civile peut être considérée comme une garantie non juridictionnelle des libertés publiques, garantie exercée par les gouvernés eux-mêmes. Elle n'est pas explicitement reconnue juridiquement dans la hiérarchie des normes françaises. Toutefois l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyendispose que :

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. »

La constitution « montagnarde » de 1793 ira même jusqu'à mettre en place dans ses articles 33, 34 et 35 un véritable droit à l'insurrection : Article 35

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »


Le Préambule de la Constitution de 1958 est très court mais celui-ci renvoie à deux textes fondamentaux dans notre histoire juridique : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

La valeur de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 fut pendant longtemps discutée, s'agit-il d'une simple déclaration d'intention ou d'une norme du droit positif ? Les deux thèses s'affrontaient au sujet de la valeur juridique de ce préambule et des textes auxquels il renvoie. L'une soutenait qu'elle ne pouvait être que "morale et philosophique" (un guide facultatif pour l'État), tandis que l'autre défendait son caractère normatif et juridique (une obligation de valeur constitutionnelle).

Le Conseil constitutionnel français trancha la question dans sa décision du 16 juillet 1971, relative à la liberté d'association : il s'agit bien d'un texte normatif de la plus haute valeur. Par la suite dans la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1974 relative à la loi de finances pour 1974, le Conseil constitutionnel s'est référé pour la première fois à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Puis par une décision du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation, le Conseil constitutionnel a indirectement reconnu une valeur constitutionnelle à la résistance à l'oppression : en effet il a réaffirmé la valeur constitutionnelle du droit de propriété en soulignant que la Déclaration de 1789 l'avait « mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression ».

Il faut ici se demander quels sont les liens entre la résistance à l'oppression et la désobéissance civile. La résistance à l'oppression va très loin, le texte cité en fait un droit, mais aussi « le plus sacré des devoirs », ce qui implique qu'il ne s'agit pas seulement d'un moyen d'action mais d'un but en soi, et que celui qui l'invoque doit agir "immédiatement et très fort". Cela excède la désobéissance civile, qui reste un mode d'action parmi d'autres, comme la manifestation, le recours au "procès exemplaire", la lutte armée, etc.

Cependant l'affirmation de ce droit reste quelque peu théorique et n'est pas directement utilisée par les magistrats lors de jugement de personne ayant commis un acte de désobéissance. Une autre norme du droit français interprétée a contrario (article 433-6 du code pénal) accorde une certaine protection aux personnes faisant des actes de rébellion à l'égard de fonctionnaires publics qui agiraient sans titre (par exemple dans le cas d'une perquisition sans autorisation du Juge des Libertés et de la Détention). D'autre part, lorsqu'un fonctionnaire reçoit un ordre manifestement illégal, il lui appartient d'y opposer un refus d'obéissance (article122-4 du code pénal).

La résistance à l'oppression se situe donc entre l'affirmation d'un droit de résistance à l'oppression quelque peu théorique et la reconnaissance d'un droit à la désobéissance très limité. La question de la légalité de la désobéissance civile n'est donc pas clairement affirmée, celle-ci est, en principe, illégale mais ce principe n'empêche pas certaines manifestations de "tolérance administrative" ou de "clémence judiciaire" (le juge dispose de nombreux moyens de droit pour acquitter le prévenu ou modérer la peine : état de nécessité, légitime défense, erreur de droit, circonstances atténuantes, interprétation restrictive de la règle de droit, etc.)

Le problème de la légalité de la désobéissance civile vient du fait que malgré une transgression volontaire de la règle de droit, celle-ci s'effectue paradoxalement dans une fidélité au reste du dispositif légal (y compris, par exemple, à la sanction prévue par la loi contestée), ainsi qu'à une "loi supérieure". La désobéissance civile peut donc s'analyser comme un « délit politique » et dès lors, le désobéissant civil bénéficiera du régime de protection qui peut être mis en place pour ce type de délit.

Certains proposent aujourd'hui de constitutionnaliser un "droit à la désobéissance civile". Puisque la Constitution française intègre les procédures d’exception dans son article 16, elle pourrait aussi admettre un droit à désobéir aux lois jugées injustes. Le droit à la désobéissance civile serait alors l’équivalent par en bas (c’est-à-dire pour le citoyen) de ce qu’est l’état d’exception par en haut (c’est-à-dire pour le président de la République).

La critique à l'encontre de la désobéissance civile

Conclusion de "Les lettres du Mahatma Gandhi à Adolf Hitler" par Dr Koenraad Elst : "Il n’est pas certain que cela aurait marché, mais le gandhisme n’est pas synonyme d’efficacité. Les méthodes de Gandhi réussirent à dissuader les Britanniques de s’accrocher à l’Inde, pas à dissuader la Ligue Musulmane de partitionner l’Inde. Sous cet angle, c’est simplement une question sans réponse, une expérience non-tentée, de savoir si l’approche gandhienne aurait pu réussir à empêcher la Seconde Guerre mondiale. Par contre, il ne peut pas y avoir deux opinions quant à savoir si cette approche de la dissuasion non-violente aurait été gandhienne. Le Mahatma n’aurait pas été le Mahatma s’il avait préféré une autre méthode. Notre jugement concernant ses lettres à Hitler doit être le même que notre jugement du gandhisme lui-même : soit les deux représentaient une alternative éthique élevée aux méthodes plus habituelles de la politique de puissance, soit les deux étaient erronés et ridicules."

Les points critiquables dans la désobéissance civile :

  • Cela ne veut être que de la communication : ce n'est que de la communication. La portée est cependant muselée par :
  1. Les médias qui choisiront ou non de relayer l'événement et avec le message qui n’ira pas nécessairement dans le sens que le voudraient les activistes.
  2. Les médias qui détruiront ou non l'image que l'on voudrait transmettre ou sinon, amoindriront ou ridiculiseront l'impact dudit acte de désobéissance civile.
  3. La société et les idées déjà présentes chez la population (aliénation mentale, sociale, économique) insérées par le tissu social, et surtout par l’influence notable des médias au profit des idéologies (économique et politique, non démocratique) qui les dépassent.
  • Certains disent que l'action de Gandhi a fonctionné parce qu'il avait une image importante dans la société, une image quasi religieuse dans la société indienne qui serait très mystique, croyante, religieuse (la religion est une forme d'idéologie). D'autres estiment que la société indienne n'est pas plus religieuse qu'une autre et que les leaders charismatiques sont plutôt liés au caractère paysan des sociétés. Les universitaires indiens issus des subaltern studies ont montré que les nationalistes étaient peu en lien avec la masse des gens, à l'exception de Gandhi qui communiquait sur les codes populaires et de ce fait était plus suivi que d'autres. C'est le génie stratégique de Gandhi qui aurait joué, plus que des explications "religieuses" qui obscurcissent la question plus qu'elle ne l'éclairent, tant ce terme peut se confondre avec le domaine du symbolique propre aux sociétés humaines
  • Gandhi prenant l'image sur l'action de Jésus, veut bien sûr être un sauveur et impose le totalitarisme de la paix : et ce qui induit l'interdiction de l'insoumission ou l'insurrection réelle et concrète
  • Sous couvert de vocation pacifiste, il y aurait une tendance à suppléer d'autres actions plus simples et non violentes pour atteindre l'objectif fixé, en excluant de facto ceux qui ne partagent pas les idées de désobéissance civile.
  • Ce qu'il faut dénoncer dans la vision de Gandhi, de la désobéissance civile, du pacifisme béat : il y a pourtant des cas où la désobéissance ne fonctionnerait pas, des cas où les tyrans ou des classes supérieures ne remettront pas en cause la politique, car ce n'est pas leur intérêt, leur intérêt est tout autre et c'est le leur. Il y a des cas où le système lui-même ne se laisserait pas démettre par des coups de bluff dans la communication pourtant tellement démocratique. Aucun changement de société n'a été fait sans un véritable acte : ce qui est diffèrent du "non-agir" de la désobéissance civile. Et peut-être qu'un autre changement de société est nécessaire ou sera nécessaire. Le mot français violence vient du mot latin « vis » qui désigne d’abord la force sans égard à la légitimité de son usage.
  • Est-ce que la désobéissance civile est l'acte de soumission à la propriété du capital et du libéralisme suprême ? En tout cas la désobéissance civile refuse de critiquer suffisamment la matérialité du monde et les injustices matérielles par là même qu'elle ne veut pas que l'on y agisse matériellement, on peut alors se demander si la désobéissance civile est toujours la meilleure action possible.
  • On peut également douter que la simple désobéissance civile à elle seule soit suffisante, sans d'autres applications dans la vie (un choix d'un autre mode de vie, comme des écovillages, des âshrams…). On peut se demander si ce n'est pas un autre exutoire inavouable de l'inaction et de la non-implication des peuples dans leurs sociétés qui sont en théorie démocratiques, mais qui finalement refusent d'être démocratiques, les peuples y compris par leurs inactions irresponsables et leur « Soumission librement consentie » dans une Doctrine des bonnes intentions.
  • Peut-être que la désobéissance civile fonctionnerait dans le meilleur des mondes ou dans une véritable société démocratique, une société sans classe sociale, cependant nous n'en sommes pas encore là. Tant qu'il y a des classes, il y a lutte des classes. Interdire aux classes inférieures de réagir aux violences et injustices qu'elles subissent, des violences structurelles et des violences mentales et des injustices matérielles, leur interdire d'agir, ce qui est parfois leur seul recours, peut être considéré comme un crime.
  • La résistance civile reste un simple outil de communication à prendre comme tel dans toute stratégie du peuple.

La formation du concept de désobéissance civile

De l'Antiquité à l'époque moderne

Une forme de désobéissance civile existait déjà dans le mythe d'Antigone, laquelle brave les lois de la cité pour donner à son frère une sépulture décente, et dans la Lysistrata d'Aristophane, où les femmes décident de se refuser à leurs maris tant qu'ils n'auront pas mis un terme à la guerre.

L'histoire romaine a conservé la mémoire de manifestations de femmes, en 195 avant J.-C., contre des restrictions vestimentaires, ainsi qu'en 42 avant J.-C. contre une taxe abusive, ce qui montre que déjà l'idée de résistance à une loi jugée inique était déjà présente.

De son côté, la religion chrétienne au Moyen Âge distinguait, sur la base de la théorie des deux épées formulée au ve siècle par le pape Gélase, la sphère civile et la sphère religieuse. Se référant à la norme de l'Évangile qui veut que l'on « donne à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu », l'Église a ensuite formulé de manière définitive le devoir d'obéissance en se fondant sur la doctrine paulinienne selon laquelle il n'y a d'autre pouvoir que celui qui vient de Dieu. Elle établit en outre que le bras armé de Dieu est plus puissant que celui des hommes, qu'ils soient rois ou empereurs, car ils sont ce qu'ils sont par la seule grâce de Dieu. Cependant Thomas d'Aquin dans la Somme théologique, ouvrira un début de brèche à l'obéissance aveugle à la loi en acceptant que l'on désobéisse à des lois injustes (plutôt définies comme des actes de violence que des lois) et pour autant que lesdites lois soient contraires au droit divin et que la désobéissance à la loi ne produise pas de maux supérieurs à son accomplissement.

Au xvie siècle des penseurs comme Étienne de La Boétie ou les monarchomaques théorisèrent le refus d'obéir au tyran.

Henry David Thoreau

Article détaillé : Henry David Thoreau.
Henry David Thoreau, 1856

Le mouvement d'« indépendance des colonies » vis-à-vis de l'absolutisme métropolitain a été à l'origine de l'apparition de nouveaux ordres juridiques. Ces nouveaux systèmes ont été précédés d'une désobéissance de fait qui constitue la base du droit à l'autodétermination des peuples.

Ce mouvement d'indépendance a permis la théorisation de la désobéissance civile qui fut mise en place par Henry David Thoreau dans son essai «Resistance to Civil Government » publié en 1849 à la suite de son refus de payer la part de l'impôt destinée à financer la guerre contre le Mexique en vue de l'annexion du Texas, fait pour lequel Thoreau fut contraint à passer une nuit en prison. Thoreau s'opposait également à la politique esclavagiste des États du Sud, au traitement injuste infligé à la population indigène américaine. Son éditeur refit publier l'ouvrage à titre posthume avec un nouveau nom « Civil Desobedience », inspiré par la correspondance de l'auteur où figurait effectivement le mot. Son ouvrage fut traduit par désobéissance civile bien qu'il aurait été sans doute plus fidèle de traduire le terme par désobéissance civique, cependant l'usage du terme désobéissance civile est devenu courant par la suite.

Thoreau prenait la défense des minorités, il écrivait qu'« un homme qui aurait raison contre ses concitoyens constitue déjà une majorité d'un » et, encourageant cet homme à l'action, il ajoutait qu'« une minorité n'a aucun pouvoir tant qu'elle s'accorde à la volonté de la majorité : dans ce cas, elle n'est même pas une minorité. Mais, lorsqu'elle s'oppose de toutes ses forces, on ne peut plus l'arrêter ». La désobéissance civile serait donc un outil contre la « dictature de la majorité » qui sévit en démocratie selon Tocqueville, un illustre contemporain de Thoreau.

Mohandas Gandhi

Article détaillé : Mohandas Karamchand Gandhi.
Mohandas Gandhi, 1942

Le xxe siècle fut marqué par deux grandes figures de la désobéissance civile, Mohandas Gandhi et Martin Luther King.

Ainsi le 11 septembre 1906, Gandhi réunit 3000 personnes au Théâtre Impérial de Johannesburg et obtient, comme dans une sorte de nouveau Serment du Jeu de paume de la Révolution française, de l'assemblée ainsi réunie, le serment de désobéissance. Cela lui vaudra en 1907 ses deux premiers séjours en prison. C'est au cours du deuxième qu'il va découvrir le traité de désobéissance civile de Henry David Thoreau. Par la suite, Gandhi développa l'idée de désobéissance civile à travers le concept de Satyagraha (littéralement la voie de la vérité), qui lui permit de mener sa lutte non violente contre l'apartheid en Afrique du Sud et de s'opposer à la politique coloniale du Royaume-Uni en Inde, puis pour l'indépendance de l'Inde. Le 17 mars 1930, Gandhi lance une « Marche du sel », vers les marais salants de Jabalpur, distants de 300 km. Le gouvernement britannique détient en effet le monopole du sel qui lui rapporte 15 millions de francs or par an, utilisés pour l'entretien des troupes coloniales. Arrivés sur place le 6 avril 1930, à 8 h 30 du matin, accompagnés de quelques milliers de sympathisants, il récolte du sel qui sera vendu aux enchères pour la somme de 425 roupies, un montant non négligeable pour l'époque. Les 50 000 marcheurs défient les autorités en récoltant du sel sur la plage, puis investissent les dépôts de sel du gouvernement colonial. Tout au long de la marche, Gandhi a diffusé une liste de règles religieuses du comportement non-violent qui sont scrupuleusement respectées. Les manifestants sont frappés ou arrêtés. Après plusieurs semaines, le gouvernement finalement cède.

Gandhi proposait les règles suivantes dans sa lutte non-violente :

  1. Un résistant civil ne doit pas avoir de colère.
  2. Il supportera la colère de l'opposant, ainsi que ses attaques sans répondre. Il ne se soumettra pas, par peur d'une punition, à un ordre émis par la colère.
  3. Si une personne d'autorité cherche à arrêter un résistant civil, il se soumettra volontairement à l'arrestation, et il ne résistera pas à la confiscation de ses biens.
  4. Si un résistant civil a sous sa responsabilité des biens appartenant à d'autres, il refusera de les remettre, même au péril de sa vie. Mais il ne répondra pas à la violence.

Après le nazisme : Nuremberg et la désobéissance obligatoire

Après la Seconde Guerre mondiale, lors du procès des anciens nazis à Nuremberg, la question : « jusqu'à quel point le principe de légalité doit prévaloir sur celui de justice ? », fut au cœur des débats. Les anciens nazis se dirent de simples exécutants obligés d'agir face à la rigueur militaire et à la sauvagerie nazie et de punir toute forme de dissidence. Cependant dans son ouvrage, « Des hommes ordinaires, le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne », Christopher Browning démontre que des hommes ordinaires, ni spécialement nazis, ni même obsessionnellement antisémites, ont agi avec un zèle meurtrier pour éradiquer les juifs de Pologne. L'historien relève un passage particulièrement intéressant : « après l'exposé de la mission qui était confiée au bataillon, à savoir l'exécution par les hommes du bataillon des femmes, enfants et vieillards juifs d'un hameau polonais comptant 1800 juifs, le commandant du bataillon écœuré par l'ordre qui lui avait été donné propose à ceux qui ne s'en sentent pas la force de ne pas participer à la mission ; seulement 12 hommes sur les 500 du bataillon refusèrent d'accomplir la mission ». Browning met au cœur de ces comportements criminels certains facteurs mis également en évidence par Milgram : le conformisme de groupe, la force du lien social, la division et l'organisation du « travail » et surtout la lente déshumanisation des juifs.

Par la suite, à Nuremberg, les juges ne se sont pas bornés à reconnaître le droit de la personne à désobéir aux normes iniques, ils ont aussi condamné ceux qui avaient obéi à ces normes, transformant ainsi le droit de désobéir à un ordre illégal ou inique en un devoir dont l'inaccomplissement mérite la punition correspondante.

Martin Luther King

Article détaillé : Martin Luther King.
Martin Luther King, 1964

La désobéissance civile fut par la suite adoptée par Martin Luther King, le leader du mouvement pour les droits civiques des noirs aux États-Unis. Il fut le meneur du boycott des bus de Montgomery (Alabama) en 1955, qui commence lorsque Rosa Parks refuse de céder sa place à une personne de couleur blanche. King est arrêté durant cette campagne, qui se termine par une décision de la Cour suprême des États-Unis déclarant illégale la ségrégation dans les autobus, restaurants, écoles, et autres lieux publics.

La désobéissance civile a aussi été utilisée par les militants pacifistes qui remettaient en cause l'esprit et les motifs de l'intervention militaire au Viêt Nam; ils organisaient notamment des sit-in qui paralysaient le centre des grandes villes.

César Chávez

Article détaillé : César Chávez.

César Chávez est un syndicaliste-paysan en Californie, il appelle à la grève et au boycott pour défendre les droits sociaux des paysans et journaliers de 1965 à 1975.

Aaron Swartz

Article détaillé : Aaron Swartz.

Aaron Swartz était un militant défendant l’accès libre à des informations protégées en les libérant sur Internet.

Différents cas et formes de désobéissance civile

Les formes matérielles des actions revendiquées de désobéissance civile sont très diverses. On peut distinguer en particulier celles essentiellement passives, celles plus offensives et, parmi celles-ci, celles comportant la destruction de biens matériels (arrachage de plants de maïs OGM par exemple). Ces dernières obéissent à des qualifications juridiques particulières (destruction en réunion dans le cas français).

Exemples en France

Arrachage de plants de maïs transgénique à Menville (Haute-Garonne) le 25 juillet 2004

La désobéissance civile a été plusieurs fois revendiquée en France.

Elle a été utilisée contre l'interdiction de l'avortement. Le 5 avril 1971, le Nouvel Observateur publie le Manifeste des 343 Salopes, qui contient une liste de 343 personnalités qui déclarent avoir avorté. Elles revendiquent, symboliquement ou non, avoir commis cet acte contraire à la loi et demandent sa légalisation. En 1972 lors du procès de Bobigny concernant une femme ayant avorté suite à un viol, Gisèle Halimi, avocate, plaide, en accord avec les accusés, la désobéissance légitime. L'accusée s'écrie devant le juge : ce n'est pas moi qui suit coupable, c'est la loi ! De nombreuses personnalités défendent la légitimité de l'avortement malgré son caractère illégal lors d'un procès très médiatisé. En 1973, 331 médecins publient également dans Le Nouvel Observateur, une déclaration dans laquelle ils affirment avoir désobéi à la loi et pratiqué des avortements. En 1975, l'avortement est finalement autorisé. On voit nettement dans ces exemples le caractère civil ou civique de la désobéissance : revendiquer publiquement en justifiant la légitimité, au risque d'être condamné, réunir un grand nombre de personnes en misant sur la justesse de l'action, organiser une campagne d'opinion afin de favoriser un débat public, le tout pour promouvoir une modification de la loi afin que la légitimité coïncide avec la légalité démocratique.

Elle a été utilisée à plusieurs reprises par les paysans du Larzac dans leur lutte contre l'extension du camp militaire entre 1971 et 1981.

On peut citer également le mouvement des écrivains et auteurs contre le projet de la loi Debré, le « Manifeste desdélinquants de la solidarité » écrit le 27 mai 2003, en soutien à des militants arrêtés pour avoir aidé des étrangers en situation irrégulière, a déjà été signé par plus de 12 000 personnes et 300 organisations. Ce manifeste s'oppose ainsi à l'application de l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui dispose que : « Toute personne qui (…) aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier, d'un étranger en France ou dans l'espace international précité sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 €. »

De même, les procès médiatisés de paysans du syndicat agricole français Confédération paysanne dont José Bové pour le démontage d'une fast food McDonald'sen construction à Millau ou l'arrachage de plants transgéniques (OGM) avec les Faucheurs volontaires ont suscité une amorce de débat sur la légitimité de ce type de pratiques, passant par la destruction de biens matériels.

De nombreuses associations pratiquent des actions de désobéissance comme moyen ponctuel ou permanent : ainsi des associations comme Greenpeace luttent contre les transports de déchets nucléaires ; les militants s'enchaînant sur les voies ferrées, d'autres comme l'association Droit au logement occupent de façon illégale des logements vides pour alerter l'opinion et modifier la politique du gouvernement en matière de logement. À ce propos il convient de préciser que la désobéissance civile chez Greenpeace est toujours non violente, c'est pourquoi elle refuse la dégradation matérielle (qui est considérée comme une forme de violence). Ainsi il ne peut y avoir de fauchage volontaire ou de dégradation d'un fast-food chez Greenpeace. Lors des campagnes contre la pèche à la baleine ou au thon il y a interposition physique, au risque d'être blessé, mais jamais dégradation d'un bateau adverse, contrairement à l'action de Sea Sheperd, créé par un ancien de Greenpeace, qui a quitté l'association justement parce qu'il voulait s'attaquer aux navires des pécheurs.

À l'Éducation Nationale, un mouvement de professeurs qui refusent d'être inspectés ("désobéisseurs") pose la question des nouvelles formes de la désobéissance civile.

Cependant la plupart de ces associations ne veulent pas être considérées comme des désobéissants civils par peur d'être accusées lors d'un procès (ce qui serait néfaste à leur image) et le risque de se voir dissoute comme une vulgaire association de malfaiteurs n'est pas négligeable. La désobéissance est donc une arme efficace mais à manier quand on est vraiment sûr de son fait, car dangereuse pour ceux qui l'utilisent et la revendiquent.

Actions au niveau mondial

Les actions de résistance pacifique du mouvement altermondialiste lors de ses « contre-sommets », ou des ateliers de formation à la désobéissance civile sont suivis par les militants de cette mouvance (afin d'apprendre des techniques illégales non-violentes et les attitudes à tenir en cas d'arrestation) démontre que la désobéissance civile est une « arme » à part entière d'une partie des altermondialistes.

Les anarchistes prônent la désobéissance civile comme moyen d'échapper à l'État, sous la forme de squats politiques, appropriations, actions…

La désobéissance civique

Une des premières utilisations du terme de désobéissance civique a lieu le 19 décembre 1996 avec la publication de l'« Appel à la désobéissance civique » de plusieurs personnalités du cinéma, en refus des lois Debré et de leurs dispositions relatives à l'immigration. Le texte contient ces mots : « Nous appelons nos concitoyens à désobéir et à ne pas se soumettre à des lois inhumaines ».

Dans le livre Pour la désobéissance civiqueJosé Bové et Gilles Luneau préfèrent ce terme à la traduction phonétique de l'anglais "désobéissance civile". Ils définissent six critères à réunir conjointement pour caractériser ainsi un acte:

  1. c'est un acte personnel et responsable : il faut connaître les risques encourus et ne pas se soustraire aux sanctions judiciaires
  2. c'est un acte désintéressé : on désobéit à une loi contraire à l'intérêt général, non par profit personnel
  3. c'est un acte de résistance collective : on mobilise dans l'optique d'un projet collectif plus large
  4. c'est un acte non violent : on a pour but de convertir à la fois l'opinion et l'adversaire, non de provoquer une répression ou une réponse armée ; toute attaque aux biens ne peut avoir qu'une dimension symbolique
  5. c'est un acte transparent : on agit à visage découvert
  6. c'est un acte ultime : on désobéit après avoir épuisé les recours du dialogue et les actions légales

Jean-Marie Muller, professeur de philosophie, théoricien de la non-violence, auteur du livre De la désobéissance civile, critique l'utilisation du terme « civique ». Il réagit à un dossier de Évelyne Sire-Marin dans la revue Politis consacré au centenaire de la « désobéissance civique » (no 916), et dénonce la définition de la désobéissance civile donnée par Évelyne Sire-Marin. Selon lui, cette définition est « en totale contradiction avec toutes les actions menées depuis un siècle et ayant eu recours à cette appellation ». Civil vient du latin civilis, dans le sens opposé à criminalis. Selon Jean-Marie Muller, la désobéissance est « civile » en ce sens qu’elle n’est pas « criminelle », c’est-à-dire qu’elle respecte les principes, les règles et les exigences de la « civilité ».

La résistance fiscale

Article détaillé : résistance fiscale.

La résistance fiscale est un acte politique consistant à refuser de participer à la fiscalité de son pays au nom de valeurs morales. Cependant, en dehors des anarchistes purs et durs, le « résistant » choisit plutôt de ne réduire sa contribution qu'en proportion des actions du gouvernement qu'il désapprouve. Par exemple, un pacifiste ne retranchera ses impôts qu'au prorata du budget de l'armée (Défense nationale). Cette méthode est limitée aux impôts directs, et se voit plus difficile à réaliser avec les impôts indirects où c'est le commerçant qui fait percepteur et se verrait impacté injustement.

Divers groupes travaillent à légaliser une forme d'objection de conscience à l'impôt militaire qui permettrait aux objecteurs de conscience de désigner leurs impôts pour n'être dépensés que sur les postes non militaires du budget.

Les artistes dans la résistance civile

Nombre d'intellectuels et d'artistes ont participé à la résistance civile sous diverses formes, ainsi que les y incitait Noam Chomsky dans son discours de 1966. Aux États-Unis, Joan Baez a soutenu les mouvements pour les droits de noirs, les Black Panthers, et les mouvements anti guerre du Viêt Nam, tout comme Bread and Puppet TheatreKeny Arkana a composé et interprété une chanson intitulée : Désobéissance civile.

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26 mai 2014

desobéissance civile..........

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La désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique. Le terme fut créé par l'américain Henry David Thoreau dans son essai La Désobéissance civile, publié en 1849, à la suite de son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique. Si la désobéissance civile est une forme de révolte ou de résistance, elle se distingue pourtant de la révolte au sens classique. La révolte classique oppose la violence à la violence. La désobéissance civile est plus subtile : elle refuse d'être complice d'un pouvoir illégitime et de nourrir ce pouvoir par sa propre coopération. Le principe même du pouvoir politique pourrait rendre possible l'efficacité de cette action.

L'idée de la résistance à une loi injuste a existé bien avant le xixe siècle. On peut la faire remonter à la jus resistendi (« droit de résistance ») du droit romain et on peut dire que La Boétie, dès le xvie siècle, a démontré l'efficacité du procédé. Il montre dans le Discours de la servitude volontaire que le pouvoir d'un État repose entièrement sur la coopération de la population. Ainsi, dès l'instant où la population refuse d'obéir, l'État n'a plus de pouvoir. Un peuple peut donc résister sans violence par la désobéissance et provoquer l'effondrement d'un État illégitime, car, disait-il, le pouvoir le plus féroce tire toute sa puissance de son peuple. Encore faut-il une prise de conscience générale et le courage des premiers militants pour que ce principe puisse être efficace. C'est principalement Gandhi en Afrique du Sud et en Inde, Martin Luther King aux États-Unis, Mandela en Afrique du Sud, les Mères de la Place de Mai en Argentine et la contestation du pouvoir soviétique dans les années 1980 qui en ont montré l'efficacité.

Le principe est utilisé aujourd'hui au sein des démocraties pour lutter contre certaines lois lorsque les militants estiment que la légalité — qui dépend de la majorité et / ou d'une certaine inertie — ne parviendra pas à modifier ces lois. La désobéissance est illégale par définition, mais est en principe non violente. Cependant certaines actions en France ont revendiqué la dégradation de biens privés (par exemple les faucheurs volontaires). Certains ne voient dans ces actions que la dégradation de biens ou la résistance d'individus ou de groupes isolés, d'autres y voient un acte salutaire de désobéissance civile visant à faire modifier la politique des autorités.

 

Définition de la désobéissance civile

Il n'y a pas d'unanimité sur la définition de la désobéissance civile. John Rawls et Jürgen Habermas ont chacun une définition de la désobéissance civile.

Selon Rawls : « La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. En agissant ainsi, on s'adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres libres et égaux ne sont pas actuellement respectés.»

Pour Habermas : « La désobéissance civile inclut des actes illégaux, généralement dus à leurs auteurs collectifs, définis à la fois par leur caractère public et symbolique et par le fait d'avoir des principes, actes qui comportent en premier lieu des moyens de protestation non violents et qui appellent à la capacité de raisonner et au sens de la justice du peuple. »

Six éléments sont donc caractéristiques d'un acte de désobéissance civile.

Une infraction consciente et intentionnelle

L'acte de désobéissance doit être une infraction consciente et intentionnelle, et il doit ainsi violer une règle de droit positif. Si l'infraction porte sur la norme contestée directement, on parle de désobéissance directe ; ce fut, par exemple, le cas des campagnes de désobéissance civile lancées par Martin Luther King qui visaient à faire occuper par les noirs les espaces légalement réservés aux blancs. Mais la norme violée peut ne pas être celle contestée, on parle alors de désobéissance civile indirecte, c'est le cas par exemple des sit-in, qui ne visent pas à contester le code de la route.

Bien qu'il ne soit pas possible de constater l'existence d'une infraction a priori (c'est le juge qui détermine l'existence d'une infraction), on considère qu'un acte est constitutif d'un acte de désobéissance civile lorsque ses auteurs prennent le risque de commettre un acte qui est, aux yeux de l'opinion publique et à ceux des autorités, généralement tenu comme une infraction.

Touchant cette question, il est intéressant de rappeler l'expérience réalisée par Stanley Milgram où le sujet de l'expérience consiste à mesurer la proportion des individus capables de démarrer un tel acte de désobéissance malgré la pression sociale ou administrative.

Un acte public

L'acte de désobéissance se traduit par une attitude publique, ce qui le différencie de la désobéissance criminelle — cette dernière, ne prospérant que dans la clandestinité (parfois, avec une revendication).

Dans la désobéissance civile, la publicité vise à écarter tout soupçon sur "la moralité de l'acte", à lui conférer, en outre, une valeur symbolique ainsi que la plus grande audience possible afin que l'acte ait le plus grand retentissement pour modifier le "sentiment" ou "la conviction" de l'opinion publique. L'acte vise ainsi la plus grande médiatisation possible et peut rentrer dans une stratégie de provocation et d'agitprop.

Certains auteurs vont au-delà. Fidèle à la ligne de Gandhi, ils voient dans la publicité une exigence qui veut que l'on communique à l'avance aux autorités compétentes les actions futures de désobéissance.

Un mouvement à vocation collective

L'acte de désobéissance s'inscrit par principe dans un mouvement collectif. Elle est l'acte d'un groupe qui se présente comme une minorité agissante, et se traduit par l'action concertée de celle-ci, ainsi Hannah Arendt relève que « loin de procéder de la philosophie subjective de quelques individus excentriques la désobéissance civile résulte de la coopération délibérée des membres du groupe tirant précisément leur force de leur capacité d'œuvrer en commun. » La désobéissance est donc par nature une action collective. Cependant, rien n'empêche que le sursaut moral d'un individu ne finisse par mobiliser un courant plus large qui pourra alors être qualifié de désobéissance civile.

Une action pacifique

Le désobéissant use généralement de moyens pacifiques. La désobéissance civile vise à appeler aux débats publics et, pour ce faire, elle en appelle à "la conscience endormie" de la majorité plutôt qu'à l'action violente. C'est un des traits qui la distingue de la révolution, qui pour arriver à ses fins peut, potentiellement, en appeler à la force. En outre l'opposition à la loi qui est inhérente à la désobéissance civile se fait dans une paradoxale fidélité à une loi considérée supérieure, il n'y a donc pas de violence dans l'esprit de la désobéissance civile. Celle-ci étant plutôt le fait de l'État, le seul qui dispose d'une « violence légitime » selon Max Weber, cette violence pouvant être physique mais aussi "symbolique" c'est-à-dire psychique, voire souvent économique.

Un but : la modification de la règle

Selon ses promoteurs, la désobéissance civile poursuit des fins novatrices. Elle vise "l'abrogation" ou tout au moins la modification de la norme contestée.

Des principes supérieurs

La désobéissance civile fait appel à des « principes supérieurs » à l'acte contesté. C'est sans doute le trait le plus important de la désobéissance civile puisque c'est lui qui lui donne "une certaine légitimité". Ces principes considérés supérieurs peuvent être religieux : ainsi, des membres du clergé ont souvent été des participants ou des dirigeants dans des actions de désobéissance civile. Aux États-Unis par exemple, les frères Berrigan sont des prêtres qui ont été arrêtés des douzaines de fois pour des actes de désobéissance civile dans des protestations antiguerre.

Les principes supérieurs invoqués peuvent également être "constitutionnels" ou "supra constitutionnels". Ainsi des écrivains et cinéastes français, dans leur texte appelant à la désobéissance civile en 1997 contre un projet de loi de Jean-Louis Debré, qui obligeait notamment toute personne hébergeant un étranger en visite privée en France à déclarer à la mairie son départ, faisaient référence aux libertés publiques et au respect de la personne humaine. En faisant cet appel, les désobéissants révèlent qu'il existe selon eux une possibilité d'être entendu par les gouvernants. Ce fut d'ailleurs le cas contre ce projet de loi Debré, car, à la suite du débat qui eut lieu, et devant la mobilisation de l'opinion publique, le gouvernement de l'époque n'eut d'autre choix que de renoncer au projet.

Selon ses promoteurs, la désobéissance civile, loin donc d'affaiblir les institutions, pourrait au contraire les renforcer en provoquant une compréhension plus claire de leurs idéaux fondateurs et en faisant participer davantage l'opinion publique au processus normatif.

La légitimité de la désobéissance civile : le cas français

En France, Les Désobéissants proposent des ateliers et formations autour de la non-violence et de la Désobéissance civile, à destination des citoyens et militants souhaitant œuvrer pour le progrès social, les droits de l'homme, l'écologie, etc.

C'est en la rapportant à la "sphère juridique" et non seulement à "sa dimension morale", pourtant généralement bien acceptée, que la justification de la désobéissance civile présente le plus d'intérêt. Mais c'est aussi là qu'elle est la plus controversée. Y a-t-il un droit à la désobéissance civile ?

La désobéissance civile peut être considérée comme une garantie non juridictionnelle des libertés publiques, garantie exercée par les gouvernés eux-mêmes. Elle n'est pas explicitement reconnue juridiquement dans la hiérarchie des normes françaises. Toutefois l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que :

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. »

La constitution « montagnarde » de 1793 ira même jusqu'à mettre en place dans ses articles 33, 34 et 35 un véritable droit à l'insurrection : Article 35

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »


Le Préambule de la Constitution de 1958 est très court mais celui-ci renvoie à deux textes fondamentaux dans notre histoire juridique : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

La valeur de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 fut pendant longtemps discutée, s'agit-il d'une simple déclaration d'intention ou d'une norme du droit positif ? Les deux thèses s'affrontaient au sujet de la valeur juridique de ce préambule et des textes auxquels il renvoie. L'une soutenait qu'elle ne pouvait être que "morale et philosophique" (un guide facultatif pour l'État), tandis que l'autre défendait son caractère normatif et juridique (une obligation de valeur constitutionnelle).

Le Conseil constitutionnel français trancha la question dans sa décision du 16 juillet 1971, relative à la liberté d'association : il s'agit bien d'un texte normatif de la plus haute valeur. Par la suite dans la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1974 relative à la loi de finances pour 1974, le Conseil constitutionnel s'est référé pour la première fois à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Puis par une décision du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation, le Conseil constitutionnel a indirectement reconnu une valeur constitutionnelle à la résistance à l'oppression : en effet il a réaffirmé la valeur constitutionnelle du droit de propriété en soulignant que la Déclaration de 1789 l'avait « mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression ».

Il faut ici se demander quels sont les liens entre la résistance à l'oppression et la désobéissance civile. La résistance à l'oppression va très loin, le texte cité en fait un droit, mais aussi « le plus sacré des devoirs », ce qui implique qu'il ne s'agit pas seulement d'un moyen d'action mais d'un but en soi, et que celui qui l'invoque doit agir "immédiatement et très fort". Cela excède la désobéissance civile, qui reste un mode d'action parmi d'autres, comme la manifestation, le recours au "procès exemplaire", la lutte armée, etc.

Cependant l'affirmation de ce droit reste quelque peu théorique et n'est pas directement utilisée par les magistrats lors de jugement de personne ayant commis un acte de désobéissance. Une autre norme du droit français interprétée a contrario (article 433-6 du code pénal) accorde une certaine protection aux personnes faisant des actes de rébellion à l'égard de fonctionnaires publics qui agiraient sans titre (par exemple dans le cas d'une perquisition sans autorisation du Juge des Libertés et de la Détention). D'autre part, lorsqu'un fonctionnaire reçoit un ordre manifestement illégal, il lui appartient d'y opposer un refus d'obéissance (article122-4 du code pénal).

La résistance à l'oppression se situe donc entre l'affirmation d'un droit de résistance à l'oppression quelque peu théorique et la reconnaissance d'un droit à la désobéissance très limité. La question de la légalité de la désobéissance civile n'est donc pas clairement affirmée, celle-ci est, en principe, illégale mais ce principe n'empêche pas certaines manifestations de "tolérance administrative" ou de "clémence judiciaire" (le juge dispose de nombreux moyens de droit pour acquitter le prévenu ou modérer la peine : état de nécessité, légitime défense, erreur de droit, circonstances atténuantes, interprétation restrictive de la règle de droit, etc.)

Le problème de la légalité de la désobéissance civile vient du fait que malgré une transgression volontaire de la règle de droit, celle-ci s'effectue paradoxalement dans une fidélité au reste du dispositif légal (y compris, par exemple, à la sanction prévue par la loi contestée), ainsi qu'à une "loi supérieure". La désobéissance civile peut donc s'analyser comme un « délit politique » et dès lors, le désobéissant civil bénéficiera du régime de protection qui peut être mis en place pour ce type de délit.

Certains proposent aujourd'hui de constitutionnaliser un "droit à la désobéissance civile". Puisque la Constitution française intègre les procédures d’exception dans son article 16, elle pourrait aussi admettre un droit à désobéir aux lois jugées injustes. Le droit à la désobéissance civile serait alors l’équivalent par en bas (c’est-à-dire pour le citoyen) de ce qu’est l’état d’exception par en haut (c’est-à-dire pour le président de la République).

La critique à l'encontre de la désobéissance civile

Conclusion de "Les lettres du Mahatma Gandhi à Adolf Hitler" par Dr Koenraad Elst : "Il n’est pas certain que cela aurait marché, mais le gandhisme n’est pas synonyme d’efficacité. Les méthodes de Gandhi réussirent à dissuader les Britanniques de s’accrocher à l’Inde, pas à dissuader la Ligue Musulmane de partitionner l’Inde. Sous cet angle, c’est simplement une question sans réponse, une expérience non-tentée, de savoir si l’approche gandhienne aurait pu réussir à empêcher la Seconde Guerre mondiale. Par contre, il ne peut pas y avoir deux opinions quant à savoir si cette approche de la dissuasion non-violente aurait été gandhienne. Le Mahatma n’aurait pas été le Mahatma s’il avait préféré une autre méthode. Notre jugement concernant ses lettres à Hitler doit être le même que notre jugement du gandhisme lui-même : soit les deux représentaient une alternative éthique élevée aux méthodes plus habituelles de la politique de puissance, soit les deux étaient erronés et ridicules."

Les points critiquables dans la désobéissance civile :

  • Cela ne veut être que de la communication : ce n'est que de la communication. La portée est cependant muselée par :
  1. Les médias qui choisiront ou non de relayer l'événement et avec le message qui n’ira pas nécessairement dans le sens que le voudraient les activistes.
  2. Les médias qui détruiront ou non l'image que l'on voudrait transmettre ou sinon, amoindriront ou ridiculiseront l'impact dudit acte de désobéissance civile.
  3. La société et les idées déjà présentes chez la population (aliénation mentale, sociale, économique) insérées par le tissu social, et surtout par l’influence notable des médias au profit des idéologies (économique et politique, non démocratique) qui les dépassent.
  • Certains disent que l'action de Gandhi a fonctionné parce qu'il avait une image importante dans la société, une image quasi religieuse dans la société indienne qui serait très mystique, croyante, religieuse (la religion est une forme d'idéologie). D'autres estiment que la société indienne n'est pas plus religieuse qu'une autre et que les leaders charismatiques sont plutôt liés au caractère paysan des sociétés. Les universitaires indiens issus des subaltern studies ont montré que les nationalistes étaient peu en lien avec la masse des gens, à l'exception de Gandhi qui communiquait sur les codes populaires et de ce fait était plus suivi que d'autres. C'est le génie stratégique de Gandhi qui aurait joué, plus que des explications "religieuses" qui obscurcissent la question plus qu'elle ne l'éclairent, tant ce terme peut se confondre avec le domaine du symbolique propre aux sociétés humaines
  • Gandhi prenant l'image sur l'action de Jésus, veut bien sûr être un sauveur et impose le totalitarisme de la paix : et ce qui induit l'interdiction de l'insoumission ou l'insurrection réelle et concrète
  • Sous couvert de vocation pacifiste, il y aurait une tendance à suppléer d'autres actions plus simples et non violentes pour atteindre l'objectif fixé, en excluant de facto ceux qui ne partagent pas les idées de désobéissance civile.
  • Ce qu'il faut dénoncer dans la vision de Gandhi, de la désobéissance civile, du pacifisme béat : il y a pourtant des cas où la désobéissance ne fonctionnerait pas, des cas où les tyrans ou des classes supérieures ne remettront pas en cause la politique, car ce n'est pas leur intérêt, leur intérêt est tout autre et c'est le leur. Il y a des cas où le système lui-même ne se laisserait pas démettre par des coups de bluff dans la communication pourtant tellement démocratique. Aucun changement de société n'a été fait sans un véritable acte : ce qui est diffèrent du "non-agir" de la désobéissance civile. Et peut-être qu'un autre changement de société est nécessaire ou sera nécessaire. Le mot français violence vient du mot latin « vis » qui désigne d’abord la force sans égard à la légitimité de son usage.
  • Est-ce que la désobéissance civile est l'acte de soumission à la propriété du capital et du libéralisme suprême ? En tout cas la désobéissance civile refuse de critiquer suffisamment la matérialité du monde et les injustices matérielles par là même qu'elle ne veut pas que l'on y agisse matériellement, on peut alors se demander si la désobéissance civile est toujours la meilleure action possible.
  • On peut également douter que la simple désobéissance civile à elle seule soit suffisante, sans d'autres applications dans la vie (un choix d'un autre mode de vie, comme des écovillages, des âshrams…). On peut se demander si ce n'est pas un autre exutoire inavouable de l'inaction et de la non-implication des peuples dans leurs sociétés qui sont en théorie démocratiques, mais qui finalement refusent d'être démocratiques, les peuples y compris par leurs inactions irresponsables et leur « Soumission librement consentie » dans une Doctrine des bonnes intentions.
  • Peut-être que la désobéissance civile fonctionnerait dans le meilleur des mondes ou dans une véritable société démocratique, une société sans classe sociale, cependant nous n'en sommes pas encore là. Tant qu'il y a des classes, il y a lutte des classes. Interdire aux classes inférieures de réagir aux violences et injustices qu'elles subissent, des violences structurelles et des violences mentales et des injustices matérielles, leur interdire d'agir, ce qui est parfois leur seul recours, peut être considéré comme un crime.
  • La résistance civile reste un simple outil de communication à prendre comme tel dans toute stratégie du peuple.

La formation du concept de désobéissance civile

De l'Antiquité à l'époque moderne

Une forme de désobéissance civile existait déjà dans le mythe d'Antigone, laquelle brave les lois de la cité pour donner à son frère une sépulture décente, et dans la Lysistrata d'Aristophane, où les femmes décident de se refuser à leurs maris tant qu'ils n'auront pas mis un terme à la guerre.

L'histoire romaine a conservé la mémoire de manifestations de femmes, en 195 avant J.-C., contre des restrictions vestimentaires, ainsi qu'en 42 avant J.-C. contre une taxe abusive, ce qui montre que déjà l'idée de résistance à une loi jugée inique était déjà présente.

De son côté, la religion chrétienne au Moyen Âge distinguait, sur la base de la théorie des deux épées formulée au ve siècle par le pape Gélase, la sphère civile et la sphère religieuse. Se référant à la norme de l'Évangile qui veut que l'on « donne à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu », l'Église a ensuite formulé de manière définitive le devoir d'obéissance en se fondant sur la doctrine paulinienne selon laquelle il n'y a d'autre pouvoir que celui qui vient de Dieu. Elle établit en outre que le bras armé de Dieu est plus puissant que celui des hommes, qu'ils soient rois ou empereurs, car ils sont ce qu'ils sont par la seule grâce de Dieu. Cependant Thomas d'Aquin dans la Somme théologique, ouvrira un début de brèche a l'obéissance aveugle à la loi en acceptant que l'on désobéisse à des lois injustes (plutôt définies comme des actes de violence que des lois) et pour autant que lesdites lois soient contraires au droit divin et que la désobéissance à la loi ne produise pas de maux supérieurs à son accomplissement.

Au xvie siècle des penseurs comme Étienne de La Boétie ou les monarchomaques théorisèrent le refus d'obéir au tyran.

Henry David Thoreau

Le mouvement d'« indépendance des colonies » vis-à-vis de l'absolutisme métropolitain a été à l'origine de l'apparition de nouveaux ordres juridiques. Ces nouveaux systèmes ont été précédés d'une désobéissance de fait qui constitue la base du droit à l'autodétermination des peuples.

Ce mouvement d'indépendance a permis la théorisation de la désobéissance civile qui fut mise en place par Henry David Thoreau dans son essai «Resistance to Civil Government » publié en 1849 à la suite de son refus de payer la part de l'impôt destinée à financer la guerre contre le Mexique en vue de l'annexion du Texas, fait pour lequel Thoreau fut contraint à passer une nuit en prison. Thoreau s'opposait également à la politique esclavagiste des États du Sud, au traitement injuste infligé à la population indigène américaine. Son éditeur refit publier l'ouvrage à titre posthume avec un nouveau nom « Civil Desobedience », inspiré par la correspondance de l'auteur où figurait effectivement le mot. Son ouvrage fut traduit par désobéissance civile bien qu'il aurait été sans doute plus fidèle de traduire le terme par désobéissance civique, cependant l'usage du terme désobéissance civile est devenu courant par la suite.

Thoreau prenait la défense des minorités, il écrivait qu'« un homme qui aurait raison contre ses concitoyens constitue déjà une majorité d'un » et, encourageant cet homme à l'action, il ajoutait qu'« une minorité n'a aucun pouvoir tant qu'elle s'accorde à la volonté de la majorité : dans ce cas, elle n'est même pas une minorité. Mais, lorsqu'elle s'oppose de toutes ses forces, on ne peut plus l'arrêter ». La désobéissance civile serait donc un outil contre la « dictature de la majorité » qui sévit en démocratie selon Tocqueville, un illustre contemporain de Thoreau.

Mohandas Gandhi

Article détaillé : Mohandas Karamchand Gandhi.
Mohandas Gandhi, 1942

Le xxe siècle fut marqué par deux grandes figures de la désobéissance civile, Mohandas Gandhi et Martin Luther King.

Ainsi le 11 septembre 1906, Gandhi réunit 3000 personnes au Théâtre Impérial de Johannesburg et obtient, comme dans une sorte de nouveau Serment du Jeu de paume de la Révolution française, de l'assemblée ainsi réunie, le serment de désobéissance. Cela lui vaudra en 1907 ses deux premiers séjours en prison. C'est au cours du deuxième qu'il va découvrir le traité de désobéissance civile de Henry David Thoreau. Par la suite, Gandhi développa l'idée de désobéissance civile à travers le concept de Satyagraha (littéralement la voie de la vérité), qui lui permit de mener sa lutte non violente contre l'apartheid en Afrique du Sud et de s'opposer à la politique coloniale du Royaume-Uni en Inde, puis pour l'indépendance de l'Inde. Le 17 mars 1930, Gandhi lance une « Marche du sel », vers les marais salants de Jabalpur, distants de 300 km. Le gouvernement britannique détient en effet le monopole du sel qui lui rapporte 15 millions de francs or par an, utilisés pour l'entretien des troupes coloniales. Arrivés sur place le 6 avril 1930, à 8 h 30 du matin, accompagnés de quelques milliers de sympathisants, il récolte du sel qui sera vendu aux enchères pour la somme de 425 roupies, un montant non négligeable pour l'époque. Les 50 000 marcheurs défient les autorités en récoltant du sel sur la plage, puis investissent les dépôts de sel du gouvernement colonial. Tout au long de la marche, Gandhi a diffusé une liste de règles religieuses du comportement non-violent qui sont scrupuleusement respectées. Les manifestants sont frappés ou arrêtés. Après plusieurs semaines, le gouvernement finalement cède.

Gandhi proposait les règles suivantes dans sa lutte non-violente :

  1. Un résistant civil ne doit pas avoir de colère.
  2. Il supportera la colère de l'opposant, ainsi que ses attaques sans répondre. Il ne se soumettra pas, par peur d'une punition, à un ordre émis par la colère.
  3. Si une personne d'autorité cherche à arrêter un résistant civil, il se soumettra volontairement à l'arrestation, et il ne résistera pas à la confiscation de ses biens.
  4. Si un résistant civil a sous sa responsabilité des biens appartenant à d'autres, il refusera de les remettre, même au péril de sa vie. Mais il ne répondra pas à la violence.

Après le nazisme : Nuremberg et la désobéissance obligatoire

Après la Seconde Guerre mondiale, lors du procès des anciens nazis à Nuremberg, la question : « jusqu'à quel point le principe de légalité doit prévaloir sur celui de justice ? », fut au cœur des débats. Les anciens nazis se dirent de simples exécutants obligés d'agir face à la rigueur militaire et à la sauvagerie nazie et de punir toute forme de dissidence. Cependant dans son ouvrage, « Des hommes ordinaires, le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne », Christopher Browning démontre que des hommes ordinaires, ni spécialement nazis, ni même obsessionnellement antisémites, ont agi avec un zèle meurtrier pour éradiquer les juifs de Pologne. L'historien relève un passage particulièrement intéressant : « après l'exposé de la mission qui était confiée au bataillon, à savoir l'exécution par les hommes du bataillon des femmes, enfants et vieillards juifs d'un hameau polonais comptant 1800 juifs, le commandant du bataillon écœuré par l'ordre qui lui avait été donné propose à ceux qui ne s'en sentent pas la force de ne pas participer à la mission ; seulement 12 hommes sur les 500 du bataillon refusèrent d'accomplir la mission ». Browning met au cœur de ces comportements criminels certains facteurs mis également en évidence par Milgram : le conformisme de groupe, la force du lien social, la division et l'organisation du « travail » et surtout la lente déshumanisation des juifs.

Par la suite, à Nuremberg, les juges ne se sont pas bornés à reconnaître le droit de la personne à désobéir aux normes iniques, ils ont aussi condamné ceux qui avaient obéi à ces normes, transformant ainsi le droit de désobéir à un ordre illégal ou inique en un devoir dont l'inaccomplissement mérite la punition correspondante.

Martin Luther King

Article détaillé : Martin Luther King.
Martin Luther King, 1964

La désobéissance civile fut par la suite adoptée par Martin Luther King, le leader du mouvement pour les droits civiques des noirs aux États-Unis. Il fut le meneur du boycott des bus de Montgomery (Alabama) en 1955, qui commence lorsque Rosa Parks refuse de céder sa place à une personne de couleur blanche. King est arrêté durant cette campagne, qui se termine par une décision de la Cour suprême des États-Unis déclarant illégale la ségrégation dans les autobus, restaurants, écoles, et autres lieux publics.

La désobéissance civile a aussi été utilisée par les militants pacifistes qui remettaient en cause l'esprit et les motifs de l'intervention militaire au Viêt Nam; ils organisaient notamment des sit-in qui paralysaient le centre des grandes villes.

César Chávez

Article détaillé : César Chávez.

César Chávez est un syndicaliste-paysan en Californie, il appelle à la grève et au boycott pour défendre les droits sociaux des paysans et journaliers de 1965 à 1975.

Aaron Swartz

Article détaillé : Aaron Swartz.

Aaron Swartz était un militant défendant l’accès libre à des informations protégées en les libérant sur Internet.

Différents cas et formes de désobéissance civile

Les formes matérielles des actions revendiquées de désobéissance civile sont très diverses. On peut distinguer en particulier celles essentiellement passives, celles plus offensives et, parmi celles-ci, celles comportant la destruction de biens matériels (arrachage de plants de maïs OGM par exemple). Ces dernières obéissent à des qualifications juridiques particulières (destruction en réunion dans le cas français).

Exemples en France

Arrachage de plants de maïs transgénique à Menville (Haute-Garonne) le 25 juillet 2004

La désobéissance civile a été plusieurs fois revendiquée en France.

Elle a été utilisée contre l'interdiction de l'avortement. Le 5 avril 1971, le Nouvel Observateur publie le Manifeste des 343 Salopes, qui contient une liste de 343 personnalités qui déclarent avoir avorté. Elles revendiquent, symboliquement ou non, avoir commis cet acte contraire à la loi et demandent sa légalisation. En 1972 lors du procès de Bobigny concernant une femme ayant avorté suite à un viol, Gisèle Halimi, avocate, plaide, en accord avec les accusés, la désobéissance légitime. L'accusée s'écrie devant le juge : ce n'est pas moi qui suit coupable, c'est la loi ! De nombreuses personnalités défendent la légitimité de l'avortement malgré son caractère illégal lors d'un procès très médiatisé. En 1973 331 médecin publient également dans le Nouvel Observateur une déclaration dans laquelle ils affirment avoir désobéi à la loi et pratiqué des avortements. En 1975, l'avortement est finalement autorisé. On voit nettement dans ces exemples le caractère civil ou civique de la désobéissance : revendiquer publiquement en justifiant la légitimité, au risque d'être condamné, réunir un grand nombre de personnes en misant sur la justesse de l'action, organiser une campagne d'opinion afin de favoriser un débat public, le tout pour promouvoir une modification de la loi afin que la légitimité coïncide avec la légalité démocratique.

Elle a été utilisée à plusieurs reprises par les paysans du Larzac dans leur lutte contre l'extension du camp militaire entre 1971 et 1981.

On peut citer également le mouvement des écrivains et auteurs contre le projet de la loi Debré, le « Manifeste desdélinquants de la solidarité » écrit le 27 mai 2003, en soutien à des militants arrêtés pour avoir aidé des étrangers en situation irrégulière, a déjà été signé par plus de 12 000 personnes et 300 organisations. Ce manifeste s'oppose ainsi à l'application de l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui dispose que : « Toute personne qui (…) aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier, d'un étranger en France ou dans l'espace international précité sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 €. »

De même, les procès médiatisés de paysans du syndicat agricole français Confédération paysanne dont José Bové pour le démontage d'une fast food McDonald'sen construction à Millau ou l'arrachage de plants transgéniques (OGM) avec les Faucheurs volontaires ont suscité une amorce de débat sur la légitimité de ce type de pratiques, passant par la destruction de biens matériels.

De nombreuses associations pratiquent des actions de désobéissance comme moyen ponctuel ou permanent : ainsi des associations comme Greenpeace luttent contre les transports de déchets nucléaires ; les militants s'enchaînant sur les voies ferrées, d'autres comme l'association Droit au logement occupent de façon illégale des logements vides pour alerter l'opinion et modifier la politique du gouvernement en matière de logement. À ce propos il convient de préciser que la désobéissance civile chez Greenpeace est toujours non violente, c'est pourquoi elle refuse la dégradation matérielle (qui est considérée comme une forme de violence). Ainsi il ne peut y avoir de fauchage volontaire ou de dégradation d'un fast-food chez Greenpeace. Lors des campagnes contre la pèche à la baleine ou au thon il y a interposition physique, au risque d'être blessé, mais jamais dégradation d'un bateau adverse, contrairement à l'action de Sea Sheperd, créé par un ancien de Greenpeace, qui a quitté l'association justement parce qu'il voulait s'attaquer aux navires des pécheurs.

À l'Éducation Nationale, un mouvement de professeurs qui refusent d'être inspectés ("désobéisseurs") pose la question des nouvelles formes de la désobéissance civile.

Cependant la plupart de ces associations ne veulent pas être considérées comme des désobéissants civils par peur d'être accusées lors d'un procès (ce qui serait néfaste à leur image) et le risque de se voir dissoute comme une vulgaire association de malfaiteurs n'est pas négligeable. La désobéissance est donc une arme efficace mais à manier quand on est vraiment sûr de son fait, car dangereuse pour ceux qui l'utilisent et la revendiquent.

Actions au niveau mondial

Les actions de résistance pacifique du mouvement altermondialiste lors de ses « contre-sommets », ou des ateliers de formation à la désobéissance civile sont suivis par les militants de cette mouvance (afin d'apprendre des techniques illégales non-violentes et les attitudes à tenir en cas d'arrestation) démontre que la désobéissance civile est une « arme » à part entière d'une partie des altermondialistes.

Les anarchistes prônent la désobéissance civile comme moyen d'échapper à l'État, sous la forme de squats politiques, appropriations, actions…

La désobéissance civique

Une des premières utilisations du terme de désobéissance civique a lieu le 19 décembre 1996 avec la publication de l'« Appel à la désobéissance civique » de plusieurs personnalités du cinéma, en refus des lois Debré et de leurs dispositions relatives à l'immigration. Le texte contient ces mots : « Nous appelons nos concitoyens à désobéir et à ne pas se soumettre à des lois inhumaines ».

Dans le livre Pour la désobéissance civiqueJosé Bové et Gilles Luneau préfèrent ce terme à la traduction phonétique de l'anglais "désobéissance civile". Ils définissent six critères à réunir conjointement pour caractériser ainsi un acte:

  1. c'est un acte personnel et responsable : il faut connaître les risques encourus et ne pas se soustraire aux sanctions judiciaires
  2. c'est un acte désintéressé : on désobéit à une loi contraire à l'intérêt général, non par profit personnel
  3. c'est un acte de résistance collective : on mobilise dans l'optique d'un projet collectif plus large
  4. c'est un acte non violent : on a pour but de convertir à la fois l'opinion et l'adversaire, non de provoquer une répression ou une réponse armée ; toute attaque aux biens ne peut avoir qu'une dimension symbolique
  5. c'est un acte transparent : on agit à visage découvert
  6. c'est un acte ultime : on désobéit après avoir épuisé les recours du dialogue et les actions légales

Jean-Marie Muller, professeur de philosophie, théoricien de la non-violence, auteur du livre De la désobéissance civile, critique l'utilisation du terme « civique ». Il réagit à un dossier de Évelyne Sire-Marin dans la revue Politis consacré au centenaire de la « désobéissance civique » (no 916), et dénonce la définition de la désobéissance civile donnée par Évelyne Sire-Marin. Selon lui, cette définition est « en totale contradiction avec toutes les actions menées depuis un siècle et ayant eu recours à cette appellation ». Civil vient du latin civilis, dans le sens opposé à criminalis. Selon Jean-Marie Muller, la désobéissance est « civile » en ce sens qu’elle n’est pas « criminelle », c’est-à-dire qu’elle respecte les principes, les règles et les exigences de la « civilité ».

La résistance fiscale

Article détaillé : résistance fiscale.

La résistance fiscale est un acte politique consistant à refuser de participer à la fiscalité de son pays au nom de valeurs morales.

Divers groupes travaillent à légaliser une forme d'objection de conscience à l'impôt militaire qui permettrait aux objecteurs de conscience de désigner leurs impôts pour n'être dépensés que sur les postes non militaires du budget.

Les artistes dans la résistance civile

Nombre d'intellectuels et d'artistes ont participé à la résistance civile sous diverses formes, ainsi que les y incitait Noam Chomsky dans son discours de 1966. Aux États-Unis, Joan Baez a soutenu les mouvements pour les droits de noirs, les Black Panthers, et les mouvements anti guerre du Viêt Nam, tout comme Bread and Puppet TheatreKeny Arkana a composé et interprété une chanson intitulée : Désobéissance civile.

gandhi_disobediance

10 mars 2015

j'aime pas "les geeks modernes".......

La revanche des Geeks

 

j'aime pas les geeks!!! enfin ceux qui actuellement se disent geeks, je sais je fait mon reac, mon vieux con, mais bon ont se refait pas, trop tard.........

ca m'enerve profondement en surfant sur le web de voir ou de lire que tant de kikkoolol se disent geeks, que c'est devenus quasi branchouille de "geeker", terme devenus un verbe pour de simple gamers, je n'ai rien contre les gamers je joue aussi, mais je me sent flouer de toutes mes frustrations de jeunesse, un peu comme un vol de mes douleurs......je m'explique, je suis un geek des années 80, qui passait plus de temps dans les bouquins et les bd qu'avec ses "amis" a jouer a quelques jeux de ballons sans interets, qui a decouvert avec emerveillement les premiers jeux de roles et a ouvert grand ses innocents yeux sur son premier "dés 12", qui se refugiais dans le dessin pour allimenter son imaginaire que quasi personne ne comprenait, qui revait d'espace et autres univers, mais surtout qui devais endurer les moqueries sur les binoclards, les railleries des pseudos "beaux gosses" de la cour ou des sportifs, qui si tu n'etait pas comme eux, te transformais forcement une proie facile cqfd......

j'aime voir mes hobbies devenir populaires, j'ai envie de partager mes amours pour les livres, le jeux, la sf exct......mais je devient mechant lorsque du haut de leur jeune age certains prepuberes me donne des lecons sur "ma" culture geek!!!, ont ils vu les premiers star wars aux ciné en prenant la claque de leur vie? cela a t'il changer leurs visions du monde, de leurs avenirs, cela a t'il orienter leurs facons de penser?, sous couvert de detenir un certain savoir encyclopedique sur des choses qu'ils ont decouverts que tres recemment, ils se permettent de s'approprier une culture qui pourrais devenir la leur mais qu'ils ne respecte pas.....

ils n'ont pas souffert avec cette culture, et quelque part c'est tant mieux pour eux, nous avions macher le travail et pris les baffes a leurs places,

mais en etant volontairement reac, la ou je voyais de l'avenir je vois maintenant une impasse, la ou je voyais des gens ouvert a l'autre parcqu'ils etaient aussi different qu'eux, je vois des mysogines un peu sectaire qui se replient sur eux memes et leurs "grande" comunauté, la ou il y avait de l'amusement je vois de la competition, et la ou je voyais du reve je vois maintenant une enorme machine a faire du fric......

etre geeks n'est pas vraiment un choix, notre imaginaire et nos gouts differents, nous y ont conduit, mais comme toutes subcultures elle a finie par etre recupérée, institutionalisée, et surtout rentabilisée......

non il ne suffit pas de jouer pour etre un geek, il ne suffit pas d'avoir un smartphone ou un pc pour se croire geek, il ne suffit pas de lire quelques bd ou quelques romans pour rever geek, il ne suffit pas de collectionner quelques figurines ou dvd pour se donner un titre ou avoir l'impression d'appartenir a quelquechose.......

tous les geeks des origines ont connus les memes choses, la solitude, la deprime, l'impression de na pas etre a la bonne place ou a la bonne epoque, et ce sentiment de n'etre jamais compris, et jamais vraiment accepter.......

tant mieux si les generations futur de "geeks" n'ont pas a vivre cela beaucoup ont oeuvrer dans ce sens, la plupart du temps sans vraiment s'en rendre compte.......mais par pitié reviser vos classiques et surtout, memes si vous ne voulez pas faire preuve de respect, (ce que l'on ne demande d'ailleurs pas!!), faites preuves d'un peu de reconnaissance ou simplement d'ouverture d'esprit, c'est ca l'ame du geek, la culture du reve et de l'imaginaire......

ou alors peut etre faudra il faire table raze.....

 

 

La culture geek doit-elle mourir ?

Par  le 25/11/14

Pete Warden (@petewarden) est un nerd, c’est-à-dire une espère de geek en encore plus asocial… Ingénieur de formation, directeur technique de Jetpac, une société récemment rachetée par Google, c’est aussi un développeur fou qui a notamment lancé le Data Science Toolkit ou Open Heat Map. Il a rencontré sa première petite amie dans un MUD, un jeu de rôle multi-utilisateur, et a fait 7000 km en avion pour la voir en vrai. Il a programmé des jeux vidéo, a travaillé dans de nombreuses startups et de grandes sociétés de l’internet, et il joue toujours à Donjons et Dragons… “S’il y a bien quelqu’un qui peut se réclamer comme Nerd, c’est bien moi !”, confie-t-il dans un billet sur son blog intitulé “Pourquoi la culture nerd doit mourir”.

Quand il était adolescent et étudiant, la culture geek était naissante. La plupart des gens ne comprenaient pas ce qui l’intéressait… Peu à peu, il a rencontré des gens qui partageaient le même intérêt que lui pour la Science-fiction, la BD, les jeux et les ordinateurs. “La culture nerd nous a rassemblé”, mais elle était difficile à trouver et n’était pas devenue la culture dominante.

Mais durant cette dernière décennie, tout a changé. L’adaptation des comics est devenue le filon le plus rentable d’Hollywood. Le Seigneur des anneaux et Games of Thrones ne sont plus partagés par quelques Happy Few. La culture geek est devenue mainstream. Les nerds sont devenus plus importants. Ils ont de l’argent, du pouvoir, un statut. Ils sont à la tête des plus grandes et des plus dynamiques entreprises du monde. Et la culture dominante ne se moque plus de nous, mais nous respecte. Travailler dans le jeu vidéo est devenu sexy. “Nous avons gagné !”

“Et c’est là que réside le problème. Nous nous comportons toujours comme les rebelles de l’Alliance, alors que nous sommes devenus l’Empire. Nous en sommes arrivés là en ignorant les outsiders et en croyant en nous-mêmes alors que personne d’autre ne le faisait. Cette décennie a montré que nous avions raison et que les critiques avaient tort, et c’est ainsi que notre habitude de ne pas écouter les autres s’est profondément ancrée en nous.” C’est même devenu un rituel pour attaquer ceux qui ne nous comprennent pas, insiste Pete Warden. Mais ce réflexe est désormais un problème maintenant que les nerds exercent un pouvoir réel. “Le Gamergate m’a fait honte d’être un joueur”, confie-t-il en évoquant les polémiques de l’été 2014 autour du harcèlement et de la misogynie à l’encontre d’une développeuse de jeu vidéo.

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Image : No ! Geek is not sexy anymore !

Longtemps les nerds ont été ignorés par la culture dominante. Aujourd’hui, ils sont en passe de devenir la culture dominante. Aujourd’hui qu’ils ont un statut, du pouvoir, les représentants de la culture dominante “sont heureux de nous traiter comme des copains plutôt que comme des victimes”. Et Pete Warden de reconnaître qu’il a lui-même beaucoup d’amis dans les entreprises du capital-risque de la Valley, et que beaucoup de ses partenaires viennent désormais du monde des affaires et de la finance, quand les nerds d’aujourd’hui sortent des plus riches MBA d’Amérique…

Mais la culture nerd a une vertu, son scepticisme. Elle apprécie les preuves, vérifie les faits, et permet de réparer ce qui ne marche pas. Pourtant, si elle sait l’appliquer aux autres, elle peine à se l’appliquer à elle-même, rappelle Warden. Les statistiques montrent combien cette industrie est déséquilibrée dans son rapport de classede diversité, de genre… Et combien ce déséquilibre ne cesse de s’aggraver. Les nerds se comportent comme des connards et notre tolérance envers notre propre comportement ne cesse de l’aggraver, tranche Pete Warden. “Quand je regarde autour de moi, je vois que cette culture que nous avons bâtie comme une révolution libératrice est en passe de devenir un opérateur répressif. Nous avons construit des dispositifs magiques, mais nous ne nous soucions pas assez de protéger les gens ordinaires du préjudice qu’ils subissent à les utiliser. (…) Nous ne nous soucions pas des gens qui perdent lorsque nous perturbons le monde, seulement des gagnants, ceux qui ont tendance à beaucoup nous ressembler. (…) Notre sens profond de la victimisation est devenu une justification perverse pour l’intimidation”.

La culture geek a réalisé de belles choses. Mais elle est devenue une telle horreur si bien codée, tellement criblée de problèmes, que la seule décision rationnelle est de l’abandonner pour construire quelque chose de mieux. Et Pete Warden de chercher à s’inspirer du mouvement Maker, qu’il décrit comme bien plus inclusif (ce qui reste à démontrer). “Notre tolérance aux comportements des trous de cul doit prendre fin, mais c’est tellement partie intégrante de la culture nerd, que l’envoyer bouler est la seule façon de s’en débarrasser”.

Dans un billet assez personnel, le spécialiste d’histoire visuelle, André Gunthert (@gunthert), revient sur la polémique de la chemise sexiste d’un des physiciens de la mission Rosetta. Il souligne que le sexisme et la misogynie des références culturelles de la culture geek est un aveuglement.

“L’aveuglement est un terrible aveu de défaite. Je ne me résous pas encore à abandonner ce qui a très largement participé à construire mon identité d’adulte. Mais déjà le cœur n’y est plus. Je ne peux plus être fier de ma culture, que je croyais avancée – la culture geek, c’était l’alternative à la culture distinguée, l’amour des formes populaires, de la technologie, de la science et de la modernité. Elle m’apparaît maintenant comme un moment de l’histoire, et plus comme mon environnement naturel. La mutation est engagée, et la chemise de Matt Taylor est un clou du cercueil. Non, ce n’était pas un détail. Juste le refus de voir le sexisme d’une image.”

Quand les outils de la culture geek se retournent contre les femmescontre les plus démunis,contre les minoritéscontre l’égalité et finalement contre la démocratie, il est effectivement temps de se dire que cette culture n’est pas la nôtre, aussi drôle, rebelle, impertinente, alternative qu’on ait pu la trouver.

Hubert Guillaud

 

 

en plus de la video du debut que j'adore!! le lien vers le billet complet de pete warden

http://petewarden.com/2014/10/05/why-nerd-culture-must-die/

 

21 février 2014

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Le catharisme (du grec καθαρός / katharós, « pur ») est un mouvement chrétien médiéval. Il ne s'est jamais autodésigné ainsi, car ce terme, inventé par l'abbé Eckbert von Schönau (de) († 1184) pour désigner les « hérétiques », fut popularisé en français par l'occitanisme des années 1960 dressé contre le centralisme jacobin. Les « cathares », en effet, se désignaient eux-mêmes comme « Bons Hommes », « Bonnes Dames » ou « Bons Chrétiens » et leurs ennemis contemporains les appelaient les « hérétiques albigeois ».

 

Origines

La doctrine cathare, probablement influencée par des prêcheurs pauliciens, considérait l’univers comme la création d’un dieu ambivalent, le monde matériel procédant d’un mauvais principe offrant tentations et corruption, tandis que le paradis procède d’un bon principe offrant rédemption et élévation spirituelle. Le corps humain est considéré comme la prison matérielle des âmes d’anges précipitées sur terre lors d’une bataille entre les deux démiurges, bon et mauvais. Les âmes errent de corps en corps et de mort en mort, selon le principe de la métempsycose (réincarnation). Seul le baptême spirituel – le Consolament – a la capacité de briser la chaîne qui retient l’âme au corps, et de permettre ainsi après une ultime mort terrestre à l’ange de regagner le ciel. Les cathares attribuent l’Ancien Testament au dieu mauvais, et le Nouveau Testament au dieu bon, ce qui constitue une forme de marcionisme. Les cathares ont été embarrassés par la figure du Christ, dont l’incarnation n’est pas envisageable dans le cadre du dogme, car cette incarnation le jette dans le monde de la matière, et donc, sous le pouvoir du dieu mauvais. Cette dualité entre Dieu bon et Dieu mauvais a connu de nombreuses interprétations divergentes au sein même du clergé cathare (dualisme absolu et mitigé), et cela caractérise les différentes églises cathares.

Le nom de cathares a été donné par les ennemis de ce mouvement, jugé hérétique par l'Église catholique romaine et adopté tardivement par les historiens. Il provient d'un traité desaint Augustin (mort en 430) contre des hérétiques de l'Antiquité tardive, qui étaient dits « cathares », c'est-à-dire 'les purs' en grec. En 1163, le moine bénédictin Eckbert de Schönau est le premier à reprendre ce terme, qu'il tire directement du traité d'Augustin, pour nommer des hérétiques médiévaux (en l'occurrence, ceux qu'Eckbert a contribué à juger et condamner dans la région de Cologne). De nombreuses autres étymologies fantaisistes ont été proposées jusqu'à une date récente, car on n'avait pas encore établi que l'expression latine cathari, id est mundi ('cathares, c'est-à-dire purs') avait été trouvée par Eckbert de Schönau chez Augustin.

La structure du catharisme est une « communauté à deux niveaux ». Les adeptes de ce mouvement se nommaient eux-mêmes « Bons Hommes », « Bonnes Dames » ou « Bons Chrétiens », mais étaient appelés « Parfaits » par l’Inquisition, qui désignait ainsi les « parfaits hérétiques », c’est-à-dire ceux qui avaient reçu le « consolament », c’est-à-dire un rite de baptême par l'apposition des mains, et faisaient la prédication, par opposition aux simples fidèles, dont l’engagement était bien moindre.

Principalement concentré en Occitanie, dans les comtés de Toulouse et de Béziers-Albi-Carcassonne, le catharisme subit une violente répression armée à partir de 1208 lors de lacroisade contre les Albigeois puis, condamné au IVe concile de Latran en 1215, durant un siècle, la répression judiciaire de l’Inquisition.

Cependant, il est important de souligner que le mot « cathare » n'est employé que par les inquisiteurs et autres clercs. Les hérétiques du midi toulousain sont avant tout des chrétiens en recherche de leurs racines, car ils observent stupéfait la montée en puissance de l'Église et la hiérarchisation du pouvoir ecclésiastique et cherchent donc à échapper à cette emprise grandissante.

Étymologie

L’origine du terme semble remonter au grec « καθαροι » (catharoi, qui signifie 'pur'), terme qui, chez saint Augustin, désigne une secte manichéenne africaine dont les adeptes se seraient prétendus purs. L'abbé de Schönau Eckbert (en), moine rhénan, utilise le qualificatif dans un de ses treize sermons en 1163 pour désigner les hérétiques de Germanie puis dans son manuscrit en 1164 Liber contra hereses katarorum qui est un tissu de citations empruntées au De haeresibus de saint Augustin. Invité par l’archevêque de CologneRainald von Dassel à venir débattre publiquement de cette secte dont plusieurs membres viennent d’être brûlés, l’abbé avait conceptualisé le catharisme dès 1155 à partir de différentes traditions manichéennes (cathari, catharistae et catafrigae). Vers 1200, on retrouve le mot dans un ouvrage De haeresi catharorum in Lombardia puis dans Adversus catharos, de Monéta de Crémone vers 1241 et enfin Summa de catharis de Rainier Sacconi, quelques années plus tard.

Trois autres étymologies ont été proposées par Alain de Lille, dans De fide catholica, vers 1200. La première rattache le mot à casti, chaste, juste. Michel Roquebert juge cette hypothèse irrecevable. La deuxième est grecque, cathar, qui signifierait que des cathares suinte le vice. En fait Alain de Lille confond cathar, pur, et katarroos, écoulement. Mais au-delà de l’erreur de grec, le sens reste plausible. Enfin la troisième origine serait latine, de catus, le chat « car, à ce qu’on dit, ils baisent le derrière d’un chat ». Lorsque l’Église catholique n’utilise pas le terme hérétique elle emploie parfois le mot cathare, infamant. Quoi qu’il en soit, le terme n’est jamais utilisé par les hérétiques eux-mêmes. C’est apparemment Charles Schmidt qui relance l’expression en 1848 avec son Histoire ou doctrine de la secte des cathares ou albigeois. Le terme cathare manque donc de neutralité, mais c’est celui qui s’est imposé.

Apparition et expansion en Europe

Possible paternité bogomile ou provenance d’Europe de l’Est

On a longtemps hésité sur les liens entre le catharisme et le bogomilisme. Ces deux doctrines furent considérées alors comme proches du manichéisme, car le clergé romain disposait d'ouvrages de réfutation, notamment ceux d'Augustin, ancien manichéen lui-même. Le bogomilisme né en Bulgarie, subsistera en Bosnie, où il aurait été la religionofficielle jusqu'à la conquête turque, à la fin du xve siècle. La thèse de filiation directe est aujourd'hui contestée, même si les historiens admettent l'existence d'échanges et de convergences des doctrines. Le dernier colloque de Mazamet (2009) vient de confirmer les liens entre cathares et bogomiles, ainsi que les origines doctrinales des deux, qui remontent aux premiers siècles du christianisme (écrits canoniques de Paul, doctrine de Marcion, doctrine de Valentin). En outre, les recherches menées sur les sources grecques et orientales (Pierre de Sicile) montrent que la doctrine bogomile aurait été transmise par les Pauliciens expatriés volontaires ou chassés de l'Arménie (Turquie actuelle) vers laThrace bulgare au viie et au ixe siècle. La doctrine paulicienne fut fondée au viie siècle en Arménie par Constantin-Silas, aussi connu sous le nom de Constantin de Mananalis, à la suite de la transmission d'évangiles et de lettres pauliniennes par un diacre possiblement marcionite vu la région et l'époque considérées. Le lien est encore plus patent lorsque l'on examine le fondement doctrinal faisant référence au dieu étranger et inconnu notamment.

Apparition en Europe occidentale

Le château de Montségur, pris en 1244 après un siège de plusieurs mois, et remanié vers la fin duxiiie siècle.

Des communautés hérétiques sont apparues en Europe occidentale vers l'an Mil, sous différents noms selon les régions :manichéensnéo-manichéen (terme de Bernard Gui), origénistespiphlespublicainstisserands (nord de la France), bougres,patarins (terme surtout en Italie), albigeois, en Allemagne, en Autrichenote 4, en Flandre, en Champagne, en Bourgogne. Le fait que les relevés doctrinaux soient conformes à la base de la doctrine cathare (au sens large du terme) permet de relier ces différentes émergences, même si la répression les a fait disparaître de ces régions. La présence de l'évêque de France à Saint Félix Caraman, cité dans la Charte de Ninquinta (aujourd'hui largement authentifiée), prouve les liens entre ces communautés du nord et celles d'Occitanie.

Persistance dans le midi de la France

Les réactions des autorités civiles ou ecclésiastiques et des populations expliquent cette géographie du catharisme et sa persistance dans le Midi. Selon Michel Roquebert, cette tolérance religieuse est peut être due à une longue cohabitation avec d'autres confessions : arianisme de la période wisigothe, proximité de l’Espagne islamique, présence de nombreux juifs. Pour ce qui est de l'Italie du Nord, l'implantation du catharisme, très différent de celui qui se développa en France, profite du conflit entre le pape et l'empereur. C'est dans ces régions que les Bons Hommes se sont organisés en communautés d'hommes ou de femmes dirigées par des anciens, des diacres et des évêques. Ces communautés étaient constituées de plusieurs « maisons ». On y aurait souvent pratiqué des métiers liés à l’artisanat local, et fréquemment le tissage, en référence aux premières communautés chrétiennes. Plusieurs communautés constituaient une Église, ou diocèse cathare, à la tête duquel se trouvaient des évêques.

la croix du Languedoc, croix « évidée et pommetée », symbole de ralliement cathare.

Cependant des recherches récentes  ont démontré que cette hérésie a été largement instrumentalisée notamment par Raymond Vcomte de Toulouse. C'est ce qu'on peut voir dans sa lettre écrite en 1177 au chapitre général de Cîteaux. En effet, c'est avant tout pour se protéger des Anglais qu'il fait condamner en 1165 des bons hommes à Lombers.

L'importance de l'hérésie cathare a souvent été exagérée par les premiers écrivains et historiens du catharisme, puis par les mouvements régionalistes les évoquant. Les études actuelles rappellent que le phénomène cathare reste un phénomène minoritaire qui ne concerne alors qu'entre 2 et 5% de la population du midi languedocien.

Les cathares en Corse

Article détaillé : Giovannali.

Il y a un débat historique pour déterminer si les Giovannali ont une parenté avec les cathares ou non. Certains chercheurs estiment que les Giovannali sont une branche de la dissidence franciscaine sans lien avec le catharisme. Quoi qu'il en soit, ils semblent avoir représenté une menace politique pour le pouvoir local.

Les Églises cathares

Au milieu du xiie siècle (1167), les Églises cathares étaient au nombre de huit cents en France. Au xiiie siècle, en 1226, un nouvel évêché fut créé, celui du Razès, dans la région de Limoux. Ces Églises étaient indépendantes. Elles ne reconnaissent pas d'autorité supérieure à celle des citoyens, contrairement à l'Église catholique romaine qui avait une hiérarchie avec des prêtres, des évêques et le pape. Les maisons de « parfaits » étaient réunies sous l'autorité d'un diacre, et chacune était dirigée par un ancien ou une prieure. L'évêque était lui-même assisté par un « fils majeur » et un « fils mineur », qui étaient choisis parmi les diacres. Ils prenaient sa succession, le fils mineur remplaçant le fils majeur, qui devenait évêque à la mort de celui-ci ; cela se produisit fréquemment lorsque la persécution commença. Les femmes pouvaient obtenir le consolament, et accéder ainsi à la vie de « parfaite ». Même si elles n'étaient pas habituellement chargées de la prédication, comme les hommes, quelques exemples montrent qu'elles pouvaient assurer toutes les missions dévolues aux bons hommes : prédication en association avec un homme, participation aux disputes (comme le cas célèbre d'Esclarmonde de Foix) et consolament, notamment pendant la répression inquisitoriale. Par contre, nous n'avons pas trace de femme diacre ou évêque.

Le principe de cette structure hiérarchique était vraisemblablement de reproduire fidèlement celle de l'Église primitive, telle qu'elle serait décrite dans le Nouveau Testament (épîtres de Saint-Paul, et dans les Actes des apôtres, principalement). En cela, ils s'opposaient, comme leurs prédécesseurs, à l'Église accusée d'avoir perverti le christianisme authentique par son inféodation à l'empereur Constantin, validée par le concile de Nicée en 325.

La doctrine cathare

Fondements

Article détaillé : Textes cathares.

Le catharisme ne s'appuie pas sur une théologie puisqu'il considère que Dieu, inconnaissable et non accessible, est absent de ce monde. Cette doctrine est le fruit d'un travail de recherche scripturaire, prenant en compte le Nouveau Testament, notamment l'Évangile selon Jean et l'Évangile selon Lucnote 6. Le Nouveau Testament est traduit en occitan. Cette initiative est très mal perçue par la papauté qui, sous le pontificat d'Innocent III, a interdit les traductions de la Bible en langue vulgaire.

Cette interprétation des évangiles est très différente de celle qu'en fait l'Église catholique. Les cathares s'appuient aussi sur de nombreux écrits (Paul de Tarse, Marcion, Livre des deux principes, rituels, etc.). Ils s'inspirent aussi de courants de pensée plus anciens (paulinismegnosticisme), tout en gardant, sur bien des points, de notables distances avec ces philosophies ou religions, auxquelles le catharisme ne peut être assimilé d'un bloc. Les cathares interprètent d’une façon particulière les écrits de Paul de Tarse et de Marcion. Ils recherchent le sens originel du message du Christ. La foi cathare se base sur les principes suivants :

Sur la question de Dieu, du bien, du mal

Dieu, appelé le principe Bon, existe de toute éternité et n'aura pas de fin. Il est parfait et son œuvre est parfaite, inaltérable et éternelle. Il est omniscient et tout puissant dans le Bien. Dieu est le créateur de ce qui est, et ce qu'il n'a pas créé n'est rien (nihil traduit par « néant »). Les esprits, appelés anges par simplification, sont de nature divine.

Dans le Néant est le principe Mauvais, ou principe du Mal. Dieu, qui n'a pas de mal en Lui, ne peut connaître ce principe Mauvais, mais celui-ci, ambitionnant d'imiter Dieu, est parvenu à détourner une partie des esprits de la création divine. Le principe Mauvais a attiré les esprits par force (catharisme absolu ou dyarchien), ou par tentation (catharisme mitigé ou monarchien), car il n'a d'existence que pour autant qu'il puisse se mêler à la création divine (le Bien).

Cette vision de la constitution de l'univers visible est à la base du mythe de la chute du tiers des anges ou, selon les interprétations, de la troisième partie de leur composition : être, âme, et corps subtil. Introduits dans des corps charnels fabriqués par Lucifer, ces êtres sont différents de l'âme qui est de création maléfique, et qui assure la survie du corps charnel. Cette création, issue d'un créateur imparfait et non éternel, est imparfaite et corruptible. Elle a eu un commencement et elle aura une fin. Cette fin surviendra quand le Mal s'étendra sur la création et que les esprits auront réussi à s'extraire de leur prison charnelle pour retourner à Dieu. Alors, le Mal, ayant perdu les avantages du mélange, redeviendra Néant. Le Mal est donc vainqueur dans le temps, mais son accomplissement constitue sa perte. Il est donc vaincu dans l'éternité.

Les deux principes ne sont pas de même nature et de même puissance. Il ne s'agit donc pas d'un dualisme manichéen, ni d'un dithéisme. En opposition avec la doctrine chrétienne, la doctrine cathare soutient un dualisme originel, centré sur la bonne création, qui seule subsistera à la fin des temps. Le Dieu de l'Ancien Testament est en fait l'envoyé du Mal, comme le disait déjà le marcionisme (sources en Asie Mineure), et les livres de l'Ancien Testament ne sont donc pas reconnus comme canoniques, mais sont l'émanation de l'Esprit Mauvais.

Les cathares reconnaissaient un ou deux principes, selon qu'ils étaient « monarchiens », ou « dyarchiens », « mitigés » ou « absolus ». Les cathares absolus pensaient que le principe du Mal ne pouvait trouver son origine dans le principe du Bien. Autrement dit, représentant le Bien absolu, Dieu ne pouvait avoir créé un ange corruptible (Lucifer). Pour les dualistes absolus, les deux principes, le Bien et le Mal, coexistent depuis la création divine, puisque c'est hors de cette création qu'ils se trouvent.

Sur la vie

Les Bons Chrétiens, comme ils se nommaient, avaient et prêchaient un respect inconditionnel de la vie. Tout ce qui avait place dans le monde matériel méritait considération. Le mépris du corps et la volonté de purification expliquent qu'ils observaient un régime alimentaire très strict, qui peut aller jusqu'à l'endura. Les relations sexuelles, que ce soit dans le mariage ou en dehors, relevaient de la même impureté, et devaient être évitées pour les Parfaits. Les Parfaits avaient à cœur de mener leurs contemporains sur la voie du salut afin d'écourter, un tant soit peu, le cycle des passages en ce bas monde.

Sur Jésus-Christ

Selon les cathares, le Christ, fils de Dieu, et envoyé par Lui, est venu pour leur révéler leur origine céleste et pour leur montrer le moyen de retourner aux cieux. Ainsi, le Christ est uniquement l'envoyé du Père (angelos : ange, messager) venu apporter le message du salut aux hommes. Il ne s'est pas soumis au Mal par l'incarnation, et est demeuré un pur esprit. Marie n'a pour les cathares jamais nourri Jésus quand il était dans son ventre, elle n'assurait que sa protection. (Thème de l'adombration)

Sur l'Esprit-Saint et l'esprit en général

L'esprit est transmis, soit par les générations depuis le premier homme, soit par transmigration dans un nouveau-né après la mort (réincarnation).

C’est uniquement par le Saint-Esprit que l'esprit peut être libéré du monde physique, et c’est par le baptême, par imposition des mains, reçu par les apôtres et transmis par eux, que l’esprit pourra accéder au Salut. Toutefois, le baptême ne peut être administré à un jeune enfant de moins de 13 ou 14 ans, car il est jugé inapte à discerner l'importance de cet acte. Le baptême cathare devait être administré à une personne en connaissance de cause et sur la base de sa conviction.

Pratiques, sacrements et rites

Refus de l’orthodoxie

Les cathares, se considérant alors comme les seuls vrais disciples des apôtres, souhaitaient adopter le modèle de vie, les rites et les sacrements, des premières communautés chrétiennes. Ils s'appuyaient principalement sur les enseignements du Nouveau Testament, et leur unique prière était le Notre Père. Ils considéraient que toutes les pratiques etsacrements instaurés par l'Église dès les premiers siècles et petit à petit n’avaient aucune valeur :

  • le sacrement du baptême, que les prêtres confèrent notamment aux nouveau-nés ;
  • le sacrement de l'Eucharistie : ils refusent de croire en la transsubstantiation, c'est-à-dire la transformation du pain et du vin en le corps et le sang du Christ lors de leur consécration par le prêtre lors de la messe. En revanche, en mémoire de la dernière Cène du Christ avec ses apôtres, les cathares bénissaient le pain lors du repas quotidien pris avec leurs fidèles. C’était le rituel du « pain de l’Oraison » ;
  • le sacrement du mariage, celui-ci légitimant à leurs yeux l'union charnelle de l'homme et de la femme, union à l'origine du péché originel d'Adam et Ève selon leur interprétation de la Genèse ;
  • la médiation des saints et le culte des reliques ;

De même que dans certains courants de l'Église chrétienne primitive, l'idéal cathare était basé sur une vie ascétique, alors que le sacrement du mariage aurait été créé plus tardivement. Ils n'attachaient pas d'importance aux églises bâties qui n'étaient pas pour eux les seuls lieux du culte car la parole du Christ peut être enseignée partout où se réunissent les fidèles. Enfin, leur seul sacrement est le baptême par imposition des mains, ou consolament.

Le consolament

Le sacrement du consolament (consolation, en occitan, du latin consolamentum) ou « baptême d'esprit et du feu » par imposition des mains et de l'évangile de Jean sur la tête du postulant , est le seul à apporter le salut en assurant le retour au ciel de la seule partie divine de l'homme : l'esprit. Il est le point de départ d'un choix de vie en accord avec la doctrine cathare (justice et vérité), permettant à la nature divine de l'impétrant de se détacher partiellement de la nature mondaine ou charnelle, et d'accéder au salut. Le consolament officialise donc le choix du novice ou du mourant à mener une vie chrétienne. Il n'est que la reconnaissance d'un état et non un apport d'une qualité extérieure. Ce sacrement jouait un rôle fondamental dans les communautés cathares car il était à la fois sacrement d'ordination et de viatique (extrême-onction), alors appelé « consolamentdes mourants ».

Le consolament était conféré par un membre de la hiérarchie et engageait celui qui le recevait dans une vie religieuse qui, comme toute ordination, suppose de prononcer des vœux et de respecter une Règle. Ici il s'agissait de pratiquer l'ascèse, de s'engager à ne pas manger de nourritures provenant des animaux ( viandes, œufs, lait, graisses animales, …), de pratiquer la morale évangélique, comprise comme l'interdiction de jurer, de mentir, et de tuer. Il faisait d'un croyant cathare un Bon Homme ou une Bonne Dame, membre du clergé, prédicateur, et capable d'apporter lui-même le consolament aux mourants.

Le consolament était donc aussi administré aux mourants qui en faisaient la demande, c'est-à-dire aux simples croyants qui n'avaient pas franchi le pas de l'ordination durant leur vie, mais souhaitaient rencontrer le Saint-Esprit, leur donnant une chance d'accéder au salut avant de mourir. Les prières des « parfaits », Bons Hommes ou Bonnes Dames, après la mort du consolé, pouvaient durer encore quatre jours.

La vie des « parfaits » et « parfaites »

Travail manuel et vie communautaire

Étant ordonnés, les parfaits entraient dans un ordre religieux, mais sans sortir du siècle. Ils étaient en effet astreints au travail manuel pour vivre, ce qui leur donnait un avantage considérable pour leur prédication, en les maintenant au contact de la population qu'ils instruisaient directement, via des traductions des Écritures saintes en langue vernaculaire, contrairement au clergé catholique qui refusait à l'époque l'accès direct du peuple aux textes sacrés. Cela leur rapportait également l'argent du produit de leur travail. Cet argent leur permettait, par exemple, de se déplacer et, avec les dons et les legs, de créer les conditions de l'existence d'une hiérarchie. Par contre la pauvreté personnelle était prescrite.

Les cathares vivaient dans des « maisons de parfaits », intégrées aux villes et aux villages, qui leur permettaient de rencontrer la population et de prêcher, et leur servaient d'atelier. Des jeunes y étaient envoyés par leurs parents simples fidèles ou déjà ordonnés, pour leur formation en vue de leur propre ordination. Tout « parfait » rejoignait une maison de « parfaits », et y travaillait de ses mains, y compris les nombreuses épouses nobles et leur progéniture qui faisaient partie des rangs des cathares. Le sacrement de mariage n'étant pas reconnu, elles se séparaient de leur mari, généralement lui-même simple croyant.

Le consolament des mourants pouvait être conféré dans les maisons des « parfaits », dans laquelle le consolé était transporté et mourait. Lorsque vint le temps des persécutions, les « parfaits » durent se cacher chez des fidèles, mais ils y payèrent toujours leur nourriture par le travail manuel.

Vie apostolique

Se rapprochant des premiers chrétiens, les « parfaits » cathares envisageaient un salut passant par un grand zèle religieux, parfois jusqu'à l'ascétisme, afin de ne pas procréer, ils étaient astreints à la chasteténote, et devaient constamment aller par deux personnes du même sexe. Chacun avait son sòci, ou compagnon, ou sa sòcia pour les femmes. Cette prédication au coin du feu de deux personnes de même sexe conduira à l'accusation de bougrerie (c'est-à-dire d’homosexualité) fréquemment enregistrée dans les registres de l'Inquisition. Cette façon de vivre toujours au moins à deux tenait à la conviction que l'esprit seul ne peut éviter de se fourvoyer alors qu'avec au moins un compagnon ou une compagne, les tentations de la chair sont plus faciles à combattre.

Les « parfaits » ne devaient pas mentir, s'abstenir de tout vice, de toute méchanceté, en un mot être simplement de bons chrétiens selon les Évangiles. Cela devait inévitablement conduire à l'édification de toute la population chrétienne. Néanmoins, le catharisme toucha essentiellement une population bourgeoise ou noble, sauf dans la dernière période. Outre l'interdit du meurtre, les « parfaits » ne devaient pas tuer les animaux. Ils devaient s'abstenir de toute consommation de produits animaux car issus de la reproduction animale. En cela ils s'interdisaient toutes viandes ainsi que le lait et les produits dérivés. Le jeûne était de pratique courante, mais le jeûne le plus strict prévoyait du pain et de l'eau. Trois carêmes annuels étaient pratiqués. L'endura est un jeûne suivant le consolament et qui a pu conduire certains « parfaits » à la mort pendant l'inquisition en raison de situation particulières (mourants ou blessés recevant in extremis le consolament).

Dernière obligation faite surtout aux hommes : la prédication. Les « parfaits » devaient prêcher le salut par l'ordination du consolament et la morale évangélique. Cette prédication se faisait dans les maisons ateliers, mais également parfois chez des fidèles ou sur la place publique.

Refus de l'alimentation carnée

Article détaillé : végétarisme#Religions_abrahamiques.

« Dès la fin du XIIe siècle dans le Midi de la France, « manger de la viande » et se convertir au catholicisme sont synonymes. »

— René Nelli, la vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle,1969.

Pour les cathares, l'abstinence de nourriture animale n'est pas une privation. Guilhem Bélibaste, dernier « parfait » cathare connu, a dit à propos des pratiques de privations catholiques : « le jeûne que vous faites vaut autant que le jeûne du loup ». Il s'agit plutôt d’un prolongement de l’interdit du meurtre à toute vie animale. Le catharisme, là encore, se distingue par une certaine radicalité. En effet, tous les animaux, dans la perspective cathare, sont susceptibles d'avoir reçu une âme céleste.

Le végétarisme cathare était un refus de commettre la violence à l'égard d'une créature « ayant du sang », principe pour eux des « vrais chrétiens » :

« Si un criminel dangereux les attaquait, ils pouvaient se défendre ; tuer la vipère ou le loup. Encore qu'à l'époque du catharisme triomphant, un « parfait » ne l'eût sans doute point fait, car il était aussi grave de tuer une bête « ayant du sang » que de tuer un homme. »

— René Nelli, la vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle.

On retrouve, à l'autre extrémité de la période cathare, des indications explicites de l'idée d'âme reçue également par toute vie animale : Deux femmes de Montaillou (Ariège), vers 1300, discutent religion : « ma commère, ce serait un grand péché de tuer cette poule ! – Est-ce un si grand péché de tuer une poule qu'on le dit ? – Oui, car dans notre religion, les âmes humaines, quand elles sont sorties des corps des hommes et des femmes, se mettent ou s'introduisent dans des poules.  »

Le refus de tuer la volaille est un topique de la littérature médiévale: un inquisiteur dénonce à l'empereur les cathares amenés à Goslar par le duc de Lorraine vers 1053, un autre inquisiteur fait brûler un toulousain qui lui avait répondu qu'il ne voyait pas quelle faute avait commise ce coq, pour qu'il dût le tuer (vers le milieu du XIIIe siècle); le même fait brûler deux dames de Foix, en fuite, et que leur déguisement de mauresque n'avait pas mise hors de la suspicion de leur aubergiste toulousaine, qui renseignait l'Inquisition : en effet, prétextant qu'elle s'en allait faire le marché, l'aubergiste leur demanda de tuer et de déplumer les poules pendant son absence, afin de l'avancer dans son travail ; comme lorsqu'elle fut revenue les poules étaient toujours vivantes, l'aubergiste ne dit pas un mot, appâtée par la prime promise aux délateurs ; elle sortit et revint avec deux sergents de l'Inquisition, qu'elle avait déjà alertés; il n'y a pas lieu de chercher des motifs mystérieux à cette épreuve, qui remplaçait avantageusement les ordalies en usage si longtemps contre les hérétiques dans le nord de la France.

Les poulets ne sont pas seuls en cause. Les cathares fréquentaient les paysans, et essayaient de modifier leur mentalité. Ils leur recommandaient, par exemple, de traiter les animaux avec douceur. Les femmes se montraient sans doute plus sensibles que leurs maris :

« Guillemette, voyant un Croyant cathare faisant fonction de Parfait battre méchamment son ânesse, ne contient pas son indignation : « ça se dit receveur d'âmes, et ça martyrise les animaux ! » »

— René Nelli, la vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle.

La sensibilité cathare à ce sujet pouvant prendre les formes les plus désespérées :

« Un hérétique que l'on mène en prison, à travers les rues de Limoux, se met à pleurer en voyant les bouchers tuer des veaux, près de l'abattoir de la ville. Il pleurait sur le sort de tous ces gens qui pêchaient mortellement – et se perdaient – en mettant à mort une bête. »

— René Nelli, la vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle.

Si les Parfaits tombaient par hasard sur un animal pris au piège, ils avaient le devoir de le délivrer, mais, de ce fait, ils causaient un dommage au chasseur. Alors, bien que leur rituel ne leur en fît pas obligation, ils faisaient partir le lièvre et laissaient à sa place une pièce de monnaie.

La fin du mouvement cathare

Les Inquisiteurs exigeaient d'abord des sympathisants hérétiques qu'une croix latine jaune soit cousue sur leurs vêtements, l'une sur le dos et l'autre sur la poitrine, signe d'infamie.

Un sujet d'inquiétude pour l'Église

En 1119, le pape Calixte II réunit un concile à Toulouse. Celui-ci dénonce notamment les déviants qui condamnent les sacrements du baptême, de l'Eucharistie, du mariage et le sacerdoce et enjoint au comte de Toulouse de sévir contre eux. Ce canon est repris en 1139 par le concile du Latran. La présence des hérétiques dans le midi de la France inquiète l'Église catholique qui envoie Bernard de Clairvaux et le cardinal évèque d'Ostie en inspection dans la région de Toulouse et d'Albi. Motif supplémentaire de crainte, les hérétiques ont recruté à Toulouse de « riches personnages » et des chevaliers de la région se sont également laissés entraîner. Pire encore, la doctrine séduit « des clercs, des prêtres, des moines et des religieuses ». Le concile de Tours (1163) fustige « l'hérésie condamnable qui a surgi il y a longtemps dans le pays de Toulouse ». Enfin, le concile de Saint-Félix de Lauragais (1167) permet de mesurer l'ampleur de l'hérésie et redéfinit les territoires des différents évêchés en sus de celui d'Albi, Toulouse, Agen et Carcassonne.

Causes de la persécution

Au début du treizième siècle, le roi d'Aragon Pierre II et son beau-frère, le comte de Toulouse, soutiennent la cause des Cathares tandis que les rois chrétiens de Navarre épousent à chaque génération l'une des filles des émirs qui règnent sur la moitié sud de l'Espagne. Une alliance devient envisageable entre les Cathares et les Maures d'Espagne contre le catholicisme malgré leur conflit de 1212. Les princes d'Europe du Nord veulent à tout prix éviter cette nouvelle menace après l'expulsion des Sarrasins de Sicile un siècle plus tôt par les Normands. Ce sont du reste des seigneurs anglo-normands qui vont diriger les croisades d'extermination des Albigeois.

Leur obstination, leur anticléricalisme intransigeant, leur opposition à la hiérarchie catholique, à laquelle ils reprochent sa richesse ostentatoire et ses abus de pouvoir, et surtout l'assassinat du légat du Pape Pierre de Castelnau, en contradiction avec leurs propres principes, constituent les prétextes pour attirer sur les cathares les foudres de l'Église romaine, d'autant plus que leur mépris pour le corps et leur conception nihiliste de l'existence étaient perçus comme éminemment dangereux. Ils sont condamnés comme hérétiques. Ainsi que beaucoup d'autres mouvements dissidents ou contestataires, les cathares deviennent l'objet d'une lutte permanente. L'Église romaine tente d'en « purifier » la chrétienté occidentale en excluant systématiquement tout individu ou groupe mettant en péril le projet de société chrétienne qu'elle construit depuis le début du xe siècle.

Un critère qui sera souvent utilisé est leur refus du mariage, qui permettra de les nommer orgiaques et impies. Une prière des confréries corses porte toujours une mention de cette réputation de « satanales », lorsqu'elle dit, « chandeliers triangulaires aux cierges éteints », écho des vices qui se pratiquaient prétendument dans les églises, une fois les cierges soufflés, et qui renvoie à toutes les peurs de la sorcellerie, des messes noires, etc.

Les tentatives d'éradication de l'hérésie par la prédication

Dispute entre saint Dominique et des Albigeois, où les livres des deux parties furent jetés au feu pour une ordalie. L’histoire raconte que ceux de saint Dominique furent miraculeusement préservés des flammes. Peinture par Pedro Berruguete.

L'Église catholique confie aux cisterciens, au xiie siècle, puis, avec plus de succès, au xiiie siècle, aux ordres mendiants (auxfranciscains et au nouvel ordre des dominicains, ayant reçu leur constitution en 1216) le soin de combattre ce danger de l'hérésie. Les cathares sont difficiles à convaincre. La prédication ou le débat doctrinal instaurés à cette fin dans le Midi de la France par l'Église tourne court pour le moment, malgré la prédication de Saint Dominique, qui fut par la suite mise en valeur par l'Église.

La croisade contre les Albigeois

Article détaillé : croisade des Albigeois.

Face à cet échec de faire disparaître cette hérésie ainsi que celle des Vaudois, le pape Innocent III lance en 1208 contre les « Albigeois », ou cathares, la première croisade qui se déroulera sur le territoire de la chrétienté occidentale. Avec la croisade contre les Albigeois, il s'agit pour l'Église de mater une hérésie, mais aussi en partie, pour le pouvoir central de la royauté française, de soumettre les seigneurs du Sud, ses vassaux trop indépendants. Néanmoins Philippe Auguste, le roi de France, ne voudra jamais participer personnellement à cette croisade, mais il laissera ses vassaux libres de toutes actions. La guerre durera vingt ans (12091229). Il faut savoir que les domaines que tenaient le comte de Toulouse étaient d'une richesse enviable. Eudes III Duc de Bourgogne, le comte de Nevers et le comte de Saint Pol prirent la tête des troupes levées par le pape. Simon IV de Montfortdeviendra le chef de la croisade après la prise de Carcassonne. En effet, Eudes III décide de rentrer sur ses terres ainsi que le comte de Nevers et celui de Saint Pol après avoir fait leur quarantaine. Ils n'acceptent pas la proposition d'Arnaud Amaury qui est de prendre les terres de Trencavel, ne voulant pas faire d'ombrage au roi de France. Cependant Eudes III restera encore quelques jours mais finira par rentrer chez lui. C'est à ce moment qu'Arnaud Amaury donnera la tête de la croisade à Simon IV de Montfort, ainsi que les terres de Trencavel et le titre de vicomte de Carcassonne.

La lutte armée se poursuivit dans le Midi tout au long du xiiie siècle. Elle est relayée sur un plan spirituel par l'institution de l'Inquisition, créée en 1231 pour convaincre les cathares de revenir vers la foi catholique, apostolique et romaine.

La tâche de l'Inquisition fut facilitée par le refus du serment que pratiquaient les cathares. Ainsi, lorsqu'un inquisiteur interrogeait un parfait, les plus convaincus étaient faciles à détecter. Les inquisiteurs (surtout les Dominicains) notaient soigneusement tous les interrogatoires et ainsi tous les Bons Hommes furent l'un après l'autre arrêtés, à la suite, souvent, des révélations de leurs pairs. De plus, un cathare ne pouvait être sacré que par un parfait et les mourants ne pouvaient recevoir l'absolution (consolamentum des mourants) que des mains d'un parfait. Que ce soit une tactique déterminée ou pas, l'Inquisition, en faisant disparaître le clergé cathare, fit disparaître le culte avec lui, ce qui était le but recherché.

Le massacre de Béziers

La ville de Béziers abritait des cathares. Elle était tenue par les Trencavel, vassaux des comtes de Toulouse ― excommuniés par le pape en raison de leur trop grande tolérance envers les cathares. La mémoire bitterroise conserve une place particulière à une date pendant cette période : le 22 juillet 1209. Ce jour-là, la croisade des Albigeois contre les cathares se traduisit par le sac et l’incendie de Béziers, et par le massacre d'une partie de sa population (le chiffre de 20 000 personnes, souvent cité, est considérablement exagéré, car la population totale de Béziers ne dépassait pas à cette époque 8 000 habitants), cathares comme chrétiens ― il n'est plus question ici de lutte religieuse, mais de combattre les hommes de seigneurs excommuniés et rebelles ― en l'église de la Madeleine.

Le moine allemand Césaire de Heisterbach (dont Régine Pernoud précise qu'il est un auteur « peu soucieux d'authenticité ») relate dans son Livre des Miracles, qu'il écrit dix ans après les faits, qu'Arnaud Amaury, le légat pontifical, à qui on demandait comment différencier les cathares des bons catholiques de Béziers pour les épargner, déclara : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » Cette déclaration ne se trouve dans aucun document historique, et elle n'a vraisemblablement jamais été prononcée, mais est employée fréquemment depuis le film de télévision sur les cathares La caméra explore le temps.

Le dernier voyage (De Montaillou à Villerouge-Termenès)

Les travaux inquisitoriaux de l'Evêque de Pamiers, Jacques Fournier, auront bientôt eu raison du « Dernier Parfait », Guilhem Bélibaste. Ce dernier, après avoir commis un meurtre (1305), fut contraint à l'exil, puis, après une pénible initiation, fut ordonné parfait. Pour fuir l'Inquisition, qui se faisait de plus en plus présente, il alla se réfugier en Catalogne, puis à Morella, en haut pays valencien (1309), d'où il allait régulièrement prêcher et visiter la « diaspora » des hérétiques en exil installés dans toute cette région. En 1321, Arnaut Sicre le convainc de l'accompagner chez sa tante, dans le comté pyrénéen du Pallars, à la lisière du comté de Foix. Cela s'avéra être un piège imaginé par Fournier, dont Sicre exécuta la manœuvre par cupidité et pour venger la mort de sa mère victime elle-même du bûcher. Emprisonné et jugé à Carcassonne, il fut condamné au bûcher par l'inquisiteur Jean de Beaune. C'est à Villerouge-Termenès que le « dernier Bon Homme » acheva son ultime voyage par le feu (1322). Les quelques derniers hérétiques furent emprisonnés, jusqu'à ce que, à partir de 1329, on n'entendît plus parler de « Bons Hommes » ni de « Bonnes Femmes » en pays occitan.

 

 

6 juillet 2013

pensées de flaubert

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Qu’est-ce que le beau, sinon l’impossible.

Faire sa fortune et vivre pour soi, c’est-à-dire rétrécir son cœur entre sa boutique et sa digestion.

Je suis parvenu à avoir la ferme conviction que la vanité est la base de tout, et enfin que ce qu’on appelle conscience n’est que la vanité intérieure.

L’avenir est ce qu’il y a de pire dans le présent. 

En littérature comme en gastronomie, il est certains fruits qu’on mange à pleine bouche, dont on a le gosier plein, et si succulents que le jus pénètre jusqu’au cœur.

Il ne faut pas regarder le gouffre, car il y a au fond un charme inexprimable qui nous attire.

La femme est un animal vulgaire dont l’homme s’est fait un trop bel idéal.

J’aime mieux un livre que le billard, mieux une bibliothèque qu’un café, c’est une gourmandise, qui ne fait jamais vomir.

Un cœur est une richesse qui ne se vend pas, qui ne s’achète pas, mais qui se donne.

L’existence, après tout, n’est-elle pas comme le lièvre quelque chose de cursif qui fait un bond dans la plaine, qui sort d’un bois plein de ténèbres pour se jeter dans une marnière, dans un grand trou creux ?

Il ne faut pas demander des oranges aux pommiers, du soleil à la France, de l’amour à la femme, du bonheur à la vie.

La justice humaine est d’ailleurs pour moi ce qu’il y a de plus bouffon au monde ; un homme en jugeant un autre est un spectacle qui me ferait crever de rire s’il ne me faisait pitié, et si je n’étais forcé d’étudier maintenant la série d’absurdités en vertu de quoi il le juge.

C’est une belle chose qu’un souvenir, c’est presque un désir qu’on regrette.

Pour qu’on se plaise quelque part il faut qu’on y vive depuis longtemps. Ce n’est pas en un jour qu’on échauffe son nid et qu’on s’y trouve bien.

J’ai bien une sérénité profonde, mais tout me trouble à la surface ; il est plus facile de commander à son cœur qu’à son visage. 

Quelle plate bêtise de toujours vanter le mensonge et de dire : la poésie vit d’illusions ; comme si la désillusion n’était pas cent fois plus poétique par elle-même. Ce sont du reste deux mots d’une riche ineptie.

Quand on a quelque valeur, chercher le succès c’est se gâter à plaisir, et chercher la gloire c’est peut-être se perdre complètement.

Tout est là : l’amour de l’Art.

L’Art comme une étoile, voit la terre rouler sans s’en émouvoir, scintillant dans son azur ; le beau ne se détache pas du ciel.

Il faut lire, méditer beaucoup, toujours penser au style et écrire le moins qu’on peut, uniquement pour calmer l’irritation de l’idée qui demande à prendre une forme et qui se retourne en nous jusqu’à ce que nous lui en ayons trouvé une exacte, précise. 

Nous sommes organisés pour le malheur. On s’évanouit dans la volupté, jamais dans la peine ; les larmes sont pour le cœur ce que l’eau est pour les poissons.

Je crois que le dogme d’une vie future a été inventé par la peur de la mort ou l’envie de lui rattraper quelque chose.

La félicité est un manteau de couleur rouge qui a une doublure en lambeaux ; quand on veut s’en recouvrir, tout part au vent, et l’on reste empêtré dans ces guenilles froides que l’on avait jugées si chaudes.

Enfin, je crois avoir compris une chose, une grande chose, c’est que le bonheur pour les gens de notre race est dans l’idée et pas ailleurs.

Le cœur humain ne s’élargit qu’avec un tranchant qui le déchire.

Le bonheur est une monstruosité ! punis sont ceux qui le cherchent. 

Prends garde seulement à la rêverie : c’est un bien vilain monstre qui attire et qui m’a déjà mangé bien des choses. C’est la sirène des âmes ; elle chante, elle appelle ; on y va et l’on n’en revient plus.

Oui, travaille, aime l’Art. De tous les mensonges, c’est encore le moins menteur.

Il n’y a en fait d’infini que le ciel qui le soit à cause de ses étoiles, la mer à cause de ses gouttes d’eau, et le cœur à cause de ses larmes.

Dans notre appétit de la vie, nous remangeons nos sensations d’autrefois, nous rêvons celles de l’avenir.

Qui sait si le coup de vent qui abat un toit ne dilate pas toute une forêt ? Pourquoi le volcan qui bouleverse une ville ne féconderait-il pas une province ? Voilà encore de notre orgueil : nous nous faisons le centre de la nature, le but de la création et sa raison suprême. Tout ce que nous voyons ne pas s’y conformer nous étonne, tout ce qui nous est opposé nous exaspère. 

Je comprends, tout comme un autre, ce qu’on peut éprouver à regarder son enfant dormir. Je n’aurais pas été mauvais père, mais à quoi bon faire sortir du néant ce qui y dort ? Faire venir un être, c’est faire venir un misérable.

Sans cesse l’antithèse se dresse devant mes yeux. Je n’ai jamais vu un enfant sans penser qu’il deviendrait vieillard, un berceau sans songer à une tombe. La contemplation d’une femme nue me fait rêver à son squelette. C’est ce qui fait que les spectacles joyeux me rendent triste et que les spectacles tristes m’affectent peu. Je pleure trop en dedans pour verser des larmes au dehors ; une lecture m’émeut plus qu’un malheur réel.

L’amour est une plante de printemps qui parfume tout de son espoir, même les ruines où il s’accroche.

L’amour, après tout, n’est qu’une curiosité supérieure, un appétit de l’inconnu qui vous pousse dans l’orage, poitrine ouverte et tête en avant. 

L’amour comme le reste n’est qu’une façon de voir et de sentir. C’est un point de vue un peu plus élevé, un peu plus large ; on y découvre des perspectives infinies et des horizons sans bornes.

Les femmes veulent qu’on les trompe, elles vous y forcent, et si vous résistez, elles vous accusent.

Quand on ne regarde la vérité que de profil ou de trois quarts, on la voit toujours mal. Il y a peu de gens qui savent la contempler de face.

Il ne faut pas toujours croire que le sentiment soit tout. Dans les arts, il n’est rien sans la forme.

Enfants, nous désirons vivre dans le pays des perroquets et des dattes confites. Nous nous élevons avec Byron ou Virgile, nous convoitons l’Orient dans nos jours de pluie ou bien nous désirons aller faire fortune aux Indes, ou exploiter la canne à sucre en Amérique. La Patrie, c’est la terre, c’est l’Univers, ce sont les étoiles, c’est l’air, c’est la pensée elle-même, c’est-à-dire l’infini dans notre poitrine, mais les querelles de peuple à peuple, de canton à arrondissement, d’homme à homme, m’intéressent peu et ne m’amusent que lorsque ça fait de grands tableaux avec des fonds rouges.

L’homme est une si triste machine qu’une paille mise dans le rouage suffit pour l’arrêter.

Le bonheur est un mensonge dont la recherche cause toutes les calamités de la vie. Mais il y a des paix sereines qui l’imitent et qui sont supérieures peut-être.

Le cœur de l’homme est encore plus variable que les saisons, tour à tour plus froid que l’hiver et plus brûlant que l’été. Si les fleurs ne renaissent pas, ses neiges reviennent souvent par bourrasques lamentables ; ça tombe ! ça tombe ! ça couvre tout de blancheur et de tristesse, et quand le dégel arrive, c’est encore plus sale. 

Un ami qui meurt, c’est quelque chose de vous qui meurt.

Misérables que nous sommes, nous avons, je crois, beaucoup de goût parce que nous sommes profondément historiques, que nous admettons tout et nous plaçons au point de vue de la chose pour la juger. Mais avons-nous autant d’innéité que de compréhensivité ? une originalité féroce est-elle compatible même avec tant de largeur ? Voilà mon doute sur l’esprit artistique de l’époque, c’est-à-dire du peu d’artistes qu’il y a. Du moins, si nous ne faisons rien de bon, aurons-nous, peut-être, préparé et amené une génération qui aura l’audace (je cherche un autre mot) de nos pères avec notre éclectisme à nous. Ça m’étonnerait : le monde va devenir bougrement bête. D’ici à longtemps ce sera bien ennuyeux.

Autant travailler pour soi seul. On fait comme on veut et d’après ses propres idées. On s’admire, on se fait plaisir à soi-même, n’est-ce pas le principal ? et puis le public est si bête ! et puis qui est-ce qui lit ? et que lit-on ? et qu’admire-t-on ? ah ! bonnes époques tranquilles, bonnes époques à perruques, vous viviez d’aplomb sur vos hauts talons et sur vos cannes ! mais le sol tremble sous nous.

Il y a une chose qui nous perd, une chose stupide qui nous entrave. C’est « le goût », le bon goût. Nous en avons trop, je veux dire que nous nous en inquiétons plus qu’il ne faut.

Pour qui voit les choses avec quelque attention, on retrouve encore bien plus qu’on ne trouve ; mille notions que l’on n’avait en soi qu’à l’état de germe s’agrandissent et se précisent, comme un souvenir renouvelé.

S’il suffisait d’avoir les nerfs sensibles pour être poète, je vaudrais mieux que Shakespeare et qu’Homère, lequel je me figure avoir été un homme peu nerveux, cette confusion est impie… la poésie n’est point une débilité de l’esprit, et ces susceptibilités nerveuses en sont une ; cette faculté de sentir outre mesure est une faiblesse… la passion ne fait pas les vers, et plus vous serez personnel, plus vous serez faible.

La critique est au dernier échelon de la littérature, comme forme presque toujours et, comme valeur morale, incontestablement elle passe après le bout-rimé et l’acrostiche, lesquels demandent au moins un travail d’invention quelconque.

Il faut faire de la critique comme on fait de l’histoire naturelle, avec absence d’idée morale, il ne s’agit pas de déclamer sur telle ou telle forme, mais bien d’exposer en quoi elle consiste, comment elle se rattache à une autre et par quoi elle vit (l’esthétique attend son Geoffroy Saint-Hilaire, ce grand homme qui a montré la légitimité des monstres). Quand on aura pendant quelque temps traité l’âme humaine avec l’impartialité que l’on met dans les sciences physiques à étudier la matière, on aura fait un pas immense ; c’est le seul moyen à l’humanité de se mettre un peu au-dessus d’elle-même. Elle se considérera alors franchement, purement dans le miroir de ses œuvres, elle sera comme Dieu, elle se jugera d’en haut.

Il est de certaines fonctions où l’on est presque forcé de prendre une femme comme il y a certaines fortunes où il serait honteux de ne pas avoir d’équipage.

On apprend aux femmes à mentir d’une façon infâme. L’apprentissage dure toute leur vie depuis la première femme de chambre qu’on leur donne jusqu’au dernier amant qui leur survient, chacun s’ingère à les rendre canailles et après on crie contre elles ; le puritanisme, la bégueulerie, la bigoterie, le système du renfermé, de l’étroit, a dénaturé et perd dans sa fleur les plus charmantes créations du bon Dieu. J’ai peur du corset moral, voilà tout. Les premières impressions ne s’effacent pas… Nous portons en nous notre passé ; pendant toute notre vie, nous nous sentons de la nourrice.

Il est toujours triste de partir d’un lieu où l’on sait que l’on ne reviendra jamais. Voilà de ces mélancolies qui sont peut-être une des choses les plus profitables des voyages.

Le seul moyen de n’être pas malheureux c’est de s’enfermer dans l’art et de compter pour rien tout le reste, l’orgueil remplace tout quand il est assis sur une large base.

Certes, il est beau d’occuper de la place dans les âmes de la foule, mais on y est les trois quarts du temps en si piètre compagnie qu’il y a de quoi dégoûter la délicatesse d’un homme bien né.

Avouons que si aucune belle chose n’est restée ignorée, il n’y a pas de turpitude qui n’ait été applaudie, ni de sot qui n’ait passé pour grand homme, ni de grand homme qu’on n’ait comparé à un crétin. 

La postérité change d’avis quelquefois (mais la tache n’en reste pas moins au front de cette humanité qui a de si nobles instincts) et encore ! Est-ce que jamais la France reconnaîtra que Ronsard vaut bien Racine ! — Il faut donc faire de l’art pour soi, pour soi seul, comme on joue du violon.

On n’arrive au style qu’avec un labeur atroce, avec une opiniâtreté fanatique et dévouée.

Le vice n’est pas plus fécondant que la vertu, il ne faut être ni l’un ni l’autre, ni vicieux, ni vertueux, mais au-dessus de tout cela… N’aimons-nous pas à retrouver sur les gens et même sur les meubles et les vêtements quelque chose de ceux qui les ont approchés, aimés, connus ou usés ?

La première qualité de l’art et son but est l’illusion ; l’émotion, laquelle s’obtient souvent par certains sacrifices de détails poétiques, est une tout autre chose et d’un ordre inférieur. J’ai pleuré à des mélodrames qui ne valaient pas quatre sous et Gœthe ne m’a jamais mouillé l’œil, si ce n’est d’admiration.

La courtisane est un mythe. Jamais une femme n’a inventé une débauche.

Vis-à-vis de l’amour en effet, les femmes n’ont pas d’arrière-boutique, elles ne gardent rien à part pour elles comme nous autres, qui, dans toutes nos générosités de sentiment, réservons néanmoins toujours in petto un petit magot pour notre usage exclusif.

Tu peindras le vin, l’amour, les femmes, la gloire, à condition, mon bonhomme, que tu ne seras ni ivrogne, ni amant, ni mari, ni tourlourou. Mêlé à la vie, on la voit mal, on en souffre ou on en jouit trop. L’artiste, selon moi, est une monstruosité, quelque chose hors nature, tous les malheurs dont la Providence l’accable lui viennent de l’entêtement qu’il a à nier cet axiome — il en souffre et en fait souffrir. Qu’on interroge là-dessus les femmes qui ont aimé des poètes et les hommes qui ont aimé des actrices.

L’homme de l’avenir aura peut-être des joies immenses. Il voyagera dans les étoiles, avec des pilules d’air dans sa poche. Nous sommes venus, nous autres, ou trop tôt ou trop tard. Nous aurons fait ce qu’il y a de plus difficile et de moins glorieux : la transition.

Pour établir quelque chose de durable, il faut une base fixe ; l’avenir nous tourmente et le passé nous retient. Voilà pourquoi le présent nous échappe.

La bêtise est quelque chose d’inébranlable, rien ne l’attaque sans se briser contre elle ; elle est de la nature du granit, dure et résistante.

Celui qui, voyageant, conserve de soi la même estime qu’il avait dans son cabinet en se regardant tous les jours dans sa glace, est un bien grand homme ou un bien robuste imbécile. Je ne sais pourquoi, mais je deviens très humble.

Quel lourd aviron qu’une plume et combien l’idée, quand il la faut creuser avec, est un dur courant !

D’un homme à un autre homme, d’une femme à une autre femme, d’un cœur à un autre cœur, quels abîmes ! La distance d’un continent à l’autre n’est rien à côté.

Il n’y a rien de plus inutile que ces amitiés héroïques qui demandent des circonstances pour se prouver.

Le difficile, c’est de trouver quelqu’un qui ne vous agace pas les nerfs dans toutes les occurrences de la vie.

Je crois, comme le paria de Bernardin de Saint-Pierre, que le bonheur se trouve avec une bonne femme. Le tout est de la rencontrer, et d’être soi-même un bon homme, condition double et effrayante. 

Il n’y a rien de plus vil sur la terre qu’un mauvais artiste, qu’un gredin qui côtoie toute sa vie le beau sans y jamais débarquer et y planter son drapeau.

Faire de l’art pour gagner de l’argent, flatter le public, débiter des bouffonneries joviales ou lugubres en vue du bruit ou des monacos, c’est là la plus ignoble des professions, par la même raison que l’artiste me semble le maître homme des hommes.

J’aimerais mieux avoir peint la chapelle Sixtine que gagné bien des batailles, même celle de Marengo. Ça durera plus longtemps et c’était peut-être plus difficile.

Le dernier franciscain qui court le monde pieds nus, qui a l’esprit borné et qui ne comprend pas les prières qu’il récite est aussi respectable peut-être qu’un Cardinal, s’il prie avec conviction, s’il accomplit son œuvre avec ardeur.

Les serments, les larmes, les désespoirs, tout cela coule comme une poignée de sable dans la main. Attendez, serrez un peu, il n’y aura tout à l’heure plus rien du tout.

Il est beau d’être un grand écrivain, de tenir les hommes dans la poêle à frire de sa phrase et de les y faire sauter comme des marrons. Il doit y avoir de délirants orgueils à sentir qu’on pèse sur l’humanité de tout le poids de son idée, mais il faut pour cela avoir quelque chose à dire.

L’art, au bout du compte, n’est peut-être pas plus sérieux qu’un jeu de quilles ; tout n’est peut-être qu’une immense blague, j’en ai peur, et quand nous serons de l’autre côté de la page, nous serons peut-être fort étonnés d’apprendre que le mot du rébus était si simple.

La bibliothèque d’un écrivain doit se composer de cinq à six livres, sources qu’il faut relire tous les jours. Quant aux autres, il est bon de les connaître et puis c’est tout. Mais c’est qu’il y a tant de manières différentes de lire, et cela demande tant d’esprit que de bien lire ! 

L’esprit sert à peu de choses dans les arts, à empêcher l’enthousiasme et à nier le génie, voilà tout.

Il est bien plus facile de discuter que de comprendre, et de bavarder d’art, idée du beau, idéal, etc., que de faire le moindre sonnet ou la plus petite phrase.

L’idéal de l’État, selon les socialistes, n’est-il pas une espèce de vaste monstre absorbant en lui toute action individuelle, toute personnalité, toute pensée et qui dirigera tout, fera tout ? Une tyrannie sacerdotale est au fond de ces cœurs étroits et il faut tout régler, tout refaire, reconstruire sur d’autres bases, etc.

De tous les gens de lettres décorés, il n’y en a qu’un seul de commandeur, c’est M. Scribe ! Quelle immense ironie que tout cela ! et comme les honneurs foisonnent quand l’honneur manque !

Quand on a son modèle net, devant les yeux, on écrit toujours bien, et où donc le vrai est-il plus clairement visible que dans ces belles expositions de la misère humaine ? Elles ont quelque chose de si cru que cela donne à l’esprit des appétits de cannibales. Il se précipite dessus pour les dévorer et se les assimiler.

Il est bon et il peut même être beau de rire de la vie, pourvu qu’on vive ; il faut se placer au-dessus de tout et placer son esprit au-dessus de soi-même, j’entends la liberté de l’idée, dont je déclare impie toute limite.

Le vrai n’est jamais dans le présent ; s’y l’on s’y attache, on y périt. A l’heure qu’il est je crois même qu’un penseur (et qu’est-ce que l’artiste si ce n’est un triple penseur ?) ne doit avoir ni religion, ni patrie, ni même aucune conviction sociale. Le doute absolu maintenant me paraît être si nettement démontré que vouloir le formuler serait presque une niaiserie.

L’esprit autrefois était un soleil solitaire, tout autour de lui il y avait le cielvide ; son disque maintenant, comme par un soir d’hiver, semble avoir pâli et il illumine toute la brume humaine de sa clarté confuse.

Les chefs-d’œuvre sont bêtes, ils ont la mine tranquille comme les productions mêmes de la nature, comme les grands animaux et les montagnes ; j’aime l’ordure, oui, et quand elle est lyrique comme dans Rabelais qui n’est point du tout un homme à gaudriole, mais la gaudriole est française. Pour plaire au goût français il faut cacher presque la poésie, comme on fait pour les pilules, dans une poudre incolore et la lui faire avaler sans qu’il s’en doute.

Ce qui distingue les grands génies, c’est la généralisation et la création ; ils résument en un type des personnalités éparses et apportent à la conscience du genre humain des personnages nouveaux ; est-ce qu’on ne croit pas à l’existence de Don Quichotte comme à celle de César ? Shakespeare est quelque chose de formidable sous ce rapport ; ce n’était pas un homme, mais un continent ; il y avait des grands hommes en lui, des foules entières, des paysages ; ils n’ont pas besoin de faire du style, ceux-là, ils sont forts en dépit de toutes les fautes et à cause d’elles ; mais nous, les petits, nous ne valons que par l’exécution achevée.

Les très grands hommes écrivent souvent fort mal et tant mieux pour eux. Ce n’est pas là qu’il faut chercher l’art de la forme, mais chez les seconds (Horace, La Bruyère), il faut savoir les maîtres par cœur, les idolâtrer, tâcher de penser comme eux, et puis s’en séparer pour toujours. Comme instruction technique, on trouve plus de profit à tirer des génies savants et habiles.

Moins on sent une chose, plus on est apte à l’exprimer comme elle est(comme elle est toujours en elle-même dans sa généralité et dégagée de tous ses contingents éphémères) mais il faut avoir la faculté de se la faire sentir. Cette faculté n’est autre que le génie : voir, avoir le modèle devant soi, qui pose. C’est pourquoi je déteste la poésie parlée, la poésie en phrases. Pour les choses qui n’ont pas de mots le regard suffit ; les exhalaisons d’âme, le lyrisme, les descriptions, je veux de tout cela en style ; ailleurs c’est une prostitution de l’art et du sentiment même.

Il n’y a rien de plus faible que de mettre en art des sentiments personnels, l’artiste doit s’arranger de façon à faire croire à la postérité qu’il n’a pas vécu ; moins je m’en fais une idée et plus il me semble grand ; je ne peux rien me figurer sur la personne d’Homère, de Rabelais, et quand je pense à Michel-Ange, je vois de dos seulement un vieillard de stature colossale sculptant la nuit aux flambeaux.


Les œuvres les plus belles sont celles où il y a le moins de matière ; plus l’expression se rapproche de la pensée, plus le mot colle dessus et disparaît, plus c’est beau. Je crois que l’avenir de l’art est dans ces voies ; je le vois à mesure qu’il grandit s’éthérisant tant qu’il peut, depuis les pylônes égyptiens jusqu’aux lancettes gothiques, et depuis les poèmes de vingt mille vers des Indiens jusqu’aux jets de Byron, la forme en devenant habile s’atténue ; elle quitte toute liturgie, toute règle, toute mesure ; elle abandonne l’épique pour le roman, le vers pour la prose ; elle ne se connaît plus d’orthodoxie et est libre comme chaque volonté qui la produit. Cet affranchissement de la matérialité se retrouve en tout, et les gouvernements l’ont suivi depuis les despotismes orientaux jusqu’aux socialismes futurs. C’est pour cela qu’il n’y a ni beaux ni vilains sujets et qu’on pourrait presque établir comme axiome, en se posant au point de vue de l’art pur, qu’il n’y en a aucun, le style étant à lui tout seul une manière absolue de voir les choses.

La femme est un produit de l’homme. Dieu a créé la femelle, et l’homme a fait la femme ; elle est le résultat de la civilisation, une œuvre factice. Dans les pays où toute culture intellectuelle est nulle, elle n’existe pas, car c’est une œuvre d’art, au sens humanitaire ; est-ce pour cela que toutes les grandes idées générales se sont symbolisées au féminin ?

Les femmes se défient trop des hommes en général, et pas assez en particulier, elles nous jugent tous comme des monstres, mais au milieu des monstres il y a un ange ; nous ne sommes ni monstres ni anges.

Quel artiste on serait si l’on n’avait jamais lu que du beau, vu que du beau, aimé que du beau. Si quelque ange gardien de la pureté de notre plume avait écarté de nous, dès l’abord, toutes les mauvaises connaissances, qu’on n’ait jamais fréquenté d’imbéciles ni lu de journaux. Les Grecs avaient de tout cela, ils étaient comme plastiqués dans des conditions que rien ne redonnera, mais vouloir se chausser de leurs bottes est démence. Ce ne sont pas des chlamydes qu’il faut au nord, mais des pelisses de fourrures. La forme antique est insuffisante à nos besoins, et notre vie n’est pas faite pour chanter ces airs simples. Soyons aussi artistes qu’eux si nous le pouvons, mais autrement qu’eux. La conscience du genre humain s’est changée depuis Homère. Le ventre de Sancho Pança fait craquer la ceinture de Vénus. Au lieu de nous acharner à reproduire de vieux chics, il faut s’évertuer à en inventer de nouveaux.

Les chevaux et les styles de race ont du sang plein les veines, et on le voit battre sous la peau et courir depuis l’oreille jusqu’aux sabots. La vie ! la vie ! c’est pour cela que j’aime tant le lyrisme. Il me semble la forme la plus naturelle de la poésie, elle est là toute nue et en liberté… Aussi comme les grands maîtres sont excessifs ! Ils vont jusqu’à la dernière limite de l’idée ; les bonshommes de Michel-Ange ont des câbles plutôt que des muscles, dans les bacchanales de Rubens on pisse par terre, voir tout Shakespeare, etc., etc., et le dernier des gens de la famille, le vieux père Hugo, quelle belle chose queNotre- Dame ! J’en ai relu dernièrement trois chapitres, celui des truands entre autres, c’est cela qui est fort.

Amants du beau, nous sommes tous des bannis et quelle joie quand on rencontre un compatriote sur cette terre d’exil.

Les matérialistes et les spiritualistes empêchent également de connaître la matière et l’esprit, parce qu’ils scindent l’un de l’autre.

Le cœur dans ses affections comme l’humanité dans ses idées s’étend sans cesse en cercles plus élargis.

On traite les femmes comme nous traitons le public, avec beaucoup de déférence extérieure et un souverain mépris en dedans. L’amour humilié se fait orgueil libertin.

Je crois que le succès auprès des femmes est généralement une marque de médiocrité et c’est celui-là pourtant que nous envions tous et qui couronne les autres ; mais on n’en veut pas convenir, et comme on considère comme très au-dessous de soi les objets de leur préférence, on arrive à cette conviction qu’elles sont stupides, ce qui n’est pas ; nous jugeons à notre point de vue, elles au leur ; la beauté n’est pas pour la femme ce qu’elle est pour l’homme ; on ne s’entendra jamais là-dessus, ni sur l’esprit ni sur le sentiment.

C’est dans la seconde période de la vie d’artiste que les voyages sont bons, mais dans la première il est mieux de jeter dehors tout ce qu’on a de vraiment intime, d’original, d’individuel.

La prose est née d’hier, voilà ce qu’il faut se dire. Le vers est la forme par excellence des littératures anciennes. Toutes les combinaisons prosodiques ont été faites, mais celles de la prose, tant s’en faut !

Le temps est passé du beau. L’humanité, quitte à y revenir, n’en a que faire pour le quart d’heure. Plus il ira, plus l’art sera scientifique, de même que la science deviendra artistique ; tous deux se rejoindront au sommet après s’être séparés à la base. Aucune pensée humaine ne peut prévoir maintenant à quels brillants soleils psychiques écloront les œuvres de l’avenir.

On n’écrit pas avec son cœur, mais avec sa tête, encore une fois, et si bien doué que l’on soit, il faut toujours cette vieille concentration qui donne vigueur à la pensée et relief au mot.

L’art est une représentation, nous ne devons penser qu’à représenter ; il faut que l’esprit de l’artiste soit comme la mer, assez vaste pour qu’on n’en voie pas les bords, assez pur pour que les étoiles du ciel s’y mirent jusqu’au fond.

Où est la limite de l’inspiration à la folie, de la stupidité à l’extase ? ne faut-il pas pour être artiste voir tout d’une façon différente de celle des autres hommes ? L’art n’est pas un jeu d’esprit, c’est une atmosphère spéciale ; mais qui dit qu’à force de descendre toujours plus avant dans les gouffres pour respirer un air plus chaud, on ne finit pas par rencontrer des miasmes funèbres ?

Le génie, c’est Dieu qui le donne, mais le talent nous regarde ; avec un esprit droit, l’amour de la chose et une patience soutenue on arrive à en avoir. La correction (je l’entends dans le plus haut sens du mot) fait à la pensée ce que l’eau du Styx faisait au corps d’Achille : elle la rend invulnérable et indestructible.

La forme est la chair même de la pensée, comme la pensée est l’âme de la vie ; plus les muscles de votre poitrine seront larges, plus vous respirerez à l’aise.

Vouloir donnera la prose le rythme du vers (en la laissant prose et très prose) et écrire la vie ordinaire comme on écrit l’histoire ou l’épopée (sans dénaturer le sujet) est peut-être une absurdité, voilà ce que je me demande quelquefois ; mais c’est peut-être aussi une grande tentative et très originale !

L’auteur dans son œuvre doit être comme Dieu dans l’univers, présent partout, et visible nulle part ; l’art étant une seconde nature, le créateur de cette nature-là doit agir par des procédés analogues ; que l’on sente dans tous les atomes, à tous les aspects, une impassibilité cachée, infinie ; l’effet pour le spectateur doit être une espèce d’ébahissement. Comment tout cela s’est-il fait ? doit-on dire, et qu’on se sente écrasé sans savoir pourquoi ; l’art grec était dans ce principe-là, et pour y arriver plus vite, il choisissait ses personnages dans des conditions sociales exceptionnelles, rois, dieux, demi-dieux ; on ne vous intéressait pas avec vous-mêmes, le divin était le but.

Il faut une volonté surhumaine pour écrire, et je ne suis qu’un homme.

La célébrité la plus complète ne vous assouvit point, et l’on meurt presquetoujours dans l’incertitude de son propre nom, à moins d’être un sot. Donc l’illustration ne vous classe pas plus à vos propres yeux que l’obscurité.

Quand on se compare à ce qui vous entoure, on s’admire, mais quand on lève les yeux plus haut, vers l’absolu, vers les maîtres, vers le rêve, comme on se méprise !

La poésie est une plante libre ; elle croît partout sans avoir été semée. Le poète n’est pas autre chose que le botaniste patient qui gravit les montagnes pour aller la cueillir.

Je suis un barbare, j’en ai l’apathie musculaire, les langueurs nerveuses, les yeux verts et la haute taille ; mais j’en ai aussi l’élan, l’entêtement, l’irascibilité. Normands, tous tant que nous sommes, nous avons quelque peu de cidre dans les veines, c’est une boisson aigre et fermentée et qui quelquefois fait sauter la bonde.

Chaque chose est un infini ; le plus petit caillou arrête la pensée tout comme l’idée de Dieu. Entre deux cœurs qui battent l’un sur l’autre il y a des abîmes, le néant est entre eux, toute la vie et le reste. L’âme a beau faire, elle ne brise pas sa solitude, elle marche avec elle, on se sent fourmi dans un désert, et perdu… perdu…

Je crois cet axiome vrai, à savoir que l’on aime le mensonge, mensonge pendant la journée et songe pendant la nuit. Voilà l’homme.

Quand on est jeune, on associe la réalisation future de ses rêves aux existences qui vous entourent. À mesure que ces existences disparaissent, les rêves s’en vont.

Je suis loin d’être l’homme de la nature qui se lève avec le soleil, s’endort comme les poules, boit l’eau des torrents, etc. Il me faut une vie factice et des milieux en tout extraordinaires. Ce n’est point un vice d’esprit, mais toute uneconstitution de l’homme ; reste à savoir, après tout, si ce qu’on appelle le factice n’est pas une autre nature.

La mélancolie elle-même n’est qu’un souvenir qui s’ignore.

Je crois à la race plus qu’à l’éducation, on emporte, quoi qu’en ait dit Danton, la patrie à la semelle de ses talons et l’on porte au cœur, sans le savoir, la poussière de ses ancêtres morts.

Ne nous lamentons sur rien ; se plaindre de tout ce qui nous afflige ou nous irrite, c’est se plaindre de la constitution même de l’existence. Nous sommes faits pour la peindre, nous autres, et rien de plus. Soyons religieux ; moi, tout ce qui m’arrive de fâcheux, en grand ou en petit, fait que je me resserre de plus en plus à mon éternel souci. Je m’y cramponne à deux mains et je ferme les deux yeux ; à force d’appeler la Grâce, elle vient. Dieu a pitié des simples et le soleil brille toujours pour les cœurs vigoureux qui se placent au-dessus des montagnes. Je tourne à une espèce de mysticisme esthétique (si les deux mots peuvent aller ensemble) et je voudrais qu’il fût plus fort.

Voilà ce que tous les socialistes du monde n’ont pas voulu voir avec leur éternelle prédication matérialiste, ils ont nié la douleur, ils ont blasphémé les trois quarts de la poésie moderne ; le sang du Christ qui se remue en nous, rien ne l’extirpera, rien ne le tarira, il ne s’agit pas de le dessécher, mais de lui faire des ruisseaux. Si le sentiment de l’insuffisance humaine, du néant de la vie, venait à périr (ce qui serait la conséquence de leur hypothèse) nous serions plus bêtes que les oiseaux qui au moins perchent sur les arbres.

A mesure que l’humanité se perfectionne, l’homme se dégrade ; quand tout ne sera plus qu’une combinaison économique d’intérêts bien contre-balancés, à quoi servira la vertu ? Quand la nature sera tellement esclave qu’elle aura perduses formes originales, où sera la plastique ?

L’incapacité des grandes pensées aux affaires n’est qu’un excès de capacité. Dans les grands vases une goutte d’eau n’est rien et elle emplit les petites bouteilles, mais la durée est là qui nous console ; que reste-t-il de tous les actifs, Alexandre, Louis XIV, etc., et Napoléon même, si voisin de nous ? La pensée est comme l’âme, éternelle, et l’action comme le corps, mortelle.

Le génie comme un fort cheval traîne à son cul l’humanité sur les routes de l’idée ; elle a beau tirer les rênes et par sa bêtise lui faire saigner les dents en hocquesonnant tant qu’elle peut le mors dans sa bouche, l’autre qui a les jarrets robustes continue toujours au grand galop par les précipices et les vertiges.

Il ne faut penser qu’aux triomphes que l’on se décerne, être soi-même son public, son critique. Le seul moyen de vivre en paix, c’est de se placer tout d’un bond au-dessus de l’humanité entière et de n’avoir avec elle rien de commun qu’un rapport d’art.

La fraternité est une des plus belles inventions de l’hypocrisie sociale. On crie contre les jésuites. O candeur ! nous en sommes tous.

J’aime les gens tranchants et énergumènes, on ne fait rien de grand sans le fanatisme. Le fanatisme est la religion, et les philosophes du xviiie siècle, en criant après l’un, renversaient l’autre. Le fanatisme est la foi, la foi même, la foi ardente, celle qui fait des œuvres et agit. La religion est une conception variable, une affaire d’invention humaine, une idée enfin ; l’autre un sentiment.

Il faut, pour bien faire une chose, que cette chose-là rentre dans votre constitution ; un botaniste ne doit avoir ni les mains, ni les yeux, ni la tête faits comme un astronome, et ne voir les astres que par rapport aux herbes. 

Une âme se mesure à la dimension de son désir, comme l’on juge d’avance des cathédrales à la hauteur de leurs clochers, et c’est pour cela que je hais la poésie bourgeoise, l’art domestique, quoique j’en fasse ; mais c’est bien la dernière fois ; au fond cela me dégoûte.

La femme entretenue a envahi la débauche comme le journaliste la poésie, nous nous noyons dans les demi-teintes. La courtisane n’existe pas plus que le saint ; il y a des soupeuses et des lorettes, ce qui même est encore plus fétide que la grisette.

Plus une œuvre est bonne, plus elle attire la critique ; c’est comme les puces qui se précipitent sur le linge blanc.

Il fut un temps où le patriotisme s’étendait à la cité, puis le sentiment peu à peu s’est élargi avec le territoire. Maintenant l’idée de Patrie est, Dieu merci, à peu près morte et on en est au socialisme, à l’humanitarisme (si l’on peuts’exprimer ainsi). Je crois que plus tard on reconnaîtra que l’amour de l’humanité est quelque chose d’aussi piètre que l’amour de Dieu, on aimera le juste en soi, le beau pour le beau ; le comble de la civilisation sera de n’avoir besoin d’aucun bon sentiment. Ce qui s’appelle les sacrifices seront inutiles, mais il faudra pourtant toujours un peu de gendarmes !

Le seul enseignement à tirer du régime actuel (basé sur le joli mot vox populi, vox Dei) est que l’idée du peuple est aussi usée que celle du roi ; que l’on mette donc ensemble la blouse du travailleur avec la pourpre du monarque et qu’on les jette de compagnie toutes deux aux latrines pour y cacher conjointement leur taches de sang et de boue ; elles en sont raides.

Ce qui me semble à moi le plus haut dans l’art (et le plus difficile) ce n’est ni de faire rire, ni de faire pleurer, ni de vous mettre en rut ou en fureur, mais d’agir à la façon de la nature, c’est-à-dire de faire rêver. Aussi les très belles œuvres ont ce caractère, elles sont sereines d’aspect et incompréhensibles quant au procédé, elles sont immobiles comme des falaises, houleuses comme l’océan, pleines de frondaisons, de verdures et de murmures comme les bois, tristes comme le désert, bleues comme le ciel — Homère, Rabelais, Michel-Ange, Shakespeare, Gœthe m’apparaissent impitoyables, cela est sans fond, infini, multiple. Par de petites ouvertures on aperçoit des précipices, il y a du noir en bas, du vertige, et cependant quelque chose de singulièrement doux plane sur l’ensemble ! C’est l’idéal de la lumière, le sourire du soleil, et c’est calme ! C’est calme ! et c’est fort.

Chacun de nous a dans le cœur un calendrier particulier d’après lequel il mesure le temps ; il y a des minutes qui sont des années, des jours qui marquent comme des siècles.

Nos joies comme nos douleurs doivent s’absorber dans notre œuvre ; on ne reconnaît pas dans les nuages les gouttes d’eau de la rosée que le soleil y a fait monter ! Évaporez-vous, pluie terrestre, larmes des jours anciens, et formez dans les cieux de gigantesques voûtes toutes pénétrées de soleil.

On doit être âme le plus possible et c’est par ce détachement que l’immense sympathie des choses et des êtres nous arrivera plus abondante. La France a été constituée du jour que les provinces sont mortes, et le sentiment humanitaire commence à naître sur les ruines des patries. Il arrivera un temps où quelque chose de plus large et de plus haut le remplacera, et l’homme aimera le néant même, tant il se sentira participant.

N’importe, bien ou mal, c’est une délicieuse chose que d’écrire, que de ne plus être soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle.

Aujourd’hui, par exemple, homme et femme tout ensemble, amant et maîtresse à la fois, je me suis promené à cheval dans une forêt par une après-midi d’automne sous des feuilles jaunes, et j’étais les chevaux, les feuilles, le vent, les paroles qu’on se disait et le soleil rouge qui faisait s’entre-fermer leurs paupières noyées d’amour. Est-ce orgueil ou pitié, est-ce le débordement niais d’une satisfaction de soi-même exagérée ? ou bien un vague et noble sentiment de religion ? Mais quand je rumine après les avoir senties ces journées-là, je serais tenté de faire une prière de remerciement au bon Dieu si je savais qu’il pût m’entendre. Qu’il soit donc béni pour ne pas m’avoir fait naître marchand de coton, vaudevilliste, homme d’esprit, etc. Chantons Apollon comme aux premiers jours, aspirons à pleins poumons le grand air froid du Parnasse, frappons sur nos guitares et nos cymbales, et tournons comme des derviches dans l’éternel brouhaha des formes et des idées.

En fait d’injures, de sottises, de bêtises, etc., je trouve qu’il ne faut se fâcher que lorsqu’on vous le dit en face. Faites-moi des grimaces dans le dos tant que vous voudrez, mon cul vous contemple ! 

Les vieux époux finissent par se ressembler. Tous les gens de la même profession n’ont-ils pas le même air ?

« Qu’est-ce que ton devoir ? — L’exigence de chaque jour. » Cette pensée est de Gœthe, faisons notre devoir qui est de tâcher d’écrire bien, et quelle société de saints serait celle où seulement chacun ferait son devoir.

L’œuvre de la critique moderne est de remettre l’art sur son piédestal. On ne vulgarise pas le beau, on le dégrade, voilà tout. Qu’a-t-on fait de l’antiquité en voulant la rendre accessible aux enfants ? Quelque chose de profondément stupide ! Mais il est si commode pour tous de se servir d’expurgata, de traductions, d’atténuations, il est si doux pour les nains de contempler les géants raccourcis ! ce qu’il y a de meilleur dans l’art échappera toujours aux natures médiocres, c’est-à-dire aux trois quarts et demi du genre humain. Pourquoi dénaturer la vérité au profit de la bassesse ? 

Le vrai poète pour moi est un prêtre. Dès qu’il passe la soutane il doit quitter sa famille.

Personne n’est original au sens strict du mot, le talent comme la vie se transmet par infusion et il faut vivre dans un milieu noble, prendre l’esprit de société des maîtres ; il n’y a pas de mal à étudier à fond un génie complètement différent de celui qu’on a, parce qu’on ne peut le copier.

Il ne faut jamais craindre d’être exagéré, tous les très grands l’ont été, Michel-Ange, Rabelais, Shakespeare, Molière ; il s’agit de faire prendre un lavement à un homme (dans Pourceaugnac) ; on n’apporte pas une seringue, non, on emplit le théâtre de seringues et d’apothicaires, cela est tout bonnement le génie dans son vrai centre, qui est l’énorme. Mais pour que l’exagération ne paraisse pas, il faut qu’elle soit partout continue, proportionnée, harmonique à elle-même ; si vos bonshommes ont cent pieds il faut que les montagnes en aient vingt mille et qu’est-ce donc que l’idéal si ce n’est ce grossissement-là ?

L’artiste doit tout élever, il est comme une pompe, il a en lui un grand tuyau qui descend aux entrailles des choses, dans les couches profondes, il aspire et fait jaillir au soleil en gerbes géantes ce qui était plat sous terre et ce qu’on ne voyait pas.

On ne se lasse point de ce qui est bien écrit, le style c’est la vie ! c’est le sang même de la pensée !

L’idéal n’est fécond que lorsqu’on y fait tout rentrer. C’est un travail d’amour et non d’exclusion. Voilà deux siècles que la France marche suffisamment dans cette voie de négation ascendante ; on a de plus en plus diminué des livres la nature, la franchise, le caprice, la personnalité, et même l’érudition comme étant grossière, immorale, bizarre, pédantesque, et dans les mœurs on a pourchassé, honni et presque anéanti la gaillardise et l’aménité, les grandes manières, et les genres de vie libres, lesquels sont les féconds. On s’est guindé vers la décence ! Pour cacher des écrouelles on a haussé sa cravate. L’idéal jacobin et l’idéal Marmontellien peuvent se donner la main. Notre délicieuse époque est encore encombrée par cette double poussière. Robespierre et M. de la Harpe nous régentent du fond de leur tombe. Mais je crois qu’il y a quelque chose au-dessus de tout cela, à savoir : l’acceptation ironique de l’existence et sa refonte plastique et complète par l’art. Quant à nous, vivre ne nous regarde pas, ce qu’il faut chercher, c’est ne pas souffrir.

Le lieu commun n’est manié que par les imbéciles ou par les très grands ; les natures médiocres l’évitent, elles recherchent l’ingénieux, l’accidenté.

Nous sommes tous enfoncés au même niveau, dans une médiocrité commune. L’égalité sociale a passé dans l’esprit, on fait des livres pour tout le monde, de l’art pour tout le monde, de la science pour tout le monde, comme on construit des chemins de fer et des chauffoirs publics. L’humanité a la rage de l’abaissement moral, et je lui en veux de ce que je fais partie d’elle.

La générosité à l’encontre des gredins est presque une indélicatesse à l’encontre du bien.

Certaines natures ne souffrent pas. Les gens sans nerfs sont-ils heureux ? Mais de combien de choses ne sont-ils pas privés ? A mesure qu’on s’élève dans l’échelle des êtres, la faculté nerveuse augmente, c’est-à-dire la faculté de souffrir ; souffrir et penser seraient-ils donc même chose ? Le génie après tout n’est peut-être qu’un raffinement de la douleur, c’est-à-dire une méditation de l’objectif à travers notre âme ?

Il y a dans la Poétique de Ronsard un curieux précepte : il recommande au poète de s’instruire dans les arts et métiers, forgerons, orfèvres, serruriers, etc., pour y puiser les métaphores ; c’est là ce qui vous fait, en effet, une langue riche ; il faut que les phrases s’agitent dans un livre comme les feuilles dans une forêt, toutes dissemblables en leur ressemblance.

Je crois que si l’on regardait toujours les cieux, on finirait par avoir des ailes.

L’idéal est comme le soleil, il pompe à lui toutes les crasses de la terre.

Ce n’est pas tout que d’avoir des ailes, il faut qu’elles nous portent.

Il a été donné à l’antiquité de produire des êtres qui ont du fait de leur seule vie dépassé tout rêve possible ; ceux qui les veulent reproduire ne les connaissent pas, voilà ce que ça prouve. Quand on est jeune on se laisse tenter volontiers par ces resplendissantes figures dont l’auréole arrive jusqu’à nous, on tend les bras pour les rejoindre, on court vers elles… et elles reculent, elles reculent ; elles montent dans leurs nuages, elles grandissent, elles s’illuminent et comme le Christ aux apôtres, nous crient de ne pas chercher à les atteindre.

La médiocrité chérit la règle, moi je la hais ; je me sens contre elle et contre toute restriction, corporation, caste, hiérarchie, niveau, troupeau, une exécration qui m’emplit l’âme, et c’est par ce côté-là peut-être que je comprends le martyre.

N’est-il pas de la vie d’artiste, ou plutôt d’une œuvre d’art à accomplir, comme d’une grande montagne à escalader ? Dur voyage et qui demande une volonté acharnée ! D’abord on aperçoit d’en bas une haute cime ; dans les cieux, elle est étincelante de pureté ; elle est effrayante de hauteur ! et elle vous sollicite cependant à cause de cela même. On part, mais à chaque plateau de la route le sommet grandit, l’horizon se recule, on va par les précipices, les vertiges et les découragements, il fait froid ! et l’éternel ouragan des hautes régions vous enlève en passant jusqu’au dernier lambeau de votre vêtement ; la terre est perdue pour toujours, et le but sans doute ne s’atteindra pas. C’est l’heure où l’on compte ses fatigues, où l’on regarde avec épouvante les gerçures de sa peau. L’on n’a rien qu’une indomptable envie de monter plus haut, d’en finir, de mourir. Quelquefois, pourtant, un coup des vents du ciel arrive et dévoile à votre éblouissement des perfections innombrables, infinies, merveilleuses ! A vingt mille pieds sous soi, on aperçoit les hommes, une brise olympienne emplit nos poumons géants et l’on se considère comme un colosse ayant le monde entier pour piédestal. Puis le brouillard retombe et l’on continue à tâtons ! s’écorchant les ongles aux rochers et pleurant de la solitude ! N’importe ! mourons dans la neige, dans la blanche douleur de notre désir, au murmure des torrents de l’Esprit, et la figure tournée vers le soleil !

Au-dessus de la vie, au-dessus du bonheur, il y a quelque chose de bleu, d’ incandescent au grand ciel immuable et subtil dont les rayonnements qui nous arrivent suffisent à animer des mondes. La splendeur du génie n’est que le reflet pâle du verbe caché ; mais si ces manifestations nous sont à nous autres impossibles à cause de la faiblesse de nos natures, l’amour, l’amour, l’aspiration nous y renvoie, elle nous pousse vers lui, nous y confond, nous y mêle. On peut y vivre ; des peuples entiers n’en sont pas sortis, et il y a des siècles qui ont ainsi passé dans l’humanité comme des comètes dans l’espace tout échevelées et sublimes.

Les grandes passions, je ne dis pas les turbulentes, mais les hautes, les larges sont celles à qui rien ne peut nuire, et dans lesquelles plusieurs autres peuvent se mouvoir. Aucun accident ne peut déranger une harmonie qui comprend en soi tous les cas particuliers ; sans un tel amour, d’autres amours même auraient pu venir : il eût été tout le cœur ! 

Je crois que le plus grand caractère du génie est avant tout la force. Donc, ce que je déteste le plus dans les arts, ce qui me crispe, c’est l’ingénieux,l’esprit.

Tout ce qu’on invente est vrai ; la poésie est une chose aussi précise que la géométrie ; l’induction vaut la déduction ; et puis, arrivé à un certain endroit, on ne se trompe plus quant à tout ce qui est de l’âme ; ma pauvre Bovary, sans doute, souffre et pleure dans vingt villages de France à la fois, à cette heure même.

Il n’y a pas besoin de gravir les montagnes ou de descendre au fleuve pour puiser de l’eau ; dans un espace grand comme la main, enfoncez la sonde et frappez dessus, il jaillira des fontaines. Le puits artésien est un symbole, et les Chinois, qui l’ont connu de tout temps, sont un grand peuple.

Oui, je soutiens (et ceci, pour moi, doit être un dogme pratique dans la vie d’artiste) qu’il faut faire dans son existence deux parts : vivre en bourgeois et penser en demi-dieu. Les satisfactions du corps et de la tête n’ont rien de commun ; s’ils se rencontrent mêlés, prenez-les et gardez-les ; mais ne les cherchez pas réunis, car ce serait factice, et cette idée de bonheur, du reste, est la cause presque exclusive de toutes les infortunes humaines.

On s’étonne des mystiques, mais le secret est là : leur amour, à la manière des torrents, n’avait qu’un seul lit, étroit, profond, en pente, et c’est pour cela qu’il emportait tout.

Si vous voulez à la fois chercher le Bonheur et le Beau, vous n’atteindrez ni à l’un ni à l’autre, car le second n’arrive que par le sacrifice ; l’art, comme le Dieu des Juifs, se repaît d’holocaustes.

Au reste, toutes les difficultés que l’on éprouve en écrivant viennent dumanque d’ordre. C’est une conviction que j’ai maintenant. Si vous vous acharnez à une tournure ou à une expression qui n’arrive pas, c’est que vous n’avez pas l’idée. L’image ou le sentiment bien net dans la tête amène le mot sur le papier, l’un coule de l’autre.

La personnalité sentimentale sera ce qui plus tard fera passer pour puérile et un peu niaise une bonne partie de la littérature contemporaine. Que de sentiment, que de sentiment ! que de tendresses, que de larmes ! il n’y aura jamais eu de si braves gens. Il faut avoir avant tout du sang dans les phrases et non de la lymphe ; et quand je dis du sang c’est du cœur ; il faut que cela batte, que cela palpite, que cela émeuve ; il faut faire s’aimer les arbres et tressaillir les granits ; on peut mettre un immense amour dans l’histoire d’un brin d’herbe : la fable des deux pigeons m’a toujours plus ému que tout Lamartine, et ce n’est pas le sujet ; mais si La Fontaine avait dépensé d’abord sa faculté aimante dans l’exposition de ses sentiments personnels, lui en serait-il resté suffisamment pour peindre l’amitié des deux oiseaux ? Prenons garde de dépenser en petite monnaie nos pièces d’or.

Il n’y a que les lieux communs et les pays connus qui soient d’une intarissable beauté.

A Paris, le char d’Apollon, est un fiacre ; la célébrité s’y obtient à force de courses.

C’est donc quelque chose de bien atrocement délicieux que d’écrire, pour qu’on reste à s’acharner ainsi, en des tortures pareilles, et qu’on n’en veuille pas d’autres. Il y a là-dessous un mystère qui m’échappe ! la vocation est peut-être comme l’amour du pays natal (que j’ai peu, du reste), un certain lien fatal des hommes aux choses. Le Sibérien dans ses neiges et le Hottentot dans sa hutte vivent contents, sans rêver soleil ni palais. Quelque chose de plus fort qu’eux les attache à leur misère, et nous nous débattons dans les formes. Poètes, sculpteurs, peintres et musiciens, nous respirons l’existence à travers la phrase, le contour, la couleur ou l’harmonie, et nous trouvons tout cela le plus beau du monde !

Rappelons-nous toujours que l’impersonnalité est le signe de la force ; absorbons l’objectif et qu’il circule en nous, qu’il se reproduise au dehors sans qu’on puisse rien comprendre à cette chimie merveilleuse. Notre cœur ne doit être bon qu’à sentir celui des autres. Soyons des miroirs grossissants de la vérité externe.

Toute correction doit être faite avec sens ; il faut bien ruminer son objectif avant de songer à la forme, car elle n’arrive bonne que si l’illusion du sujet nous obsède.

Nous vivons dans un monde où l’on s’habille de vêtements tout confectionnés. Donc, tant pis pour vous si vous êtes trop grand.

Un livre, cela vous crée une famille éternelle dans l’humanité. Tous ceux qui vivront de vos pensées, ce sont comme des enfants attablés à votre foyer. Aussi quelle reconnaissance j’ai, moi, pour ces pauvres vieux braves dont on se bourre à si large gueule, qu’il semble qu’on a connus, et auxquels on rêve comme à des amis morts.

Quand on ne peut pas entraîner la société derrière soi, on se met à sa remorque comme les chevaux du roulier lorsqu’il s’agit de descendre une côte ; alors la machine en mouvement vous emporte, c’est un moyen d’avancer. On est servi par les passions du jour et par la sympathie des envieux. C’est là le secret des grands succès et des petits aussi.

L’art ne réclame ni complaisance ni politesse, rien que la foi, la foi toujours et la liberté.

Chaque rêve finit par trouver sa forme ; il y a des ondes pour toutes les soifs, de l’amour pour tous les cœurs. Et puis, rien ne fait mieux passer la vieque la préoccupation incessante d’une idée, qu’un idéal, comme disent les grisettes… Folie pour folie, prenons les plus nobles. Puisque nous ne pouvons décrocher le soleil, il faut boucher toutes nos fenêtres et allumer des lustres dans notre chambre.

Qui vous dit que votre jugement humain soit infaillible ? que votre sentiment ne vous abuse pas ? Comment pouvons-nous, avec nos sens bornés et notre intelligence finie, arriver à la connaissance absolue du vrai et du bien ? Saisirons-nous jamais l’absolu ? Il faut, si l’on veut vivre, renoncer à avoir une idée nette de quoi que ce soit. L’humanité est ainsi, il ne s’agit pas de la changer, mais de la connaître. Pensez moins à vous, abandonnez l’espoir d’une solution, elle est au sein du Père, lui seul la possède et ne la communique pas, mais il y a dans l’ardeur de l’étude des joies idéales faites pour les nobles âmes.

Un livre peut être plein d’énormités et de bévues et n’en être pas moins fort beau. Une pareille doctrine, si elle était admise, serait déplorable, je le sais, en France surtout, où l’on a le pédantisme et l’ignorance, mais je vois dans la tendance contraire (qui est la mienne, hélas !) un grand danger ; — l’étude de l’habit nous fait oublier l’âme. — Je donnerais la demi-rame de notes que j’ai écrites depuis cinq mois, et les 98 volumes que j’ai lus, pour être, pendant trois secondes seulement, réellement émotionné par la passion de mes héros. Prenons garde de tomber dans le brimborion, on reviendrait ainsi tout doucement à la Cafetière de l’abbé Delille. Il y a toute une école de peinture maintenant qui, à force d’aimer Pompéi, en est arrivée à faire plus rococo que Girodet. Je crois donc qu’il ne faut rien aimer, c’est-à-dire qu’il faut planer impartialement au-dessus de tous les objectifs.

La vie, la mort, la joie et les larmes, tout cela se vaut, en définitive. Du haut de la planète de Saturne, notre univers est une petite étincelle ; il faut tâcher, je le sais bien, d’être par l’esprit aussi haut placé que les étoiles. Mais cela n’est pas facile continuellement. Avez-vous remarqué comme nous aimons nos douleurs ?… Mais nous ne valons peut-être quelque chose que par nos souffrances, car elles sont toutes des aspirations. Il y a tant de gens dont la joie est si immonde et l’idéal si borné, que nous devons bénir notre malheur, s’il nous fait plus dignes.

Le malheur de la vie se passe à dire : « il est trop tôt », — puis : « il est trop tard ».

C’est parce que je crois à l’évolution perpétuelle de l’humanité et à ses formes incessantes, que je hais tous les cadres où on veut la fourrer de vive force, toutes les formalités dont on la définit, tous les plans que l’on rêve pour elle. La démocratie n’est pas plus son dernier mot que l’esclavage ne l’a été, que la féodalité ne l’a été, que la monarchie ne l’a été. L’horizon perçu par les yeux humains n’est jamais le rivage, parce qu’au delà de cet horizon il y en a un autre, et toujours ! Ainsi chercher la meilleure des religions ou le meilleur des gouvernements, me semble une folie niaise. Le meilleur, pour moi, c’est celui qui agonise, parce qu’il va faire place à un autre.

Les gens légers, bornés, les esprits présomptueux et enthousiastes veulent en toute chose une conclusion ; ils cherchent le but de la vie, et la dimension de l’infini ; ils prennent dans leur pauvre petite main une poignée de sable et ils disent à l’océan : « Je vais compter les grains de tes rivages. » Mais comme les grains leur coulent entre les doigts, et que le calcul est long, ils trépignent et ils pleurent. Savez-vous ce qu’il faut faire sur la grève ? Il faut s’agenouiller ou se promener.

Les mots sublimes (que l’on rapporte dans les histoires) ont été dits souvent par des simples. Ce qui n’est nullement un argument contre l’art, au contraire, car ils avaient ce qui fait l’art même, à savoir la pensée concrétée, un sentiment quelconque, violent, et arrivé à son dernier état d’idéal : « Si vous aviez la foi, vous remueriez des montagnes » est aussi le principe du beau, ce qui se traduit plus prosaïquement : « Si vous saviez précisément ce que vous voulez dire, vous le diriez bien. » Aussi n’est-il pas très difficile de parler de soi, mais des autres !

Notre âme est une bête féroce ; toujours affamée, il faut la gorger jusqu’à la gueule pour qu’elle ne se jette pas sur nous. Rien n’apaise plus qu’un long travail. L’érudition est chose rafraîchissante. Combien je regrette souvent de n’être pas un savant, et comme j’envie ces calmes existences passées à étudier des pattes de mouches, des étoiles ou des fleurs !

Quand une fois on a baisé un cadavre au front, il vous en reste toujours sur les lèvres quelque chose, une amertume infinie, un arrière-goût de néant que rien n’efface.

Comme nous souffrons par nos affections ! Il n’est pas d’amour qui ne soit parfois aussi lourd à porter qu’une haine ! 

Le seul moyen de supporter l’existence, c’est de s’étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle. Le vin de l’art cause une longue ivresse, et il est inépuisable. C’est de penser à soi qui rend malheureux.

Le style est autant sous les mots que dans les mots. C’est autant l’âme que la chair d’une œuvre.

Et d’ailleurs je ne sais (et personne ne sait) ce que veulent dire ces deux mots : âme et corps, où l’une finit, où l’autre commence ; nous sentons desforces, et puis c’est tout. Le matérialisme et le spiritualisme pèsent encore trop sur la conscience de l’homme pour que l’on étudie impartialement tous ces phénomènes. L’anatomie du cœur humain n’est pas encore faite. Comment voulez-vous qu’on le guérisse ? Ce sera l’unique gloire du xixe siècle que d’avoir commencé ces études. Le sens historique est tout nouveau dans ce monde. On va se mettre à étudier les idées comme des faits et à disséquer lescroyances comme des organismes. Il y a toute une école qui travaille dans l’ombre et qui fera quelque chose, j’en suis sûr.

Comme nous nous attachons aux choses ! C’est surtout quand on voyage que l’on sent profondément la mélancolie de la nature, qui n’est que celle de notre âme projetée sur les objets. Il m’est arrivé d’avoir des larmes aux yeux en quittant tel paysage. Pourquoi ?

L’envie du succès, le besoin de réussir quand même, à cause du profit, a tellement démoralisé la littérature, qu’on devient stupide de timidité. L’idée d’une chute ou d’un blâme les fait tous foirer de peur dans leurs culottes : « Cela vous est bien commode à dire, vous, parce que vous avez des rentes », réponse commode et qui relègue la moralité parmi les choses de luxe.

Tout ce qui touche une plume doit avoir trop de reconnaissance à Hugo pour se permettre une critique ; mais je trouve, intérieurement, que les dieux vieillissent.

Un bon sujet de roman est celui qui vient tout d’une pièce, d’un seul jet. C’est une idée mère d’où toutes les autres découlent. On n’est pas du tout libre d’écrire telle ou telle chose. On ne choisit pas son sujet. Voilà ce que le public et les critiques ne comprennent pas. Le secret des chefs-d’œuvre est là, dans la concordance du sujet et du tempérament de l’auteur.

Expliquer le mal par le péché originel, c’est ne rien expliquer du tout. La recherche de la cause est antiphilosophique, antiscientifique et les religions en cela me déplaisent encore plus que les philosophies, puisqu’elles affirment la connaître. Que ce soit un besoin du cœur, d’accord. C’est ce besoin-là qui est respectable, et non des dogmes éphémères.

La rage de vouloir conclure est une des manies les plus funestes et les plus stériles qui appartiennent à l’humanité. Chaque religion et chaque philosophie a prétendu avoir Dieu à elle, toiser l’infini et connaître la recette du bonheur. Quel orgueil et quel néant ! Je vois, au contraire, que les plus grands génies et les plus grandes œuvres n’ont jamais conclu. Homère, Shakespeare, Gœthe, tous les fils aînés de Dieu (comme dit Michelet) se sont bien gardés de faire autre chose que représenter. Nous voulons escalader le ciel ; eh bien, élargissons d’abord notre esprit et notre cœur. Hommes d’aspirations célestes nous sommes tous enfoncés dans les fanges de la terre jusqu’au cou. La barbarie du moyen âge nous étreint encore par mille préjugés, mille coutumes.

Je viens d’avaler Lamennais, Saint-Simon, Fourier et je reprends Proudhon d’un bout à l’autre. Si on veut ne rien connaître de tous ces gens-là, c’est de lire les critiques et les résumés faits sur eux ; car on les a toujours réfutés ou exaltés, mais jamais exposés. Il y a une chose saillante et qui les lie tous : c’est la haine de la liberté, la haine de la Révolution française et de la philosophie. Ce sont tous des bonshommes du moyen âge, esprits enfoncés dans le passé. Et quels cuistres ! quels pions ! Des séminaristes en goguette ou des caissiers en délire. S’ils n’ont pas réussi en 48, c’est qu’ils étaient en dehors du grand courant traditionnel. Le socialisme est une face du passé, comme le jésuitisme de l’autre. Le grand maître de Saint-Simon était M. de Maistre et l’on n’a pas dit tout ce que Proudhon et Louis Blanc ont pris à Lamennais. L’école de Lyon, qui a été la plus active, est toute mystique à la façon des Lollards. Les bourgeois n’ont rien compris à tout cela. On a senti instinctivement ce qui fait le fond de toutes ces utopies sociales : la tyrannie, l’anti-nature, la mort de l’âme.

On fausse toujours la réalité quand on veut l’amener à une conclusion qui n’appartient qu’à Dieu seul.

Quand on a pris un livre, il faut l’avaler d’un seul coup : c’est le seul moyen de voir l’ensemble et d’en tirer profit. Accoutume-toi à poursuivre une idée. Puisque tu es mon élève, je ne veux pas que tu aies ce décousu dans les pensées, ce peu d’esprit de suite, qui est l’apanage des personnes de ton sexe.

La vie doit être une éducation incessante, il faut tout apprendre, depuis parler jusqu’à mourir.

Et, bien que j’aie de grands besoins (dont je ne dis mot), je me ferais plutôt pion dans un collège que d’écrire quatre lignes pour de l’argent. J’aurais pu être riche, j’ai tout envoyé faire f… et je reste comme un Bédouin dans mon désert et dans ma noblesse.

Les plus forts y ont péri. L’art est un luxe ; il veut des mains blanches et calmes. On fait d’abord une petite concession, puis deux, puis vingt. On s’illusionne sur sa moralité pendant longtemps. Puis on s’en f… complètement et puis on devient imbécile, tout à fait, ou approchant. 

L’artiste doit être dans son œuvre comme Dieu dans la création, invisible et tout-puissant, qu’on le sente partout, mais qu’on ne le voie pas. Et puis l’art doit s’élever au-dessus des affections personnelles et des susceptibilités nerveuses ! il est temps de lui donner, par une méthode impitoyable, la précision des sciences physiques !

Les hommes trouveront toujours que la chose la plus sérieuse de leur existence, c’est jouir.

La femme, pour nous tous, est l’ogive de l’infini. Cela n’est pas noble, mais tel est le vrai fond du mâle.

Bien des choses s’expliqueraient si nous pouvions connaître notre généalogie véritable, car les éléments qui font un homme étant bornés, les mêmes combinaisons doivent se reproduire. Ainsi l’hérédité est un principe juste qui a été mal appliqué. 

Les sciences psychologiques resteront où elles gisent, c’est-à-dire dans les ténèbres et la folie, tant qu’elles n’auront pas une nomenclature exacte et qu’il sera permis d’employer la même expression pour signifier les idées les plus diverses.

Les grandes natures, qui sont les bonnes, sont avant tout prodigues et n’y regardent pas de si près à se dépenser. Il faut rire et pleurer, aimer, travailler, jouir et souffrir, enfin vibrer autant que possible dans toute son étendue. Voilà, je crois, le vrai humain.

Bien que je sois dans le troupeau de ses petits-fils, cet homme (J.-J. Rousseau) me déplaît. Je crois qu’il a eu une influence funeste ? C’est le générateur de la démocratie envieuse et tyrannique. Les brumes de sa mélancolie ont obscurci dans les cerveaux français l’idée du droit.

Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. 

Imaginez un homme qui, avec des balances de mille coudées, voudrait peser le sable de la mer. Quand il aurait empli ses deux plateaux, ils déborderaient et son travail ne serait pas plus avancé qu’au commencement. Toutes les philosophies en sont là. Elles ont beau dire : « Il y a un poids cependant, il y a un certain chiffre qu’il faut savoir, essayons » ; on élargit les balances, la corde casse et toujours, ainsi toujours !

Le but ! la cause ! mais nous serions Dieu, si nous tenions la cause, et à mesure que nous irons, elle se reculera indéfiniment, parce que notre horizon s’élargira. Plus les télescopes seront parfaits, et plus les étoiles seront nombreuses. Nous sommes condamnés à rouler dans les ténèbres et dans les larmes.

Tout dépend de la valeur que nous donnons aux choses. C’est nous qui faisons la moralité et la vertu. Le cannibale qui mange son semblable est aussi innocent que l’enfant qui suce son sucre d’orge. 

Le roman, selon moi, doit être scientifique, c’est-à-dire rester dans les généralités probables.

On n’est idéal qu’à la condition d’être réel, et on n’est vrai qu’à force de généraliser.

Tout le progrès qu’on peut espérer, c’est de rendre la brute un peu moins méchante. Mais quant à hausser les idées de la masse, à lui donner une conception de Dieu plus large et partant moins humaine, j’en doute, j’en doute.

Je ne veux avoir ni amour, ni haine, ni pitié, ni colère. Quant à la sympathie, c’est différent : jamais on n’en a assez.

La muse, si revêche qu’elle soit, donne moins de chagrin que la femme. Je ne peux accorder l’une avec l’autre. Il faut opter. Mon choix est fait depuis longtemps.

Les hommes purement intellectuels ont rendu plus de services au genre humain que tous les saint Vincent de Paul du monde. Et la politique sera une éternelle niaiserie tant qu’elle ne sera pas une dépendance de la science.

On se paie de mots dans cette question de l’immortalité, car la question est de savoir si le moi persiste. L’affirmative me paraît une outrecuidance de notre orgueil, une protestation de notre faiblesse contre l’ordre éternel. La mort n’a peut-être pas plus de secrets à nous révéler que la vie ?

Ce ne sont pas en effet les grands malheurs qui sont à craindre dans la vie, mais les petits, j’ai plus peur de piqûres d’épingles que de coups de sabre, de même on n’a pas besoin à toute heure de dévouements et de sacrifices, mais il nous faut toujours de la part d’autrui des semblants d’amitié et d’affection, des attentions et des manières.

Le paysan, qui est plat comme une punaise par amour de son bien, se transforme en bête féroce dès qu’il a perdu sa vache. 

Tout homme (selon moi) si infime qu’il soit, a droit à une voix, la sienne, mais n’est pas l’égal de son voisin, lequel peut le valoir cent fois. Dans une entreprise (société anonyme) chaque actionnaire vote en raison de son apport : il en devrait être ainsi dans le gouvernement d’une nation. Je vaux bien vingt électeurs de Croisset ; l’argent, l’esprit et la race même doivent être comptés, bref toutes les forces, or, jusqu’à présent je n’en vois qu’une : le nombre.

La masse, le nombre est toujours idiot. Je n’ai pas beaucoup de convictions, mais j’ai celle-là fortement. Cependant il faut respecter la masse, si inepte qu’elle soit, parce qu’elle contient des germes d’une fécondité incalculable. Donnez-lui la liberté, mais non le pouvoir.

Nous ne souffrons que d’une chose : la bêtise. Mais elle est formidable et universelle. Quand on parle de l’abrutissement de la plèbe, on dit une chose injuste, incomplète. Conclusion : il faut éclairer les classes éclairées. Commencez par la tête, c’est ce qui est le plus malade, le reste suivra.

Quand tout le monde pourra lire le Petit Journal et le Figaro, on ne lira pas autre chose, puisque le bourgeois, le monsieur riche ne lit rien de plus. La presse est une école d’abrutissement, parce qu’elle dispense de penser. Le premier remède serait d’en finir avec le suffrage universel, la honte de l’esprit humain.

Pour que la France se relève, il faut qu’elle passe de l’inspiration à la Science, qu’elle abandonne toute métaphysique, qu’elle entre dans la critique, c’est-à-dire dans l’examen des choses.

Je crois que la foule, le troupeau sera toujours haïssable ; il n’y a d’important qu’un petit groupe d’esprits, toujours les mêmes, et qui se repassent le flambeau. Tant qu’on ne s’inclinera pas devant les mandarins, tant que l’Académie des sciences ne sera pas le remplaçant du pape, la politique tout entière et la société, jusque dans ses racines, ne sera qu’un ramassis de blagues écœurantes.

Le peuple est un éternel mineur, et il sera toujours (dans la hiérarchie des éléments sociaux) au dernier rang, puisqu’il est le nombre, la masse, l’illimité.

Je hais la démocratie (telle du moins qu’on l’entend en France) c’est-à-dire l’exaltation de la grâce au détriment de la justice, la négation du droit, en un mot l’anti-sociabilité.

Les ouvriers de luxe sont inutiles dans la société où la plèbe domine.

Nous périssons par l’indulgence, par la clémence, par la vacherie et (j’en reviens à mon éternel refrain) par le manque de justice !

La méthode est tout ce qu’il y a de plus haut dans la critique, puisqu’elle donne le moyen de créer. 

Je me suis remis à travailler, car l’existence n’est tolérable que si on oublie sa misérable personne.

Le principal en ce monde est de tenir son âme dans une région haute, loin des fanges bourgeoises et démocratiques. Le culte de l’art donne de l’orgueil ; on n’en a jamais trop, telle est ma morale.

On devrait faire de l’art exclusivement pour soi : on n’en aurait que les jouissances ; mais, dès qu’on veut faire sortir son œuvre du « silence du cabinet », on souffre trop, surtout quand on est, comme moi, un véritable écorché. Le moindre contact me déchire. Je suis plus que jamais irascible, intolérant, insociable, exagéré, Saint-Polycarpien.

La légitimité n’est pas plus viable que la Commune, ce sont deux âneries historiques.

La première qualité pour voir est de posséder de bons yeux. Or, s’ils sont troublés par les passions, c’est-à-dire par un intérêt personnel, les choses vous échappent. Un bon cœur donne tant d’esprit.

Quand on réfléchit un peu sérieusement, on est tenté de se casser la gueule. C’est pourquoi il faut agir. Le livre qu’on lit a beau être bête, il importe de le finir ; celui qu’on entreprend peut être idiot, n’importe ! écrivons-le ! La fin de Candide « cultivons notre jardin » est la plus grande leçon de morale qui existe.

On n’arrange pas sa destinée, on la subit.

Quand on devient vieux, les habitudes sont une tyrannie..... Tout ce qui s’en va, tout ce que l’on quitte a le caractère de l’irrévocable, et on sent la mort marcher sur vous. Si à la ruine intérieure que l’on sent très bien, des ruines du dehors s’ajoutent, on est tout simplement écrasé.

Dans l’idéal que j’ai de l’art, je crois qu’on ne doit rien montrer de sesconvictions et que l’artiste ne doit pas plus apparaître dans son œuvre que Dieu dans la nature. L’homme n’est rien, l’œuvre tout !

Autant que possible, il ne faut jamais rêver qu’à un objet en dehors de nous, autrement on tombe dans l’océan de tristesse.

La table d’hôte, la cloche ! et tout le reste ! cette vie de bestiaux qu’on mène ensemble a quelque chose qui nous ravale. C’est le rêve moderne, démocratie, égalité !

Les morts sont plus agréables que les trois quarts des vivants, les souvenirs de cette nature sont pleins de douceur, quand on a passé par les grandes amertumes.

Quand je découvre une mauvaise assonance ou une répétition dans une de mes phrases, je suis sûr que je patauge dans le faux ; à force de chercher, je trouve l’expression juste qui était la seule et qui est, en même temps, l’harmonieuse. Le mot ne manque jamais quand on possède l’idée.

Si le lecteur ne tire pas d’un livre la moralité qui doit s’y trouver, c’est que le lecteur est un imbécile ou que le livre est faux au point de vue de l’exactitude. Car du moment qu’une chose est vraie, elle est bonne. Les livres obscènes ne sont même immoraux que parce qu’ils manquent de vérité. Ça ne se passe pas comme ça dans la vie.

Le succès est une conséquence et ne doit pas être un but.

S’écarter des journaux ! la haine de ces boutiques-là est le commencement de l’amour du Beau. Elles sont par essence hostiles à toute personnalité un peu au-dessus des autres. L’originalité, sous quelque forme qu’elle se montre, les exaspère. 

Dans la jeunesse on est vert et dur, on s’attendrit plus tard, et enfin l’on arrive à être blette comme une poire d’edouin.

Tous les procès de presse, tous les empêchements à la pensée me stupéfient par leur profonde inutilité ; l’expérience est là pour prouver que jamais ils n’ont servi à rien. N’importe ! on ne s’en lasse pas. La sottise naturelle est au pouvoir. Je hais frénétiquement ces idiots qui veulent écraser la muse sous les talons de leurs bottes ; d’un revers de sa plume, elle leur casse la gueule et remonte au ciel. Mais ce crime-là, qui est la négation du Saint-Esprit, est le plus grand des crimes et peut-être le seul crime.

Voici un verset d’Isaïe que je me répète sans cesse, et qui m’obsède, tant je le trouve sublime : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds du messager qui apporte de bonnes nouvelles ». Creuse-moi ça, songes-y ! quel horizon ! quelle bouffée de vent dans la poitrine ! 

« Tout pour les dames », ça se dit, mais « l’art avant tout », ça se pratique.

L’histoire des arts n’est qu’un martyrologe ; tout ce qui est escarpé est plein de précipices, tant mieux ! moins de gens peuvent y atteindre.

Voilà la vraie immoralité : l’ignorance et la bêtise ; le diable n’est pas autre chose. Il se nomme Légion.

Du moment que vous vous élevez, on (l’éternel et exécrable on) vous rabaisse. C’est pour cela que l’autorité est haïssable essentiellement. Je demande ce qu’elle a jamais fait de bien dans le monde.

Il ne suffit pas d’avoir de l’esprit. Sans le caractère, les œuvres d’art, quoi qu’on fasse, seront toujours médiocres ; l’honnêteté est la première condition de l’esthétique.

Ce qui nous manque, ce sont les principes. On a beau dire, il en faut, reste à savoir lesquels. Pour un artiste, il n’y en a qu’un : tout sacrifier à l’art. La vie doit être considérée par lui comme un moyen, rien de plus, et la première personne dont il doit se f… c’est de lui-même.

Et puis ceux qu’on croit ne plus aimer, on les aime encore. — Rien ne s’éteint complètement. Après le feu la fumée, qui dure plus longtemps que lui.

Le succès matériel ne doit être qu’un résultat, et jamais un but. Autrement, on perd la boule, on n’a même plus le sens pratique. Faisons bien, puis advienne que pourra !

Il ne faut plaindre la mort que des heureux, c’est-à-dire celle de fort peu de gens.

Le mépris de la gloriole et du gain est la première marche pour atteindre au Beau, la morale n’étant qu’une partie de l’esthétique, mais sa condition foncière.

Les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit. 

La vraie force est l’exagération de la souplesse. L’artiste doit contenir un saltimbanque.

Il n’y a de bête, en fait d’art, que : 1o le gouvernement, 2o les directeurs de théâtre, 3o les éditeurs, 4o les rédacteurs en chef des journaux, 5o les critiques autorisés ; enfin tout ce qui détient le pouvoir, parce que le pouvoir est essentiellement stupide. Depuis que la terre tourne, le Bien et le Beau ont été en dehors de lui.

Quand on écrit bien, on a contre soi deux ennemis : 1o le public, parce que le style le contraint à penser, l’oblige à un travail ; 2o le gouvernement, parce qu’il sent en nous une force, et que le pouvoir n’aime pas un autre pouvoir. Les gouvernements ont beau changer, monarchie, empire ou république, peu importe ! l’esthétique ne change pas. De par la vertu de leur place, les agents, administrateurs et magistrats, ont le monopole du goût.

La réalité ne se plie point à l’idéal, mais le confirme. 

La somme de félicité départie à chacun de nous est mince et quand nous en avons dépensé quelque peu, nous sommes tout moroses.

La bonne et la mauvaise société doivent être étudiées, la vérité est danstout, comprenons chaque chose et n’en blâmons aucune, c’est le moyen de savoir beaucoup et d’être calme, et c’est quelque chose que d’être calme, c’est presque être heureux.

La contemplation des belles choses rend toujours tristes pour un certain temps. On dirait que nous ne sommes faits que pour supporter une certaine dose de beau, un peu plus nous fatigue. Voilà pourquoi les nations médiocres préfèrent la vue d’un fleuve à celle de l’Océan, et pourquoi il y a tant de gens qui proclament Béranger le premier poète français.

Ne me parlez pas des temps modernes en fait de grandiose. Il n’y a pas de quoi satisfaire l’imagination d’un feuilletoniste de dernier ordre.

Il n’y a pour moi dans le monde que les beaux vers, les phrases bien tournées, harmonieuses, chantantes, les beaux couchers de soleil, les clairs de lune, les tableaux colorés, les marbres antiques et les têtes accentuées. Au delà, rien.

L’obligation où l’on est de vivre sur un coin de terre marqué en rouge ou en bleu sur la carte, et de détester les autres coins en vert ou en noir, m’a paru toujours étroite, bornée, et d’une stupidité finie.

Le cynisme est une merveilleuse chose en cela qu’étant la charge du vice il en est en même temps le correctif et l’annihilation.

Les femmes ne comprennent pas qu’on puisse aimer à des degrés différents ; elles parlent beaucoup de l’âme, mais le corps leur tient fort au cœur, car elles voient tout l’amour mis en jeu dans l’acte du corps ; on peut adorer une femme et aller chaque soir chez les filles.

Il faut que chaque œuvre maintenant ait sa signification morale, son enseignement gradué, il faut donner une portée philosophique à un sonnet, qu’un drame tape sur les doigts aux monarques et qu’une aquarelle adoucisse les mœurs. L’avocasserie se glisse partout, la rage de discourir, de pérorer, de plaider ; la Muse devient le piédestal de mille convoitises.

Les beaux fragments ne font rien ; l’unité, l’unité, tout est là. L’ensemble, voilà ce qui manque à tous ceux d’aujourd’hui, aux grands comme aux petits. Mille beaux endroits, pas une œuvre.

Je me fais fort de soutenir dans une thèse qu’il n’y a pas une critique de bonne depuis qu’on en fait, que ça ne sert à rien qu’à embêter les autres et à abrutir le public ; on fait de la critique quand on ne peut pas faire de l’art, de même qu’on se met mouchard quand on ne peut pas être soldat.

Quand on observe avec un peu d’attention la vie on y voit les cèdres moins hauts et les roseaux plus grands.

Nier l’existence des sentiments tristes parce qu’ils sont tristes, c’est nier le soleil tant qu’il n’est pas midi.

Il faut se méfier de tout ce qui ressemble à de l’inspiration et qui n’est souvent que du parti pris et une exaltation factice que l’on s’est donnée volontairement et qui n’est pas venue d’elle-même ; d’ailleurs on ne vit pas dans l’inspiration : Pégase marche plus souvent qu’il ne galope, tout le talent est de savoir lui faire prendre les allures qu’on veut.

Comme si nous n’avions pas assez de notre passé nous remâchons celui de l’humanité entière et nous nous délectons dans cette amertume voluptueuse. Qu’ importe après tout s’il n’y a que là qu’on puisse vivre ! S’il n’y a qu’à cela qu’on puisse penser sans dédain et sans pitié !

La patrie est peut-être comme la famille, on n’en sent bien le prix que lorsqu’on n’en a plus.

A mesure que je me détache des artistes, je m’enthousiasme davantage pour l’art ; la mer paraît immense vue du rivage, montez sur le sommet des montagnes, la voilà plus grande encore ; embarquez-vous dessus, tout disparaît, des flots, des flots.

Le génie n’est pas rare maintenant, mais ce que personne n’a plus et ce qu’il faut tâcher d’avoir, c’est la conscience.

Ce qui nous manque à tous, ce n’est pas le style ni cette flexibilité de l’archet et des doigts désignée sous le nom de talent. Nous avons un orchestre nombreux, une palette riche, des ressources variées. En fait de ruses et de ficelles, nous en savons beaucoup plus qu’on n’en a peut-être jamais su. Non, ce qui nous manque c’est le principe intrinsèque. C’est l’âme de la chose, l’idée même du sujet. Nous prenons des notes, nous faisons des voyages, misère, misère ! Nous devenons savants, archéologues, historiens, médecins, gnaffes et gens de goût. Qu’est-ce que tout ça y fait ? Mais le cœur ? la verve ; d’où partir et où aller ?

Ce qui nous manque, c’est l’audace. A force de scrupule, nous ressemblons à ces pauvres dévots qui ne vivent pas, de peur de l’enfer, et qui réveillent leur confesseur de grand matin pour s’accuser d’avoir eu la nuit des rêves amoureux. Ne nous inquiétons pas tant du résultat. Aimons, aimons, qu’importe l’enfant dont accouchera la Muse ; le plus pur plaisir n’est-il pas dans ses baisers ?

Exhumer, dans ce qu’on rejetait comme hors d’usage, des trésors nouveaux de plastique et de sentiment, découvrir dans l’univers de l’amour un sentiment nouveau et appeler à son exploitation des milliers d’êtres qui s’en trouvaient rejetés, cela n’est-il pas spirituel et sublime ?

Je porte une haine aiguë et perpétuelle à quiconque taille un arbre pour l’embellir, châtre un cheval pour l’affaiblir, à tous ceux qui coupent les oreilles ou la queue des chiens, à tous ceux qui font des paons avec des ifs, des sphères et des pyramides avec du buis ; à tous ceux qui restaurent, badigeonnent, corrigent, aux éditeurs d’expurgata, aux chastes voileurs de nudités profanes, aux arrangeurs d’abrégés et de raccourcis ; à tous ceux qui rasent quoi que ce soit pour lui mettre une perruque, et qui, féroces dans leur pédantisme, impitoyables dans leur ineptie, s’en vont amputant la nature, ce bel art du bon Dieu, et crachant sur l’art, cette autre nature que l’homme porte en lui comme Jéhovah porte l’autre et qui est la cadette ou peut-être l’aînée.

Ne croyez pas les mains sans gants plus robustes que les autres ; on peut être las de tout sans rien connaître, fatigué de traîner sa casaque sans avoir luWerther ni René, et il n’y a pas besoin d’être reçu bachelier pour se brûler la cervelle.

Oh ! que la forme humaine est belle quand elle apparaît dans sa liberté native, telle qu’elle fut créée au premier jour du monde.

Le cœur, comme l’estomac, veut des nourritures variées.

Ce qu’on demande aujourd’hui, n’est-ce pas plutôt tout le contraire du nu, du simple et du vrai ? Fortune et succès à ceux qui savent revêtir et habiller les choses ! Le tailleur est le roi du siècle, la feuille de vigne en est le symbole ; lois, arts, politique, caleçon partout ! Libertés menteuses, meubles plaqués, peinture à la détrempe, le public aime ça. Donnez-lui-en, fourrez-lui-en, gorgez cet imbécile !

Ce n’est pas de sacrifices que le cœur a faim, mais de confidences. 

Il me semble que Michel-Ange est quelque chose d’inouï, comme serait un Homère shakespearien, un mélange d’antique et de moyen âge, je ne sais quoi.

Dans les confidences les plus intimes, il y a toujours quelque chose que l’on ne dit pas.

Dieu sait le commencement et la fin de l’homme ; le milieu, l’art, comme lui dans l’espace, doit rester suspendu dans l’infini, complet en lui-même, indépendant de son producteur.

Pour avoir du talent il faut être convaincu qu’on en possède, et pour garder sa conscience pure, la mettre au-dessus de celles de tous les autres. Le moyen de vivre avec sérénité et au grand air, c’est de se fixer sur une pyramide quelconque, n’importe laquelle, pourvu qu’elle soit élevée et la base solide. Ah ! ce n’est pas toujours amusant et l’on est tout seul, mais on se console en crachant d’en haut. 

Il n’est pas de sottise ni de vice qui ne trouve son compte et ses rêves. Je trouve que l’homme maintenant est plus fanatique que jamais, mais de lui ; il ne chante autre chose, et dans cette pensée qui saute par-dessus les soleils, dévore l’espace et hêle après l’infini, comme dirait Montaigne, il ne trouve rien de plus grand que cette misère même de la vie dont elle tâche sans cesse de se dégager.

Je défie aucun dramaturge d’avoir l’audace de mettre en scène sur le boulevard un ouvrier voleur. Non : là il faut que l’ouvrier soit honnête homme, tandis que le monsieur est toujours un gredin ; de même qu’aux Français la jeune fille est pure, car les mamans y conduisent leurs demoiselles.

L’orgueil est une bête féroce qui vit dans les cavernes et dans les déserts, la vanité au contraire, comme un perroquet, saute de branche en branche et bavarde en pleine lumière. 

Il y a de par le monde une conjuration géniale et permanente contre deux choses, à savoir, la poésie et la liberté ; les gens de goût se chargent d’exterminer l’une, comme les gens d’ordre de poursuivre l’autre.

Si la littérature moderne était seulement morale, elle deviendrait forte ; avec de la moralité disparaîtraient le plagiat, le pastiche, l’ignorance, les prétentions exorbitantes ; la critique serait utile et l’art naïf, puisque ce serait alors un besoin et non une spéculation.

Je suis sûr d’ailleurs que les hommes ne sont pas plus frères que les feuilles des bois ne sont pareilles, elles se tourmentent ensemble, voilà tout ; ne sommes-nous pas faits avec les émanations de l’Univers ?

Nos passions sont comme les volcans, elles grondent toujours, mais l’éruption n’est qu’intermittente.

L’humanité nous hait, nous ne la servons pas et nous la haïssons ; car elle nous blesse. Aimons-nous donc en l’Art comme les mystiques s’aiment en Dieu et que tout pâlisse devant cet amour. Que toutes les autres chandelles dela vie disparaissent devant ce grand soleil.

La Passion s’arrange mal de cette longue patience que demande le métier. L’art est assez vaste pour occuper tout un homme ; en distraire quelque chose est presque un crime, c’est un vol fait à l’idée, un manque au devoir.

Écrivains que nous sommes et toujours courbés sur l’art, nous n’avons guère avec la nature que des communications imaginatives, il faut quelquefois regarder la lune ou le soleil en face. La sève des arbres nous entre au cœur par les longs regards stupides que l’on tient sur eux. Comme les moutons qui broutent du thym parmi les prés, ont ensuite la chair plus savoureuse, quelque chose des saveurs de la nature doit pénétrer notre esprit s’il s’est bien roulé sur elle. 

Il n’y a qu’un beau, c’est le même partout, mais il a des aspects différents, il est plus ou moins coloré par les reflets qui le dominent.

Les hautes idées poussent à l’ombre et au bord des précipices comme les sapins.

Quand on aura, pendant quelque temps, traité l’âme humaine avec l’impartialité que l’on met dans les sciences physiques à étudier la matière, on aura fait un pas immense ; c’est le seul moyen à l’humanité de se mettre un peu au-dessus d’elle-même. Elle se considérera alors franchement, purement dans le miroir de ses œuvres, elle sera comme Dieu, elle se jugera d’en haut.

L’industrialisme a développé le laid dans des proportions gigantesques ! Combien de braves gens qui, il y a un siècle, eussent parfaitement vécu sans beaux-arts, et à qui il faut maintenant de petites statuettes, de petite musique et de petite littérature ! 

Ce ne sont pas les Napolitains qui entendent la couleur, mais les Hollandais et les Vénitiens : comme ils étaient toujours dans le brouillard, ils ont aimé le soleil.

Le rêve du socialisme, n’est-ce pas de pouvoir faire asseoir l’humanité monstrueuse d’obésité, dans une niche toute peinte de jaune comme dans les gares de chemins de fer, et qu’elle soit là à se dandiner sur son siège, ivre, béate, les yeux clos, digérant son déjeuner, attendant le dîner et faisant sous elle.

Une réaction terrible se fait dans la conscience moderne contre ce qu’on appelle l’Amour. Cela a commencé par des rugissements d’ironie (Byron, etc.), et le siècle tout entier regarde à la loupe et dissèque sur sa table la petite fleur du sentiment qui sentait si bon… jadis !

Il faut toujours espérer quand on désespère, et douter quand on espère. 

Lisez les grands maîtres en tâchant de saisir leur procédé, de vous rapprocher de leur âme, et vous sortirez de cette étude avec des éblouissements qui vous rendront joyeux. Vous serez comme Moïse en descendant du Sinaï. Il avait des rayons autour de la face, pour avoir contemplé Dieu.

Je parie que, dans cinquante ans seulement, les mots : Problème social, moralisation des masses, progrès et démocratie seront passés à l’état de « rengaine » et apparaîtront aussi grotesques que ceux de : sensibilité, nature, préjugés et doux liens du cœur, si fort à la mode vers la fin du dix-huitième siècle.

Il faut, quand on veut faire de l’art, se mettre au-dessus de tous les éloges et de toutes les critiques. Quand on a un idéal net, on tâche d’y monter en droite ligne, sans regarder à ce qui se trouve en route.

Le principal en ce monde est de tenir son âme dans une région haute, loin des fanges bourgeoises et démocratiques. Le culte de l’art donne de l’orgueil ; on n’en a jamais trop.

Il n’y a rien de plus mélancolique que les beaux soirs d’été. Les forces de la nature éternelle nous font mieux sentir le néant de notre pauvre individualité.

Les guerres de races vont peut-être recommencer. On verra, avant un siècle, plusieurs milliers d’hommes s’entretuer en une séance… Peut-être aussi la Prusse va-t-elle recevoir une forte raclée qui entrait dans les desseins de la Providence, pour rétablir l’équilibre européen ? Ce pays-là tendait à s’hypertrophier, comme la France l’a fait sous Louis XIV et Napoléon. Les autres organes s’en trouvent gênés. De là un trouble universel. Des saignées formidables seraient-elles utiles ?

Les armées de Napoléon Ier ont commis des horreurs, sans doute. Mais ce qui les composait, c’était la partie inférieure du peuple français, tandis que, dans l’armée de Guillaume, c’est tout le peuple allemand qui est le coupable.

Quelle barbarie ! quelle reculade… Ces officiers, qui cassent des glaces en gants blancs, qui savent le sanscrit et qui se ruent sur le champagne, qui vous volent votre montre et vous envoient ensuite leur carte de visite, cette guerre pour de l’argent, ces civilisés sauvages me font plus horreur que les cannibales.

Toute gentillesse, comme eût dit Montaigne, est perdue pour longtemps, un monde va commencer ; on élèvera les enfants dans la haine des Prussiens.

 

 

9 août 2013

les bourreaux.......

mengele

 

Josef Mengele

Description de cette image, également commentée ci-après

Josef Mengele, photographié en 1956 en Argentine.

Nom de naissance Josef Mengele
Surnom L'ange de la mort
Naissance 16 mars 1911
Guntzbourg (BavièreEmpire allemand)
Décès 7 février 1979 (à 67 ans)
Bertioga (Brésil)
Nationalité Allemand
Profession Médecin
Famille Karl Mengele, son père
Walburga, sa mère
Karl et Alois, ses frères
Irène, sa première femme
Martha, sa seconde femme
Rolf, son fils

Compléments

Josef Rudolf Mengele (16 mars 1911 à Günzburg enAllemagne – 7 février 1979 à Bertioga au Brésil) est unmédecin nazi allemand et un criminel de guerre

Il a été actif notamment au camp de concentration d'Auschwitz, participant à la sélection des déportés voués à un gazage immédiat et s'est livré sur de nombreux prisonniers à des expériences pseudo-scientifiques constituant des crimes de guerre.

Après la guerre, il ne fut jamais capturé et vécut 35 ans enAmérique latine sous divers pseudonymes, dont celui de Wolfgang Gerhard sous lequel il fut inhumé en 1979 auBrésil. Il est connu sous le surnom d'« ange de la mort »

Jeunesse

Josef Mengele naît à Günzburg, cité médiévale située au bord du Danube. Il est le deuxième enfant et l'aîné des trois fils de Karl Mengele (1881-1959) et de sa femme Walburga (née Hupfauer, † 1946), de riches industriels bavarois. Ses frères se nomment Karl (1912-1949) et Alois (1914-1974). Enjanvier 1930, il quitte sa ville natale pour rejoindre Munich. C’est dans cette ville qu’il va adopter l’idéologie nationale socialiste, par conviction, et ambition. Enmars 1931, il entre dans la Stahlhelm, Bund der Frontsoldaten (Ligue des Soldats du Front, Casque d’Acier), qui le rapprocha du NSDAP. En octobre 1933, il s’enrôle dans la Sturmabteilung.

Il part ensuite pour Francfort-sur-le-Main, où il étudie la médecine. En 1935, il soutient brillamment sa thèse surL’Examen morphologique de la partie antérieure de la mâchoire inférieure dans quatre groupes raciauxqui soutient grandement ses théories eugénistes et ses visions de la race supérieure. L’année suivante, il passe avec succès l’Examen d’État, et commence à pratiquer à Leipzig. Il obtient son doctorat en 1938alors qu’il exerçait auprès de l’Institut National Socialiste de Recherche pour la Pureté de la Race. La même année, il devient également membre du NSDAP (n°5.574.974); il entre ensuite dans la SS (n°317.885) et enfin, il épouse Irène Schönbein le 28 juillet. Peu de temps après, il est nommé à l'Institut de Biologie Héréditaire et d'Hygiène Raciale de Francfort, où il travaille comme assistant d'Otmar von Verschuer, selon lequel « le meilleur moyen de repérer les influences héréditaires était d'étudier les jumeaux ».

Du 24 octobre 1938 au 21 janvier 1939, il effectue son service militaire au sein de la Kompanie des Gebirgsjägerregiments 137, puis s’engagea comme membre de la Waffen-SS, en 1940. Il sert comme médecin militaire sur le front de l'est dans la 5e Panzerdivision SS Wiking. Fin 1942, il est blessé au front à la jambe et est jugé inapte à retourner au combatPour son engagement héroïque au cours des batailles, il est promu au grade de SS Hauptsturmführer ; et est décoré de la croix de fer, puis il est transféré, en mai 1943, au Bureau Central SS de l'Administration et de l'Économie, qui supervise les camps de concentration nazis, puis, le 24 mai, il est affecté au camp de concentration d'Auschwitz.

Auschwitz

Bloc 10 à Auschwitz

Mengele est notamment chargé, comme d'autres médecins SS du camp, de la sélection des déportés qui arrivent au camp : ceux qui peuvent travailler sont temporairement gardés en vie ; les autres, dont les femmes, les enfants et les vieillards, sont immédiatement dirigés vers les chambres à gaz et exterminés. Toujours vêtu d'un uniforme bien coupé et de bottes parfaitement cirées, il fait souvent impression sur les détenus par sa politesse et son élégance. Lorsqu'il rencontre une résistance, il« abandonne sa pose élégante » pour fouetter de sa cravache ceux qui refusent d'être séparés de leur famille ; lorsqu'une mère attaque un SS qui veut la séparer de sa fille, il l'abat d'un coup de revolver, puis assassine également la fille avant d'envoyer la totalité des déportés du convoi vers les chambres à gaz.

Faisant partie des médecins du camp, Mengele visite régulièrement les salles de l'hôpital de celui-ci, « avec le manteau blanc immaculé qu'il portait par-dessus son uniforme SS, fleurant l'eau de Cologne et sifflant des airs deWagner » : au cours de ces inspections, il désigne, en levant ou en baissant le pouce, les malades voués aux chambres à gaz, parfois simplement « sur des bases purement esthétiques », une vilaine cicatrice ou une éruption cutanée équivalant à une condamnation à mort. Lors d'une de ses visites, il fait tracer une ligne horizontale sur un des murs du bloc des enfants et fait gazer ceux dont la taille est inférieure à la limite qu'il a fixée. Dans certains cas, il procède lui-même et immédiatement à une injection mortelle de phénol, en « prenant un plaisir évident à son travail ».

Mengele utilise également sa nomination à Auschwitz comme une occasion de reprendre sa carrière de chercheur scientifique, entamée à l'université de Francfort mais interrompue par la Seconde Guerre mondiale ; l'un de ses projets porte sur l'étude du noma, maladie qui provoque de graves mutilations faciales et dont il pense qu'elle a un caractère héréditaire, particulièrement fréquent chez les Tziganes. Dans la ligne de son mentor, Otmar von Verschuer, il met également en place des programmes de recherche pseudo-scientifiques, portant sur les jumeaux, mais aussi sur les nains, les bossus, les homosexuels… Dans ce cadre, il se considère comme un « scientifique normal » et tient un séminaire de recherche régulier avec ses assistants, auxquels il intègre des déportés ayant une formation médicale.

Pour ses recherches sur le noma, Mengele traite un grand nombre d'enfants souffrant de cette maladie, en leur administrant des vitamines et des sulfamides ; mais dès que les progrès sont suffisants pour attester de l'efficacité du traitement, il interrompt celui-ci et laisse les enfants rechuter.

Même quand il n'est pas de service, Mengele inspecte les nouveaux arrivants à la recherche de jumeaux ou supposés tels : il les préserve de l'extermination immédiate, les installe dans des baraques séparées du reste du camp, en conservant leurs effets personnels et, lorsqu'ils sont très jeunes, sauve leur mère de la chambre à gaz pour s'occuper d'eux. Si Mengele ne permet pas que les jumeaux soient battus ou maltraités, il les traite comme des rats de laboratoire, en leur injectant divers produits chimiques ou en leur en appliquant sur la peau, afin de mettre au jour d'éventuelles différences de réaction ; si des jumeaux tombent malades et que le diagnostic est incertain, il leur fait une injection mortelle pour les autopsier afin de déterminer les causes exactes de la maladie.

Fuite, disparition et décès

Sa maison à Hohenau (Paraguay).

En janvier 1945, peu avant la libération de Cracovie par l'Armée rouge, Mengele quitte le camp et rejoint sa Bavière natale. Sa famille l'y accueille en soldat qui a fait son devoir. Peu sont ceux qui lui réclament des détails sur ses années de services et pendant près de cinq ans, il vit confortablement.

Cependant, les témoins aux procès des criminels de guerre commencent à citer son nom. Ses anciens collègues, son chauffeur SS, révèlent des détails toujours plus accablants. Les Américains, qui contrôlent la zone de Günsburg et qui jusque-là avaient ignoré le personnage, commencent à s'y intéresser. Mengele estime qu'il est temps de disparaître. Au début de l'année 1951, Mengele franchit clandestinement le col de Reschen et gagne Merano. De multiples détours le conduisent en Espagne d'où il s'embarque pour l'Amérique latine. Il arrive à Buenos Aires en 1952 où il ouvre quelques mois plus tard un cabinet médical dans un quartier résidentiel. Mengele n'a pas de permis de travail mais ce n'est pas un problème : il a d'excellentes relations avec la police du président Juan Perón et compte de nombreux amis dans l'influente colonie nazie.

En 1954, sûr de sa retraite, il expédie une demande de divorce à Fribourg-en-Brisgau, son dernier lieu de résidence avec sa femme. Une erreur qui permettra à Simon Wiesenthal de retrouver sa trace en 1959. Insouciant, Mengele fréquente allègrement les cercles mondains de Buenos Aires et épouse en seconde noces la femme de son frère Karl, mort pendant la guerre. Mais le 16 septembre 1955, le régime de Peron s'effondre. Leur protecteur disparu, la plupart des nazis réfugiés en Argentine émigrent alors au Paraguay voisin. Mengele en fait partie mais la situation se stabilisant en Argentine, il revient s'y installer. Aucune poursuite n'étant entreprise contre lui dix ans après la capitulation nazie, il prend la direction de la succursale argentine de l'entreprise familiale sous sa véritable identité.

Au début de l'année 1959, le père de Mengele meurt. Mengele n'hésite pas à rentrer à Günsburg pour assister aux obsèques. Personne ne songe alors à le dénoncer. Mais depuis quelques mois a commencé en Allemagne le grand procès d'Auschwitz et bientôt son nom est cité parmi les principaux accusés. Le 5 juillet 1959, le procureur de Fribourg-en-Brisgau lance un mandat d'arrêt contre lui. Une demande d'extradition est formulée mais les Argentins prétendent ne pas connaître son adresse. Simon Wiesenthal prend alors l'affaire en main et demande à un de ses informateurs à Buenos Aires de découvrir l'adresse exacte de Mengele, ce qui est fait le 30 décembre 1959. Deux demandes d'extraditions se heurteront à un refus poli : le passé de Mengele est jugé comme relevant du délit politique, ce qui sur un continent où les coups d'État se succèdent, ne constitue pas un motif légitime pour une extradition.

Mengele a de toute manière pris les devants. Alerté dès le début des procédures engagées contre lui, il s'est rendu au Paraguay dont il a acquis la nationalité le 27 novembre 1959. Le témoignage de deux de ses amis, le baron Alexandre von Eckstein et l'homme d'affaire Werner Jung, lui ont permis de prouver qu'il réside dans le pays depuis plus de cinq ans, condition préalable à l'obtention de la nationalité. Muni de ce sauf-conduit rassurant, Mengele rentre à Buenos Aires et attend la suite des événements. Mais la passivité des Argentins pousse les agents israéliens, qui ont récemment retrouvé et enlevé Adolf Eichmann, à agir. Ils resserrent la surveillance autour de sa villa et se préparent à l'enlever aussi. Mais Mengele leur échappe.

Il est brièvement aperçu à San Carlos de Bariloche, station de villégiature à proximité de la frontière chilienne, avant de disparaître de nouveau. Entre-temps, l'Argentine s'est décidée à lancer un mandat d'arrêt contre lui, et la piste de Mengele se perd dans la forêt brésilienne. Pendant plus d'un an, il restera introuvable. En avril 1961, un informateur, ancien membre des SS dont il s'est vite désolidarisé, alerte Wiesenthal : Mengele a été repéré en Égypte où il se prépare à gagner la Crète ou une des îles voisines. Les services israéliens s'activent mais Mengele parvient à nouveau à s'échapper.

Convaincu que l'Amérique latine est le seul endroit où il sera en sécurité, Mengele est de retour au Paraguay en1962. Sa femme et son fils sont restés en Europe, où ce dernier poursuit ses études. Simon Wiesenthal les localise sans peine mais l'enquête révèle que Mengele n'est pas sur place, même de façon épisodique. Mengele est en effet àAsunción, la capitale du Paraguay, véritable refuge pour anciens nazis. En juillet 1962, le Paraguay reçoit à son tour une demande d'extradition. Craignant que sa nouvelle nationalité ne le protège pas suffisamment, Mengele se retire dans une province reculée près de la frontière.

La veille de Noël 1963, Rolf Mengele (né en 1944), le fils du Dr Mengele, prévient ses camarades qu'il doit se rendre en Italie pour rencontrer un proche parent qui vit depuis de nombreuses années en Amérique du Sud. Lorsque Simon Wiesenthal, prévenu trop tard, arrive à l'hôtel milanais où le jeune homme est descendu, il apprend que la note a été réglée par le Dr Gregor Gregory, une des nombreuses identités dont use Mengele.

En août 1966, à Hohenau, petite station de villégiature prisée des Paraguayens, six hommes font irruption dans l'hôtel Tirol à la recherche du Dr Fritz Fischer. Lorsqu'ils arrivent dans la chambre de celui-ci, elle est vide, l'homme s'est échappé par les toits et ses poursuivants israéliens ont encore raté leur cible.

Mengele finit sa vie dans un deux-pièces cuisine de la banlieue de São Paulo, complètement reclus, sans aucune relation sociale de peur d'être reconnu, vivant chichement des subsides envoyés par sa famille ou d'anciens nazis.

Malgré tous les efforts internationaux pour le trouver, Mengele ne fut jamais pris et après 34 ans de fuite, il meurt noyé au Brésil en 1979, foudroyé par une attaque cardiaque durant une baignade à Bertioga. Sa tombe fut localisée en 1985 par un effort combiné des autorités américaines, allemandes et sud-américaines. Après exhumation, il fut identifié en 1992 par des tests génétiques sur ses os (mâchoire) réalisés par les légistes de l'UNICAMP (Université d'État de Campinas) ; l’anthropologue Clyde Snow a confirmé l'identité de Mengele.

Postérité

Selon les services israéliens, Mengele ne constitue pas le pire des criminels nazis. D'autres médecins, tels Carl Clauberg ou Horst Schumann, lui sont bien supérieurs en ce domaine. De la même manière, son rang dans la SS était modeste et ses recherches n'ont jamais attiré l'attention d'Himmler, le chef suprême de la SS peu réticent à ce genre d'expériences. Cependant il a des centaines de victimes à son actif ; rien que pour ses expériences sur les jumeaux, il fait 111 victimes. D'avoir échappé si longtemps aux polices les plus expérimentées a certes contribué à faire de Mengele un personnage médiatique, mais il restera avant tout dans les mémoires et dans l'histoire du xxe siècle ( au même titre que le Japonais Shirō Ishii qui dirigeait l'Unité 731 en Chine occupée) comme l'un des pires symboles de la médecine dévoyée et criminelle à l'œuvre sous le Troisième Reich.

 

 en 1935, Mengele a soutenu sa thèse d'anthropologie qui porte sur 1' « examen radiomorphologique de la partie antérieure de la mâchoire inférieure dans quatre groupes raciaux ». Ses conclusions, absurdes d'un point de vue scientifique, veulent prouver la "supériorité" de l'Européen de type nordique, incarnation parfaite de la race aryenne.

Entre 1940 et 1943, Joseph Mengele sert notamment dans la Waffen SS. A la suite d'une blessure sur le front de l'Est qui le rend médicalement inapte au combat, il rentre en Allemagne Il est promu au grade de Hauptsturmfiirhrer, de capitaine, et reçoit quatre décorations.

Il arrive à Auschwitz le 30 mai 1943, avec la fonction de médecin-chef de Birkenau.

Que fait-il à Auschwitz ? 

    • Il participe aux sélections des déportés « valides au travail » à l'arrivée des convois. Il déploie ici une énergie et un zèle peu communs afin de remplir les chambres à gaz. Des témoins l'ont vu abattre lui même une mère qui refusait d'être séparée de ses enfants.
    • Il utilise les déportés pour ses expériences médicales. Il fait mettre les jumeaux dans des blocks à part (des baraques). Il les examine, les mesure, les tue pour disséquer leur cadavres. Ces expériences n'apportent rien, ne débouchent sur rien, mais il les continue, dans une sorte de délire, d'obsession. Son objectif est de faciliter la reproduction des soi-disant "êtres supérieurs que seraient les "aryens", les Allemands. Il fait une sorte de catalogue des traits physiques mais n'est aucunement un précurseur de la génétique. C'est plutôt une sorte de collectionneur d'anomalies physiques.
Photo représentant deux jumelles naines, souriantes, chez elles, après la guerre. Elisabeth et Perla Moshkowitz, deux jumelles naines, ont survécu parce que Mengele s'intéressait à elles.

Après la guerre, le "docteur" Mengele réussit à fuir et serait mort en 1979 au Brésil.

Le témoignage d'une infirmière sur le délire raciste des expériences inutiles du Docteur Mengele :

 

« Je me rappelle la petite Dagmar. Elle était née à Auschwitz en 1944 de mère autrichienne et j'avais aidé à la mettre au monde. Elle est morte après que Mengele lui eut fait des injections dans les yeux pour essayer d'en changer la couleur. La petite Dagmar devait avoir des yeux bleus !... » 

Témoignage d'Ella Lingens, infirmière polonaise déportée à Auschwitz,cité par H. Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Paris, Fayard, 1975

Après la guerre, une commission d'enquête sur les Crimes allemands en Pologne rapporte qu'il y eut d'autres expériences, tout aussi inutiles, menées par d'autres médecins nazis :

 

« Il y a des preuves irréfutables qui démontrent que certaines expériences ont été faites sur des hommes vivants. Ce sont les dépositions de plusieurs témoins et le compte rendu de la séance de la Section de chirurgie du 16 décembre 1943 qui cite notamment: 90 castrations, 10 ablations d'ovaires et une ablation de l'oviducte. Les expériences avaient lieu dans le Block 10 du camp principal. On peut les classer comme suit : expériences visant à l'examen du cancer, expériences de stérilisation, expériences hématologiques et sérologiques. Le plus souvent, des juives étaient employées à cet effet. Beaucoup d'entre elles furent à plusieurs reprises l'objet d'expériences. On constata, après quelques essais, qu'une fois opérées, les femmes n'étaient plus bonnes pour les expériences et dès lors on les expédiait directement aux chambres à gaz.

Les expériences de stérilisation au moyen de rayons étaient l'oeuvre du professeur Schumann de Berlin, lieutenant d'aviation de la Wehrmacht. Beaucoup de femmes vomissaient violemment après de telles expériences, beaucoup moururent peu après. Au bout de trois mois, chaque opérée subissait encore deux opérations de contrôle, pendant lesquelles une partie de leurs organes était incisée afin d'en vérifier l'état. C'est probablement à la suite de transformations hormonales provoquées par ces opérations que les jeunes filles vieillissaient précocement et faisaient l'impression de femmes âgées.

Quant aux hommes, un testicule seulement était soumis à l'insolation. Après cette opération, ils retournaient aux Blocks généraux et, après un repos d'une journée seulement, ils étaient remis au travail, sans qu'on tienne compte de leur état de santé. Beaucoup d'entre eux succombaient à la première expérience. Ceux qui y avaient survécu étaient au bout d'un mois castrés par le même Schumann, qui collectionnait les testicules coupés et les expédiait à Berlin. On choisissait pour ces expériences des hommes et des femmes jeunes et robustes, le plus souvent des juifs de Grèce. Au cours d'une séance, trente femmes environ étaient soumises à l'insolation. De telles séances étaient organisées par Schumann deux ou trois fois par semaine. Mais c'est le professeur

Clauberg, gynécologue allemand, qui fut le principal expérimentateur sur des êtres humains vivants. »

Les Crimes allemands en Pologne, Varsovie, 1948,rapport de la commission générale d'enquête sur les crimes allemands en Pologne
Expérience « médicale » pratiquée sur un cobaye humain dans la camp de Dachau : 
Il s'agissait de tester la résistance du corps humain à la pression atmosphérique. 
(Archives du CDJC)

Tableau des expériences "pseudo-médicales" réalisées dans les camps

 

Auschwitz

  • Expériences de stérilisation sur des femmes par injections intra utérines
  • Expériences de stérilisation sur des hommes et des femmes au moyen de rayons X (150 expériences)
  • Etude de l'évolution du cancer de la matrice (au moins 50 victimes)
  • Expériences sur les phlegmons (au moins 30)
  • Examens de l'atrophie du foie
  • Modification dans l'organisme sous l'influence de la faim
  • Expériences sur les jumeaux (111 victimes)
  • Expériences avec de la mescaline : obtention des aveux
  • Expériences à l'aide de brûlures (16 victimes)
  • Expériences par électrochocs, sur des aliénés
  • Expériences avec le sérum sanguin, afin d'obtenir un titre d'agglutination plus élevé, mélange de sang des groupes A II et B III
  • Expériences sur la malaria
  • Fabrication de moulages en plâtre d'organes génitaux féminins prélevés sur les déportées

Buchenwald

  • Expériences de "traitement" au phénol
  • Essais de vaccins de typhus exanthématique
  • Controle du vaccin de la fièvre jaune (485 cobayes humains)
  • Immunisation avec des vaccins de Frankel (gangrène gazeuse) (15 victimes)
  • Expériences sur des hormones
  • Expériences sur la pervitine
  • Expérience sur des bombes incendiaires au caoutchouc phosphoreux (5 victimes)
  • Expériences en graznd nombre sur des vaccins ou pseudo-vaccins contre la dysenterie, l'hépatite épidémique, la tuberculose...

Dachau

  • Expériences de ponction du foie (175 victimes environ)
  • Expériences sur la malaria (1.100 cobayes humains)
  • Expériences d'absorption d'eau de mer (40 victimes)
  • Expériences de basses pressions (plus de 200 victimes)
  • Expériences sur le froid (250 victimes)
  • Expériences sur la tuberculose (114 victimes)
  • Opérations chirurgicales expérimentales inutiles
  • Essais d'alimentation
  • Emploi de la mescaline
  • Cristalisation du sang par solution

Mauthausen

  • Mêmes expériences sur les vaccins (2.000 victimes)
  • Expériences avec des poux contaminants

Natzweiler

Schirmeck

  • Expériences sur le typhus
  • Expériences sur l'ypérite et le phosgène (300 victimes)
  • Expérience avec l'urotropine
Expériences menées par les professeurs Hirt, Bickenbach et Letz, de l'Université allemande de Starsbourg, dans une section spéciale appelée "Héritage des ancêtres"

Neuengamme

  • Expériences de désintoxication de l'eau potable polluée par des substances toxiques (plus de 150 victimes)

Ravensbrück

  • Expériences sur la gangrène gazeuse (75 victimes)
  • Expériences sur la régénération des muscles, des nerfs et des os (nombre inconnu de victimes)
  • Expériences de stérilisation de femmes
  • Expériences de greffes de peau
  • Expériences mystérieuses avec une poudre blanche non identifiée
A Ravensbrück, les déportées soumises à ces expériences étaient appelées les "lapins".

Sachsenhausen

  • Expériences avec des balles de nitrate d'acotinine (6 victimes)
  • Expériences pour ralentir le rythme cardiaque
  • Expériences avec l'ypérite (gaz moutarde)
  • Expériences sur les différences sérologiques des "races" (47 victimes tziganes)
  • Expérience avec du cyanure de potassium (1 victime avérée au crématorium)
  • Expériences de vessies artificielles
  • Expériences sur les intoxications saturnines insensibles dues à l'absorption d'eau provenant des conduites de plomb
  • Expériences avec des sulfamides
  • Essais d'alimentation
  • Expériences sur la résistance au froid
  • Essais pour déterminer le degré de solidité des chaussures de la Wehrmacht

 

L'Ahnenerbe, une société criminelle qui organisait les «expériences médicales »

« La passion de Himmler pour les expériences scientifiques, ou plutôt « pseudo-scientifiques », spécialement dans le domaine des recherches raciales, l'avait amené à créer en 1933 la société Ahnenerbe — ou Héritage des Ancêtres —  dont le siège était installé 16, Pûcklerstrasse à Berlin-Dahlem et qui était chargée à partir de 1935 d'étudier tout ce qui avait trait à l'esprit, aux actes, aux traditions, aux caractéristiques et à l'héritage de la soi-disant race « nordique indo-germanique ». Le 1er janvier 1939, elle reçut un statut nouveau qui la chargea de recherches scientifiques, lesquelles aboutirent aux expériences dans les camps.

Le 1er janvier 1942, la société fut rattachée à l'état-major personnel de Himmler et devint un organisme S. S. Le Comité directeur comprenait Himmler, président, le Dr Wuest, recteur de l'Université de Munich, et Sievers, ancien libraire devenu colonel S. S., secrétaire de la société, qui joua un rôle très important.

C'est l'Ahnenerbe qui, sur les instructions de Himmler, provoqua, organisa et finança la plupart des expériences. L'Ahnenerbe prit un développement énorme et disposa finalement de cinquante Instituts scientifiques spécialisés. Le point de départ des expériences paraît être une demande adressée à Himmler par le Dr Sigmund Rascher »

d'après Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Fayard, 1962

A la Libération, la découverte des traces des expériences, à Strasbourg

Compte-rendu du Commandant RAPHAËL, du Service Cinématographique des Armées.

« Le vendredi 1er décembre 1944, au cours d'une visite à l'Hôpital Civil de Strasbourg pour rechercher du matériel photographique provenant de l'Institut allemand, le Commandant Raphaël, du Service Cinématographique de l'Armée, a constaté la présence dans le sous-sols du bâtiment de l'Institut d'Anatomie de cadavres entassés, dans des cuves peines d'alcool.

Ces cadavres étaient destinés aux expériences du Professeur Hirth, Directeur de l'Institut.

D'après les déclarations des employés alsaciens : Peter, Wagner et Gabel, ces corps auraient été livrés à l'Institut, sur la demande du Professeur Hirth, par un camp d'internés politiques (Schirmeck ou Struthof).

Sur 120 cadavres commandés, 86 ont été livrés (dans la même journée, en plusieurs fois) à 5h du matin.

Les corps étaient transportés nus, à raison de 50 par camion.

Lors de leur déchargement, les témoins ont pu constater que les cadavres présentaient les caractéristiques suivantes : Ils étaient encore tièdes et ne présentaient pas la raideur cadavérique. Leurs yeux étaient congestionnés et rouges. Ils portaient un matricule tatoué sur le bras. Ils comprenaient 30 femmes de tous âges.

D'autre part, il est à signaler qu'il a été trouvé dans le laboratoire du Professeur une bombe puissante à oxygène liquide (10kgs) destinée à provoquer la destruction de toute l'installation, et à faire disparaître ainsi toute trace compromettante. L'Avance rapide de l'armée Leclerc a empêché la réalisation de ce projet. Toutefois, le Professeur Hirth a réussi à s'enfuir, mais une partie de ses assistants sont restés sur place.

Les personnes dont les noms suivent sont à même de fournir tous détails complémentaires sur cette affaire et de servir de témoins :

1- Eléments alsaciens ayant dénoncé les agissements du Professeur et continuant leur service à l'Hôpital Civil : Pater, Wagner, Gabel.

2 - Eléments allemands (internés ou surveillés) : Mlle Seepe, secrétaire du Professeur Hirth ; M. et Mme Bong, assistants du Professeur.

Mr Bong devait être fusillé, et n'a pas été exécuté, afin de servir de témoin. Il est interné.

En résumé : Le nombre de cadavres, la manière anormale dont ces corps ont été amenés à l'hôpital, les précautions prises pour pouvoir faire disparaître toutes traces de ces installations, enfin, les déclarations des employés attachés à ce service, prouvent que le Professeur Hirth était un triste personnage dont l'activité est à mettre en lumière.

Il semble qu'on se trouve en face d'une manifestation de la barbarie allemande.

Fait à Paris, le 10 décembre 1944.

 

Shirō Ishii

Ishii en 1932.

Shirō Ishii (石井 四郎Ishii Shirō1892-1959) était le lieutenant-général de l’unité 731, chargée de la recherche sur les armes bactériologiques pendant la Seconde Guerre sino-japonaise. Il poussa le Japon à adopter une stratégie de guerre bactériologique alors que le pays était signataire de la Convention de Genève de 1925 interdisant le recours aux armes chimiques. Il fut la clé de voûte de l'organisation de programmes massifs d'expérimentations biomédicales, sur des cobayes humains notamment. Il fut à ce titre suspecté de crimes de guerre.

Jeunesse et années d'études : 1892-1920

Shiro Ishii naît le 25 juin 1892 dans l’ancien village de Chiyoda dans la préfecture de Chiba au Japon (à deux heures de voiture du centre actuel de Tokyo) dans une famille de riches propriétaires terriens. Il entre au département de médecine de l’université impériale de Kyōto en 1916 et en sort diplômé en 1920.

Débuts dans l'armée : 1922-1932

Il rejoint l'armée en tant que Chirurgien Lieutenant peu après avoir obtenu son diplôme, obtenant son transfert durant l'été 1922 à l'hôpital de la Première Armée de Tokyo.

À cette époque, il apparaît brillant, charismatique, parfois instable, versatile, extravagant et ambitieux. Il est aussi ultra-nationaliste, cherchant avec ferveur à faire du Japon un leader en Asie. Son travail le distingue aux yeux de ses supérieurs, qui le renvoient en 1924 à l'Université de Kyoto, préparer un doctorat. L'année suivante, Shiro Ishii et sa femme, la fille du directeur de l'Université impériale de Tokyo, donnent naissance à leur fille aînée Harumi Ishii. Un an plus tard, Shiro Ishii obtient son doctorat en microbiologie.

Au cours de ses travaux scientifiques, Shiro Ishii tombe sur un rapport qui va changer sa vie : écrit par le Premier Lieutenant de Seconde Classe Harada, ce rapport se concentre sur les armes bactériologiques, au cœur de la Conférence de Genève de 1925 à laquelle Harada, en tant que membre du Bureau de la Guerre, a assisté. Ishii y voit un potentiel énorme pour l'armée japonaise et décide de s'y intéresser.

Membre de plusieurs sociétés secrètes influentes dans les milieux militaires, son charisme et ses talents de persuasion le font vite remarquer auprès des personnalités influentes de l'armée, notamment l'ex-général Chirurgien de l'armée et ex-ministre de la santé, Koizumi Chikahiko, qui lui obtient le poste de Professeur d'Immunologie à l'Université médicale militaire de Tokyo, l'école médicale militaire la plus prestigieuse du Japon.

Au début de l’année 1928, il fait un voyage de 2 ans en Europe et en Amérique où il se lance dans des recherches intensives sur les effets des armes bactériologiques et des armes chimiques. Il y étudie notamment les armes chimiques utilisées pendant la Grande Guerre, visitant plusieurs instituts médicaux européens, canadiens et américains.

En 1930, de retour d'Europe, Ishii est promu commandant. Ses recherches sur les armes bactériologiques suscitent l'intérêt des hautes sphères militaires. Devant l'infériorité du Japon par rapport aux États-Unis et à l'URSS en termes de population et de capacité de production de guerre, les armes bactériologiques apparaissent en effet comme une solution pour inverser le rapport de force. Dans ce contexte, Shiro Ishii reçoit le soutien du Ministre de la Guerre Araki Sadao, du chef du bureau militaire des Affaires Nagata Tetsuzan et de colonels de factions ultra-nationalistes. Grâce à ses contacts, Shiro Ishii monte régulièrement en grade (tous les trois ans jusqu'à obtenir le grade de Lieutenant Général en 1930).

Il intègre en 1930 le service de la prévention des épidémies de l’école de médecine de l’armée. Il s'intéresse alors autant à la prévention des maladies qu'à la mise au point des armes bactériologiques. Il commence à cette date à conduire secrètement des expériences sur des cobayes humains non consentants dans son laboratoire à Tokyo.

En 1931, il invente un filtre à eau capable de nettoyer l’eau des bactéries, dispositif utilisé dans la Marine impériale japonaise.

Les expérimentations : 1932-1945

Article détaillé : Unité 731.

Dès 1930, réalisant que Tokyo n'est pas l'endroit approprié pour conduire des expérimentations à grande échelle, Shiro Ishii voit dans le Mandchoukouo l'endroit adapté à ses projets et commence les opérations en 193213.

Après le stade de Harbin, le village de Beiyinhe de 1932 à 1936

En 1932, il reçoit la permission du ministre de l'Armée, Sadao Araki, de développer un programme de recherche bactériologique et de mener des expériences sur les humains. Il dirige donc de 1932 à 1934 le “laboratoire de recherches sur la prévention des épidémies” chargé en réalité d'étudier les armes bactériologiques, qu'il installe d'abord en 1932 à Harbin, ville cosmopolite du Nord de la Mandchourie, non loin de la frontière sino-russe. Il achète de nombreux bâtiments, dispose d'un personnel (300 hommes) et d'un équipement importants, et un budget lui est confié (200 000 yens). Les recherches sur les armes bactériologiques restent secrètes et la structure est désignée sous le nom d'Unité Togo (東郷部隊, Tōgō Butai). Il devient vite manifeste cependant qu'Harbin est encore trop ouverte pour préserver le secret des expériences. Le choix se porte alors, fin 1932, sur Beiyinhe, petite ville isolée à 60 kilomètres au sud de Harbin. Shiro Ishii y fait construire un bunker-laboratoire gigantesque surnommé “La Forteresse Zhongma”. Il mène des expériences sur des prisonniers politiques et lorsque ces derniers viennent à manquer, sur d'autres prisonniers. Il doit cependant interrompre les expériences qui s'y déroulent fin 1934 à cause d'une révolte des cobayes humains et de l'explosion d'un dépôt de munition voisin qui endommage les installations. Certains prisonniers-cobayes s'étant échappés, le secret de l'opération est menacé. Shiro Ishii obtient alors la construction d'un nouvel ensemble de 70 bâtiments à Pingfang (à 24 kilomètres au sud de Harbin).

Le camp de Pingfang : 1938-1945.

Shiro Ishii bénéficie du soutien, dont le caractère volontaire ou involontaire reste inconnu, de l'Empereur Hirohito qui, le 1er octobre 1936, passe un décret impérial établissant une nouvelle unité de l'armée, la Boeki Kyusui Bu ou « Administration de fourniture d’eau et de prophylaxie de l’armée du Guandong ». Ishii est promu colonel lors de l'ouverture du nouveau centre en 1938.

Si l'Unité effectue effectivement un travail de purification des eaux, l'essentiel de sa tâche est secret. Chef de Bureau, Shiro Ishii peut organiser le projet avec une ample marge de manœuvre. Il ajoute à l'Unité Togo des médecins civils et des soldats venus de son village d'origine qui lui sont loyaux. Cette nouvelle unité prend le nom d'Unité Ishii et sera renommée en 1941 la fameuse Unité 731 (731 部隊, Nana-san-ichi butai). Il se retrouve alors à la tête d'une organisation plus importante, qui emploie près d'un millier de chercheurs (médecins, biologistes, vétérinaires et chimistes). Ses deux frères participent activement au projet : son frère Takeo supervise les systèmes de sécurité des prisonniers humains afin d'éviter les évasions pendant que Mitsuo supervise les espèces animales et la reproduction des divers cobayes animaux (rats, bacilles, puces).

Une fois l'installation de PingFang complétée, d'autres unités plus réduites sont créées d'abord en Mandchourie, àAnda, 140 kilomètres au Nord de Harbin et Dalian, un port du sud de Mandchourie. L'influence de Shiro Ishii s'étend aux parties occupées de la Chine, à la Mongolie intérieure, puis aux autres territoires occupés par le Japon au début de la Seconde Guerre mondiale : Singapour, etc. Au sommet de son pouvoir, Shiro Ishii contrôle une flotte aérienne, un personnel scientifique et médical composé de plusieurs milliers d’individus et une armée de soldats. Plus important, il gère à lui seul des sommes énormes. Il est également en étroite relation avec les hôpitaux japonais : les médecins de l’unité sont des médecins civils et les conclusions des expériences sont communiquées régulièrement au monde médical japonais. Enfin il bénéficie également du concours de la kempeitai, la police militaire de l'armée de terre, qui lui fournit ses cobayes humains.

La taille du complexe lui permet d'organiser dès 1938 des tests à l'air libre sur des soldats et des civils chinois, mandchous, coréens et russes blancs. L’affirmation selon laquelle des prisonniers de guerre britanniques et américains auraient été « utilisés » lors de ces tests prête à débat. Selon Sheldon Harris cette affirmation est infondée, mais le journal personnel de Robert Peaty, major du Royal Army Ordnance Corps (RAOC) et prisonnier de guerre au camp de Mukden, mentionne en janvier et février 1943 l'inoculation de maladies infectieuses aux prisonniers de guerre américains par des médecins de l'unité 731 sous prétexte de faire des vaccins.

L'application de ses expériences

Dans le cadre des recherches de l'Unité 731, Shiro Ishii est amené à donner des conférences et à faire des démonstrations de vivisections devant des personnalités médicales, militaires et politiques japonaises. Viennent notamment y assister les princes Chichibu, et Mikasa, jeunes frères de l'Empereur Hirohito, ainsi qu'Higashikuni Naruhiko, l'oncle de l'Empereur .

Il organise dans son centre des essais de toutes sortes visant à étudier les effets sur les « marutas » (surnom donné aux cobayes signifiant « bûches » ou « billes de bois ») de nouvelles armes, des températures extrêmes, de l'inoculation de souches bactériologiques. Ces expériences conduisent à l'utilisation d'armes bactériologiques utilisant principalement l'anthrax, le tétanos et la peste. Les méthodes imaginées pour répandre les bactéries sont diverses : distribution de nourriture ou de vêtements infectés, bombes, largage de puces, infestation des sols et de l'eau...

Entre 1937 et 1945, des dizaines de milliers de Chinois décèdent de la peste bubonique, du choléra, de l’anthrax, de la tuberculose, de la typhoïde et d’autres virus. Le nombre total de morts chinois qui résulte des armes bactériologiques utilisées par l'armée japonaise est estimé à 208 000, dont 187 000 civils par R.J Rummel . Sheldon Harris fixe quant à lui le nombre de morts aux alentours des 250 000. Quant à Shiro Ishii et l'unité 731, ils sont responsables de la mort d'entre 3 000 et 12 000 « cobayes » selon Sheldon Harris .

Défaite japonaise et démantèlement : 1945

Deux jours après l'explosion de la bombe nucléaire à Hiroshima, le 8 août, l'Union Soviétique entre en guerre et ses troupes avancent rapidement en Mandchourie. Les prisonniers du complexe de PingFang sont tués par injections d’acide prussique et incinérés en 3 jours. La centrale thermique, la prison le 11 août puis tout le reste sont détruits, sauf les bâtiments de l'entrée. Le groupe des aviateurs est chargé de dynamiter les bâtiments. Les trains se succèdent pour acheminer les nombreux membres du personnel de l'unité 731 jusqu'en Corée. Le dernier train part le 14 août au soir. Le 15 août, l'Empereur Hirohito déclare à la radio la fin de la guerre  .

5 jours plus tard, le dernier convoi d'évacuation du complexe de Pingfang arrive à Busan (ou Pusan, sur le littoral coréen). Shiro Ishii y attend les membres de l'Unité 731. L'unité est définitivement dissoute, mais les membres de l'Unité sont contraints au silence, avec ordre de dire qu'ils veillaient à empêcher la propagation d'épidémies et de purification des eaux. Shiro Ishii commande une équipe qui rejoint secrètement Tokyo en s'arrêtant chaque soir dans des temples amis. Il atteint Tokyo à la fin du mois d'août et découvre une ville dévastée, en attente des décisions américaines.

Le pacte avec les États-Unis : 1945

Douglas MacArthur arrive à la fin du mois de septembre 1945 au Japon accompagné d'un personnel nombreux comprenant des avocats, des détectives et des forces de police pour traquer les criminels de guerre japonais. De nombreux propos sont rapportés aux forces de police américaines quant aux agissements de l'Unité 731 et à la personne de Shiro Ishii, souvent anonymes, et quand déclarés souvent envoyés par les Partis Communistes Chinoisou Japonais. La précision et l'exhaustivité de certains renseignements laissent à penser que l'Unité avait peut-être été infiltrée par une cellule des Partis Communistes chinois ou soviétique. En conséquence, le 12 janvier 1946, l'ordre est donné par l'agence de contre-espionnage américaine d'arrêter Shiro Ishii pour lui faire subir un interrogatoire. Contrairement aux principaux criminels de guerre japonais, il n'est alors pas emprisonné mais assigné à résidence dans sa demeure de Tokyo. Ce dernier s'est jusque-là caché dans la montagne. Shiro Ishii et d'autres individus ayant joué un rôle important dans l'Unité 731, tels que Ryoichi Naito, sont alors interrogés. Des délégations de scientifiques envoyées de Fort Detrick, dans le Maryland, à Tokyo à l'automne 1945 (conduites par le Lieutenant Colonel Murray Sanders), en 1946 (Lieutenant Colonel Arvo Thompson), en 1947 (Dr Norbert H. Fell) et en 1948 (Dr Edwin V. Hill) rencontrent également Ishii et les autres dirigeants de l'Unité 731. Ces délégations, intéressées par les résultats scientifiques des expériences menées par l'Unité, jouent un rôle important dans la gestion de l'affaire. Alors qu’en Europe en 1947, le procès de Nuremberg met en évidence les responsabilités des nazis, un pacte secret est conclu entre Douglas MacArthur et Shiro Ishii. Ce pacte lui garantit l’immunité et le secret sur les atrocités commises en échange des résultats qu’il a obtenus. Une entente est conclue et tous les membres de l’unité sont exonérés de poursuites devant le Tribunal de Tōkyō. Ils reçoivent en plus une allocation à vie, sans doute de l’armée américaine.

Certains médecins capturés par les Soviétiques sont toutefois jugés en 1949 lors du procès de Khabarovsk mais cela ne représente que 12 membres de l’Unité 731. Shiro Ishii n’est pas inquiété. Richard Drayton, maître de conférence en histoire à l'Université de Cambridge, écrit que Shiro Ishii a donné plus tard une conférence dans le Maryland à propos des armes bactériologiques. D'autres sources disent qu'il est resté au Japon et a dirigé une pension. Il meurt d'un cancer de la gorge le 9 octobre 1959 .

Shirō Ishii en 1939.

Mémoire

Bien que les milieux médicaux, militaires et aristocratiques (la famille impériale notamment) connaissent l'histoire de l'Unité 731, longtemps les Japonais ignorent son existence. Sur les 9 éditeurs de livres d'histoire de secondaire, un seul consacre quelques lignes à l'Unité 731 et ses crimes. Ceux qui veulent briser le silence ou critiquer les agissements criminels japonais sont sujets à des pressions et menaces. La première étude japonaise sérieuse sur l’unité 731 est faite en 1976 . En 1981, la parution du livre-enquête de Seiji Morimura Unité 731 (éditions du Rocher) porte pour la première fois les activités de l'unité 731 à la connaissance du grand public. Dans la foulée, la publication d’articles de John Powell dans le Bulletin of Concerned Asian Scholars et dans le Bulletin of Atomic Scientists confirment également l'existence de l'Unité 731. Un an plus tard, le Ministère de la Santé japonais reconnaît officiellement l'existence de l'Unité 731 mais pas les expérimentations, sous prétexte d'insuffisance de preuves. Cette même année, la fille de Shiro Ishii, Harumi Ishii, donne une interview à Masanori Tabata, journaliste du Japan Times. Elle y explique qu'elle a travaillé comme secrétaire particulière de son père au quartier-général de Pingfang (près de Harbin) en 1945 et après la reddition, au domicile des Ishii à Tokyo, sténographiant une grande partie des entrevues livrées par celui-ci aux enquêteurs américains. L’article publie une photo la montrant assise à une table de banquet entre deux de ces enquêteurs.

En 1982 également le site de Pingfang est classé au patrimoine mondial et devient un lieu de mémoire. Les bâtiments administratifs sont aménagés en musée. Ce dernier présente une maquette du complexe de l'Unité 731, composé de laboratoires, d'une prison et de logements de fonctions pour le personnel japonais. Il contient aussi des scènes de vivisections avec mannequins, des photographies de prisonniers hagards, des répliques des bombes porteuses de maladies infectieuses lâchées dans des régions isolées où des prisonniers cobayes étaient placés.

En juin 1989 une grande quantité d'ossements sont découverts sur le site de l'ancienne école de Médecine de l'armée à Tokyo. Aucune enquête n'est menée pour savoir d'où ils proviennent. Entre 1993 et 1994, une exposition itinérante sur l'Unité 731 attire plus de 200 000 visiteurs. Cette même dernière année une liste officielle de 2000 ex-membres de l'Unité 731 est publiée. En 1995, un mouvement d'opinion demande que lumière soit faite sur les agissements de Shiro Ishii et des autres membres de l'Unité 731.

Tokyo s'est engagé à débarrasser la Chine de stocks d'armes chimiques produites pendant la guerre sur l'île d'Okonoshima. Plus de la moitié se trouve dans l'ancien Mandchoukouo.

En dépit des recherches d'historiens japonais et américains, des preuves apportées par les Chinois et de témoignages des certains ex-membres de l'Unité, le Japon refuse de faire véritablement la lumière sur les agissements de Shiro Ishii et l'unité 731. En 2002 cependant, une Cour de justice japonaise reconnaît officiellement le rôle de l'Unité 731 dans la guerre bactériologique qui s'est déroulée en Chine pendant la Seconde Guerre mondiale, mais elle dédouane le gouvernement japonais de toute réparation envers les plaignants chinois et russes.

Similitudes avec Mengele

Shiro Ishii compte parmi les symboles de la médecine dévoyée qui ont marqué le XXème siècle, à l'instar de Josef Mengele, médecin nazi connu notamment pour ses expérimentations médicales sur des cobayes juifs au sein du camp d'Auschwitz lors de la seconde Guerre Mondiale. Si le but des expérimentations différaient – les expérimentations de Shiro Ishii avaient une finalité surtout militaire, puis médicale, tandis que celles de Josef Mengele visaient à étayer scientifiquement la théorie raciale nazie – , Shiro Ishii et Josef Mengele se retrouvent quant aux méthodes utilisées – l'utilisation de cobayes humains forcés dans le cadre d'expériences médicales – et à l'impunité dont ils ont bénéficié.

 

12 juin 2013

la stupidité programmée

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Nous vivons à une époque où les nouvelles idoles, résonances de la vacuité, s’appellent Steve Jobs, Paris Hilton, Cristiano Ronaldo, Lady Gaga. Servie par une machinerie implacable, l’inculture de masse régie par l’interdit de penser hypnotise la jeunesse mondiale. Aucune contre-éducation formelle ne peut faire face à ce torrent d’images et de sons cumulatifs qui domine le quotidien de chacun. Sport, télévision, publicité sont devenus les piliers de la manipulation des consciences.

Le soubassement premier de l’hégémonie capitaliste n’est plus fondé sur la coercition mais bien plutôt sur la séduction et la servitude volontaire. Depuis longtemps, l’industrie du spectacle est « le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu ». Elle est le nouvel opium du peuple pour reprendre les mots fameux de Marx relatifs à la religion. Par son caractère distrayant, l’industrie culturelle est un redoutable régulateur social, à la fois manifestation de l’ineptie existentielle et consolation sédative.

Le sport-spectacle mobilise plus que jamais des capitaux invraisemblables et enrégimente des foules magnétisés à leur écran, distraites de leur misérable réalité sociale. Rien de plus chronophage que ces messes sportives qui colonisent l’espace public et canalisent les énergies des masses. Avides de pouvoir, des entreprises multinationales voire même des Etats (Dubaï, Qatar) spéculent sans compter sur ce processus rampant d’abrutissement. Le Qatar, organisateur de la coupe du monde 2022 pour un coût astronomique estimé à 50 milliards, a développé une véritable diplomatie sportive en rachetant notamment le club de Paris Saint-Germain et en créant un réseau de diffusion télévisé planétaire. « Contenu idéologique dominant, souvent exclusif même, des grands médias, des commentaires politiques, des ragots journalistiques, des conversations quotidiennes (y compris chez les intellectuels dits de gauche), le spectacle sportif apparaît comme une propagande ininterrompue pour la brutalité, l’abrutissement, la vulgarité, la régression intellectuelle » nous fait remarquer le sociologue français Jean-Marie Brohm.

En ces temps tumultueux frappés par la paupérisation et le déficit de sens, le piège à con est de s’identifier aux totems de la réussite, du monde sportif ou du spectacle, qui occultent la réalité tragique du monde capitaliste. Enfants des favelas ou des quartiers populaires de Marseille, tous aspirent à la célébrité ou du moins s’inspirent des modes de consommation de leurs idoles. Déconnecté du réel, les jeunes reproduisent imbécilement les comportements des stars marchandisées jusque dans leur allure parfois biscornue, aux airs de prostituée des bas-quartiers de Rihanna à celui de métrosexuel bling-bling de Cristiano Ronaldo.

La « téléréalité », qui a envahi l’espace télévisuel en l’espace de quelques années, n’est qu’un simulacre qui déréalise les foules assoiffées de célébrité. Vitrine de l’avilissement de l’être, ces programmes sont, avec ses antivaleurs, une métaphore de la société capitaliste. Stratégie sournoise, utilitarisme, trahison sont le lot de ces émissions qui gratifient les pratiques individualistes et narcissiques. Dans cette société scopique où chacun doit faire sa propre promotion, le consommateur devient lui-même à travers les réseaux sociaux et autres blogs un produit mis en scène.

Il est encore plus difficile d’échapper à l’étreinte de la publicité qui est omniprésente et redoutablement efficace. Elle nous suit comme notre ombre, dans l’espace public comme dans la vie privée. Sidéré par la projection de l’image, l’être n’existe plus sans sa représentation. Le credo de la pub se résume à « Je dépense donc je suis ». C’est le fin du fin du fétichisme de faire croire que l’acquisition d’une marchandise a le pouvoir démiurgique de fonder la personnalité. Think different (mais surtout achète pareil) disait cyniquement le slogan d’une marque qui a œuvré plus pour l’homogénéisation de la société que pour l’émancipation des esprits. Chacun a l’illusion d’opérer un choix alors qu’il ne fait que se conformer à des stimuli comme des moutons de Panurge.

Il est temps de discerner ce qui relève de nos propres jugements et ce qui procède des influences externes pour reprendre le contrôle effectif de nos vies. Une bonne dose d’intelligence critique est nécessaire pour sortir de l’ornière consumériste. Le véritable individualisme s’exprime dans le refus de ce mouvement collectif de dépersonnalisation et d’apathie politique.

Emrah Kaynak


« Nous sommes, par nature, si futiles, que seules les distractions peuvent nous empêcher vraiment de mourir. »
Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit

 

 

21 septembre 2014

sabres laser......

 

 

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Sabre laser

Sabre laser
Image illustrative de l'article Sabre laser
Un sabre laser.
Présentation
Type Sabre
Utilisateur(s) JediSith
Accessoire(s) La Force
Période d'utilisation An 15 500 av.BY
Autre(s) nom(s) Lightsaber («sabre luminescent»)
Light Sabre («sabre de lumière»)
Poids et dimensions
Longueur du manche 20 à 35 cm
Longueur de la lame variable
Caractéristiques techniques
Matériaux Métal, rayon laser
Variantes Katanas Jedi, double sabre laser

Le sabre laser, sabre-laser ou même sabrolaser est une arme fictive issue de l'univers imaginé par George LucasStar Wars. Le nom en version originale est Lightsaber ou Light Sabre (sabre luminescent, ou sabre de lumière). Contrairement à ce que laisse entendre la traduction française, il n'est pas dit dans l'univers Star Warsque la lame est faite d'un laser. La Cité des sciences explique d'ailleurs qu'un plasma confiné par un champ magnétique correspondrait mieux aux effets observés.

Employé par les Jedi tout comme les Sith4, il s'emploie comme un sabre classique, mais peut traverser de nombreuses matières solides, comme la majorité des métaux. Cependant, son fort effet gyroscopique peut être extrêmement dangereux pour quelqu'un qui ne maîtrise pas la Force.

 

Histoire

Si la naissance du sabre laser demeure inexpliquée, on sait qu'il commence à remplacer les katanas Jedi vers l'an 15 500 av.BY. L'arme s'avère supérieure à la précédente mais reste toutefois relativement archaïque. En effet, ses utilisateurs doivent porter une lourde batterie à leur ceinture, reliée au sabre par un cordon. Elle est utilisée par les Jedi lors de la Grande Guerre de l'Hyperespace, face à l'Empire Sith de Naga Sadow5. Par la suite, l'utilisation des sabres laser ne cesse de se généraliser parmi les adeptes de la Force, qu'ils soient Jedi ou Sith. À partir de laGrande Guerre des Sith, plusieurs variantes commencent à faire leur apparition comme le double sabre laser d'Exar Kun.

Après la Guerre des Clones et la Grande Purge Jedi qui en découle, il ne subsiste presque aucun Jedi. L'usage du sabre laser a donc pratiquement disparu de la galaxie, car exhiber une arme telle que celle-ci équivaut pour un Jedi à être découvert et traqué par l'Empire. Ce n'est qu'après la résurrection de l'Ordre Jedi, sous Luke Skywalker, que le sabre laser refait son apparition.

Description

Selon les dires de Luke Skywalker, les composants d'un sabre laser sont assez simples. Chacun d'entre eux possède une cellule d'alimentation standard, généralement au diatium. Il nécessite ensuite un cristal (il y en a trois la plupart du temps, mais un seul est nécessaire), un émetteur de lame et une lentille. Certains éléments peuvent être modifiés pour améliorer leur efficacité ou leur puissance. La longueur du manche peut varier de 20 à 35 centimètres, sauf rares exceptions. La longueur de la lame est également variable : Yoda possède un petit sabre laser tandis que Dark Malak en utilise un grand.

Le faisceau du sabre laser est capable de couper la grande majorité des matières existantes. Pourtant, mis à part un autre sabre laser - ou un laser tout court - il existe certains matériaux ou éléments qui lui résistent :

  • Le cortose (cortosis en vo), un métal coûteux et rare, correspond au moyen le plus couramment employé pour se défendre face à un sabre laser lorsque l'on n'en possède pas un soi-même. Il permet même de « court-circuiter » un sabre laser, le rendant temporairement inefficace.
  • Le phrik, alliage utilisé dans la conception des armes des MagnaGardes du Général Grievous et pour les armures des Dark Troopers.
  • Le fer mandalorienbeskar en langue mandalorienne, trouvé sur la planète Mandalore, utilisé dans la conception d'armes et d'armures. Ce métal sert également à étancher la porte du tombeau de Freedon Nadd sur la planète Dxun4.
  • Certaines armes et armures conçues par les Yuuzhan Vong.
  • Certains boucliers d'énergie et certains matériaux supraconducteurs.
  • La peau de certains animaux.
  • Des armes et armures soumises à l'alchimie Sith. Par exemple, cette dernière est employée dans la conception de l'armure de Dark Vador pour la rendre plus résistante
  • L'eau, sauf si le sabre laser en question est spécialement conçu pour lui résister. En cas de pluie, le sabre laser dégage simplement de la vapeur.

Les matériaux très denses comme les blindages lourds peuvent ralentir la pénétration de la lame mais ne l'empêchent cependant pas de rentrer.

Différentes couleurs

Différentes couleurs de sabres laser

Dans la trilogie originale, les lames étaient bleues et plus tard également vertes pour les Jedi, alors que les lames rouges étaient exclusivement réservées aux Sith, bien que des sabres alchimiquement modifiés fussent utilisés par les premiers Seigneurs Sith car leur technologie n'a été développée qu'après l'exil des Jedi Noirs.

Les divers documents de l'univers étendu de Star Wars décrivent des couleurs incluant beaucoup de variations de bleu, vert et rouge ainsi que des couleurs telles le violet, orange, argent, turquoise, rose, bronze, jaune, et également entre autres blanc ou or. La gamme de couleur complète des cristaux et donc des lames est inconnue. Cependant, dans les temps plus récents, la plus petite gamme de couleur est en partie due au fait que l'Empire a détruit les grottes où l'on trouvait les cristaux. Les cristaux synthétiques ont alors remplacé les cristaux naturels mais ceux-ci étaient soit bleus soit verts.

Le Jedi Gantoris créa une lame violette avec des motifs d'arc-en-ciel ondulants autour du cœur blanc du faisceau.

La couleur du sabre laser dépend donc du cristal utilisé pour concentrer le rayon lumineux. Les lames bleues sont souvent associées aux Jedi gardiens, plutôt axés sur le combat et les arts martiaux, les lames vertes aux Jedi consulaires, qui s'occupaient des négociations et de la formation des Padawans, les jaunes aux Sentinelles Jedi, gardiennes du temple Jedi, les lames violettes et cyan sont réservées aux maîtres d'armes (incluses dans l'histoire plus tard et uniquement réservées à Mace Windu dans la double Trilogie car découlant d'une requête de Samuel L. Jackson durant le tournage de la seconde Trilogie) et les rouges aux Sith et aux Jedi noirs adeptes du côté obscur (parfois même orange foncé).

Chaque Jedi ou Sith est libre de choisir le cristal de son sabre laser. Il est choisi durant l'apprentissage, quand le Jedi n'est encore qu'un Padawan et quand lui et son maître font le voyage jusqu'à la planète Illum afin de choisir un cristal. Avant la bataille de Ruusan, les Jedi utilisaient toutes les couleurs connues. Mais après, les Jedi se mirent à choisir des cristaux plus courants comme les bleus et verts. Mace Windu quant à lui brava les obstacles de la planète Hurikane afin de trouver un rare cristal violet.

Les cristaux synthétiques rouges prisés par les Sith peuvent créer en quelque sorte une lame plus puissante mais ne sont pas aussi purs à cause de leur nature artificielle et peuvent donc ainsi être jugés indésirables par certains. Une des raisons pour lesquelles ils préfèrent le rouge est que c'est la couleur du sang de la plupart des espèces connues, humains en tête.

Le choix de la couleur repose également sur la priorité du Jedi. Si un Jedi choisit une couleur bleue, cela signifie qu'il se concentrera sur le combat au sabre plutôt que sur la maîtrise de la force. Si la couleur verte est choisie, cela indique qu'il préfère l'étude de la force à l'étude des techniques de combat au sabre. La couleur rouge est pour ceux qui étudient les techniques du côté obscur de la force. Le violet est rare mais pas uniquement à cause de la difficulté d'obtenir le cristal, le violet est en effet le mélange du bleu et du rouge ce qui indique que le Jedi a étudié les différentes formes de combat au sabre mais également les techniques du côté obscur. Ce n'est cependant pas systématiquement le cas.

À l'origine, le sabre de Luke Skywalker dans Star Wars, épisode VI : Le Retour du Jedi devait être bleu mais cette couleur était difficile à mettre en scène sur le fond également bleu du ciel du décor sur Tatooïne. D'où la naissance du sabre vert.

Combat au sabre laser

Deux sabres laser qui s'entrechoquent.

Le style de combat de l'ancienne trilogie n'était pas très complexe ni très excitant : c'était un mélange d'escrime et de duel à l'orientale (kendo); cependant, bien que moins beaux, ils sont nettement plus crédibles tactiquement que les duels virevoltants de la prélogie, où les situations de mise en danger inutiles sont très fréquentes. Ils se composaient d'attaques vers le haut et vers le bas et éventuellement d'une petite pirouette qui devait donner un certain dynamisme au combat. Peter Diamond était à l'époque le superviseur des duels au sabre laser. Même si les combats paraissaient spectaculaires à l'époque,ils ont perdu ce côté face aux acrobaties de la Prélogie. Ceci s'explique par le fait qu'à l'époque, premièrement George Lucas ne donnait pas aux duels toute l'importance qu'ils ont dans la Prélogie, deuxièmement les « sabres-laser » utilisés par les acteurs étaient plus lourds et plus fragiles que les maquettes du tournage des épisodes I à III.

Pour la nouvelle trilogie, les combats, supervisés par Nick Gillard, reçurent un meilleur traitement. Sept « Formes » spécifiques étaient codifiées à l'origine, mais elles furent enrichies et complétées par Lucas et Gillard jusqu'à l'épisode III, bien que les références de l'Univers étendu soient souvent incomplètes. Finalement (à partir de 2004 officiellement), on distingue neuf Formes, plus deux Formes spéciales. L'ensemble des Formes, dont chacune est un style à part entière, constitue ce qu'on appelle les Arts Jedi. Voici les Formes ainsi qu'une description succincte et des exemples pour chacune d'elles :

  • Forme IShii-Cho : dite Forme de Détermination. Style de combat fondamental, le premier enseigné au Padawan. Il provient de l'ancienne utilisation des armes blanches (sabres, vibrolames…). Le Shii Cho est souvent dit « basique », mais intègre des attaques puissantes et permet de nombreuses combinaisons. Kit Fisto et Agen Kolar sont des maîtres de cette forme.
  • Forme IIMakashi : dite Forme d'Opposition. Style de combat de duel au sabre laser, considéré comme archaïque à l'époque de la Prélogie car les Jedi n'avaient plus à mener de duels. Fluide et précis, préférant la dextérité et la complexité à la puissance, le Makashi est élégant et efficace, et comprend des bottes parmi les plus délicates des Arts Jedi. Il est notamment utilisé par le Comte Dooku.
  • Forme IIISoresu : dite Forme de Protection. Style de défense par excellence, inventé lorsque les Jedi commencèrent à affronter des tireurs. Expression de la philosophie pacifique des Jedi, il est donc utilisé pour le renvoi des tirs de blaster et la protection individuelle, mais est peu agressif. Un grand maître du Soresu :Obi-Wan Kenobi. Également employé par Luminara UnduliBarriss Offee et Luke Skywalker.
  • Forme IVAtaru : dite Forme de Vélocité. Style de combat fondé sur la vitesse. Les attaques et enchaînements, qui nécessitent un important engagement physique, privilégient la surprise plutôt que la puissance. Acrobatique et virevoltant, il s'agit d'un style offensif, où la défense passe par le mouvement et la rapidité des enchaînements. Utilisé par Qui-Gon JinnObi-Wan Kenobi (qui cessa de l'utiliser après la mort de son maître pour se tourner vers le Soresu), Dark Sidious pour surprendre l'adversaire ou Yoda pour compenser sa petite taille.
  • Forme VShien / Djem So : dite Forme de Persévérance. Fondé sur des techniques de la Forme III, qu'il complète et "dépasse", le Djem So est un style très actif, voire agressif, axé sur l'offensive, et alliant puissance, précision et fluidité. (NB : "Djem" est le nom d'un enchaînement offensif, "Djem So" est le nom de la Forme qui l'utilise). Cette forme très polyvalente est notamment employée par Anakin SkywalkerAayla Secura et Luke Skywalker.
  • Forme VINiman : dite Forme de Diplomatie. Intégrant certaines techniques de Soresu et de Djem So, elle fut créée comme une synthèse pratique de la philosophie Jedi, et est très utilisée sous l'Ancienne République. Cette Forme est élégante et équilibrée mais ne permet pas d'exceller dans tous les domaines ; son manque de mobilité et d'agressivité fut souvent fatal pour ses utilisateurs lors de la bataille de Géonosis. Parmi ses pratiquants, on peut citer Cin DralligKi-Adi-MundiGrievous et le Comte Dooku .
  • Forme VIIJuyo / Vaapad : dite Forme de Suprématie ou de Domination selon les cas et les sources. Cette forme est la plus difficile à apprendre et la plus dangereuse, puissante et imprévisible. Elle se fonde sur l'utilisation d'émotions agressives pour mener le combat, produisant des attaques saccadées et des enchaînements décousus et surprenants. Elle est généralement associée au côté obscur : au départ, d'après Lucas, le Juyo devait être une Forme obscure, et le Vaapad un style inventé par Mace Windu ; cependant, on trouve à partir de 2002 (mi-tournage épisode III), des notes selon lesquelles le Juyo est le nom d'origine de la Forme, et le Vaapad son penchant Sith. Utilisée par Mace Windu et Dark Sidious. On peut également citer parmi les utilisateurs de la Forme VII Sora Bulq et l'apprentie de Windu Depa Billaba. Ces deux derniers basculèrent du Côté Obscur de la Force, en partie à cause de leur pratique incontrôlée de la Forme VII.
  • Forme VIIISokan : dite Forme de Mobilité. Style de combat fondé sur le mouvement, dérivé de la Forme IV. Offrant une alternative défensive à la Forme III, il se fonde sur des évasions, des sauts, des attaques rares mais précises et puissantes, et utilise au maximum l'environnement immédiat. Obi-Wan Kenobi utilise le Sokan pour combattre le général Grievous sur Utapau, avant de perdre son sabre-laser, et sur Mustafar pour vaincre Dark Vador.
  • Forme IXShien So : dite Forme de Décision. Souvent confondue avec le Djem So, et pour cause : dans les notes de Lucas, ces Formes sont les mêmes jusqu'après l'épisode II. Style de combat inspiré de la Forme V, en version épurée : le but est de vaincre avec le minimum d'engagement physique, laisser l'adversaire se placer en position de faiblesse, attaquer avec un enchaînement complexe ou une série d'attaques saccadées. (NB : d'après Gillard, "Shien" ou "Sien Hai" est le nom d'un enchaînement surprenant, dont on peut voir la dernière composante - attaque haute retournée - lorsque Kenobi coupe la main de Zam Wesell au début de l'épisode II ; "Shien So", par contre, est le nom de la Forme IX, qui intègre cet enchaînement). Obi-Wan Kenobi mêle du Shien So à ses techniques plus classiques, dans l'épisode III ; on peut également voir Dark Sidious le pratiquer.
  • Forme XJar'Kai : cette Forme codifie le maniement de deux sabres-laser. Anakin Skywalker et Joclad Danva l'emploient dans l'épisode II. Dans l'Univers étendu (feuilletons animés), Asajj Ventress manie deux sabres-laser rouges jumeaux puis, Ashoka Tano pendant la guerre des Clones, manie deux sabres laser, un jaune et un autre vert. L'apprenti de Cin Dralling à savoir Serra, utilise deux sabres laser vert. Dans certains passages des scripts et notes de Lucas, le mot "Kai" signifie « deux » (voir les duels "Kai-Kan").
  • Forme XI : dont le nom reste vague… parfois appelée "Zez'Kai", à moins qu'il ne s'agisse d'un amalgame avec Zez-Kai Ell, Maître Jedi de l'Univers Étendu. Cette Forme codifie le maniement d'un sabre-laser à deux lames, mais reste extrêmement dangereuse à cause du double effet gyroscopique et de son maniment qui doit être très délicat; cela pourrait tuer celui qui le manie. Utilisée par Dark Maul et les chevaliers protecteurs de l'Ordre Jedi.

Trucages pour les films

L'accessoire utilisé comme poignée des sabres dans le film original était fondé sur la batterie du flash d'un vieil appareil photo. En version « sabre allumé », les épées utilisées étaient conçues dans le but de provoquer un effet lumineux directement intégré sur la pellicule lors du tournage. La lame était composée de trois faces recouvertes de rétroréflecteurs. Une lampe était positionnée aux côtés de la caméra et illuminait le sujet au travers d'une vitre inclinée à 45 degrés de manière à ce que l'épée semble briller du point de vue de la caméra. Un moteur placé dans la poignée faisait tourner la lame, assurant ainsi une réflexion permanente vers la caméra. Cela créait également l'effet familier de vacillement. Finalement, ce système ne donna pas les résultats escomptés et un procédé d'animation, inventé par Nelson Shin, fut employé pour rehausser la luminosité des sabres. C'est à ce stade que fut prise la décision artistique de donner différentes couleurs aux lames.

Pour L'Empire contre-attaque, les accessoires utilisés étaient de simples baguettes blanches, et l'effet lumineux était entièrement réalisé via un procédé particulier d'animation appelé rotoscopie, par lequel une animation est dessinée par dessus la vidéo enregistrée afin de conserver la précision des mouvements.

Pour Star Wars, épisode VI : Le Retour du Jedi et les films suivants, les poignées furent usinées à partir d'aluminium. Au lieu d'une lame brillante, des baguettes de carbone furent utilisées comme lame de référence pour les scènes de combat. Dans les épisodes I et II, ils passèrent à des poignées en résine et des tubes d'aluminium. Pour l'épisode final de la saga Star Wars, La Revanche des Sith, l'aluminium fut remplacé par un mélange de fibres de carbone, spécifiquement élaboré pour le film. Ces accessoires durent être renforcés car ils cassaient souvent lors de leurs premières utilisations par les acteurs dans les séquences de combat. On notera d'ailleurs que le tournage d'une scène de sabres lasers, telle que le duel final entre Obi-wan et Anakin sur Mustafar dans La Revanche des Sith, pouvait prendre plusieurs mois car chaque acteur devait mémoriser une séquence complexe de plus de 1 000 gestes et les exécuter parfaitement.

Dans l'ancienne trilogie, la couleur des sabres étaient dessinée manuellement par dessus l'image originale blanche de la lame. De nombreux commentaires affirment que les sabres laser de la version DVD paraissent moins beaux que dans la version originale, à cause de l'algorithme avancé utilisé pour restaurer et numériser les films. On remarquera d'ailleurs qu'à la suite d'une erreur de réalisation des effets spéciaux, dans Un nouvel espoir, lors d'une scène à bord du Faucon Millenium, le sabre laser de Luke Skywalker apparaît brièvement coloré en vert plutôt qu'en bleu, puis teinté d'un bleu clair grisâtre. Dans la trilogie récente, ce problème ne s'est pas posé puisque les lames étaient ajoutées numériquement.

La lumière normalement émise par les sabres est assez mal rendue dans toute la saga Star Wars. En effet, les sabres nétant pas éclairés lors des tournages, la réflexion de la lumière se voit ainsi très peu sur les murs et les visages. Seuls les personnages de synthèse comme Yoda dans les épisodes II et III sont correctement éclairés. Une exception toutefois, lors de la scène finale du combat entre Dooku et Anakin dans Star Wars, épisode II : L'Attaque des clones, les acteurs utilisèrent des tubes fluorescents d'une couleur adaptée à leurs armes ; mais ce choix répondait uniquement à un besoin précis : la scène était supposée se jouer dans un hangar mal éclairé..

Les créateurs de fanfilms ont utilisé diverses techniques pour recréer l'effet « sabre laser », la plupart impliquant des programmes tels qu'AlamDVAdobe After EffectsAdobe PhotoshopMainVisionGIMPLSmakercrimsonFX (pour Mac), ou Blender.

Le son caractéristique est ajouté en postproduction par l'équipe des effets sonores. Le son original du sabre fut créé par Ben Burtt à partir de la combinaison du bruit d'une lampe de projecteur et de l'interférence produite par une télévision sur un câble audio non-blindé.

Lorsque le tournage de la nouvelle trilogie commença, George Lucas décida que tous les Jedi auraient des sabres de couleur bleue ou verte, pas seulement pour les différencier des Sith, mais aussi pour leur donner une identité visuelle propre.

Les sabres laser étant l'un des accessoires les plus demandés de l'histoire du cinéma, de nombreux jouets tentent de les répliquer. Ceux-ci allant de la simple lampe de poche avec tube plastique, à des copies fidèles des accessoires originaux des films, comprenant des effets sonores s'adaptant aux mouvements et une lame colorée. Ces jouets sont les produits dérivés Star Wars qui se vendent le mieux, mais il semble que la reproduction du faisceau d'énergie émis par les vrais sabres laser soit encore hors de portée pour quelque temps. Par contre, d'autres jouets peuvent faire sortir un tube plastique de la poignée et produire de la lumière et du son, mais ce sont des collectors.

 

 

 

 Le sabre laser est l'arme des chevaliers combattant avec la Force, qu'ils soient du Côté Obscur ou du Côté Lumineux. La lame est un faisceau d'énergie pure, produit par généralement trois cristaux polis contenus dans le manche. Seuls les utilisateurs de la Force ont la compétence nécessaire pour l'utiliser. Tout autre utilisateur aurait autant de chances de se blesser que de blesser ses adversaires. 

I - La petite histoire du sabre laser



  Avant de devenir cette arme légendaire que nous connaissons, la naissance du sabre laser est un mystère. Certains pensent qu'il a été inventé par des techniciens proches des Jedi dans le but de soutenir un siège. D'autres affirment qu'il fut conçu sur  Ossus, planète où se trouvent les cristaux adegan, par des Maîtres Jedi. Toujours est-il que les premières conceptions du sabre laser remplacèrent les katanas Jedi vers l'an -15 500 et qu'elles étaient grossières. A l'époque de la Grande Guerre de l'Hyperespace, les Jedi utilisaient des armes nécessitant une batterie relativement lourde, portée sur le côté et rattachée à l'arme par un long cordon. Ce fut avec ces armes archaïques que l'Ordre affronta l'Empire Sith de Naga Sadow. De nombreux guerriers Massassis tombèrent sous ces lames énergétiques. 


  A l'époque d'Exar Kun et de Revan, les sabres laser avaient évolué. La grosse batterie encombrante qu'on portait sur le dos avait laissé sa place à une simple petite cellule intégrée directement dans le manche du sabre. C'est le sabre laser standard. Les Chevaliers de l'Ancienne République le maniaient avec beaucoup de dextérité. C'est également à cette époque que des variantes commencèrent à apparaître, comme le double lame qui fut créé au départ par le Seigneur Kun.

  Après la Guerre des Clones et la Grande Purge Jedi, voir un sabre laser était extrêmement rare. L'arme était devenue une relique, un symbole d'une autre époque. Durant les heures sombres de la Guerre Civile Galactique, une des seules lames qui brillait était celle du Seigneur Sith Dark Vador pour le compte de l'Empereur et de son Empire. Avec la résurrection de l'Ordre Jedi sous la tutelle de Luke Skywalker, le sabre laser retrouva ses lettres de noblesse. La fabrication d'une de ces armes à cette époque était difficile, à cause du manque d'informations causé par Dark Sidious. Mais, grâce aux savoirs laissés par quelques Jedi, comme Obi-Wan Kenobi avec son journal ou Nejaa Halcyon dont les connaissances ont été stockées par son meilleur ami Rostek Horn, des Jedi comme Skywalker et Corran Horn purent concevoir leur propre arme. De plus, le Nouvel Ordre put compter sur les centaines de sabres laser en état de marche que Maître Oodconserva pendant plus de 3000 ans. De plus, il est arrivé qu'une personne parvienne à construire un sabre Jedi sans aucun enseignement et autres, comme Jaden Korr. Plus tard, le sabre ne se cantonna plus uniquement aux Jedi et aux Sith, mais aussi aux Chevaliers Impériaux avec leur lame blanche

  Quelles que soient les différentes épreuves rencontrées par ces différents ordres, le sabre laser brillera toujours, pour le bonheur ou le malheur de la galaxie

II - Conception du sabre laser 


  De nombreuses personnes dans la galaxie pensent qu'un Jedi alimente son arme avec la Force. Cette rumeur est à moitié fausse car, en manipulant la Force avec adresse pour fabriquer son bien, le Jedi lie les composants de son sabre qui devient alors plus qu'un banal assemblage électronique.La confection d'un sabre laser n'est pas si complexe pour un Jedi (ou un Sith) car il est dans un état de méditation pour assembler les pièces. Chaque sabre laser est aussi différent que le Jedi qui le brandit. Malgré ses différences extérieures à chaque arme, le mécanisme est le même pour tous. 

  Différentes pièces sont nécessaires, dont quatre fondamentales : une cellule d'énergie, une lentille, un émetteur de lame et un cristal. La cellule d'énergie est, comme son nom l'indique, une cellule qui fournit l'énergie pour que le sabre fonctionne. La lentille permet de réduire le rayon à sa longueur standard d'un mètre. L'émetteur de lame est le disque lisse, sur la garde, qui permet de projeter la lame. Enfin, le cristal sert à la production et à la couleur de cette lame. A ajouter à ces éléments, une poignée, un port d'alimentation (ou de chargement), un stabilisateur de flux et des boutons (touches, interrupteurs...). Avec toutes ces pièces, le Jedi est en mesure de commencer la construction de son bien le plus précieux. 

  En général, il faut au Jedi environ un mois pour arriver à ses fins. Mais, durant la Guerre des Clones, les Maîtres Jedi avaient trouvé une technique qui permettait de passer de 30 jours à 2. Même si cela paraît aberrant, voire utopique de réduire ainsi le temps de fabrication, cela n'est pas impossible pour un Jedi. Par exemple, Corran Horn, un novice dans les voix de la Force, en est la preuve vivante quand il conçut ainsi son sabre, avec en guise de poignée le tubulure du guidon d'une moto-jet. 

  Donc, une fois le matériel réuni, le Jedi peut se lancer dans la conception de son sabre laser. Il installe le bouton d'activation et les barrettes de connexion au circuit dimetris, circuit qui permet de moduler l'énergie. Le tout est ensuite enveloppé d'une bande isolante (pour éviter des fuites d'énergie) et introduit dans une poignée de 25 à 30 cm (taille standard). Puis, le Jedi place la lentille et le cristal qui donnera la couleur de la lame. Le cristal se trouve dans une chambre d'énergie. Dans celle-ci, le Jedi peut aussi ajouter jusqu'à deux cristaux, alignés avec celui qui donne la couleur. Cette partie se situe au centre du manche. Au niveau de la jonction entre la poignée et la lame, il installe l'émetteur avec sa précieuse matrice. Finalement, il loge la cellule d'énergie à l'opposé de l'émetteur, tout en la branchant au conducteur du champ d'énergie, aux bobines supraconductrices et au port de chargement pour charger le sabre laser. L'arme est alors prête à fonctionner. Cependant, si les différents pièces sont mal installées, le sabre explose, emportant avec lui la personne qui l'a activé. Mais il est très rare de voir ce cas de figure, et le sabre laser fonctionne pour sa première activation toujours bien. 

  Voici la coupe d'un sabre laser (celui d'Anakin Skywalker). On remarquera que quelques éléments ne sont pas visibles, comme la lentille ou les bobines supraconductrices: 

Sabre Laser



  Quand le Jedi appuie sur le bouton d'activation, l'énergie de la cellule se propage dans la chambre du cristal (ou des cristaux) qui donne ses particularités au faisceau. Cette énergie est ensuite canalisée dans une matrice et passe par la lentille (au centre du manche) qui est chargée positivement, avant de repasser dans une ouverture à la charge négative grâce à un canaliseur de flux à haute capacité. Enfin, les supraconducteurs jouent leur double rôle : le premier qui consiste à transférer l'énergie du canaliseur de flux à la cellule d'énergie, et le deuxième qui est justement d'empêcher toute fuite d'énergie. Si fuite il y avait, cela se traduirait par une lame qui dégage de la chaleur. Les bobines supraconductrices font du sabre laser une arme auto-rechargeable. Le résultat est une lame créée par un faisceau stable d'environ un mètre. A l'allumage, la lame produit un effet gyroscopique, rendant sa manipulation par une personne non-Jedi très dangereuse. Le sabre laser ne perd de l'énergie que s'il tranche de la matière, que ce soit du métal ou des êtres organiques, par exemple. Lorsque deux lames laser se croisent, contrairement à beaucoup d'idées reçues, l'arme ne perd pas d'énergie. Une lame ne peut pas en couper une autre (sauf pour les lames Sith vues plus bas). 


2. Modification



  Chaque sabre laser a ses propres caractéristiques. La plupart du temps, le Jedi modifie son sabre au cours de son existence, afin d'améliorer son efficacité en même temps que ses capacités et sa maîtrise de la Force. Voici quelques-uns des éléments qui peuvent être modifiés 

a. Les cristaux 

  Les cristaux qui donnent la couleur aux lames se trouvent sur certaines planètes, comme Ossus, ilum ou Dantooine. On les appelle généralement cristaux adegan ou encore cristaux ilum. Ces joyaux furent découverts il y a bien longtemps par les habitants d'une ancienne place forte Jedi. Ils permettent de concentrer l'énergie brute en un rayon, ce qui en fait le composant essentiel.   
Dans l'Ordre Jedi, les lames sont souvent de couleurs bleue ou verte. Chez les Sith, la couleur qui prédomine est le rouge et pour les Chevaliers Impériaux, toutes leurs lames sont blanches. Mais ces cristaux ne sont pas les seuls à donner une lame de sabre laser, comme le découvrit Anakin Solo avec les gemmes lambents des Yuuzhan Vong.  En plus du cristal qui donne la teinte, les sabres laser peuvent contenir deux autres cristaux. Ces derniers peuvent modifier des choses simples, comme l'intensité et la longueur de la lame. Ces options s'accompagnent toujours de boutons qui règlent ces deux paramètres. 

Sabre Laser



De gauche à droite: blanc, bleu, cyan, orange, jaune, rouge, vert, violet, viridien.



b. Les cellules d'énergie 

  Un sabre laser contient généralement une cellule d'énergie qui permet d'alimenter la lame. Certains en ont deux, la deuxième permettant de remplacer la première si celle-ci est totalement déchargée. De rares Jedi, comme Qui-Gon Jinn, en mettent plusieurs afin de palier entièrement le problème de l'alimentation énergétique. Comme on peut s'y attendre, il existe toutes sortes de cellules. Toutes ont pour but d'augmenter la quantité d'énergie émise par le sabre laser, ce qui pemet à un utilisateur expérimenté de porter des attaques plus puissantes. Pour les cellules présentées ci-dessous, il faut savoir qu'il en existe des améliorations: 

Sabre Laser  Cellule d'énergie à décharge 



Sabre Laser  Cellule d'énergie au diatum 



Sabre LaserCellule d'énergie à ions : Cette cellule est idéale contre les droïdes de   
combat
 car elle surcharge leurs systèmes électroniques 



Sabre LaserCellule d'énergie de Telgorn T1 



c. Les émetteurs 

Sabre Laser  Emetteur de parade : Cet émetteur a été fait dans le but de mieux parer les tirs de blasters



Sabre Laser  Emetteur de parade : Celui-ci, à la différence du précédent, a été optimisé pour les combats au corps à corps. 



Sabre Laser  Emetteur de désordre nerveux: Cet émetteur projète un rayon qui perturbe le système nerveux de la victime a   
chaque contact. 



Sabre Laser  Emetteur de Phobium : Créé pour les duellistes très agressifs, cet émetteur est plus lourd et moins maniable qu'un émetteur de désordre nerveux. Il perturbe d'avantage le système nerveux de l'adversaire au contact. 




d. Les lentilles 

Sabre Laser  Lentille de Kunda : Principalement, la pierre de Kunda est utilisée dans les domaines de la médecine et des communications. Cependant, elle convient parfaitement pour être combinée avec une lentille classique afin de produire une lame plus large. La pierre de Kunda peut être utilisée de manière synthétique et pure, la deuxième donnant des effets plus puissants que la première. 



Sabre Laser  Lentille de duel d'Ossus : Même si Ossus était connu pour sa bibliothèque, c'était aussi un lieu d'entraînement. Malgré la catastrophe de la supernova de Cron, on trouvait ce type d'équipement dans l'enclave. La lentille de duel était destinée à produire une lame de sabre laser qui puisse être maniée dans des situations où un contrôle total de la lame est requis. 



Sabre LaserLentille de Dragite : Le dragite est généralement utilisée comme cristal de focalisation, mais il peut aussi servir de lentille à un sabre laser. 



Sabre Laser  Lentille d'Adegan : Tout comme pour le dragite, l'adegan peut à la fois servir de focalisateur de rayon et de lentille de sabre laser. 



Sabre Laser  Lentille de Pontite:  Le pontite sert, lui aussi, de cristal focalisateur et de lentille de sabre laser. 



Sabre Laser  Lentille de Byrhotse : Au départ, le byrhotse servait essentiellement à créer des lentilles de caméra infra- 
rouge. On l'utilise maintenant aussi dans d'autres domaines, dont celui des lentilles de sabres laser. Il peut être également utilisé de manière pur, ce qui augmente les dégâts qu'elle peut produire. 



Sabre Laser  Lentille de gemme à rayon : La gemme à rayon est souvent utilisée dans la fabrication d'ordinateurs optiques,   
comme ceux de navigation. Il n'est donc pas surprenant qu'elle serve aussi à créer une lame de sabre laser extêmement concentrée. 



Sabre Laser  Lentille vibratoire : Cette lentille vibre très rapidement, ce qui donne une lame moins stable, mais plus meurtrière.



e. Autres modifications 

  Outre les parties vues précedemment, la sabre laser peut se métamorphoser en différentes variantes, tant aux niveaux de la forme que de la lame. La plupart du temps, quand un Jedi applique ce genre de modifications, c'est pour que son arme corresponde à son style de combat : 

  Sabre laser incurvé : Ce sabre est particulier à la Forme IIDooku, maître de cette forme, modifia son arme de telle sorte qu'elle lui permit d'en obtenir un contrôle parfait. De même,Komari Vosa et Asajj Ventress ont utilisé des sabres de ce style. 







  Petit sabre laser : On utilise généralement ces petits sabres laser dans la main non-directrice quand le Jedi se bat à deux armes, ce qui en fait une arme parfaitement équilibrée. Ainsi, l'Ordre connut son nombre de Jedi qui se battait avec deux armes : Kavar et Sora Bulq, par exemple. Elle sert alors de dague ou de sabre d'appoint. Cependant, d'autres personnes maniaient ce sabre laser seul, comme Yuthura Ban ou encore Freedon Nadd. D'autres encore utilisent ce type de sabre laser à cause de leur petite taille, comme Yoda




  Double sabre laser : Extrêmement rare, cette arme est le plus souvent associée aux Jedi attirés par le Côté Obscur de la Force car elle fut créée à l'origine par Exar Kun, un ancien Jedi devenu Seigneur Sith. Par la suite, d'autres Sith utilisèrent ce sabre pour affronter les Jedi, comme Dark Bandon ou Dark Maul. Cela dit, cette arme ne se cantonne pas aux adeptes du Côté Obscur, des Jedi la maniant aussi pendant l'Ancienne et la Nouvelle République (par exemple Bastila Shan ou Zez-Kai Ell



  Sabre laser fourché : Cette arme est en fait un sabre laser simple, avec, sur le manche est un deuxième émetteur d'où surgit une lame plus petite, perpendiculairement à la principale. Le Maître Jedi Roblio Darté s'en était fabriqué un. Il l'utilisa lors de son ultime duel face à Dark Vador, sur Kessel






  Fouet laser : Le fouet laser est un sabre laser très spécial. En fait, il s'agit d'un fouet, dont la poignée est celle d'un sabre laser. La lame se crée sur la ou les lannières. Son maniement est encore plus difficile que pour un double lame. Durant les événements de la Guerre des Clones, pour sa mission sur Ord Cestus, Obi-Wan Kenobi en fabriqua un pour Kit Fisto. Plus tard, le fouet laser devint l'arme de prédilection de Lumiya, élève de Dark Vador. 





  Grand sabre laser : Ceci n'est qu'un simple sabre laser dont la lame est nettement plus grande que pour les modèles standard et ce, pour s'adapter à la personne qui le manie, personne généralement très grande. Dark Malak ou encore Desann utilisèrent leur grand sabre laser pour affronter respectivement Revan et Kyle Katarn





  Canne laser : Cette arme était celle du Maître Jedi Zao. Elle se composait d'un long morceau de bois droit, auquel étaient incorporées les éléments d'un sabre laser. 




Tonfa-laser : Ce sabre laser a la forme d'un tonfa. La lame surgit par le bas, le potentiel de cette arme est difficile à exploiter, mais avec de l'entraînement et l'aide de la Force, elle devient une arme redoutable. Maris Brood, qui survécut à l'Ordre 66 de Sidious, en avait deux à lames vertes. 



III - Us et coutumes 



1. Rapport Jedi-sabre laser 



  Le sabre laser est plus qu'une arme. C'est le symbole du Jedi, son reflet. Lorsque son niveau est suffisant, le jeune Padawan se construit sa propre arme. La plupart du temps, une tradition veut que le sabre du Padawan se base sur celui de son Maître, non seulement par respect pour lui, mais aussi en hommage aux leçons et aux enseignements de celui-ci. Par la suite, l'arme se transforme ou est remplacée par un autre car le sabre laser évolue en même temps que le Jedi qui le brandit. Il y a un lien inaltérable qui unit le Jedi à son sabre. Quand il le fabrique et le configure seul, il utilise la Force pour unifier les composants (ce qui fait aussi qu'aucune entreprise n'a tenté de se lancer dans la production d'un sabre laser). Le Maître Jedi Luminara Unduli trouva les bons mots pour qualifier cette union entre le Jedi et son bien le plus précieux : 

"Le cristal est le coeur de la lame. 
Le coeur est le cristal du Jedi. 
Le Jedi est le cristal de la Force. 
La Force est la lame du coeur. 
Tous sont mêlés. 
Le cristal, la lame, le Jedi 
Vous êtes un."
 

  Une autre tradition s'appelle la Concordance de Féauté. Celle-ci consiste à échanger son sabre laser avec celui d'un autre Jedi afin de montrer l'amitié et le respect entre les deux Jedi. Pour l'exemple, Mace Windu et Eeth Koth le pratiquèrent quelques temps après la Bataille de Naboo

  Les couleurs qui prédominent dans l'Ordre sont le bleu et le vert. Pour les Jedi de l'Ancienne République, chaque couleur était associée à une sorte de caste Jedi. Le bleu était la couleur des Gardiens Jedi qui se focalisaient sur le combat. Le jaune était celle des Jedi Sentinelles qui utilisaient d'autres dons que ceux pour le combat. Enfin, le vert était associé aux Consulaires Jedi qui se basaient sur la maîtrise et la compréhension de la Force. Cela dit, un Jedi possédant un autre cristal pouvait changer sa couleur. Ainsi, on pouvait voir des lames violettes et même des lames rouges dans leur rang. Adi Gallia avait, à un moment donné, un sabre laser à lame rouge et Mace Windu une lame violette. Ce n'est pas la lame qui fait le Jedi, c'est la manière dont il l'utilise.


2. Sabre laser Sith 



  Dark Sidious avait dit à Dark Vador qui construisait son sabre : "Les Sith n'ont plus besoin de sabres laser. Mais nous continuons à en utiliser, ne serait-ce que pour humilier les Jedi." Les Seigneurs Sith se considérent comme étant supérieurs aux Jedi, de par leur maîtrise de la Force. Et ils poussent leur haine des Jedi jusqu'à inventer des variantes diaboliques de leurs armes. En totale contradiction avec leurs homologues du Bien, les Sith n'emploient jamais d'éléments naturels dans leurs sabres laser, montrant leur manque de respect envers la nature et la Force. C'est le cas du cristal qui donne la couleur rouge à la lame. Pour synthétiser ces cristaux supérieurs, les Sith utilisent des fourneaux spéciaux et des secrets qui ne se trouvent que dans de vieux holocrons. Ainsi, avec l'aide de la puissance du Côté Obscur, ils magnétisent et changent la structure moléculaire des matériaux. Cela donne un cristal instable, déconseillé par les Jedi mais qui, une fois intégré à l'arme, donne un rayon très puissant qui fait trembler de peur l'ennemi. Le faisceau rouge peut "couper" la lame adverse en provoquant des courts circuits dans le sabre laser Jedi. 

Sabre Laser



  Par ailleurs, même si généralement, le rouge est la couleur des Sith, d'autres serviteurs du mal ont employé différentes couleurs, comme Exar Kun et ses lames bleues ou encore Dark Bane et son sabre violet.

 

9 janvier 2015

que charlie aille se faire foutre........

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Que Charlie aille se faire foutre !

Je n'aurais aucun mot pour un certain Charlie. Tout au plus une amère compassion pour ceux qui ont vu leurs âmes arrachées à la Terre, par des hommes assez arrogants pour jouer à Dieu jusqu'à oser lui défier sa Souveraineté sur le rappel de nos âmes. 
Je concéderais une pensée attristée pour des épouses, des frères, des sœurs et des enfants qui pleurent actuellement leurs morts. Mais je ne suis ni ce frère, ni cet enfant, ni ce père, pas plus que je ne suis cet époux pour oser m'accaparer le droit de pleurer ces morts qui ne sont pas miens. Ce Charlie là, il n'appartient qu'à une douzaine de familles, que je préfère respecter. Ne pas m’immiscer, ne pas m'accaparer cette sourde colère, respecter les larmes qu'à aucun moment je ne verserais. Votre douleur est entièrement votre, je ne vous la volerais pas.
En revanche, je n'aurais jamais de mots assez durs pour des milliers de "Charlie", qui loin d'offrir une digne et silencieuse sollicitude à des familles endeuillées, ont préféré faire le choix de se draper d'un grossier masque d'humanisme, en se faisant appeler "Charlie".
Vous êtes tout simplement des Monstres !

Oui des Monstres emplis de bêtise crasse qui derrière la plus obscène des hypocrisies, spolient à des inconnus le droit de souffrir tout leur soûl des êtres chers qu'ils ne reverront jamais plus !

Des Monstres incapables de trouver la pureté cristalline de votre propre conscience, et se réjouissant de saisir à travers la plus absurde des barbaries, la possibilité d'exposer les artifices pouvant colorer les murs branlants de vos apparences, cela à défaut d'exister sur la base de solides fondations.
Des Monstres puants l'ignorance assumée dont se repaissent d'autres Monstres plus cyniques encore que vous, jusqu'à parvenir à vous faire accepter des Millions d'autres familles endeuillées dans le Monde, pour lesquelles jamais vous n'allumerez la moindre bougie, jamais vous ne vous ferez appeler "Charlie".
Vous êtes des Monstres à l'indignation sélective vous glorifiant mutuellement d'une colère que la semaine prochaine vous aurez déjà oublié, lorsque viendra le temps de faire le plein d'huile de pierre dans votre petite auto, sans même réfléchir au fait que c'est le sang d'enfants Libyens ou d'ailleurs qui s'écoulera dans votre réservoir.
Des Monstres hurlant et vociférant sur la barbarie des hommes, sans même réaliser que votre indifférence quotidienne - celle des années de vie où vous ne vous faisiez pas appeler "Charlie" - a contribué à forger les fous ayant froidement ôté la vie au premier Charlie que je mentionnais plus haut.
Par ce que voyez-vous bande d'ignobles et insipides larves gesticulantes, si vous aviez réellement voulu épargner le deuil affreux à des familles dont vous vous foutez complètement à dire vrai, vous auriez été des Millions à descendre dans les rues à chaque fois que vos Maîtres faisaient leur propagande de guerre pour acheter votre consentement à des mises à mort par milliers qu'ils planifiaient. 
Vous êtes de cyniques escrocs quand on sait que des Millions de familles n'ont jamais eu le droit à votre indignation lorsqu'elles voyaient leurs enfants déchiquetés par des bombes "Made in France". Que dans ces Millions de familles pour qui aucun "Charlie" ne se soulève, il y a des frères et des fils qui ont grandi avec une sourde colère en eux, que seuls des prêcheurs de haine entendaient. Des prêcheurs qui au nom d'un Dieu qu'ils diabolisent à leur image, ont encouragé ces âmes en colère à crier vengeance ! Puis à tuer qui aura soutenu par son silence ou par quelques dessins, la sinistre besogne de vos Maîtres, trop heureux de constater que leur propagande était presque inutile pour aller bombarder ou installer la tyrannie dans d'autres Pays, puisque d'ordinaire, vous ne dites rien.
Vous êtes les Monstres complices de la barbarie au sein de nos frontières, et vous osez nous faire croire que vous compatissez aux morts dont vous devez pourtant assumer une écrasante part de responsabilité ?
Vous êtes la fange de la France ! Les abjectes immondices délivrant d'onctueuses paroles creuses pour revendiquer les artifices de votre humanisme. Vous êtes pour certains prêts à hurler toutes les fatwas du Monde à qui vous dit qu'il faut concevoir les différences existantes entre les cultures, et que leur rencontre forcée par votre rejet des frontières et des régulations nécessaires à l'immigration pour ne pas créer des turbulences dans les sociétés hôtes, forge les replis communautaires et les mal-être identitaires d'aujourd'hui de parts et d'autres. Mal-être cherchant alors son réconfort auprès des prêcheurs de haine amalgamant Dieu à leurs desseins morbides.
Vous êtes pour d'autres, la plus immonde purulence qui soit, en faisant du migrant fuyant les bombes ou la misère dont vous êtes les serviles complices, le porte drapeau de la barbarie de communautés ethniques ou religieuses toutes entières, sans même vous demander si derrière ces gens que vous haïssez religieusement, il ne se trouve pas une majorité d'êtres humains aspirant à vivre en paix et avec bienveillance pour leurs prochains.
"Charlie" de tous les bords, vous êtes la honte suprême de la France !
Pas un seul d'entre vous pour affluer vers l'Elysée et chasser les Salauds obéissant à des pourritures apatrides et commanditaires de toutes les misères du Monde.  Pas l'once d'une Révolution de ce "Charlie" que j’exècre du tréfonds de mon âme, pour que cesse le soutien de vos Maîtres à des terroristes en Syrie ou à une junte néo-nazie en Ukraine. Jamais un Président n'aura été inquiété pour les crimes de guerre ou les intelligences avec une puissance étrangère dont il se rendait coupable, qui, d'égorgements en bombardements, à forgé le terreau du terrorisme dans notre propre Pays.
Alors oui "Charlie", je te le signifie, tu peux aller te faire foutre avec ta compassion en carton-pâte pour t'acheter un humanisme que tu ne possèdes pas et que tu n'auras sans doute jamais. Par ce que tu es vide, par ce que tu revendiques ta passivité et ton apathie face à la barbarie de tes Maîtres, par ce que tu n'es qu'artifices, par ce que tu n'es qu'un Monstre à ce point stupide, que tu ignores l'ampleur de ta cruauté pour les Millions de familles endeuillées à travers le Monde, cela en te faisant faisant appeler "Charlie"...
Avec toute ma colère...
9 avril 2015

le pouvoir de la vulnérabilité.......

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Il s'agit donc d'un TED de Brené Brown, une scientifique et écrivaine qui a étudié les relations humaines - notre capacité à éprouver de l'empathie, un sentiment d'appartenance, de l'amour. Dans un exposé émouvant et drôle donné à TEDxHouston, elle nous fait partager sa profonde réflexion issue de ses recherches, et qui l'a menée dans une quête personnelle vers la connaissance d'elle-même, comme de l'humanité.

Cette vidéo (tout en bas de l'article) est en anglais avec des sous-titres français, alors pour ceux et celles que cela pourrait décourager, je vous ai fait une retranscription écrite de l'intégralité de sa conférence.
Si vous préférez voir la vidéo, elle se trouve tout en bas de la page ^^

Brené Brown, Ted de Juin 2010 à Edinbourg :

"Alors je vais commencer par ceci :
il y a deux ans, l'organisatrice d'un évènement m'a téléphoné parce que je devais donner une conférence. Elle m'a appelé et m'a dit "j'ai vraiment du mal comment vous décrire sur notre petit prospectus."
Et je me suis dit : "et bien où est le problème ?"
Et elle m'a dit : "et bien, je vous ai déjà vu parler, et je vais vous désigner comme une chercheuse, je crois, mais j'ai peur que si je vous désigne comme chercheuse, personne ne vienne, parce que tout le monde pensera que vous êtes ennuyeuse et hors sujets." (Rires)
"Mais ce que j'ai aimé dans votre conférence, c'est que vous êtes une conteuse d'histoires. Alors je pense que ce que je vais faire, c'est juste dire que vous êtes une conteuse." 
Et bien sûr, mon côté universitaire, qui manque d'assurance, a dit "Vous allez dire que je suis quoi ??"
Et elle a dit : "Je vais dire que vous êtes une conteuse."
Moi : "et pourquoi pas la fée Carabosse ?" (Rires)
J'ai fait : "Laissez-moi réfléchir une seconde."
J'ai essayé de rassembler tout mon courage. Et j'ai pensé, je suis une conteuse d'histoires. Je suis une chercheuse en sciences humains. Je recueille des histoires, c'est ce que je fais. Et peux-être que les histoires ne sont rien d'autre que des données scientifiques avec une âme. Et peut-être que je ne suis rien d'autre qu'une conteuse. Alors j'ai dit : "vous savez quoi ? Pourquoi ne pas simplement dire que je suis une chercheuse-conteuse ?"
Et elle a fait : "ha ha, ça n'existe pas." (Rires)

Ainsi, je suis une chercheuse-conteuse, et je vais vous parler aujourd'hui - nous discutons de l'élargissement de nos conceptions - alors je veux vous parler et vous raconter quelques histoires sur une partie de mes recherches qui a fondamentalement élargi ma perception et a réellement, concrètement, changé ma façon de vivre, d'aimer, de travailler, et d'élever mes enfants.

Et voilà où mon histoire commence :
Quand j'étais une jeune chercheuse, une étudiante en doctorat, pendant ma première année j'ai eu un directeur de recherche qui nous a dit : 
"voilà le topo : ce qu'on ne peut pas mesurer n'existe pas."
Et j'ai pensé qu'il essayait de m'embobiner.
Et j'ai fait : "Vraiment ?" , et lui : "Absolument."
Il faut que vous sachiez que j'ai une licence d'assistance sociale, un master d'assistance sociale, et que je préparais une thèse d'assistance sociale, alors j'avais passé toute ma carrière universitaire entourée de gens qui croyaient en quelque sorte que la vie c'est le désordre, et qu'il faut l'aimer ainsi.
Alors que moi ça serait plutôt : la vie c'est le désordre, il faut la nettoyer, l'organiser, et bien la ranger dans des petites cases.
Alors quand je pense que j'ai trouvé ma voie, que j'ai engagé ma carrière sur un chemin qui m' amène vraiment dans l'aide sociale, on dit beaucoup qu'il faut plonger dans l'inconfort du travail. Et moi je suis plutôt : évacuer l'inconfort une bonne fois pour toutes, le dégager et n'obtenir que des 20 sur 20.
C'était ma devise.
C'est pourquoi j'étais très enthousiasmée par cette idée. Et que je me suis dit, tu sais quoi, c'est la carrière qu'il te faut, parce que je m'intéresse à des sujets compliqués, mais je veux pouvoir les rendre moins compliqués.
Je veux les comprendre. Je veux m'infiltrer dans ces questions, que je sais importantes, et les décoder pour tout le monde. 

J'ai donc commencé avec les les relations humaines.
Parce que, quand vous avez travaillé dans le social pendant 10 ans, vous réalisez que les relations humaines sont la raison de notre présence sur terre.
C'est ce qui donne un but et du sens à nos vies. Tout tourne autour de cela. Peu importe que vous en discutiez avec des gens qui travaillent dans le secteur de la justice sociale, ou bien de la santé mentale, ou de la maltraitance, ou de la négligence parentale, ils vous diront tous que les relations, la capacité d'entrer en relation, - sur le plan neurobiologique, nous sommes conçus ainsi - c'est la raison de notre présence sur terre.
J'ai donc pensé : je vais commencer par les relations humaines. 

Vous connaissez cette situation où vous avez un entretien d'évaluation avec votre patron, et elle vous parle de 37 choses que vous faites incroyablement bien, et puis d'une chose - une occasion de s'améliorer - (Rires)
Et tout ce que vous retenez, c'est cette "occasion de vous améliorer", pas vrai ?
Et bien, à première vue, c'est également la direction que mon travail a prise, parce que, quand j'ai interrogé les gens sur l'amour, ils m'ont parlé de chagrin.
Quand j'ai interrogé les gens sur le sentiment d'appartenance, ils m'ont raconté leurs plus atroces expériences où ils étaient exclus.
Et quand j'ai interrogé les gens sur les relations humaines, les histoires qu'ils m'ont racontées parlaient d'isolement.
Aussi, très rapidement - en fait après seulement six semaines de recherches - j'ai buté sur cette chose sans nom, qui détruisait totalement les relations d'une façon que je ne comprenais pas, et que je n'avais jamais vu.
J'ai donc pris un peu de recul sur ma recherche et je me suis dit, il faut que je comprenne ce dont il s'agit.
Et j'ai découvert qu'il s'agissait de la honte.

On peut vraiment comprendre la honte facilement si on la considère comme la peur de l'isolement. Il y a-t-il quelque chose chez moi qui ferait que, si d'autres le savaient ou le voyaient, je ne mériterais pas d'être en relation avec eux ?
Il y a une chose que je peux vous en dire : c'est universel ; on a tous ça.
Les seuls personnes qui n'éprouvent pas la honte sont celles qui sont incapables d'empathie ou de relations humaines.
Personne ne veut en parler, et moins on en parle, plus on la ressent.
Ce qui est à la base de cette honte, ce "je ne suis pas assez bien", qui est un sentiment que nous connaissons tous : "Je ne suis pas assez neutre, je ne suis pas assez mince, pas assez riche, pas assez beau, pas assez malin, pas assez reconnu dans mon travail…"
Ce qui est à la base de tout ça, c'est une atroce vulnérabilité, cette idée que, pour pouvoir entrer en relation avec les autres, nous devons nous montrer tels que nous sommes, vraiment tels que nous sommes. Et vous savez ce que je pense de la vulnérabilité. Je hais la vulnérabilité. J'ai donc pensé, voilà l'occasion que j'attendais de la faire battre en retraite avec ma règle.
Je vais m'y plonger, je vais démêler toute cette histoire, je vais y consacrer une année, je vais complètement déboulonner la honte, je vais comprendre comment fonctionne la vulnérabilité, et je vais être la plus forte.
J'étais donc prête, et j'étais vraiment enthousiaste.

Comme vous vous en doutez, ça ne s'est pas bien passé. (Rires)
Vous vous en doutez. Alors, je pourrais vous en dire long sur la honte, mais il me faudrait prendre le temps de parole de tous les autres.
Mais voilà ce que je peux vous dire, ce à quoi ça se résume - et c'est peut-être la chose la plus importante que j'ai jamais apprise pendant les dix années passées sur cette recherche.- 
Mon année s'est transformée en six années, des milliers de récits, des centaines de longs entretiens, de groupes de discussion. A un moment, les gens m'envoyaient des pages de journaux, ils m'envoyaient leurs histoires - des milliers d'éléments d'information en six ans.
Et j'ai commencé à comprendre. J'ai commencé à comprendre : voilà ce qu'est la honte, voilà comment ça marche. J'ai écrit un livre, j'ai publié une théorie, mais quelque chose n'allait pas… et ce que c'était, c'est que, si je prenais les gens que j'avais interviewés, et que je les divisais grossièrement en deux catégories : ceux qui croyaient vraiment en leur propre valeur - c'est à cela que ça se résume, croire en sa propre valeur - ils ont un fort sentiment d'amour et d'appartenance. Et ceux qui ont du mal avec ça, ceux qui se demandent tout le temps si ils sont assez bien. Il n'y avait qu'une variable qui différenciait ceux qui ont un fort sentiment d'amour et d'appartenance de ceux qui ont vraiment du mal avec ça. Et c'était que ceux qui ont un fort sentiment d'amour et d'appartenance pensent qu'ils méritent l'amour et l'appartenance. C'est tout.
Ils pensent qu'ils le méritent. 
Et pour moi, la chose qui nous prive de relations humaines est notre peur de ne pas mériter ces relations, c'était quelque chose que, sur le plan personnel comme professionnel, j'ai eu l'impression que j'avais besoin de mieux comprendre. Alors ce que j'ai fait, c'est que j'ai pris toutes les interviews dans lesquelles je pouvais voir des gens qui croyaient mériter, qui vivaient ainsi, et je les ai simplement examinés attentivement. 
Qu'ont en commun tous ces gens ? Je suis un peu accro aux fournitures de bureau, mais c'est une autre histoire. J'avais une chemise cartonnée, et j'avais un marqueur, et j'ai fait, comment vais-je intituler cette recherche ?
Et les premiers mots qui me sont venus à l'esprit ont été "sans réserve". Ce sont des gens sans réserves, qui vivent avec ce sentiment profond de leur valeur.
Alors je l'ai inscrit sur la couverture de la chemise, et j'ai commencé à examiner les données. En réalité, j'ai commencé par le faire pendant quatre jours par une analyse des données extrêmement intensive, où je suis revenue en arrière, j'ai ressorti ces interviews, ressorti les récits, ressorti les incidents. Quel est le thème ? Quel est le motif ?
Mon mari a quitté la ville avec les enfants parce que je rentre à chaque fois dans ce délire à la Jackson Pollock, où je ne fais qu'écrire, et où je suis en mode chercheuse. 

Et voici ce que j'ai trouvé :
Ce qu'ils avaient en commun, c'était un sens du courage. Là je veux prendre une minute pou vous expliquer la distinction entre le courage et la bravoure. 
Le courage, la définition originelle du courage, lorsque ce mot est apparu dans la langue anglaise - il vient du latin "cor", qui signifie "coeur" - et sa définition originelle était : raconter qui nous sommes de tout notre coeur.
Ainsi ces gens avaient, très simplement, le courage d'être imparfaits. Ils avaient la compassion nécessaire pour être gentils, tout d'abord avec eux-mêmes, puis avec les autres, car, à ce qu'il semble, nous ne pouvons pas faire preuve de compassion envers les autres si nous sommes incapables d'être gentils envers nous-mêmes.
Et pour finir, ils étaient en relation avec les autres, et - c'était ça le noyau dur - de par leur authenticité, ils étaient disposés à abandonner l'idée qu'ils se faisaient de ce qu'ils auraient dû être, de façon à être qui ils étaient, ce qui est impératif absolu pour entrer en relation avec les autres. 

L'autre chose qu'ils avaient en commun était ceci :
Ils adoptaient complètement la vulnérabilité. Ils pensaient que ce qui les rendait vulnérable les rendait également beaux. Ils ne prétendaient pas que la vulnérabilité était confortable, ni qu'elle était atroce - comme je l'avais entendu auparavant dans les entretiens sur la honte. Ils disaient juste qu'elle était nécessaire. Ils parlaient de la volonté de dire "Je t'aime" le premier, la volonté de faire quelque chose quand il n'y a aucune garantie de réussite, la volonté de ne pas retenir son souffle en attendant le coup de fil du médecin après une mammographie. Ils étaient prêts à s'investir dans une relation qui pourrait marcher, ou pas. Ils pensaient que c'était essentiel. 

Pour ma part, je l'ai ressenti comme une trahison. Je ne pouvais pas croire que j'avais prêté serment d'allégeance à la recherche. Le principe même de la recherche est de contrôler et de prévoir, d'étudier un phénomène dans le but explicite de le contrôler et de le prévoir. Et là, ma mission de contrôler et de prévoir aboutissait au résultat que la meilleure façon de vivre est d'accepter sa vulnérabilité, et d'arrêter de contrôler et de prévoir. 
Ca m'a conduit à une petite dépression. (Rires) J'ai appelé ça une dépression, ma psychothérapeute appelle ça un éveil spirituel. (Rires) Un éveil spirituel, ça sonne mieux qu'une dépression, mais je vous assure que c'était bien une dépression. J'ai dû ranger mes données et chercher un psychothérapeute. 
Laissez-moi vous dire quelque chose : vous découvrez vraiment qui vous êtes quand vous appelez vos amis pour leur dire : "Je crois que j'ai besoin de voir un psy. Tu aurais quelqu'un à me recommander ?"
Parce que à peu près cinq de mes amis ont fait : "Wow.. je n'aimerais pas être ton psychothérapeute." (Rires)
Et moi : "Comment ça ?"
Et eux : "Moi ce que j'en dis, tu sais. N'apporte pas ta règle."
Et moi : "Ok…"

J'ai donc trouvé une psychothérapeute. Mon premier rendez-vous avec elle, Diana - J'ai apporté ma liste sur la façon dont les "sans réserve" vivent, et je me suis assise. 
Et elle m'a dit : "Comment allez-vous ?"
Et j'ai dit : "Je suis en pleine forme. Ca va bien."
Elle a dit : "Qu'est-ce qui se passe ?"
C'était une psychothérapeute qui consultait elle-même des psychothérapeutes; On devrait aller chez ce genre là de psychothérapeute, parce que leur détecteur de conneries est très au point. (Rires)
Alors j'ai dit : "Voilà, j'ai un problème."
Et elle a dit : "Quel est le problème ?"
Et j'ai dit : "Et bien, j'ai un problème de vulnérabilité. Et je sais que la vulnérabilité est au coeur de la honte et de la peur et de notre problème d'estime de soi, mais il semble que ce soit aussi la source de la joie, de la créativité, du sentiment d'appartenance, de l'amour. Et je pense que j'ai un problème et j'ai besoin d'aide."
Et j'ai dit : "Mais voilà, pas d'histoires de famille, pas de ces conneries sur l'enfance. J'ai seulement besoin d'une stratégie." (Rires) (Applaudissements)
Alors elle a fait comme ça. (hochements de tête)
Et moi j'ai dit : "C'est mauvais, n'est-ce pas?"
Et elle a dit : "Ce n'est ni mauvais ni bon. C'est juste ce que c'est."
Et je me suis dit : "Oh mon Dieu, on va se faire chier !" (Rires)
Et ça a été le cas, et en même temps non. Et ça m'a pris près d'un an. 
Vous savez comment certaines personnes, quand elles réalisent que la vulnérabilité et la tendresse sont importantes, lâchent prise et y vont à fond. 
Premièrement, ça n'est pas mon style, et deuxièmement, je ne fréquente même pas ce genre de personnes. (Rires) Pour moi, ça a été une lutte d'une année. Ca a été une tuerie. La vulnérabilité gagnait du terrain, je le regagnais à nouveau. J'ai perdu la bataille, mais j'y ai sans doute récupéré ma vie. 

Et je suis donc retourné à mes recherches et j'ai passé les deux années suivantes à essayer de vraiment comprendre ce que eux, les sans réserve, faisaient comme choix, et ce que nous, nous faisons de la vulnérabilité. Pourquoi est-ce un tel problème ? Est-ce que je suis la seule pour qui c'est un problème ? Non.
Voici donc ce que j'ai appris. 
Nous anesthésions la vulnérabilité - quand nous attendons le coup de fil. 
C'est drôle, j'ai envoyé quelque chose sur Twitter et Facebook qui demandait : "Comment définiriez-vous la vulnérabilité ? Qu'est-ce qui vous rend vulnérable ?" Et en une heure et demie, j'avais 150 réponses. Parce que je voulais savoir ce qui se cache derrière tout ça. Devoir demander de l'aide à mon mari, parce que je suis malade, et on vient juste de se marier ; prendre l'initiative sur le plan sexuel avec mon mari ; prendre l'initiative avec ma femme ; être rejetée ; inviter quelqu'un à sortir ; attendre que le docteur rappelle ; être virée ; virer des gens - voici le monde dans lequel nous vivons. Nous vivons dans un monde vulnérable. Et l'une des façons dont nous traitons ce problème, c'est d'anesthésier la vulnérabilité. 
Et je pense qu'il y a des preuves de cela - ça n'en est pas la seule raison, mais je pense que c'en est une grande - nous sommes la plus endettée, obèse, accro aux drogues et aux médicaments, de toutes les assemblées d'adultes de l'histoire des Etats-Unis. 
Le problème - et c'est ce que j'ai appris de mes recherches - c'est qu'on ne peut pas anesthésier ses émotions de façon sélective. On ne peut pas dire : "Là, c'est ce qui est mauvais. Voilà la vulnérabilité, voilà le chagrin, voilà la honte, voilà la peur, voilà la déception, je ne veux pas ressentir ces émotions. Je vais plutôt prendre quelques bières et un muffin à la banane.
(Rires)
Je ne veux pas ressentir ces émotions. Et je sais que ça, c'est un rire entendu. Je gagne ma vie en infiltrant les vôtres. (Rires) 
Vous ne pouvez pas anesthésier ces sentiments pénibles sans anesthésier en même temps les affects, nos émotions. Vous ne pouvez pas anesthésier de façon sélective. Alors quand nous les anesthésions, nous anesthésions aussi la joie, nous anesthésions la gratitude, nous anesthésions le bonheur. Et nous nous retrouvons malheureux, et nous cherchons un but et un sens à nos vies, et nous nous sentons vulnérables, alors nous prenons quelques bières et un muffin à la banane. Et ça devient un cercle vicieux. 
Une des choses auxquelles je pense que nous devrions réfléchir, est le pourquoi et le comment de cette anesthésie. Ca ne peut pas être que de l'accoutumance. 

L'autre chose que nous faisons est de rendre certain tout ce qui est incertain. La religion est passée d'une croyance en la foi et les mystères, à une certitude. J'ai raison, tu as tort. Ferme-la. Point final. C'est certain. 
Plus nous sommes effrayé, plus nous sommes vulnérables et plus nous sommes effrayés encore. Voilà à quoi ressemble la politique de nos jours. Il n'y a plus de discours désormais. Il n'y a plus de débat. Il n'y a que la recherche d'un coupable à blâmer. 
Vous savez comment je décris cela dans mes recherches ? 
Une façon de se décharger de la douleur et de l'inconfort. 

Nous perfectionnons tout.
Si il y a quelqu'un qui voudrait que sa vie soit parfaite, c'est bien moi, mais ça ne marche pas.
Parce que ce que nous faisons, c'est de prendre de la graisse de derrières et de la mettre dans nos joues. (Rires)
Ce qui, je l'espère, dans une centaine d'années, fera dire aux gens qui nous étudierons : "Wow…" (Rires)
Et le plus dangereux, c'est que nous perfectionnons nos enfants. 
Laissez moi vous expliquer comment nous pensons de nos enfants.
Ils sont conçus dès le départ pour avoir des problèmes. Et quand vous tenez ces petits êtres parfaits dans vos mains, votre devoir n'est pas de dire : "Regardez-le, il est parfait. Ma tâche est de le garder parfait - m'assurer qu'il intègre l'équipe de tennis dès le CM2, et l'Université de Yale avant la 5ème."
Ca n'est pas ça, notre devoir.
Notre devoir, c'est de le regarder, et de lui dire : 
"Tu sais quoi ? Tu n'es pas parfait, et tu es conçu pour avoir des problèmes, mais tu mérites de recevoir de l'amour et d'être parmi nous."
Ca, c'est notre devoir. 
Donnez-moi une génération de gosses élevés comme ça, et on réglera les problèmes que nous connaissons aujourd'hui, je pense. 

Nous aimons croire que nos actions n'ont pas de conséquences sur les autres. Nous faisons ça dans notre vie personnelle, nous faisons cela dans les entreprises - que ce soit d'un renflouement, une fuite de pétrole, une convocation - nous nous comportons comme si nos actions n'avaient pas un énorme impact sur les autres. 
J'ai envie de dire aux entreprises : "Nous ne sommes pas nés de la dernière pluie, les gars. On a seulement besoin que vous soyez authentiques et vrais, et que vous nous disiez : "nous sommes désolés. On va régler ça" "

Mais il y a une autre voie, et je vais finir là-dessus. 
Voici ce que j'ai découvert : c'est d'accepter de se montrer, de se montrer vraiment, de se montrer vulnérable ; d'aimer de tout notre coeur, même si il n'y a aucune certitude - et ça, c'est vraiment dur, et je peux vous le dire en tant que parent, c'est atrocement difficile - 
De s'exercer à la gratitude et à la joie dans ces moments de terreur, où nous nous nous demandons : "Suis-je capable de t'aimer à ce point ? Suis-je capable de croire en cela avec autant de passion ? Suis-je capable d'être aussi fervent ?"
Juste pouvoir s'arrêter, au lieu de s'imaginer les catastrophes qui risquent d'arriver, de dire : "Je suis simplement reconnaissant, parce que me sentir si vulnérable signifie que je suis vivant."

Et pour finir, ce qui je pense est le plus important, c'est de croire que nous sommes bien comme nous sommes.
Parce que je pense que quand on écoute la petite voix qui nous dit : "Je suis bien comme je suis", alors nous arrêtons de hurler, et nous commençons à écouter, nous devenons plus gentils et plus doux avec notre entourage, et nous sommes plus gentils et plus doux avec nous-mêmes.

C'est tout ce que j'ai. Merci.

 

http://www.ted.com/talks/brene_brown_on_vulnerability

 

 

28 mars 2015

katherine pancol extraits.......

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Les yeux jaunes des crocodiles 

La vie avait continué après, la vie continue toujours. Elle te donne des raisons de pleurer et des raisons de rire. C'est une personne, la vie, une personne qu'il faut prendre comme partenaire. Entrer dans sa valse, dans ses tourbillons, parfois elle te fait boire la tasse et tu crois que tu vas mourir et puis elle t'attrape par les cheveux et te dépose plus loin. Parfois elle t'écrase les pieds, parfois elle te fait valser. Il faut entrer dans la vie comme on entre dans une danse. Ne pas arrêter le mouvement en pleurant sur soi, en accusant les autres, en buvant, en prenant des petites pilules pour amortir le choc. Valser, valser, valser. Franchir les épreuves qu'elle t'envoie pour te rendre plus forte, plus déterminée.
Vouloir oublier quelqu'un, c'est y penser tout le temps.
Elle trouvait qu'il fallait davantage se préparer au chagrin qu'au grand bonheur. Le grand bonheur, c'est facile, il suffit de se laisser glisser. C'est comme descendre sur la pente d'un toboggan. Le chagrin, c'est remonter à pied un très long toboggan
Rester toujours fidèle à un ancien amour, c'est parfois le secret de toute une vie.
Je n'arrive pas à l'oublier. C'est terrible. J'ai décidé de ne plus le voir, mon coeur ne veut plus, ma tête refuse, mais chaque pore de ma peau hurle au manque. Jo, tu sais quoi? L'amour ça nait dans le coeur mais ça vit sous la peau. Et lui, il est tapi sous ma peau.
C'est presque mieux de vivre un amour en rêve, on ne risque pas d'être déçue...
Je vois tout, je sens tout, mille détails entrent en moi comme de longues échardes et m'écorchent vive. Mille détails que d'autres ne remarquent pas parce qu'ils ont des peaux de crocodile.
On a souvent tendance à croire que le passé est le passé. Qu'on ne le reverra plus jamais. Comme s'il étais inscrit sur une ardoise magique et que l'on avais effacé. On croit aussi qu'avec les années, on a passé à la trappe ses erreurs de jeunesse, ses amours de pacotille, ses échecs, ses lachetés, ses mensonges, ses petits arrangements, ses forfaitures.
On se dit qu'on a bien tout balayé. Bien fait tout glisser sous le tapis.
On se dit que le passé porte bien son nom:passé
Passé de mode, passé d'actualité, dépassé.
Enterré
On a commencé une nouvelle page. Une nouvelle page qui porte le beau nom d'avenir. une vie qu'on revendique, dont on est fier, une vie qu'on a choisie. Alors que dans le passé, on ne choississait pas toujours. On subissait, on étais influencé, on ne savait pas quoi penser, on se cherchait, on fisait oui, on disait non, on disait le mot chiche sans savoir pourquoi. c'est pourquoi on a inventé le mot "passé": pour y glisser tout ce qui nous gênait, nous faisait rougir ou trembler.

Et puis un jour, il revient.
Il emboutit le présent.S'installe.Pollue.
Et finit même par obscurcir le futur. 

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On se moque des gens qui rêvent, on les gronde, on les fustige, on leur remet le nez dans la réalité, on leur dit que la vie est moche, qu'elle est triste, qu'il n'y a pas d'avenir, pas de place pour l'espérance. Et on leur tape sur la tête pour être sûr qu'ils retiennent la leçon. On leur invente des besoins dont ils n'ont pas besoin et on leur prend tous leurs sous. On les maintient prisonniers. On les enferme à double tour. On leur interdit de rêver. De s'agrandir, de se redresser... Et pourtant... Et pourtant... Si on n'a pas de rêves, on n'est rien que des pauvres humains avec des bras sans force, des jambes qui courent sans but, une bouche qui avale de l'air, des yeux vides. Le rêve, c'est ce qui nous rapproche de Dieu, des étoiles, ce qui nous rend plus grand, plus beau, unique au monde... C'est si petit, un homme sans rêves... Si petit, si inutile... Un homme qui n'a que le quotidien, que la réalité du quotidien, cela fait peine à voir. C'est comme un arbre sans feuilles. Il faut mettre des feuilles sur les arbres. Leur coller plein de feuilles pour que ça fasse un grand et bel arbre. Et tant pis s'il y a des feuilles qui tombent, on en remet d'autres. Encore et encore, sans se décourager... C'est dans le rêve que respirent les âmes. Dans le rêve que se glisse la grandeur de l'homme. Aujourd'hui, on ne respire plus, on suffoque. Le rêve, on l'a supprimé, comme on a supprimé l'âme et le Ciel...
Dès qu'on aime quelqu'un, faut-il obligatoirement souffrir? Est-ce la rançon à payer? Elle ne savait qu'aimer. Elle ne savait pas se faire aimer. C'était deux choses bien différentes.
" On ne guérit pas d'une mère qui ne vous aime pas. Ça creuse un grand trou dans le cœur et il en faut de l'amour et de l'amour pour le remplir ! On n'en a jamais assez, on doute toujours de soi, on se dit qu'on n'est pas aimable, qu'on ne vaut tripette. "
La vie allait redevenir belle puisque j'allais l'inventer ! Le jour, je ferai semblant d'appartenir au monde des vivants et le soir, je partirai dans le monde des rêves... de mes rêves.
On ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie. Parfois, au lieu de décider, on subit.
Je ne me traîne pas à vos pieds car je suis trop fier, mais le coeur y est!
L'amour, ça ne klaxonne pas avant d'entrer ! ça se pointe, ça s'impose, ça force les barrages.
Ma vie est en train de se dissoudre, rongée par un acide invisible, et j'assiste, impuissante, à cette lente dissolution.
Je vais mal, en ce moment. Cette apparence dégagée et aisée que j'ai entretenue si longtemps se craquelle, et il en émerge un bric-à-brac de contradictions. Il va bien falloir que je finisse par choisir. Aller dans une direction mais laquelle? Seul l'homme qui s'est trouvé, l'homme qui coïncide avec lui-même, avec sa vérité intérieure, est un homme libre. Il sait qui il est, il trouve plaisir à exploiter ce qu'il est, il ne s'ennuie jamais. Le bonheur qu'il éprouve à vivre en bonne compagnie avec lui-même le rend presque euphorique. Il vit véritablement alors que les autres laissent couler leur vie entre les doigts... sans jamais les refermer.
Je me suis pris les pieds dans mes émotions.
Écrire c'est empoigner sa souffrance, la regarder en face et la clouer sur la croix. Et après, on s'en fout d'être guéri ou pas, on a pris sa revanche.
On n'oublie que lorsqu'on réussit à aimer une nouvelle fois, sinon on n'oublie pas.
"[...] l'amour, c'est de pouvoir montrer ses faiblesses à l'autre et qu'il n'en profite pas pour vous écraser."
On est toujours maladroit avec les gens qu'on aime. On les écrase, on les encombre avec notre amour... On ne sait pas y faire. 
J'ai tout, mais je n'ai rien puisque je t'ai perdue.
Je voudrais que jamais, tu entends, jamais tu ne perdes confiance en moi. Même si les éléments les plus terribles, les plus noirs me confondent, m'habillent de traîtrise, de tromperie, te prouvent que je t'ai abandonnée, meurtrie, que jamais tu ne les croies, que toujours tu espères... Promets-moi.
Je te le promets.
Que jamais tu n'écouteras les autres ni celle qui est en toi et qui doute toujours.
Je te le promets.
Que jamais tu ne me travestiras de lâcheté, de duplicité, de cynisme.
Jamais.
Que toujours tu auras foi en moi envers et contre tout, envers et contre tous.
Toujours.
Alors je peux marcher la tête haute et le coeur léger, armé comme un guerrier qui rit devant l'épée. Alors je peux conquérir le monde, détourner les océans, les rivières, irriguer les déserts, te guérir des plus fortes fièvres, te parer des plus belles fleurs. Alors, si tu me donnes ta confiance, je peux tout, mon amour.
"Ce qu'il y a de bien, avec le bonheur et le malheur des autres, c'est qu'il paraît bien plus réel que le sien propre et, du coup, pendant quelques jours, on oublie sa misère."
On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait en partant.
"Il y a des gens dont le regard vous améliore. C'est très rare, mais quand on les rencontre, il ne faut pas les laisser passer."
-« Fais pas comme moi. Ne passe pas à côté de l’amour sous prétexte que tu y es si peu habituée que tu ne le reconnais pas »
Un amour commence à exister quand chacun offre à l'autre le fond de ses pensées, les secrets les plus verrouillés. Sinon, ce n'est pas de l'amour, c'est de l'échange de peaux, de désir immédiat.
Le silence peut être le signe d'une grande joie qui ne trouve pas ses mots. C'est parfois aussi une manière de dire son mépris.
Je l'ai ennuyé avec mon amour. J'ai vidé mon cœur dans le sien. Jusqu'à la dernière goutte. Je l'ai rassasié.
Il faut occuper ses mains quand le cœur flanche. C’est le plus sûr moyen de repousser le chagrin.
Il ne sert à rien de renier son passé, de repousser à plus tard, il vaut mieux l'affronter. Sinon le passé insiste, insiste et alourdit à chaque fois la note à payer jusqu'à ce qu'on plie les genoux et qu'on dise OK, je me rends, je dis tout.
J'avais décidé de me retirer de l'amour comme on fait ses adieux à la scène. Fatiguée de jouer toujours le même rôle
Attendre une heure est long
Si l'amour est en vue
Attendre l'éternité est bref
Si l'amour est au bout. 
Elle a voulu que je lise à mon tour pour que je comprenne que la vie n’a pas toujours l’air de ce qu’elle est. Qu’il faut être indulgent avec les gens, ne pas les juger quand on ne sait pas ce qu’ils ont enduré.
Je ne l'a connais pas, mais j'en ai vu pleins d'histoires 
ou la femme donne tout et ou l'homme s'en va...
Pour une plus jeune qu'elle, une moins abimée, 
une qui le fait rêver, qui le fait bander...
L'amour, c'est magnifique mais l'amour, c'est dangereux...
et j'ai peur de ce danger là. j'ai peur de tout donner
et de me retrouver vieille, inutile et blessée...
Pourquoi n'aime-t-on pas les hommes qui restent et vous dispensent de subir les atroces souffrances de l'abandon brutal? Pourquoi a-t-on besoin de sublimes douleur pour sceller les grandes histoires d'amour? Pourquoi ne retient-on de l'amour que les moments de torture fulgurante?

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12 août 2013

la comtesse sanglante ou les origines du mythe de dracula.....

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La comtesse Sanglante

Il est impossible de s'intéresser au phénomène, réel ou imaginaire, du vampirisme sans se référer à un personnage qui défraya la chronique au XVIIE siècle en Hongrie et Transylvanie, et qui a provoqué, dans la mémoire des peuples, l'apparition d'une image surprenante, ambiguë, terrifiante, qui est loin de laisser indifférent : la comtesse Elizabeth Bathory est en effet une des incarnations les plus caractéristiques de ce que l'on a coutume de classer dans la catégorie des vampires humains, malgré les interférences inévitables qui se sont produites entre ce que l'on sait de sa vie et des zones d'ombre que l'on n'a pas osé dévoiler en plein jour. Ce fut une criminelle, assurément. Mais ce fut aussi une femme mystérieuse qui a emporté dans la tombe de lourds secrets qu'il est bien difficile de cerner en toute objectivité.

Elizabeth Bathory est née en 1560, d'une famille de sang royal, comptant dans ses proches parents le prince de Transylvanie, Sigismond Bathory, un oncle qui devint roi de Pologne, des gouverneurs de province, de hauts magistrats, des évêques et un cardinal. Cette famille remontait très loin dans le temps et comptait un certain nombre d'aventuriers hongrois descendant probablement des Huns et qui s'étaient imposés par le sang et la violence, comme il était de règle à ces époques troublées où la Hongrie allait passer d'un paganisme pur et dur à un catholicisme très inféodé à Rome. Du temps d'Elizabeth, rien n'était d'ailleurs vraiment net dans cette région bouleversée par l'apparition des Réformateurs luthériens et calvinistes et où le catholicisme romain se heurtait au Christianisme orthodoxe et aux innombrables communautés musulmanes disséminées par les Turcs. Sans parler des vestiges virulents d'un paganisme hérité du fonds asiatique :" L'ancienne terre des Daces était païenne encore, et sa civilisation avait deux siècles de retard 1 sur celle de l'Europe occidentale. Là, régnaient, gouvernées par une mystérieuse déesse Mielliki, les innombrables forces des grands bois, tandis qu'à l'Ouest, le vent habitait seul, la montagne de Nadas. Il y avait un dieu unique, Isten, et l'arbre d'Isten, l'herbe d'Isten, l'oiseau d'Isten... Dans les Carpates superstitieuses, il y avait surtout le diable, Ordôg, servi par des sorcières, elles-mêmes assistées de chiens et de chats noirs. Et tout venait encore des esprits de la nature et des fées des éléments ; de Delibab, la fée de midi aimée du vent et mère des mirages 2, des Tünders 3, sœurs de toutes merveilles et de la Vierge de la cascade peignant ses cheveux d'eau 4. Dans les cercles d'arbres sacrés, de chênes et de noyers féconds, se célébraient encore secrètement les anciens cultes du soleil et de la lune, de l'aurore, et du cheval noir de la nuit 5. C'est dans cette atmosphère très particulière, encombrée de sortilèges et de traditions ancestrales venus d'ailleurs, que se déroula l'enfance d'Elizabeth Bathory, et cela explique certainement beaucoup de choses concernant le comportement et le mode de pensée de cette comtesse qu'il faut bien se résoudre à qualifier de ", sanglante ".Il faut aussi prendre en compte la lourde hérédité d'Elizabeth : sa lignée ne comportait pas que des petits saints, bien au contraire. Un certain nombre de ses ancêtres avaient été des brutes sanguinaires, et dans sa parenté immédiate se trouvaient quelques homosexuels mâles notoires. Un de ses frères était un dépravé pour lequel tout était bon, la plus tendre fillette comme la plus ratatinée des femmes âgées. Une de ses tantes grande dame de la cour de Hongrie défrayait la chronique scandaleuse : lesbienne impénitente, on disait, tribade " à l'époque, elle était tenue pour responsable de la dépravation de douzaines de petites filles. Et puis, la propre nourrice d'Elizabeth, joIlona, qui deviendra son âme damnée, personnage trouble et inquiétant, pratiquant la magie noire et les sortilèges les plus pervers, eut une influence déterminante sur l'évolution de son esprit.

Elizabeth Bathory

Les descriptions qu'on possède d'Elizabeth Bathory, ainsi qu'un portrait qu'on en a conservé, nous la montrent d'une grande beauté : " Les démons étaient déjà en elle ; ses yeux larges et noirs les cachaient en leur morne profondeur ; son visage était pâle de leur antique poison. Sa bouche était sinueuse comme un petit serpent qui passe, son front haut, obstiné, sans défaillance. Et le menton, appuyé sur la grande fraise plate, avait cette courbe molle de l'insanité ou du vice particulier. Elle ressemblait à quelque Valois dessiné par Clouet, Henri Ill peut-être, en féminin 1. " Bref, quelque chose de mélancolique, de secret et de cruel. Le blason des Bathory n'était-il pas composé de trois dents de loup, d'un croissant de lune, d'un soleil en forme d'étoile à six pointes, le tout entouré d'un dragon qui se mord la queue ?

On ne sait pas grand-chose sur la jeunesse et l'adolescence d'Elizabeth, sinon qu'elle se réfugiait souvent dans une solitude farouche. Par ailleurs, depuis son plus jeune âge, elle souffrait de maux de tête parfois intolérables qui la faisaient se rouler par terre. Était-ce de l'épilepsie ? Il semble plutôt qu'Elizabeth était en proie à des crises d'hystérie qu'il serait tentant d'assimiler à des crises de possession démoniaque. 

Mais cette hystérie explique en partie sa déviance sexuelle : sa sensualité était exacerbée, mais morbide, et si elle ne refusa pas les contacts masculins, elle évolua toute sa vie dans des retraites peuplées uniquement de femmes ; elle ne sacrifia jamais un seul homme à ses débauches, mais uniquement des femmes, et elle était incontestablement homosexuelle. On prétend même que c'est sa tante Klara Bathory, qu'elle fréquentait assidûment, qui l'avait initiée au culte de Sapho. 
Il faut dire que l'homosexualité était à la mode, en cette fin de XvIe siècle : à Paris, la cour des Valois donnait un exemple que s'empressaient de suivre les autres cours européennes, orientales autant qu'occidentales, celle de Rome ne faisant pas exception. Et le lesbianisme descendait même dans la rue :en Allemagne et dans tout le Saint-Empire, il y avait encore des héritières de cette étrange secte de triba des flagellantes qui parcouraient, au XlVe siècle, les villes et les villages, se mettant nues en public, se fouettant mutuellement, hurlant des chants et pratiquant des attouchements indécents. Vestiges d'un culte de la Déesse des Origines ? Probablement, mais avec des rituels érotiques sanguinaires. On peut toujours se demander si Elizabeth Bathory, si précocement initiée par sa tante Klara, n'a pas consacré sa vie à cette religion instinctuelle et viscérale tout entière vouée à l'adoration de la Grande Déesse des temps obscurs, celle qu'on a prisé trop hâtivement pour la terrible Hécate lunaire, divinité grecque des carrefours (où rôde également le Diable !), et qui n'est en réalité que l'image du Soleil rouge, divinité ô combien féminine, la fameuse et cruelle Artémis des Scythes, celle qui, dans la tragédie d'Euripide, Iphigénie en Tauride, réclame incessamment le sang des mortels pour nourrir son existence surnaturelle ? Il y a là un bel exemple de vampirisme 1. Mais l'homosexualité d'Elizabeth Bathory n'était pas exclusive. On lui prête plusieurs aventures masculines avant son mariage et après son veuvage. Toute jeune, immédiatement après sa puberté, elle aurait eu une petite fille d'un paysan. Elle avait quatorze ans et elle était déjà fiancée à Férencz Nàdasdy, un comte appartenant à la meilleure noblesse hongroise, redoutable guerrier qui devint illustre et mérita, par la suite, le titre de " Héros noir de la Hongrie ". Mais on sait ce que signifiaient les mariages dans la bonne société d'alors. Il semble que, se trouvant enceinte, elle demanda à Ursula Nàdasdy, mère de son fiancé, laquelle était chargée de sa " protection ", la permission d'aller dire adieu à sa propre mère, Anna Bathory, accompagnée d'une seule femme en qui elle avait toute confiance. On ne dit pas si Anna Bathory approuva le comportement de sa fille, mais elle fit contre mauvaise fortune bon cœur. Craignant le scandale et la rupture du mariage de sa fille, elle aurait amené secrètement Elizabeth dans un de ses châteaux les plus éloignés, du côté de la Transylvanie, laissant courir le bruit que sa fille, atteinte d'une maladie contagieuse, avait besoin de repos et d'isolement absolus. Elle l'aurait alors soignée, aidée d'une femme venue du château familial de Csejthe et d'une accoucheuse qui avait fait le serment de ne rien révéler. Une petite fille serait donc née, à laquelle on aurait donné également le prénom d'Elizabeth, et qui aurait été confiée., Moyennant pension, à la femme de Csejthe qui avait accompagné sa fille. Quant à la sage-femme, elle fut renvoyée de Roumanie avec de quoi vivre largement, mais interdiction de jamais revenir en Hongrie. C'est alors qu'Elizabeth Bathory et sa mère seraient parties directement pour Varanno où devaient êtres célébrés les noces de l'héritière des Bathory avec l'héritier des Nàdasdy.
 
Château de Csejthe
Ces noces eurent lieu le 8 mai 1575. Elizabeth avait quinze ans, et son mari en avait vingt et un. L'empereur Maximilien de Habsbourg assista lui-même au mariage. Le roi Matthias de Hongrie et l'archiduc d'Autriche envoyèrent de somptueux cadeaux aux nouveaux époux qui s'en allèrent passer leur lune de miel dans le château de Csejthe, dans le district de Nyitra, région montagneuse du nord-ouest de la Hongrie, encore célèbre aujourd'hui par la qualité de ses vignobles, mais aussi pour ses châteaux forts en ruines, ses histoires de fantômes et ses traditions vivaces de vampires et de loups-garous. Mais le séjour de Férencz Nàdasdy fut de courte durée. Ses devoirs de combattant l'appelaient à la guerre à travers toute la Hongrie et les pays avoisinants. Il laissa donc sa jeune et belle épouse régner sur le château de Csejthe et sur les vastes domaines qui l'entouraient. Que se passa-t-il donc alors ? Il est probable que la sensualité d'Elizabeth, fortement éveillée par son mari - qui lui fit d'ailleurs deux enfants - se sentit quelque peu frustrée. On lui prêta plusieurs intrigues amoureuses, mais sans lendemain, dont une avec un de ses cousins, le comte Gyorgy Thurzo, futur premier ministre de Hongrie et qui fut d'ailleurs, par la suite, son juge le plus sévère.

Cela ne veut pas dire que les époux ne s'entendaient pas bien : au contraire, leurs retrouvailles étaient toujours de nouvelles lunes de miel. Mais le seul tort du mari était d'être trop souvent absent. Et, un jour de 1586 ou 1587, alors que Férencz Nàdasdy était en plein combat contre les Serbes, on raconte qu'arriva au château de Csejthe (un grand jeune homme au teint cadavérique, dont le nom est resté perdu pour l'histoire. Il était habillé de noir, avait de profonds yeux noirs et de longs cheveux noirs tombant jusqu'aux épaules. Lorsque les servantes de la comtesse racontèrent au village de Csejthe qu'il avait aussi des canines qu'elles jugeaient anormalement longues, plus personne ne douta qu'un vampire s'était installé au château, et les villageois n'allèrent plus se coucher sans avoir soigneusement barricadé leurs portes et leurs fenêtres avec des planches 1 ". Cette histoire s'inscrit très bien dans le décor que suscite le personnage hors pair de la comtesse Bathory, mais elle est plus que suspecte. Toujours est-il qu'Elizabeth s'absenta pendant plusieurs semaines. Était-elle partie avec son " vampire " ? Les villageois murmurèrent, paraît-il, que la comtesse avait été littéralement " vampirisée " par le sombre inconnu. Il est plus vraisemblable de croire que cet homme était une sorte de sorcier, ou de prêtre plein, qui initia Elizabeth à certaines pratiques magiques. Car elle ne faisait pas mystère de ses fréquentations auprès des mages, des sorcières et autres personnages, toujours féminins, qui officiaient dans les forêts, à l'abri des regards indiscrets.

Plus intrigante est la relation entretenue réellement par Elizabeth Bathory avec une mystérieuse inconnue, dont personne ne savait le nom, , et qui venait voir Elizabeth, déguisée en garçon. Une servante avait dit à deux hommes, - ils en témoignèrent au procès -, que, sans le vouloir, elle avait surpris la comtesse seule avec cette inconnue, torturant une jeune fille dont les bras étaient attachés très serrés et si couverts de sang qu'on ne les voyait plus ,. Ce n'était pas une paysanne, mais une femme de qualité qui, sans être masquée, éprouvait le besoin de se travestir, sans doute pour éviter de se faire reconnaître. " Cette visiteuse, pour laquelle on emploie le mot " dame ", était-elle une amie descendue de quelque château des environs pour ces fêtes à deux ? Amie ignorée et intermittente, en tout cas, puisqu'à Csejthe on connaissait à peu près tout le monde appartenant à la contrée. Une étrangère ? Alors, quelles étaient exactement les relations entre elle et Elizabeth ? Leurs sadiques plaisirs étaient-ils les seuls " Il est bien difficile de répondre, d'autant plus que si la comtesse Bathory a commis et fait commettre d'innombrables crimes de sang sur des jeunes filles, on a considérablement brodé sur son action. Et ce ne sont pas les minutes de son procès, pourtant fort précises quant aux témoignages recueillis, qui peuvent donner la solution des véritables motivations d'Elizabeth Bathory.

Cependant, Férencz Nàdasdy mourut soudainement en 1604. Devenue veuve, la comtesse semble n'avoir rien changé à son mode de vie. Les tortures qu'elle infligeait à ses servantes, elle les pratiquait depuis longtemps et son mari le savait parfaitement, considérant celles-ci comme de simples amusements de la part de sa femme. D'ailleurs, dans toutes les maisons nobles de ce temps, il était courant de fouetter les servantes pour un oui ou pour un non. L'état de servage n'existait plus en Hongrie, mais les vieilles habitudes ont du mal à disparaître, surtout quand elles sont acceptées, bon gré, mal gré, par celles qui en sont les victimes. L'un des témoignages du procès est catégorique : à la question de savoir depuis combien de temps la comtesse maltraitait les jeunes filles, un témoin répond : , Elle commença quand son mari était encore en vie, mais alors ne les tuait pas. Le comte le savait et ne s'en souciait guère. " On raconte une curieuse anecdote à ce sujet, non pas sur le début des sévices opérés par Elizabeth, mais sur la naissance de sa fascination pour le sang qui coule. " Un jour qu'elle avait frappé une servante assez violemment pour la faire saigner du nez, parce qu'elle lui avait tiré les cheveux en la peignant, un peu du sang de la jeune fille tomba sur le poignet d'Elizabeth. Un peu plus tard, la comtesse crut remarquer que la peau de l'endroit où était tombé le sang était devenue plus blanche et plus douce que la peau environnante. Intriguée, elle se baigna le visage avec le sang d'une des victimes de ses orgies sadiques. Son visage lui sembla rajeuni et revivifié par le traitement 1. "

Le souci primordial d'Elizabeth Bathory, depuis son plus jeune âge, avait été sa beauté: elle avait une peur atroce de vieillir et de s'enlaidir. Il n'en fallait pas plus pour s'imaginer qu'elle pouvait indéfiniment préserver sa beauté grâce à du sang frais de jeunes filles, de préférence vierges, donc revêtues de cette aura magique que confère la virginité. " Le sang, c'est la vie ! " répétait Renfield au docteur Seward. Mais pour Elizabeth Bathory, la vie, c'était la beauté et la jeunesse. Si l'anecdote est vraie, on comprend mieux ce goût du sang chez elle. Et cela nous ramène inévitablement au vampirisme.

Elizabeth Bathory passait son temps au château de Csejthe, faisant également de fréquents séjours à Presbourg et surtout dans la demeure qu'elle avait acquise à Vienne, non loin de la cathédrale, demeure qui semble avoir été marquée aussi par de sanglantes orgies. A Csejthe comme ailleurs, Elizabeth était toujours accompagnée de sa nourrice jo Ilona et de sa servante Dorottya Szentes, dite Dorko, deux femmes vieilles, vulgaires, sales, d'une totale immoralité ' et probablement sectatrices d'une de ces mystérieuses cohortes de sorcières avorteuses qui pullulaient encore dans les campagnes de l'Europe centrale. Il semble qu'elles aient été les principales pourvoyeuses de " chair freiche " de la comtesse, en même temps que ses "agents d'exécution " quand il s'agissait de frapper, de saigner, puis d'enterrer les malheureuses victimes. Autour de ce duo infernal, il y avait un homme à tout faire, Ujvari johanes, dit Ficzko, une sorte de nabot disgracieux, et une lavandière, Katalin Beniezky. Elizabeth vivait au milieu de cette troupe entièrement vouée à son service et à la satisfaction de ses instincts les plus bas. Cela constituait pour elle le personnel permanent et indispensable. Mais il y avait aussi le personnel " volant ", de belles jeunes filles dont elle faisait ses servantes, et parfois ses concubines, du moins tant qu'elle y trouvait une certaine nouveauté. Car ces " servantes " disparaissaient les unes après les autres, et il fallait bien que le " personnel permanent " se chargeât de renouveler un cheptel qui devait être toujours jeune et beau. Certes, il y en avait toujours en réserve. On prétend même que la comtesse veillait à ce que ces jeunes filles retenues prisonnières fussent bien nourries et engraissées, car elle croyait que plus elles étaient dodues, plus elles avaient de sang dans les veines, et que plus elles étaient bien portantes, plus la vertu de ce sang était efficace. Plus que jamais, le sang était la vie: Elizabeth Bathory croyait-elle pouvoir échapper au vieillissement et à la mort, et gagner ainsi une éternelle jeunesse ? Il semble qu'il faille prendre très au sérieux cette conviction.

Un autre personnage vint bientôt compléter la sinistre troupe, une certaine Darvulia Anna. On a largement brodé sur cette femme sous prétexte que son nom évoque celui de Dracula. Il n'est pas nécessaire d'en venir là, car il apparaît que Darvulia était une sorcière de la meilleure tradition, une magicienne noire qui connaissait des formules et des incantations sataniques et qui n'hésitait pas, comme le fera plus tard la Voisin, en France, au moment de l'affaire des Poisons, à procéder à des sacrifices humains pour obtenir l'aide des puissances démoniaques. Sans doute Darvulia Anna sut-elle convaincre Elizabeth Bathory, déjà quadragénaire mais toujours très belle, qu'elle connaissait les recettes infaillibles pour prolonger indéfiniment cette beauté. La comtesse ne put plus se passer de Darvulia, et il est établi que la présence de cette ( sorcière" ne fit qu'augmenter la fréquence des (, sacrifices " qu'Elizabeth offrait à la mystérieuse divinité assoiffée de sang qu'elle n'avait jamais cessé d'adorer depuis sa plus tendre enfance. Les plus belles filles de Transylvanie et de Hongrie, lorsqu'elles étaient repérées par les émissaires de la comtesse, prenaient le chemin du château de Csejthe. Tous les moyens étaient bons : menaces, intimidation, promesses d'argent, achat pur et simple dans certaines familles pauvres. Mais la plupart d'entre elles ne ressortaient jamais plus de la sinistre forteresse.

On a probablement fort exagéré les récits concernant les supplices infligés à ces innocentes jeunes filles par la comtesse Bathory et ses âmes damnées. Mais il en est de suffisamment établis pour se faire une idée de l'atmosphère malsaine et macabre qui régnait dans les souterrains du château de Csejthe. Les filles étaient frappées avec violence. Certaines avaient le cou percé selon la plus pure tradition vampirique. D'autres étaient liées avec des cordes qu'on tordait ensuite afin qu'elles puissent s'enfoncer dans les chairs, ce qui permettait de leur ouvrir les veines et de faire jaillir le sang sur la comtesse. On prétend même' qu'on remplissait parfois des baignoires de sang et qu'Elizabeth s'y baignait avec ravissement. Mais comme sa peau délicate ne supportait pas d'être essuyée avec des serviettes, ce sont d'autres filles qui devaient la débarrasser du sang en lui léchant tout le corps avec leurs langues. Celles qui, ne supportant pas une telle horreur, s'évanouissaient, étaient ensuite sévèrement châtiées avant de servir de victimes à leur tour. On imagine aisément le contexte érotique de ces rituels. Selon certaines sources, toujours quelque peu discutables, certaines de ces jeunes filles finissaient leur vie dans le lit même de la comtesse. Elizabeth faisait venir les filles qui lui plaisaient le mieux et s'abîmait avec elles des nuits entières dans des embrassements - et des embrasements - homosexuels, avant de les mordre cruellement, parfois jusqu'à la mort. On comprend que de telles relations aient pu intéresser au plus haut point un spécialiste de l'érotisme dans la souffrance comme l'a été Georges Bataille, et aussi inspirer un certain nombre de films plus ou moins érotiques, mais parfaitement sadiques.

Il y a aussi la fameuse "Vierge de Fer". Est-ce une légende ? Actuellement, cet automate monstrueux peut encore être vu au château de Riegersburg, en Styrie. Est-ce celui dont, paraît-il, se servait la comtesse Bathory? Il s'agissait d'une statue de bois articulée, avec des mécanismes de fer, en forme de femme. Image de la déesse cruelle qu'adorait Elizabeth ? Peut-être. Ce qu'il y avait de terrible dans cet automate, c'était les pointes acérées qui pouvaient transpercer les corps qu'on soumettait à l'étreinte de la " Vierge ,. Car il est possible que des filles aient été ainsi livrées à la Vierge de Fer: les bras de celle-ci se refermaient sur le jeune corps et le pressaient de plus en plus contre les pointes acérées, permettant au sang de couler en abondance, sous les yeux d'Elizabeth et de celles qui partageaient obligatoirement ses infernales jouissances. La comtesse Bathory eût certainement été très à l'aise dans l'élaboration d'un Musée des Tortures. Et même si cette histoire de Vierge de Fer est une légende racontée après coup, l'anecdote reste néanmoins significative: toute la vie d'Elizabeth était imprégnée de sang, parce que le sang, c'est la vie.

Cependant, même si l'on est un personnage considérable, même si l'on est apparenté aux plus nobles familles de Hongrie, de Roumanie et du Saint-Empire, même si l'on prend des précautions pour éviter que les langues se délient, de telles manoeuvres ne passent pas inaperçues. On n'empêche pas certaines personnes de murmurer. On n'empêche pas les allusions, et ces allusions se colportent de village en village. Trop, c'est trop... Des rumeurs incroyables parvinrent jusqu'à la cour de Vienne, et les autorités ecclésiastiques, sentant qu'il y avait sans doute des pratiques relevant de l'hérésie ou du paganisme, commencèrent à se livrer à de discrètes enquêtes. Mais comment faire pour savoir la vérité, alors qu'en principe, la belle comtesse Bathory était insoupçonnable et " intouchable " ?

Évidemment, personne n'osait porter officiellement plainte, pas même les parents des jeunes filles disparues qui craignaient trop les représailles, y compris celles de forces diaboliques qu'on disait être au service de la comtesse. Les Bathory et les Nàdasdy étaient bien trop puissants... Mais cela n'empêcha nullement le roi Matthias de Hongrie de prendre l'affaire en main. Convaincu, par certains témoignages, que l'héritière des Bathory était coupable de crimes de sang, il ordonna une enquête qu'il confia au gouverneur de la province, lui-même cousin d'Elizabeth. Le gouverneur se rendit secrètement à Csejthe et s'informa auprès de certaines personnes de confiance, en particulier le curé qui, sans avoir l'intention de le publier de son vivant, avait rédigé un long mémoire dans lequel il signalait quantités de faits pour le moins troublants. L'envoyé du roi Matthias fut très vite édifié, et, lorsqu'il eut fait son rapport, la décision du roi fut implacable: arrêter la comtesse Bathory et tous ses complices. Et cette tâche, il la confia à un autre cousin d'Elizabeth, et qui avait été un temps son amant, son premier ministre, le comte Gyorgy Thurzo.

Le 29 décembre 1610, à la tête d'une troupe armée et accompagné du curé de Csejthe - à qui il arriva d'ailleurs une curieuse aventure à cause d'un groupe de chats ! - et en présence des deux gendres d'Elizabeth Bathory, le comte Thurzo pénétra dans le grand château. La garnison n'opposa aucune résistance et les grandes portes étaient même entrouvertes. Tous purent donc pénétrer à l'intérieur sans aucune difficulté : " Ils allèrent à travers le château, et, accompagnés de gens munis de torches connaissant les entrées des escaliers les plus secrets, descendirent au souterrain des crimes, d'où montait une odeur de cadavre, et pénétrèrent dans la salle de tortures aux murs éclaboussés de sang. Là se trouvaient encore les rouages de la , Vierge de Fer ", des cages et des instruments, auprès des brasiers éteints. Ils trouvèrent du sang desséché au fond de grands pots et d'une sorte de cuve ; ils virent les cellules où l'on emprisonnait les filles, de basses et étroites chambres de pierre; un trou profond par où l'on faisait disparaître les gens; les deux branches du souterrain, l'une conduisant vers le village et débouchant dans les caves du petit château, l'autre allant se perdre dans les collines... Enfin, un escalier montant dans les salles supérieures. Et c'est là, étendue près de la porte, que Thurzo vit une grande fille nue, morte; celle qui avait été une si belle créature n'était plus qu'une immense plaie. A la lumière de la torche, on pouvait voir les traces laissées par les instruments de torture: la chair déchiquetée, les seins tailladés, les cheveux arrachés par poignées; aux jambes et aux bras, par endroits, il ne restait plus de chair sur les os 1. " Plus loin, toujours dans le souterrain, Thurzo et ses hommes découvrirent plusieurs douzaines de jeunes filles, d'adolescentes et de jeunes femmes. Certaines étaient affaiblies, presque complètement vidées de leur sang; d'autres, dans un état d'hébétude totale, étaient encore intactes : c'était le bétail réservé aux prochaines orgies. Par la suite, on exhuma une cinquantaine de cadavres de jeunes filles dans les cours et les dépendances du château.

Elizabeth Bathory ne se trouvait pas dans le château. Il est vraisemblable de penser qu'après une nuit d'orgie rituelle, elle s'était retranchée dans son repaire constitué par le petit château, son domaine réservé où peu de gens avaient le droit de s'introduire. Lorsque le comte Thurzo se présenta devant elle, elle ne songea pas un seul instant à nier l'évidence. Aux accusations que lui porta légalement son cousin et ex-amant, elle répondit que tout cela relevait de son droit de femme noble, et qu'elle n'avait de comptes à rendre à personne. Sans se laisser impressionner, Thurzo la fit mettre sous surveillance, et la comtesse s'enferma dans un mutisme hautain dont elle ne se départit jamais plus.

Mais la procédure de la justice était en marche et plus rien ne pouvait l'arrêter désormais. Le roi Matthias était décidé à aller jusqu'au bout, Gyorgy Thurzo et les membres des familles Bathory et Nàdasdy également, même s'ils craignaient de supporter les conséquences d'un étalage public des turpitudes de la comtesse. En fait, chacun se trouvait embarrassé, car tout cela éclaboussait la plus haute société austro-hongroise de l'époque. Matthias de Hongrie était le plus acharné à vouloir justice, le comte Thurzo le plus réservé, et aussi le plus calme. Il devait y avoir procès : il aurait lieu, mais on prendrait soin de n'y point faire paraître la principale inculpée, ce qui était une façon élégante de ne pas mouiller certains membres de l'aristocratie qui avaient, sans nul doute, d'une façon ou d'une autre, été complices de la meurtrière. Il fallait des accusés pour en faire des coupables. On se rabattit sur l'entourage immédiat d'Elizabeth. On savait que ceux-là, qui appartenaient aux classes les plus obscures de la société, n'étaient pas dangereux et que leur condamnation servirait d'exutoire.

On a retrouvé le procès-verbal des interrogatoires qui furent menés pendant l'instruction. On est en droit de se demander si ces dépositions ont été acquises au moyen de la torture, méthode pratiquée couramment à l'époque, et c'est pourquoi il convient de les prendre avec toutes les réserves qui s'imposent. Mais ces dépositions ne sont nullement en contradiction avec d'autres témoignages, et avec les bruits qui circulaient depuis fort longtemps sur les atrocités qui se commettaient aussi bien à Vienne qu'à Csejthe à la demande formelle de la comtesse Bathory. Et même s'il faut faire la part de l'exagération et du lavage de cerveau qu'ont subi les témoins, les récits sont hallucinants. Il y a là un accent de vérité qui ne trompe pas: ces témoins, participants actifs des turpitudes d'Elizabeth, donc motivés par une foi énigmatique d'origine païenne et ancestrale, sont parfaitement conscients de ce qu'ils racontent, et d'ailleurs, ils ne manifestent jamais le moindre remords, le moindre sentiment de culpabilité quant à ce qui leur est reproché. A les entendre, tout ce qui s'est passé au château de Csejthe est parfaitement naturel et ne souffre pas d'être discuté. Qu'on en juge sur pièces .

Ainsi, le premier témoin, Ficzko, après avoir avoue avoir tué trente-sept jeunes filles et participé à leur inhumation, est amené à parler de l'origine des victimes et du sort qui leur était réservé : (, Dorko et une autre allèrent en chercher. Elles leur dirent de les suivre dans une bonne place de service. Pour une de ces dernières, venant d'un village, il fallut un mois pour la faire arriver et on la tua tout de suite. Surtout des femmes de différents villages s'entendaient pour fournir des jeunes filles 2. Même une fille de l'une d'elles fut tuée; alors la mère refusa d'en amener d'autres. Moi-même, je suis allé six fois en chercher avec Dorko. Il y avait une femme spéciale qui ne tuait pas, mais qui enterrait... Une femme, Szabo, a amené des filles, et aussi sa propre fille, quoique sachant qu'elle serait tuée. jo Ilona aussi en a fait venir beaucoup. Kata n'a rien amené, mais elle a enterré toutes les filles que Dorko assassinait. " On voit ainsi que la comtesse sanglante avait constitué une véritable meute pour rabattre, par tous les moyens, les filles dont elle avait besoin pour assouvir ses passions, ou plutôt pour procéder à ces étranges sacrifices.

Où cela devient presque insupportable, c'est lorsque les témoins donnent des détails sur les supplices. C'est toujours Ficzko qui parle: " Elles (les complices d'Elizabeth) attachaient les mains et les bras très serrés avec du fil de Vienne, et les battaient à mort, jusqu'à ce que tout leur corps fût noir comme du charbon et que leur peau se déchirât. L'une supporta plus de deux cents coups avant de mourir. Dorko leur coupait les doigts un à un avec des cisailles, et ensuite leur piquait les veines avec des ciseaux... jo Ilona apportait le feu, faisait rougir les tisonniers, les appliquait sur la bouche et mettait le fer dedans. Quand les couturières faisaient mal leur travail, elles étaient menées pour cela dans la salle de torture. Un jour, la maîtresse elle-même a mis ses doigts dans la bouche de l'une et a tiré jusqu'à ce que les coins se fendent. Il y avait aussi une autre femme qui s'appelait Ilona Kochiska, et qui a aussi torturé des filles. La maîtresse les piquait d'épingles un peu partout; elle a assassiné la fille de Sitkey parce qu'elle avait volé une poire... La maîtresse a toujours récompensé les vieilles quand elles avaient bien torturé les filles. Elle-même arrachait la chair avec des pinces, et coupait entre les doigts. Elle les a fait mener sur la neige, nues, et arroser d'eau glacée; elle les a arrosées elle-même et elles en moururent... Dans le coche, quand la maîtresse voyageait, elles étaient pincées et piquées d'épingles. "

Le témoignage de la nourrice, jo Ilona, n'est pas moins édifiant: ", Elle battait les filles cruellement et Darvulia mettait les jeunes servantes dans l'eau froide et les laissait toute la nuit. La comtesse elle-même déposait dans leur main une clef ou une pièce d'argent rougie au feu. A Sravar, Elizabeth a, devant son mari Férencz Nàdasdy, dévêtu une petite parente de son mari, l'a enduite de miel et laissée un jour et une nuit dans le jardin pour que les insectes et les fourmis la piquent. Elle, jo Ilona, était chargée de mettre entre les jambes des jeunes filles du papier huilé et de l'allumer... Dorko coupait avec des ciseaux les veines des bras ; il y avait tant de sang qu'il fallait jeter de la cendre autour du lit de la comtesse, et celle-ci devait changer de robe et de manches. Dorko incisait aussi les plaies boursouflées et Elizabeth arrachait avec des pinces la chair du corps des filles... C'est de Darvulia qu'Elizabeth apprit les plus graves cruautés ; elles étaient très intimes. jo Ilona savait, et avait même vu, qu'Elizabeth a brûlé le sexe de certaines filles avec la flamme d'un cierge. " Tout cela est corroboré par Dorko : (, La comtesse torturait les filles avec des cuillères rougies au feu, et leur repassait la plante des pieds avec un fer rouge. Leur arrachait la chair aux endroits les plus sensibles des seins et d'ailleurs avec de petites pinces d'argent. Les mordait en les faisant amener au bord de son lit quand elle était malade. En une seule semaine, cinq filles étaient mortes. "

Le reste est à l'avenant et nous prouve que le marquis de Sade, dans son délire somme toute parfaitement inoffensif, n'a rien inventé. Car ces témoignages, quelles que soient les réserves qu'on peut émettre à leur propos, sont terriblement accablants. Et, sans trop risquer de se tromper, il faut bien se résoudre à accepter comme un minimum absolu le chiffre ahurissant de six cents jeunes filles sacrifiées par la comtesse Elizabeth Bathory et ses complices. La comtesse fut évidemment reconnue coupable par les juges qui se penchaient sur son cas. Mais la question se posait quant à la peine qu'elle devait encourir. On sait que le roi Matthias était résolu à condamner la comtesse à mort, quels que fussent ses liens avec l'illustre famille des Bathory. Mais la famille Bathory, et le comte Gyorgy Thurzo le premier, n'avaient aucune envie de salir leur nom en faisant procéder à l'exécution publique d'une des plus grandes dames de l'Empire. Il y eut des négociations, des compromis. On se dit qu'il valait mieux faire passer Elizabeth pour folle que pour une criminelle. Le verdict tomba: les principaux complices, Jo Ilona, Ficzko, Dorko et Katalin Beniezky furent condamnés à la décapitation et rapidement exécutés. Quant à la comtesse de sang royal Elizabeth Bathory, elle fut condamnée à être murée vive dans ses appartements privés du petit château de Csejthe. Sous la surveillance des juges et du comte Thurzo, des maçons murèrent donc les fenêtres et les portes de ses appartements, ne laissant qu'une petite ouverture par laquelle on passerait tous les jours de l'eau et de la nourriture. Elizabeth Bathory se laissa enfermer sans prononcer une parole. Elle vécut quatre ans dans la solitude et l'obscurité. Aux dires de ceux qui la virent dans son dernier sommeil, en dépit de son âge - très avancé pour l'époque - de cinquante-quatre ans, sa beauté était inaltérée. Et l'on retrouva, dans ses appartements, de nombreux grimoires, et surtout des invocations sataniques dans lesquelles elle conjurait le Diable de faire mourir ses ennemis, le comte Thurzo en tête, et de leur envoyer des démons sous forme de chats noirs. C'est ce qui était arrivé au curé de Csejthe Igrsqu'il avait accompagné les justiciers dans les souterrains du château. Coïncidence? Il est bien certain que la magie, et une magie des plus noires et des plus sinistres, est la seule explication plausible de l'invraisemblable comportement de la comtesse Elizabeth Bathory.

En fait., bien des questions se posent. Dans son invocation, faite la veille de son arrestation, Elizabeth Bathory implorait l'aide des puissances maléfiques, demandant particulièrement à Satan, qu'elle appelle le Suprême Commandeur des Chats, de lui envoyer quatre-vingt-dix-neuf chats contre ses ennemis. Or, le curé de Csejthe, auteur du mémoire qu'il espérait bien transmettre un jour, était l'un de ses plus ardents ennemis, bien qu'il fût réduit au silence par peur des représailles. D'après le témoignage du prêtre, lors de la perquisition dans le château, il fut assailli par six chats qui le griffèrent et le mordirent avant d'être chassés par les hommes d'armes et de dispar ECitre comme des fantômes. Hallucination ? Superstition ? Rien n'est bien clair dans cette histoire pourtant réelle de la comtesse Bathory.

Était-elle sorcière ? Incontestablement, ou du moins magicienne, prêtresse d'une religion noire et rouge héritée de la nuit des temps. Il serait vain de prétendre qu'elle était folle. Il serait stupide de ne voir en elle qu'une dépravée sexuelle assouvissant ses désirs pervers sous le couvert de ce qu'elle croyait être son impunité. Certes, la composante sexuelle, sadique et lesbienne, ne fait aucun doute dans son comportement. Mais ce n'est pas suffisant pour expliquer de telles horreurs. Et pourquoi n'a-t-elle sacrifié, ou fait sacrifier, à son culte sanguinaire que des femmes, des filles vierges ? Le sang des vierges a donc tant de vertu qu'il puisse procurer à ceux qui savent en profiter l'immortalité dans la beauté et le printemps éternel ?

Ici, la relation entre le personnage d'Elizabeth Bathory, personnage réel, rappelons-le, et le sinistre comte Dracula, personnage romanesque mais surgi d'une longue tradition et intégré dans un ouvrage de fiction initiatique, est absolument nette. Oui, la comtesse Bathory est une femme vampire se régénérant dans le sang des jeunes vierges qu'elle sacrifie en l'honneur d'une mystérieuse et cruelle déesse des anciens jours. Elle mordait ses victimes, nous dit-on. On n'ajoute pas qu'elle buvait leur sang, mais elle s'en inondait, ce qui revient au même. Aurait-elle pu survivre autant d'années, dans toute sa beauté, sans cette thérapeutique " quelque peu spéciale ? 


Elizabeth Bathory a emporté son secret dans la tombe, si tant est qu'elle ait réellement une tombe. Car les vampires, c'est bien connu, ne meurent jamais vraiment. 

Arrestation

Enquête

Entre 1602 et 1604, le pasteur luthérien István Magyari vient se plaindre à la fois publiquement et à la cour de Vienne suite à certaines rumeurs concernant des atrocités commises par Élisabeth Báthory.

Les autorités mettent un certain temps avant de répondre aux plaintes de Magyari. Finalement, en 1610, l'empereur Matthias Ier du Saint-Empire charge György Thurzó, palatin de Hongrie, de l'enquête. En mars 1610, Thurzó demande à deux notaires de rassembler des preuves.

Avant même d’avoir obtenu des résultats, Thurzó commence à négocier avec le fils d’Élisabeth et ses deux beaux-fils. Un procès et une exécution auraient causé un scandale public et jeté la disgrâce sur une famille noble et influente qui, à l’époque, règne sur la Transylvanie ; la fortune d’Élisabeth – considérable – aurait été saisie par la couronne. Thurzó se résout à assigner la comtesse à résidence.

Accusations

On dénombre plus de 300 témoignages collectés en 1610 et 1611. Les rapports du procès comprennent les témoignages des quatre accusés, ainsi que ceux de treize autres témoins, notamment le « castellan », et le reste du personnel du château de Sárvár.

Ses premières victimes seraient de jeunes paysannes de la région, attirées à Čachtice par des offres de travail bien payé pour être servantes au château. Plus tard, elle aurait commencé à tuer des filles de la petite noblesse, envoyées chez elle par leurs parents pour y apprendre l’étiquette. Des rapts semblent aussi avoir été pratiqués.

Les descriptions de tortures mises en évidence durant le procès sont souvent basées sur l'ouï-dire. Parmi les atrocités décrites (et probables), on cite notamment :

  • de longs passages à tabac, entraînant souvent la mort ;
  • des brûlures et autres mutilations des mains, parfois aussi sur le visage et les parties génitales ;
  • des morsures atteignant des parties de peau du visage, des bras et du corps ;
  • une exposition au froid entraînant la mort ;
  • une mise à mort par dénutrition.

L’utilisation d’aiguilles sera aussi mentionnée au procès par les collaborateurs. Certains témoins mentionnent des proches qui seraient morts au château. D’autres rapportent des traces de torture sur des cadavres ; certains étaient enterrés au cimetière, d’autres dans des lieux divers.

Selon les confessions des accusés, Élisabeth Báthory aurait torturé et tué ses victimes non seulement à Čachtice, mais également dans ses propriétés à Bécko, Sárvár,DeutschkreutzBratislavaVienne et, même, sur le chemin entre ces différents lieux.

En plus des accusés, plusieurs personnes sont mentionnées comme ayant fourni des jeunes filles à Élisabeth Báthory. Le nom d'Anna Darvulia – dont on ne sait presque rien – est ainsi cité : c'était sans doute une femme des environs, dont on dit qu’elle aurait joué un rôle important dans le déclenchement des agissements sadiques d'Élisabeth Báthory. Elle serait cependant morte avant cette dernière.

Le nombre total de jeunes filles torturées et tuées par Báthory reste inconnu, bien qu’on en mentionne une centaine entre les années 1585 et 1610. Les estimations diffèrent grandement. Szentes et Fickó en rapportent respectivement 36 et 37 au cours de leur période de service. Les accusés estiment le nombre à une cinquantaine ou plus. Le personnel du château de Sárvár évalue le nombre de corps retirés du château à 100, peut-être même 200. Un témoin au tribunal évoquera un carnet, dans lequel un total de 650 victimes aurait été consigné par Báthory elle-même. Ce carnet n’a été mentionné nulle part ailleurs et n’a jamais été découvert ; cependant, ce nombre fait partie de la légende entourant Báthory.

Mais les chefs d'accusation sont parfois pris avec prudence par les historiens Comme le souligne la BBC, « la nature du procès rend toutes les preuves fournies suspectes, car elles ont été extirpées sous la torture ou des menaces de torture. ». Point que souligne également l'historien Miklós Molnàr, spécialiste de la Hongrie. Il n'est donc pas exclu que les témoins aient inventé ou exagéré des faits dans le seul but de mettre fin à leur supplice. Par ailleurs, Molnar souligne aussi que la comtesse n'a pas eu la possibilité de se défendre contre ces accusations. Mais il précise toutefois : « Il est possible qu'elle ait commis ces crimes, rien n'est exclu, mais rien n'est prouvé. »

Certaines légendes populaires véhiculent aussi l'idée selon laquelle la comtesse se serait baignée dans le sang de ses victimes pensant que cela lui permettrait de conserver sa jeunesse. Mais comme le notent les historiens comme Radu Florescu, Raymond Mcnally et Molnàr, « cette accusation est absente des procès-verbaux et des correspondances » et n'est soutenue par aucune preuve, ni aucun témoin.

En 1984, l'historien hongrois László Nagy avanca une théorie selon laquelle Élisabeth Báthory n'aurait pas commis ces crimes et aurait été victime d’une conspiration. Cette théorie a été cependant rejetée par György Pollák en 1986. Néanmoins, en 1997, le Mourre, dictionnaire encyclopédique de référence en histoire, mentionne la thèse de László Nagy et la considère comme possible :

« Il est possible que les horrifiques chefs d'accusations aient été inventés par certains membres de la famille pour soustraire Erzsébet à l'accusation suprême de haute trahison, car elle voulait contribuer avec ses gens d'armes et avec sa fortune personnelle à la lutte de son cousin Gabriel Báthory, prince de Transylvanie, contre les Habsbourg. Pour dissimuler l'action politique de la comtesse et pour éviter ainsi que la famille ne fut compromise, son mari a préféré qu'elle fut accusée de crimes de droit commun. »

Procès

Thurzó se rend à Čachtice le 29 septembre 1610, et fait arrêter Élisabeth Báthory, ainsi que quatre de ses serviteurs, accusés d’être ses complices. On dit que les hommes de Thurzó auraient trouvé le corps d’une fille morte et celui d'une mourante. Une autre femme est trouvée blessée, d’autres enfermées.

Tandis que la comtesse est assignée à résidence – et elle le restera jusqu'à sa mort –, ses complices sont poursuivis. Un procès, préparé à la hâte, se tient le 7 janvier 1611 à Bytča, présidé par le juge de la Cour royale suprême, Theodosious Syrmiensis de Szuló, et vingt juges associés. Élisabeth elle-même ne comparaît pas au procès.

Les accusés au procès sont :

  • Dorottya Szentes, désignée aussi sous le nom de Dorkó,
  • Ilona Jó,
  • Katalin Benická,
  • Le nain János Újváry, Ibis ou Ficzkó.

Dorkó, Ilona et Ficzkó sont reconnus coupables et exécutés. Dorkó et Ilona ont les doigts arrachés, avant d’être jetées au feu, tandis que Ficzkó, dont la culpabilité est jugée moindre en raison de son jeune âge, est décapité avant d’être jeté aux flammes. Un échafaud public est érigé près du château pour montrer que justice a été rendue. Katalin Benická est condamnée à une sentence de prison à vie, car elle a agi uniquement sous la contrainte et l’intimidation des autres, comme en attestent les témoignages.

Dernières années et mort

Élisabeth, jamais poursuivie au tribunal, reste assignée à résidence dans une seule pièce de son château et ce, jusqu’à sa mort.

Le roi Matthias Ier du Saint-Empire incite Thurzó à la traîner en justice. Deux notaires sont envoyés pour collecter de nouveaux témoignages20. Cependant, les lettres échangées entre l’Empereur et le Palatin, entre 1611 et 1613, laissent penser que Thurzó n’était pas enclin à attaquer la comtesse.

Le 21 août 1614, Élisabeth Báthory meurt dans son château. Elle est enterrée à l’église de Čachtice.

Elle avait rédigé un testament quelque temps auparavant, léguant deux de ses châteaux à sa fille Katharina, mais Pal étant l'unique héritier mâle, c'est à lui que reviendront tous les biens d'Élisabeth.

Ascendance

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
16. Étienne Báthory de Ecsed
 
 
 
 
 
 
 
 
8. André Báthory de Ecsed
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
17. Barbara Buthkay
 
 
 
 
 
 
 
 
4. André Báthory de Ecsed
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
18. Nicolas Drágfy de Béltek
 
 
 
 
 
 
 
 
9. Juliana Drágfy de Béltek
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
19. Eufémia Jakcs de Kusaly
 
 
 
 
 
 
 
 
2. Georges Báthory de Ecsed
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
20. Jean Rozgonyi de Rozgony
 
 
 
 
 
 
 
 
10. Étienne Rozgonyi de Rozgony
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
21. Marguerite Modrár
 
 
 
 
 
 
 
 
5. Catherine Rozgonyi de Rozgony
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
22. Nicolas Héderváry de Hédervár
 
 
 
 
 
 
 
 
11. Catherine Héderváry de Hédervár
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
23. Ursula Henning
 
 
 
 
 
 
 
 
1. Élisabeth Báthory de Ecsed
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
24. Étienne Báthory de Somlyó
 
 
 
 
 
 
 
 
12. Nicolas Báthory de Somlyó
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
25. Dorothée Várday de Kisvárda
 
 
 
 
 
 
 
 
6. Étienne Báthory de Somlyó
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
26. Jean Bánffy de Losonc
 
 
 
 
 
 
 
 
13. Sophie Bánffy de Losonc
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
27. Marguerite Malacz
 
 
 
 
 
 
 
 
3. Anne Báthory de Somlyó
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
28. Jean Telegdy de Kincstartó
 
 
 
 
 
 
 
 
14. Étienne Telegdy de Kincstartó
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
29. Isabelle Báthory de Ecsed
 
 
 
 
 
 
 
 
7. Catherine Telegdy de Kincstartó
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
30. Georges Bebek de Pelsőcz
 
 
 
 
 
 
 
 
15. Marguerite Bebek de Pelsőcz
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
31. Françoise Héderváry de Hédervár
 
 
 
 
 
 
 

Folklore et culture populaire

Élisabeth Báthory inspirera de nombreuses légendes au cours des xviiie et xixe siècles. Comme on l'a dit, le motif le plus récurrent dans les récits la concernant est celui qui la représente se baignant dans le sang de ses victimes, afin de garder beauté et jeunesse. Cette légende est apparue pour la première fois en 1729 sous la plume de László Turóczi, un jésuite érudit, dans le livre Tragica historia, le premier écrit consacré à Báthory. Des historiens modernes comme Radu Florescu et Raymond T. McNally en ont conclu que les théories présentant la vanité comme motif des meurtres d’Élisabeth provenaient essentiellement de stéréotypes liés au rôle social des femmes à l’époque. On ne pouvait pas envisager que les femmes soient capables de violence gratuite.

Au début du xixe siècle, la thèse de la vanité fut remise en question et le plaisir sadique fut considéré comme un motif plus plausible de ses crimes. En 1817, les rapports de témoignages, retrouvés en 1765, sont publiés pour la première fois prouvant que les histoires de bain de sang n’étaient que légende. Néanmoins, la légende a persisté dans l’imaginaire populaire, au point que certains motifs sont souvent pris pour des faits historiques. Certaines versions de l’histoire visaient clairement à véhiculer une morale dénonçant la vanité féminine, tandis que d’autres visaient à distraire et faire frissonner par le caractère sensationnaliste et macabre. Les croyances autour de la comtesse constituent, de nos jours, des sources d'inspirations importantes dans la culture populaire en musique, dans les films, les livres, les jeux et les jouets. Elle inspirera également de nombreux personnages fictifs d'après l'image macabre façonnée par les légendes.

 

18 août 2006

LE PIERCING A TRAVERS L'HISTOIRE

DSC00148Pour la plupart d'entre nous, chaque piercing marque un rite de passage, un moment arraché au temps, un symbole donnant matière à reflexion.

Qu'il s'agisse d'un piercing secret des parties gènitales qui dévoile seulement à nos partenaires intimes l'intensité de notre énérgie sexuelle, ou qu'il s'agisse d'un piercing complexe du cartilage de l'oreille, qui affiche publiquement nos gouts changeants, les motivations qui nous poussent à adopter un piercing ne sont guère différentes de celles des cultures tribales en Afrique ou à Bornèo, ou le piercing signalait l'entrée dans l'age de raison et l'eveil à la spiritualité.

Pour comprendre vraiment les ornements corporels comtemporains, nous devons feire un retour dans le temps et explorer la gènèse du body piercing et son évolution dans les différentes cultures.

Bien que le body piercing ait connu une renaissance dans les sociétés occidentales au cours des dix dernières années, il fait depuis longtemp partie de la tradition de nos ancêtres. Les plus anciens piercings des oreilles, du nez, des lèvres et des parties génitales dont on a retrouvé la trace, remontent à 5000 ans av JC, chez les Egyptiens, les peuples de Bornéo, de Samoa et en Amazonie. Le piercing des lobes d'oreilles est le rite le plus ancien. Dans de nombreuses cultures, on se perçait les oreilles en signe de beauté, de richesse, de sagesse ou de rang. Le piercing du lobe de l'oreille a conduit au piercing du cartilage vers 4500 av JC en Egypte.

Les croyances culturelles et religieuses étaient la motivation première pour ces pratiques. Le piercing du nombril etéit plus particulièrement le symbole de la royauté chez les Egyptiens. Dans de nombreuses tribus africaines, on se perçait le nez pour se protéger des démons qui pénétraient dans le corps par les narines et provoquaient de terribles maladies. Les peuplades d'Inde exhibaient des piercings au nez avant le 11e siecle. Les Egyptiens et les indiens Ottawa d'amérique du nord en faisaient autant.

Les Mayas des années 300 av JC s'ornaient de nombreux piercings aux oreilles, au nez, aux lèvres et aux parties génitales. Le piercing des lèvres étaient trés pratiqué chez les Esquimaux et le mérite du premier piercing de la langue revient aux Aborigènes d'australie.

Les formes les plus sensibles, intriguantes et souvent brutales du piercing sont réservés aux parties génitales. Chez les femmes à Rome et en Polynésie au 5e siecle avant JC, ces piercings étaient destinés à attirer des soupirants.

Le piercing du pénis, ou phalang, est représenté dans l'art de l'Asie du sud-est dés le 4e siècle et on le retrouve dans le kama soutra à partir du 6e siècle. Ce piercing horizontal au travers de la tête du pénis a aussi ses origines a Bornéo, Sulawesi et Sumatra. On le pratiquait souvent pour symboliser le courage, la virilité et augmenter les stimulations sexuelles pour chaque partenaire. Le piercing de la peau entre les testicules et l'anus, appelé le guiche, tire ses origines de Tahiti, ou ont le pratiquait en guise de rite de passage pour les garçons. A Samoa, il servait de rite de puberté.

Les cultures tribales ont communément offert l'image de corps lourdements décorés avec des bijoux clinquants qui pendent de plusieurs parties du corps. Cependant, certains parmis vous seront surpris d'apprendre qu'une forme trés populaires de piercing dans le monde d'aujourd'hui remonte à l'époque des romains. Au cours du 5e siécle, de nombreux soldats romains se faisaient perçer les mamelons en signe de courage, de force et de virilité. Selon d'autres sources, ce piercing avait une fonction pratique: maintanir la cape en place (aïe!)

Le fameux piercing Prince Albert tire son origine de source royale. Les sensibilités victoriennes rendaient la vie difficile  aux hommes ne seraient ce qu'un peu trop bien pourvus sexuellement. Avec des pantalons moulants pour monter a cheval et des codes moraux étriqués, que pouvait donc bien faire le pauvre homme?

Tres simple, enserrer son pénis dans un anneau alourdi et "cacher" sa virilité protubérante aux regards. Selon la rumeur, le Prince Albert lui-même faisait appel à cette technique réductionniste, d'ou le nom...

Faisons un bond en avant vers les années 1960, qui s'ignalent l'émérgence des subcultures Hippies et Bikers en europe et en amérique du nord. Ces subcultures marquaient leurs territoires respectifs au travers de la modification corporelle.

Chaque groupe était animé par l'esprit de rebellion contre les normes établies et avait créé des associations éloborées, formaient des "tribus" modernes basées sur des croyances politiques, des modes de vie et des intérets communs.

La tradition tribales du piercing a été relancée dans les années 1970 par le mouvement Punk, et continuée dans les années 80 flamboyantes.

Le fait de redecouvrir l'individualisme reprimé et d'embrasser un nouveau standard de beauté basé sur l'ethnicité a conduit à l'acceptance générale du piercing dans les années 1990.

Aujourd'hui, le piercing est florissant et offre une gamme libératrice de moyens d'expression. On le pratique dans le but de parfaire son identité, de suivre une vocation spirituelle, de célébrer la famille et la camaraderie, et de rehausser la beauté et la sexualité.

DSC00017 Bien que de nombreuses formes de piercing n'aient pas été documentés tout au long de son histoire, on ne peut en nier le rôle culturel aux fil des ages.

Donc, que vous songiez à acquérir un piercing pour la premiére ou la soixantième fois, retenez son importance historique et prolongez la tradition!

5 novembre 2006

soirée.....ou l'instant de lucidité.....

billal" au debut, c'etait facile, j'allais d'un plan à l'autre. Maintenant, le matin, j'ai peur. Je sais raconter des histoires et sans cesse au fur et a mesure que l'histoire pénètre, la vie se défile....toutes les histoires parlent de la mort."

FRITZ MUNRO

Je ne suis pas pour le recontage d'histoire intimes, en ce qui me concerne en tous cas, mais cette nuit, j'ai vécu ce que l'on apelle un "pur instant de lucidité..."

soirée bien commencer avec des amis, continuer en boite, mais là bien que deambulant, toujours en rythme, je decidais de me poser au bar, rare endroit presque tranquille de ce lieu, je commande un verre histoire de me donner une contenance et de m'occuper les mains...........

un moment d'absence peut être, un de ces instant figé dans l'espace?? toujours est il que quelques heures plus tard, je realisais que j'avais decidément rien a foutre ici ce soir, que tous ressemblait a un mauvais décor de serie b, avec des gens qui font semblant de s'amuser.......je m'apercus quelques minutes plus tard, qu'il y avait une fille, inconnue, en train de me raconter des trucs auquels je comprenais rien et dont j'avais vraiment rien a foutre!! c'est elle qui ma fait redescendre sur terre, j'ai decider de lui dire qu'elle me gavait et je suis partis...........

bien sur je précise que je n'avais bu que du coca, c'est donc pas l'alcool qui ma rendue dans cette état de ......en fait, de lassitude profonde de ce qui m'entourait ce soir.

Pourquoi ? aucunes idée, j'etais pas dedans, pas forcément d'explication métaphysiques, juste une overdose d'images fatiguantes.......juste envie de zik tranquille et d'un dernier buz......juste une mauvaise serie b

S.

"aprés tout, ce n'est qu'un film."

ALFRED HITCHCOCK

6 novembre 2006

Intimité

fee_verte_1La tres chère est nue et prend bien la pose dans les principes de l'art.

A chacun son erotisme, ses vénus, ses odalisques, et ses poupées masturbatoires, elle veut bien offrir son intimité, sur un lit d'opérations, au scalpel de mon regard vitriol.

Je vais me perdre dans la geometrie de ses formes, et disséquer les plis et replis de sa chair.

Tout commence par le regard, il me va droit au sexe, parcque le sien est deja dans ses yeux. Il me fusille, me deshabille, m'aspire, bref me fait bander.

On peut faire l'amour avec ses yeux, longtemps. Je pourrais même aller plus loin, uniquement pour ses beaux yeux.

30 janvier 2008

vois ou je vis......

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Mais qu’est-ce que je vais leur dire
Maintenant qu’ils sont là?
Bienvenue, ça fait longtemps qu’on vous attend?
Franchement, on n’y croyait plus
Vaut mieux que vous le sachiez
Je ne sais pas vraiment à quoi vous pensiez
Une chose est sûre, vous n’avez rien à nous envier
Je parie que chez vous les jours s’écoulent
Inexorablement, calmes
Ici, pas un ne passe sans qu’un gosse trépasse
Les larmes succèdent aux lames
Je parie que vos pères vivent plus longtemps
Vos mères sourient plus souvent
Ici, il y a les chanceux et ceux suent leur sang
Les sans-abris, démunis
Je sens que vous ne comprenez pas ce que je dis
Tant mieux; ici, c’est un peu comme les étoiles
La nuit les mecs détalent plus vite qu’une blate sur une plinthe

Les plaintes pour vol volent
Les gens s’affolent
Le FN colle, la haine racolle, y’a plus d’auréoles
Les pourris se gavent
Les petits tombent dans les caves, bavent
Je parie que chez vous y’a moins de tombes
Ici, c’est grave, y’a des pères qui battent leurs gamins
Disent qu’ils les aiment
Et certains hommes aiment leur femme avec des chrysanthèmes
La passion prend le dessus souvent
Trop souvent asservie par un dogme
Les fanatiques se lavent dans des bains de sang impur
Je vous jure, c’est pas la fin de votre quête
Ni la bonne planète
Ici, les gens différents, ça inquiète

Refrain:
Vois où je vis
Des gens meurent encore de faim ici
De froid, d’ennui
Certains flirtent avec l’oubli
On plie ou on paie le prix
Vois ceux qui en rient
La conscience
C’est comme les taches, ça s’essuie 



Je sais pas comment c’est chez vous
Ici l’argent fait la loi
Les lois sont faites par et pour ceux qui en ont
Les autres affûtent leurs dents
Trop de vies abreuvent les sillons
Trop de croix au crayon
Baïonnettes aux canons
L’homme tue l’homme pour des ronds
Si j’étais vous, je ne resterais pas là
Même si on vous accueille aujourd’hui
Demain, on vous jettera, croyez-moi
La couleur crée des frayeurs
Chez ceux qui ignorent la voix du cœur
Mais y’en a trop, y’a sûrement une erreur
Ailleurs, je suis sûr que c’est pas comme ça
Quoi, me faites pas croire
Que là-bas aussi les cons sont roi
On a eu deux guerres, Hitler
Et y’a encore des gens avec le même genre d’idées
Pas claires pour les pas clairs
Alors je prie les pères, vos grands-pères
S’endorment sûrement au coin du feu le soir
Ici, c’est l’hospice
Rien à foutre, l’histoire c’est un tableau noir
Bien sûr, j’ai peur des fois, je pense à Tess
Je crains qu’il ne blesse Yanis
Petite gaisha ne cachera pas ses tresses
Je saignerai pour ça, les poings serrés
Sans geindre, j’avancerai droit vers l’autre
Prêt pour une dernière étreinte
J’espère que chez vous c’est pas comme chez moi
Construire sa vie avec la mort en soi
Vivre en armure, sentir son sang devenir froid
Je sais, c’est pas gai, mais tout est vrai
Ici les gens pas comme les autres
On les hait depuis l’éternité

shurikn

9 juillet 2008

pas si loin.........

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SOLITUDE........

Le 29 novembre 1802 sur l’île de la Guadeloupe, une femme, condamnée à la pendaison par ordre de la France de Bonaparte redevenue esclavagiste, est conduite à l’échafaud. Elle a trente ans. On la surnomme la Mulâtresse Solitude à cause de sa peau claire, fruit du viol d’une captive africaine sur le bateau qui l’entraînait vers les Antilles.

La veille seulement Solitude
a mis au monde l’enfant dont elle était enceinte, aussitôt arraché de son sein pour s’ajouter aux biens d’un propriétaire d’esclaves. Elle aurait du être exécutée six mois plus tôt, mais les colons ne voulaient pas de gâchis : ce ventre animé pouvait rapporter deux bras de plus à une plantation.

Huit ans plus tôt, dans l’euphorie de l’après Révolution, la France avait décrété l’abolition de l’esclavage dans ses colonies malgré l’opposition des planteurs Blancs qui en contrôlaient l’économie. Libérés de leurs chaînes, les Noirs s’éloignent en nombre de leur environnement de servitude pour tenter de se reconstruire une vie loin de la tyrannie des anciens maîtres.

Certes il a fallu cinq ans de débats houleux aux parlementaires parisiens pour savoir si les Droits de l’Homme et du citoyen, proclamés en 1789, devaient aussi s’appliquer aux Nègres, considérés comme inférieurs. En France le lobbying esclavagiste est puissant et les quelques partisans d’un adoucissement de l’esclavage, regroupés au sein de la Société des Amis des Noirs, n’ont pas la virulence des philanthropes anglais engagés dans la lutte contre la traite négrière. Les grands planteurs sauront se faire entendre et l’Assemblée placera les colonies sous un statut d’exception pour maintenir l’esclavage.

Or sur place, certaines catégories de la population ont bien retenu cette proclamation qu’ils ont gravé dans leur tête : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Ils ne doutent pas qu’elle ne puisse pas s’appliquer à eux. Ce sont en majorité des métis ainsi que des Noirs libres et affranchis, tenus en marge de la société par la discrimination blanche. Ils vivent de petit commerce, d’artisanat ou de leurs propres plantations et certains d’entre eux ont même commencé à faire fortune, à force de travail. Parmi eux se trouvent des personnes instruites qui lisent les journaux et savent ce qui se passe ailleurs.

A l’époque de la Révolution française, la population de la Guadeloupe compte près de 100.000 esclaves, 14.000 Blancs et plus de 3000 métis et Noirs libres ou affranchis. Les Français, arrivés sur l’île en 1635 en avaient massacré les tribus amérindiennes qui les avaient pourtant accueillis avec hospitalité, et s’étaient mis à importer des Africains du Ghana, du Togo, du Dahomey, de la Côte-d’Ivoire, du Nigeria et aussi du Cameroun, du Gabon, du Congo, d’Angola, comme main d’œuvre pour leur production de canne à sucre, tabac, café, coton et cacao, destinée aux besoins de la métropole.

Dans la société guadeloupéenne en formation, ils occupent le sommet d’une pyramide caractérisée par une différenciation entre grands blancs et petits blancs. La première catégorie regroupait ceux dont les noms à particule indiquaient l’ascendance noble. On y trouvait aussi de gros négociants, de riches bourgeois, des fonctionnaires, des officiers de l’armée et d’anciens capitaines de navires négriers. Sur ses terres appelées habitations, l’aristocratie sucrière constitue un monde clos, régnant sur l’exploitation de 100 à 300 esclaves. Le maître tout puissant y administre sa propre justice et possède sa prison, son infirmerie, sa chapelle. Aucun pouvoir extérieur n’a de prise sur lui et pour gérer son troupeau d’esclaves, il est aidé d’intendants, de gérants, de contremaîtres et d’une milice.

Quant aux petits blancs, représentant un peu moins de la moitié des Européens de l’île, ce sont généralement d’anciens marins et soldats, devenus intendants, contremaîtres de plantations, petits planteurs, artisans ou boutiquiers dans les villes et les ports. Ils détestent les grands blancs méprisants dont ils envient la fortune, traitent les esclaves avec férocité et rejettent les gens de couleur qui les concurrencent dans certaines activités économiques.

Loin d’être homogène, la communauté des esclaves a aussi ses catégories : les domestiques (servantes, couturières, valets, cuisiniers), mieux nourris, mieux traités, mieux habillés, et qui n’ont qu’une crainte, celle de perdre le statut privilégié que leur confère la proximité avec les Blancs, pour être renvoyés parmi les Nègres de plantation qu’ils couvrent de leur sentiment de supériorité. Ces nègres de houe ou de jardin, justement, représentent plus de 90% des Noirs de l’habitation, travaillant toute l’année, de 4 heures du matin au coucher du soleil, à labourer la terre, couper la canne, récolter le manioc, réparer les chemins, nettoyer les canaux, ramasser du bois de chauffage ou de la paille pour les animaux, préparer le fumier, semer les plants, et ce, sous la menace permanente des coups de fouets qui régissent leur vie.

Parmi les non-blancs, les gens de couleurs, fruits du droit de cuissage des maîtres sur les jeunes négresses, tiennent à se démarquer des autres Noirs libres, considérant les gouttes de sang blanc qui coulent dans leurs veines comme un véritable passeport social pour échapper à un statut infériorisé. Comme on craignait, au temps de Louis XIV, qu’une augmentation des « sang-mêlé » ne vienne ébranler la hiérarchie raciale, en 1685, Colbert édicta un Code Noir destiné à réglementer le statut des esclaves. Les relations interraciales y étaient réprouvées et le fait d’être père d’un mulâtre, jugé infamant. Les Blancs coupables de mésalliances s’exposaient à être déchus de leurs droits et ne pouvaient transmettre de titres à leurs descendants colorés.

Ces mesures ne freinant en rien la libido des coloniaux, le pouvoir finit par s’en prendre directement aux gens de couleur. Il fut d’abord décrété que leur statut dépendrait désormais de celui de leur mère : ils ne seraient considérés comme libres que si celle-ci l’était déjà. Puis l’accès aux emplois publics, aux métiers assermentés et à certaines professions libérales telles qu’avocat, médecin, orfèvre ou apothicaire, leur fut interdit. Dans un univers de dépendance aussi figé, on comprend leur sentiment de révolte lorsqu’ils se rendirent compte que la Déclaration des droits de l’Homme risquait de leur passer sous le nez !

Les premières révoltes éclatèrent en 1790 dans la colonie française de Saint-Domingue (Haïti), où 350 mulâtres furent écrasés par les forces de l’ordre. En Guadeloupe, la pendaison des meneurs en place publique n’arrête pas les soulèvements sporadiques qui agitent l’île entre 1790 et 1792. Face à l’ampleur des révoltes, l’Assemblée législative finit par lâcher du lest. En 1792, après la proclamation de la République, les hommes de couleur et les Noirs libres et affranchis sont autorisés à devenir citoyens français.

Les désordres de la Révolution française allaient cependant fissurer l’ordonnancement bien huilé de cette organisation oppressive. Les nouvelles mettant deux mois à arriver de métropole par bateau, c’est avec un petit décalage que la chute de la royauté allait en effet se répercuter dans les territoires d’Outre mer, avec les grands planteurs blancs dans le rôle des royalistes et les petits blancs dans celui des patriotes ; chaque camp armant ses esclaves pour les placer en première ligne des affrontements. Aussitôt connu le guillotinage, en janvier 1793, du roi Louis XVI, le régime local de la Terreur commença à faire rouler des têtes. Des familles entières de planteurs furent massacrées et leurs biens, ainsi que ceux du clergé - également propriétaire d’esclaves et de sucreries, confisqués par les représentants blancs de la Convention républicaine.

Profitant de l’anarchie ambiante, des esclaves commencèrent à déserter les ateliers pour fuir vers des bourgs plus ouverts aux idées nouvelles de liberté et d’égalité. D’autres prirent la piste de mornes lointains. Ce sont les Nègres marrons, du mot espagnol cimarron, « celui qui fuit son maître ». Enfin, le 4 février 1794, la Convention décréta l’abolition de l’esclavage : « Tous les hommes sans distinction de couleur domiciliés dans les colonies deviennent des citoyens français jouissant de tous les droits garantis par la Constitution » . Un nouvel administrateur est chargé de porter le décret d’abolition à la Guadeloupe. Mais en approchant la côte avec sa flotte d’un millier d’hommes, il apprend par des pêcheurs que la colonie est sous occupation anglaise depuis deux mois. En fait, après la proclamation de la République, la France s’était retrouvée face à une coalition européenne d’empires et de royautés prête à en découdre pour faire rétablir la monarchie. Parmi eux, l’Angleterre, maîtresse du commerce maritime, qui convoitait les îles à sucre françaises.

Déjouant la surveillance des frégates anglaises, Victor Hugues lance une attaque surprise sur la garnison ennemie et entre dans Pointe à Pitre le 7 juin 1794. Conscient que ses troupes ne pourront venir, seules, à bout de l’occupant, il officialise rapidement la libération des esclaves : « Un gouvernement républicain ne supporte ni chaîne, ni esclavage ; aussi la Convention Nationale vient-elle de décréter solennellement la liberté des Nègres…», et dans la foulée, lance un appel à l’enrôlement de volontaires pour défendre la patrie. Afin de donner plus de poids à sa requête, il annonce à la cantonade que tout homme ramenant avec lui dix hommes sera nommé caporal ; plus de dix hommes, sergent ; 25 hommes, sous-lieutenant ; 50, lieutenant, 100 et plus, capitaine. Un processus conforme aux procédures révolutionnaires de l’époque qui nommaient des généraux de vingt-cinq ans.

La nouvelle de l’abolition fit le tour de l’île en un éclair. Aussitôt que les tambours et les trompes en relayèrent l’annonce, les esclaves abandonnèrent les plantations en masse et se précipitèrent sur la place de la Victoire. Ce jour là Solitude est parmi les milliers de pauvres hères incrédules, qui, les larmes aux yeux, commentent le décret de la République. Elle voit des hommes éperdus de reconnaissance sortir de la foule et s’avancer vers l’estrade où le chef blanc harangue le peuple. Trois mille esclaves pieds nus et pantalons troués, et des centaines de Libres, vont rallier en masse l’appel de Victor Hugues pour devenir le premier bataillon de sans-culottes (Nom donné aux volontaires des couches populaires enrôlés dans la défense de la Révolution) noirs.

Jetée à l’assaut des forces anglaises, l’armée des nouveaux citoyens libéra la Guadeloupe en six mois de combats acharnés. Après avoir reconquis leur pays, les Guadeloupéens espèrent maintenant jouir de l’acte libérateur qui pour eux symbolise la reconnaissance par la France que la prospérité des colonies s’est aussi faite sur le dos des Nègres.

En 1794, sa liberté acquise, Solitude
rejoint une communauté de Marrons retranchés dans les mornes. Ce qu’elle a vécu dans l’enfer des habitations, elle préfère l’enfouir aux tréfonds de sa mémoire, sachant bien qu’elle ne pourra jamais oublier… Les viols des maîtres, contremaîtres et intendants qui se sont acharnés sur ce corps de nacre sans arriver à en flétrir la fierté, même si ses yeux noisette plongés dans un abîme de tristesse en reflètent les stigmates… Les avortements clandestins, où l’on risquait sa vie entre les mains de rebouteuses aux plantes plus ou moins efficaces.

Solitude connaissait l’arsenal utilisé pour soumettre les récalcitrants : chaînes, fers aux pieds, entraves, carcans, garrot, colliers de fer dont les pointes empêchaient de dormir, cachots, potence ; et aussi ces masques de fer blanc fixés sur la bouche pour empêcher à l’esclave affamé de sucer même une tige de canne à sucre. Elle avait appris à dompter la révolte qu’elle sentait gronder en elle, face à la jouissance du maître faisant introduire un épieu incandescent dans la croupe d’un Nègre. Ou bien lorsqu’on contraignait une mère à appliquer sur le corps sanguinolent d’un fils, écorché par les coups de nerf de bœuf, un mélange de sel, de piment, de poivre, de citron et de cendre brûlante. Pour accroître la douleur tout en évitant qu’une gangrène ne vienne écorner le capital humain. Elle en avait vu gicler du sang lorsque le Blanc mutilait un poignet, coupait un pied, tranchait une oreille ou lacérait les parties sexuelles d’un téméraire qui avait tenté de fuir le paradis de son propriétaire. Et puis les lynchages. Chaque habitation avait son gros arbre qui n’attendait que la corde à serrer autour d’un cou noir.

Que de fois elle avait fermé les yeux devant l’insoutenable : un contremaître hilare versant de la cire enflammée, du lard fondu ou du sirop de canne bouillant sur un Nègre hurlant, maintenu dénudé au sol par quatre piquets. Elle avait pleuré ses compagnons d’infortune grillés vivants dans des fours à pain ou enfermés dans des tonneaux à intérieur piqué de clous, que l’on faisait ensuite dévaler le long d’une pente. Elle s’était mordue les doigts au sang devant l’effroi de ces hommes ligotés, dont la bouche et l’anus avaient été bourrés de poudre explosive, avant qu’on n’enflamme la cordelette qui en dépassait. Elle avait lu aussi l’humiliation de ceux qu’on obligeait à manger leurs excréments, boire de l’urine et avaler le crachat des autres esclaves, pour avoir mal répondu à un Blanc. Ô respect à ces empoisonneuses dont les décoctions inodores et sans saveur, mélangées à un bol de soupe, foudroyaient en quelques heures un maître maudit ! Mais en attendant, courber l’échine. Juste pour rester en vie et voir un jour la fin de tout ça.

L'euphorie de l’abolition fut de courte durée. Comment en effet redémarrer la production agricole paralysée par le refus des Noirs de travailler dans les mêmes conditions après 160 ans d’une féroce oppression ? Un système de travail forcé est institué pour ramener la main d’œuvre sur les habitations. Les nouveaux affranchis non incorporés dans l’armée sont sommés de réintégrer leurs anciennes exploitations sous peine de prison. Ils sont alors nombreux à choisir la clandestinité du marronnage. Les autorités traquent sans répit ces Noirs suspects d’avoir fui la liberté, l’égalité, la fraternité et le travail forcé. Loin de toute collectivité administrative, ils ont construit des huttes de branchages et ont planté leurs carrés d’ignames sous la frondaison de bois inaccessibles. En ville on dit que les rebelles qui, la nuit, vont saboter les récoltes de leurs anciens maîtres, égorger les molosses qui plantaient leurs crocs dans le dos des fuyards ou régler leur compte aux Blancs qui les maltraitaient, trouvent refuge dans ces campements.


En France pendant ce temps, un jeune général de vingt-cinq ans auréolé de victoires militaires, s’emparait du pouvoir. Accueilli en sauveur de la République en 1799, Napoléon Bonaparte
s’attelle à réorganiser le pays. Mais pour lui, restaurer l’ordre dans les colonies, c’est y rétablir l’esclavage. Son épouse, Marie Josèphe (dite Joséphine) Rose Tasher de la Pagerie, veuve Beauharnais, est une fille de colons de la Martinique et elle l’a sensibilisé aux problèmes de l'économie sucrière.

Dès son arrivée à Pointe à Pitre en mai 1801, le contre-amiral Lacrosse désigné pour cette mission, décide de briser les élites antillaises et notamment celles de l’armée coloniale. L’exemple du général haïtien noir Toussaint Louverture prenant, en1800, le contrôle de Saint-Domingue, a traumatisé la France. Il n’est pas question de laisser se rééditer la même catastrophe en Guadeloupe. Prétextant une conspiration, il fait arrêter plusieurs officiers antillais respectés pour leurs états de service. Les troupes noires qui s’étaient distinguées dans de nombreux combats contre les Anglais étaient admirées de la population. Certains des officiers de couleur avaient fait leurs armes en France où ils s’étaient perfectionnés dans l’art militaire. Arrestations arbitraires, vexations et déportations frénétiques vers Madagascar, New York ou la France, se multiplient.

L’embastillement de notables de couleur accusés d’hostilité au gouvernement et la tentative d’arrestation d’un jeune officier très populaire fera réagir la population. Prévenu à temps, Joseph Ignace
, ancien charpentier devenu, après un brillant parcours, capitaine du premier Bataillon de la colonie, réussit à s’échapper. Mais la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Une partie de l’infanterie se répand dans les rues de la ville, suivie de centaines de cultivateurs descendus de leurs champs de cannes dès qu’ils ont appris qu’on menaçait leurs héros. Ces hommes avaient payé de leur sang pour permettre à la France de ne pas perdre ses possessions dans cette région dans monde !

Alors que la garde nationale composée de Blancs s’avance vers la foule en colère, la tragédie est évitée de justesse par l’interposition de deux officiers noirs accourus à la hâte pour calmer les esprits. Excédés par la brutalité du chef bonapartiste, des notables blancs convainquent l’armée coloniale de participer à un Conseil provisoire de gouvernement dont ils confient le commandement au colonel guadeloupéen, Pélage
qui, dans ses courriers à Bonaparte ne cessera de réaffirmer sa fidélité à la France.

Vue de Paris, cette situation s’apparente à un intolérable acte de rébellion. Bonaparte somme le général Richepance d’aller écraser la mutinerie et de remettre immédiatement à leur place, c'est-à-dire dans les fers de l’esclavage, ces Nègres qui ont osé défier son pouvoir. Une flotte de dix bâtiments transportant un corps expéditionnaire de 4000 hommes surgit le 4 mai 1802 en rade de Pointe à Pitre. Légalistes, les Guadeloupéens se massent sur le port au son de la musique militaire jouée par les troupes coloniales. Ils sont persuadés que Bonaparte compréhensif, leur envoie un administrateur plus équitable !

Sitôt débarqués et sans répondre au salut des soldats antillais, les Français prennent possession des points stratégiques de la ville. Le soir venu, tous les bataillons noirs sont réunis pour la revue des troupes. Richepance ordonne de poser les fusils par terre. Méfiants, quelques fantassins et officiers en armes s’évanouissent discrètement dans la nuit tombante.

Sur le champ d’armes, à peine le dernier soldat noir a-t-il déposé sa baïonnette, que le corps expéditionnaire français se jette sur les hommes, leur arrache leurs uniformes et les roue de coups de pieds avant de les traîner vers les cales des frégates où ils sont enchaînés. A minuit, la fière armée coloniale n’existe plus et ses valeureux soldats sont redevenus esclaves ! Un fuyard qui a couru toute la nuit à travers bois, et fini le reste du chemin dans un canot de pêcheur, arrive en trombe à la garnison de Basse Terre où il informe le commandant de la situation.
Révolté par le revirement de l’État français sur l’abolition, le colonel d’infanterie Louis Delgrès
, intellectuel de trente-six ans d’origine martiniquaise, poète et violoniste à ses heures, pétri de la philosophie des Lumières, libère les soldats et la garde nationale blanche dont il a la charge, sur ces mots : « Mes chers amis, on en veut à notre liberté. Sachons la défendre en gens de cœur et préférons la mort à l’esclavage. Vivre libre ou mourir ! » . Les officiers antillais se rangent aussitôt à ses côtés.

Le 10 mai 1802, une proclamation de Delgrès intitulée : « A l’univers entier, le dernier cri de l'innocence et du désespoir » , est placardée sur les arbres et les murs de plusieurs bourgs de la Basse Terre. « Une classe d'infortunés qu’on veut anéantir, se voit obligée d'élever sa voix vers la postérité pour lui faire connaître lorsqu’elle aura disparu, son innocence et ses malheurs. Nos anciens tyrans permettaient à un maître d’affranchir son esclave, et tout annonce que, dans le siècle de la philosophie, il existe des hommes qui ne veulent voir d'hommes noirs où tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l'esclavage. (…) La résistance à l'oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause : elle est celle de la justice et de l’humanité. »

Son plaidoyer résonne comme un cri de ralliement. Des campagnes et des plantations environnantes, ouvriers, cultivateurs, paisibles pères de famille, femmes, adolescents, arrivent par petits groupes armés de gourdins, de piques et de coutelas. Parmi les femmes qui, aux côtés des hommes, luttent dans cette guérilla inégale, transportent les munitions, soignent les blessés, réconfortent les enfants effrayés, Solitude
est là, un pistolet à la main. Dès que les rumeurs de résistance lui sont parvenues, elle a quitté sa retraite avec les siens, pour rejoindre les maigres forces de Delgrès. Elle est enceinte de son compagnon, un Nègre marron qui se bat comme elle et sera bientôt atteint par un obus. Marthe-Rose la compagne de Delgrès est là aussi avec son sabre.

Après quinze jours d’un siège ensanglanté, les combattants de la liberté décident de quitter la forteresse où ils sont retranchés. Une nuit, trompant la vigilance des assaillants épuisés, le groupe s’évanouit dans une épaisse végétation montagneuse. Leurs poursuivants retrouvent leur piste quelques jours plus tard. Delgrès, blessé au genou, rassemble alors ses gens et demande à ceux qui le souhaitent, de se retirer pour ne pas prendre de risques. Trois cent irréductibles lui font un rempart de leur corps. Il fait miner le manoir fortifié qui leur sert d’abri. C’est là qu’ils attendront leurs ennemis pour un dernier face à face.

Ces pauvres Nègres se battent pour une cause qu’ils savent perdue. Juste pour leur dignité d’hommes et de femmes libres. Sous la terrasse, des barils ont été camouflés. Une traînée de poudre serpente discrètement jusqu’au rez-de-chaussée du bâtiment. Delgrès et son aide de camp, assis sur un canapé, ont chacun un réchaud allumé à leur côté. Les trois cent martyrs se tiennent par la main, les femmes serrant leurs enfants tout contre elles. Une dernière clameur : « La mort plutôt que l’esclavage ! », puis c’est le silence. Lorsque ce 28 mai 1802 à 15h30, l’avant-garde française franchit enfin la demeure, baïonnettes en joue, une effroyable explosion retentit.

Sous les cadavres déchiquetés, [b Solitude blessée, a miraculeusement survécu à l’hécatombe avec une poignée de résistants. Sa grossesse lui évite la corde, mais pour quelques mois seulement... Car la répression qui s’abat sur la population antillaise entraîne l’île dans un tourbillon sanglant. Pendant près d’un an tous ceux qui ont sympathisé avec la rébellion sont impitoyablement traqués, condamnés par une commission militaire et mis à pourrir 48 heures sur la potence de leur pendaison. Fusillés par dizaines sur les plages, jetés vivants dans des bûchers en place publique. On estime à environ 10.000 le nombre de victimes de l’insurrection et de la répression, y compris les déportés et ceux qui furent exécutés pour avoir refusé de reprendre leur condition d’esclave.

Dans la même semaine en effet, les citoyens noirs de la Guadeloupe redevenaient esclaves et étaient réincorporés dans les biens de leurs anciens maîtres ou, si ces derniers n’étaient pas identifiés, revendus à des esclavagistes au profit des pouvoirs publics.

Le 19 novembre1802 la Mulâtresse Solitude
est livrée au bourreau. Elle qui s’était battue pour la liberté, laisse un enfant à l’esclavage : le nouveau-né dont elle a accouché la veille. La foule qui l’accompagne vers la potence est immense et silencieuse. Mais elle comprend tout dans leurs regards. Ne pas montrer même une larme furtive, de crainte d’être taxé de rebelle. Courber l’échine. Juste pour rester en vie et voir un jour la fin de tout ça. Ce sera en 1848. La deuxième abolition de l’esclavage

Sylvia Serbin

http://www.grioo.com/info6001.html

14 mars 2012

affaire etrange.............

 

 

la fantastique histoire d'Antoine Priore

 

Préface

Durant 25 ANS ,entre 1950 et 1975 , il guérit tous les cancers incurables chez les animaux , de la souris jusqu'au chien grâce à d'extraordinaires appareils de son invention appelés à révolutionner la cancérologie.

De nombreux essais sur l'Homme furent couronnés de succès avec la régression et parfois la disparition de la tumeur.

Fait extraordinaire : on peut choisir des réglages qui favorisent l'agravation des cancers.

Ces traitements dont la plupart réalisés en collaboration avec la Faculté de Médecine et les hôpitaux de Bordeaux, parfois l'Académie des Sciences, consistent en un puissant rayonnement d'ondes électromagnétiques dont les caractéristiques sont connues uniquement de Priore.

Refusant de livrer le mode d'emploi de ses machines, ses résultats stupéfiants vont déclencher les plus virulentes polémiques depuis Pasteur dans le monde médical et scientifique.

Priore a passé sa vie à augmenter la puissance de ses appareils afin d'en améliorer l'efficacité.

Soutenu par des scientifiques de renom , il obtint d'énormes crédits d'état et industriels ( plus de 20 millions de francs ) pour mettre au point une machine permettant de valider ces résultats de manière incontestable. Malheureusement, il employa ces sommes à la construction d'un dernier appareil à la limite des possibilités technologiques.

Un appareil d'une puissance telle qu'il devait venir à bout de n'importe quelle tumeur ou maladie incurable chez l'homme.


Priore et le Pr Pautrizel sous la face de sortie des "ondes"(Vue très partielle de la "machine": un monstre de deux étages !! )

Refusant toute collaboration afin de protéger ses ''secrets'', il réussit cependant à construire un énorme ''émetteur'' inauguré en grande pompe par le Premier Ministre J. Chaban-DelmasS.

Plusieurs membres de l'Institut Pasteur (dont un Prix Nobel) purent expérimenter avec succès et confirmer les extraordinaires possibilités de l'appareil.

Par manque de fiabilité, cet appareil ''explose'' quelques semaines après. Plus personne ne voudra financer ses recherches.

PRIORE amer décèdera quelques années plus tard ...

Ci-dessus le laboratoire d'antoine PRIORE vers les années 1960 Antoine PRIORE (Les premiers essais ) Qui à part lui pouvait imaginer les applications de tels ''bricolages '' ?
 
L'arrivée à Bordeaux

1943 : En cette fin de deuxième guerre mondiale, un jeune prisonnier italien est transféré par l'autorité allemande à l'énorme base sous-marine de BORDEAUX. Il a trente ans. Il est radioélectricien.

Il s'appelle Antoine PRIORE

Né à TRIESTE en 1912, il possède un diplôme de radio électricité , du niveau d'un bon technicien comme l'époque savait en produire : peu de théorie et un immense "savoir faire". Durant la guerre, en 1942, affecté à une station de RADAR et de transmissions dans la marine italienne, il constate que des oranges exposées aux champs électromagnétiques de ses émetteurs ne moisissent pas : ce sera son expérience fondamentale ! Dés lors il va des années durant essayer de reproduire ces résultats pour construire un appareil de conservation de fruits et légumes. En ces temps, le "frigidaire" était une denrée quasi - inconnue. Ainsi, un co-détenu italien se rappelle t-il PRIORE soumettant de nombreux légumes à des courants variés - sans grand succès. En captivité il était affecté entre autre à la "démagnétisation "des sous-marins par d'énormes champs électriques . Il en tirera plus tard des éléments pour ses théories.

Quelques semaines avant la libération, il s'évade grâce a un commissaire de police et participe courageusement aux combats de la libération avec la Résistance d'ou il gardera de solides et fort utiles amitiés dans les milieux policiers, politiques et militaires.

Il trouve rapidement un emploi de dépanneur radio et de projectionniste , ce qui ne lui laisse que de rares loisirs qu'il consacre à mettre au point diverses réalisations susceptibles d'être monnayées . C'est ainsi qu'on trouve trace d'un dispositif de protection des postes T.S.F. , de mise en code automatique pour automobile "vérifiant la théorie de la lumière "onde de probabilité ", d'un avertisseur sonore automatique prévenant l'automobiliste dur d'oreilles du coup de sifflet de l'agent, sans parler du "contrôleur de pression des pneus à résistance variable (?) etc.

Cette liste à la PREVERT de trouvailles à la postérité improbable peut prêter à sourire , elle témoigne en tout cas d'un esprit original et fécond . Un journaliste écrit : « Mr PRIORE est sans cesse fixé sur le concret ; dès qu'il trouve un principe nouveau il en cherche son application immédiate ; à la différence de POINCARRE , théoricien acharné , Mr PRIORE découvre et applique en même temps , toujours tourné vers le concret ».

Priore opposé à Poincarre ! Par delà l'enthousiasme du reporter, apparaît cependant l' exceptionnel pragmatisme de l'inventeur occultant constamment sa misère théorique .

Les premiers essais

L'expérience de la conservation des oranges l’obsède. Jour après jour , il assemble dans le petit atelier de son employeur et dans la chambre qu'il loue , du matériel trouvé chez divers récupérateurs qui fleurissent dans cet après-guerre crôulant sous les surplus militaires . Il veut fabriquer un appareil de conservation des aliments à base d’un mélange d’ondes électromagnétiques .

Le dr. MARFAING son médecin situe ses premiers résultats vers 1948- 1950 : « Un soir PRIORE m'appelle : il exultait , il dansait , en me montrant un morceau de viande qu'il avait parfaitement conservée « . Son appareil rudimentaire lui permet donc de tuer les moisissure à l’origine du pourrissement .

Multipliant les essais sur diverses denrées (c’est un expérimentateur insatiable ), il remarque l’état de conservation exceptionnel des légumes et des viandes traitées plusieurs semaines à plusieurs mois après traitement. On ne peut l’ expliquer par la seule destruction des micro-organismes . Les « ondes » agissent aussi sur les tissus vivants . De la viande de boucherie à l’homme il n’y a qu’un pas … vite franchi .

PRIORE commence aussitôt à traiter diverses affections dans son entourage , avec un certains succès . Très vite il soigne des malades venant « au cas ou » pour cause d’impuissance de la médecine (nous sommes dans l’après guerre , dans les années 45-50 , l’ère de l’antibiothérapie débute , les techniques médicales incertaines , on manque de tout , ). Sa réputation s’étend dans le quartier.

Premiers contacts

En 1949, le commissaire DURAND (qui l'a fait évader ) le retrouve à l’occasion d’un différent avec sa logeuse. Séduit par ses inventions il le présente à ses collègues ainsi qu'à de nombreuses relations qu'il entretient de par ses fonctions et son passé . L’importance des liens qui unissent les « frères d’armes » et le prestige des résistants transcendent toute position sociale. Ceci explique les invraisemblables soutiens dont PRIORE a bénéficié dès cette époque.

Alors que ses travaux sont balbutiants ( 1949 1950 ), sa culture scientifique indigente , parlant un »sabir » franco italien incompréhensible , cet humble réparateur de radios d’un faubourg de BORDEAUX réussit à gagner à sa cause les plus hautes autorités de la ville alertées par son ami le commissaire Durand*. Notables aussi puissant que dénués de compétence scientifique.

Ainsi , vers 195O dans l’entourage du jeune maire, héros de la résistance J.CHABAN- DELMAS et avec son accord , des militaires de haut rang , de grands administrateurs municipaux , le chef de la PJ en personne se convainquent rapidement de la valeur de ses travaux et usent de leur puissante influence pour solliciter l’aide d’hommes compétents .

Un médecin le dr. FOURNIER fournit les bases biologiques élémentaires; le vétérinaire des abattoirs de la ville ouvre les portes de son l'établissement pour expérimenter sur des animaux. Impressionnés par certains résultats, tous deux se joignent aux précédents pour intervenir auprès des médecins du centre anti-cancéreux de BORDEAUX.

A l’époque PRIORE , aveuglé par ses premières réussites étalait dans la presse locale son interprétation du cancer « perturbation électronique des humeurs », son scepticisme quant aux thérapeutiques classiques et expliquait l’action de son appareil par un « bombardement électronique de 1à 6 millions d’ électrons-volts porté par des ondes magnétiques et dont l’effet est de rétablir les perturbations électriques et magnétiques de la cellule cancéreuse". !!! Bigre ! ( En réalité PRIORE n’a jamais su ce qui se passait dans ses « machines » mais il savait les régler pour en tirer le meilleur parti !)

Les cancérologues , très sceptiques, mais ne pouvant échapper à de telles sollicitations conseillent à PRIORE de créer des cancers sur des lapins !!, en application de ses théories ( ce qu’il tentera de faire sans succès en 52 ). Les Dr BLANQUET , DELMON , BIRABEN fourniront cependant des souris porteuses d'une tumeur redoutable : la T8 résistante à tout traitement. LE Pr. BLANQUET se revoit amener les animaux chez PRIORE à FLOIRAC en banlieue . Non sans réticences ! D’après ses souvenirs , les résultats étaient supérieurs à ceux obtenus à l’hôpital (qui possédait un service d’électrologie hérité d’une tradition bordelaise datant de la fin du siècle précédent ) mais n'étaient pas convaincants .

Puis les livraisons s’espacèrent . "On"conseille à DELMON de suivre l’affaire …de loin.

PRIORE tentera à maintes reprises d'obtenir des animaux porteurs de tumeurs auprès du centre anticancéreux de VILLEJUIF dans la région parisienne. En vain. S'en suit jusqu'en 1960 une période d'ombre apparente durant laquelle il ne peut démontrer officiellement ses résultats.

la période d’ombre et de maturation 1952-1960

Cette période féconde est mise à profit pour la guérison de nombreux CANCERS animaux - en particulier tumeurs des mamelles de chiennes et chattes - et le traitement de nombreux malades. C’est aussi un énorme travail expérimental pour déterminer quelles sont les combinaisons de fréquences à utiliser . Les réglages sont effectués essentiellement sur des végétaux (tulipes , agrumes , asperges ...) que PRIORE dessèche ou "développe à son gré . Il effectue des essais "tous azimuts" pour tester les pouvoirs de ses appareils -en bon ou en mauvais- et travaille sur des oeufs, des microbes, des vin (action sur la fermentation, vieillissement), lait... . Avec l’aide de bénévoles et le soutien actif de la mairie PRIORE imagine des appareils de plus en plus compliqués , de plus en plus efficaces , variantes d’un principe de base immuable qui demeurera - jusqu’à il y a peu de temps- son « secret » .

C'est une époque d'intense activité pendant laquelle il bénéficie d'aides inimaginables dans notre actuelle société administrée : l'EDF "oublie" ses relevés ou lui facture une simple consommation domestique alors que ses appareils deviennent de monstrueux dévoreurs d'énergie . De nombreuses entreprises fournissant la mairie sont "invitées " par celle-ci à apporter leur concours en nature - en réalisant gracieusement des pièces compliquées. Des entrepôts militaires sortent discrètement -souvent la nuit- des matériels d'émission et de mesure sophistiqués avec l'accord de de hauts responsables (général DE BENEDETTI chef des services de santé de l'armée ).

Même le directeur régional de la sécurité sociale couvre ces traitements !!! Il n'aura qu'une exigence :"il faut que les feuilles de soins et les ordonnances des médecins travaillant avec PRIORE portent la mention ACTE GRATUIT ". Dix ans plus tard , dans le droit fil de cette bienveillance , la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la GIRONDE louera à PRIORE des "cabines",dérivés dangereux et peu efficaces de ses appareils . . Sa renommée s’étend ; il accueille des « patients » prestigieux dans l’entourage immédiat du maire de BORDEAUX (de nombreux témoins affirment que J. CHABAN-DELMAS lui-même eu recours plusieurs fois à ses services ainsi –entre autres- que la proche famille du préfet . On parle de son »traitement électrique » dans les milieux influents de la région et bientôt de PARIS . On se repasse son adresse.

Bientôt , outre sa « clientèle « de quartier, son modeste laboratoire verra passer des malades de la haute société –parfois recommandés par leur médecin - pour la plupart atteints de maladies aussi incurables que cancers au stade terminal , sclérose en plaques , etc , venant de toute l'aquitaine. Il existe dans les rares archives écrites plusieurs comptes rendus anatomo-pathologiques ( c'est à dire d'examen microscopique) prouvant que PRIORE soignait également aussi des cancers à un stade tout à fait curable par les thérapeutiques classiques . Avec d’indéniables succès : de très nombreuses rémissions inattendues, parfois de guérisons , attestées par plusieurs comptes rendus histologiques , une constante et notable amélioration de l’état général et une considérable diminution des douleurs. Les témoignages sont unanimes !

Parallèlement un travail de recherche approfondi est accompli par plusieurs médecins généralistes "fournisseurs "de PRIORE dont le Dr. FOURNIER (il y consacre les rares loisirs d’un médecin de campagne ) . Il jette les bases biochimiques des effets du rayonnement ( Il agirait en privilégiant certains processus enzymatiques *voir chapitre . ) et fournit une explication cohérente des effets thérapeutiques comme des effets nocifs. Trente ans plus tard , après une longue enquête , une mallette contenant ces précieux documents -et beaucoup d’autres - resurgit d’un grenier ou un huissier prévoyant l’avait soustrait à la dispersion des maigres biens de sa veuve...

1960 - 1966 : La réussite des expériences officielles

1 - Les expériences fondamentales des cancérologues bordelais.

Avec l'amélioration des appareils , la ville ne parle que de" l'italien qui guérit le cancer".

De temps à autres PRIORE obtenait des rats porteurs de cancers à un stade beaucoup trop évolué pour être guéris et qui ne lui permettait pas de "régler" ses "machines". Cédant à l'insistance du maire, le centre anticancéreux accepte d'effectuer des expérimentations sérieuses. Les Dr DELMON et BIRABEN en assurent le contrôle .

Ils "greffent"trois séries de rats de la redoutable tumeur T8, réputée incurable . elle tue les animaux en trois semaines ! Le premier lot servant de témoin meurt , le second traité aux rayons X meurt dans les mêmes délais, le troisième est traité 15 jours après l'inoculation par PRIORE; la tumeur implantée est déjà très développée . Résultats : les tumeurs grossissent trois fois moins vite et la survie des rats est triplée !

Les médecins sont intrigués par le bon état général des animaux et le fait qu'ils ne semblent pas souffrir malgré leur lente agonie . nb :Tous les malades traités par PRIORE même s'ils ne guérissent pas ressentent une quasi disparition de leurs douleurs et un immense bienfait. Ils engagent donc de nouvelles expériences en traitant les rats plus tôt :au bout du septième jour au lieu du quatorzième . STUPEUR : ILS GUERISSENT TOUS !!! BIRABEN constate : "Si on biopsie le greffon (c'est à dire la tumeur implantée ) après quelques jours de traitement il reste encore des cellules cancéreuses vivantes . Si on les implante sur des rats vierges elles ne se développent pas . TOUT SE PASSE COMME SI ELLES AVAIENT PERDU LEUR CARACTERE CANCEREUX. . PRIORE assure qu'il peut au contraire accélérer la mort des animaux en modifiant ses paramètre ... ET Y REUSSIT !! . Ces expériences seront renouvelées avec succès ( plus de trois cent rats) .

Enthousiasme ! exaltation ! projet de publication scientifique associant PRIORE au centre anticancéreux ! On va créer une chaire d'enseignement spéciale ! Un institut ! Pour PRIORE ! DELMON et BIRABEN en seront directeurs ! Conférence de presse à la mairie ! PRIORE entouré des médecins présente ses travaux illustrés par de nombreuses photos, films , et clichés microscopiques.

Si le "grand public" est enthousiasmé, les grands patrons des hôpitaux et du centre anticancéreux de BORDEAUX le sont beaucoup moins . Les résultats sont trop beaux. La souris n'est pas l'homme et ils n'ont pas à juger ce qui a été obtenu sur les malades clandestins de PRIORE . L'un d'entre eux propose cependant de traiter chez PRIORE une vingtaine de patients cancéreux de son service . Refus de son administration.

Et puis , cet obscur immigré italien au maigre bagage aurait par illumination réussi seul là ou les plus grands laboratoires, les mieux équipés ont échoué? . Les coulisses de la cancérologie sont encombrées de génies autoproclamés prétendant détenir la panacée universelle .

Leur prudence s'explique aussi par l'attitude de l'inventeur refusant toute indication sur sa méthode , son incompréhensible charabia, ses théories fumeuses, sa totale inculture scientifique.

2 - Les cancérologues parisiens à la rescousse

Plusieurs années passent pendant lesquelles on évite de s'engager . Sous la formidable pression de l'opinion ... et de ses relais municipaux " on" conseille aux jeunes dr DELMON et BIRABEN de se mettre en retrait et il est fait appel aux cancérologues parisiens du centre anticancéreux de VILLEJUIF , la référence française en la matière et en particulier au Pr. GUERIN"père" de la tumeur implantée , la T8 et au Pr. RIVIERE.

Il va y consacre plusieurs années à temps plein refaisant les expériences avec les mêmes stupéfiants résultats .

Notons que ces travaux ont été accomplis dans le laboratoire bordelais par des équipes officielles de médecins et de cancérologues . PRIORE ne s'occupait que des appareils .

Il existe schématiquement deux grands types de cancers : les tumeurs solides ( ex : poumons ) et les tumeurs des tissus "mous" ( ex :leucémie).

Une première série d'expériences s'adresse à des rats porteurs d'une tumeur solide dénommée T8 dont il n'existe pas de traitement . Elles confirment les travaux bordelais effectués quelques années plus tôt. La guérison définitive , sans récidive , de la tumeur et de ses métastases est obtenue d'autant mieux que le traitement est institué plus tôt (la tumeur est plus petite ) .

La durée du traitement , sa puissance , sont déterminants ce qui suggère un effet cumulatif. Les animaux guéris rejettent toute tentative de nouvelle implantation de la tumeur! Mais succombent à l'implantation d'une tumeur différente . Comme un vaccin, le traitement a conféré une immunité très spécifique.

Une seconde série s'adresse à une tumeur encore plus redoutable : un sarcome . Il emporte le rat en quinze jours avec des métastases monstrueuses associées à une forme de leucémie. Résultat aussi stupéfiant :guérison complète des tumeurs , de leurs métastases et de la leucémie . On confirme les données précédentes : les taux de guérison varie selon la masse tumorale, la durée du traitement et la puissance de l'appareil . Ici aussi une immunité durable empêche la prise d'une nouvelle greffe. Par précaution l'expérience est recommencée avec une autre équipe ...qui obtient le même succès ... Et re-recommencée un an plus tard avec un appareil amélioré. Succès encore et de nouveau les critères de puissance et de durée de l'exposition.

Encore les mêmes guérisons dans les mêmes conditions avec des souris porteuses d'autres types de cancers ( lymphosarcome, une sorte de leucémie). Si le sujet n'était pas aussi grave on friserait la banalité .

Au total seront étudiées pas moins de dix types de tumeurs sur plus d'un millier d'animaux !

Pour résumer : certains des meilleurs cancérologues français ainsi que le président de l'Académie des Sciences ont prouvé que les appareils de PRIORE peuvent venir à bout d'effroyables cancers résistants à toute thérapeutique . Travaillant sans aucune contrainte , ils ont vérifié leurs résultats sur des centaines d'animaux . Ils ont établi l'importance de l'intensité du rayonnement et de la durée du traitement .

Ceux-ci feront l'objet de plusieurs communications devant l'Académie des Sciences , présentées par son président en personne le Pr. COURRIER. Le même scénario se reproduit :un homme seul ne peut avoir réussi là ou la science mondiale a échoué . La majorité des membres refuse d'entériner les communications. Une tempête médiatique inouïe se déclenche assimilant PRIORE au "charlatan du cancer" et les cancérologues favorables à des "gogos" bernés par un escroc.

Tout repose sur un fait :PRIORE refuse de dévoiler sa méthode . Il ne le peux pas. Il est incapable de comprendre ce qui se passe dans sa "machine" déjà extraordinairement compliquée en 1965 . Ses théories saugrenues échafaudées pour expliquer ses résultats s'écroulent . Il pensait générer une sorte de rayons X et tous ses efforts tendent à accroître leur puissance de pénétration . Contrairement à ses certitudes il ne sort aucun rayonnement particulaire de sa machine mais un obscur cocktail d'ondes courtes dont la compréhension dépasse de loin ses possibilités.

Naguère il s'est imprudemment avancé à braver la science avec ses théories fumeuses. Il sait qu'elle ne lui pardonnera pas cette audace. Son seul atout pour garder la maitrise de son appareil est son réglage. Celui-ci fait appel à des " trucs" simples sans lesquels la machine n'a aucun effet. Il peut parfaitement indiquer sa manière de procéder mais son interprétation du fonctionnement interne de l'appareil le couvrirait de ridicule .Il le sait aussi.

Il n'a qu' une certitude mais de taille : ses fantastiques résultats sur le cancer.

PRIORE garde de chauds partisans surtout parmi les"bordelais" et tous ceux qui ont expérimenté avec lui . Bientôt le monde médical scientifique et médiatique se divise entre "anti" et "pro", charlatan ou génie . Nous sommes en 1965 , PRIORE a accumulé des succès phénoménaux depuis bientôt quinze ans et il se décourage de pouvoir construire enfin la fabuleuse machine dont il rêve : assez puissante pour guérir l'homme aussi facilement que les animaux . La présentation de ses travaux devant l' Académie aurait du être sa consécration . Et il y avait de quoi !

Les choses s'accélèrent cependant.

Malgré les remous , dans les hautes sphères gouvernementales certains étaient convaincus de l'intérêt d'une découverte de cette importance . Le ministre de la recherche le convoque et ordonne un rapport à une commission d'experts. Ils recommandent la construction d'un appareil au centre anticancéreux parisien . Parallèlement PRIORE reçoit des propositions de partout y compris à l'étranger. Une grande firme française signe un contrat de collaboration ( à la demande de son principal actionnaire qui avait bénéficié du traitement et en était très impressionné ) .

L'écho de ces guérisons franchit les frontières. Les anglais viennent travailler à BORDEAUX ! Et quels anglais ! Ils appartiennent au plus grand institut de recherche anticancéreux d'ANGLETERRE. Ils mènent deux séries d'expériences. Une première fois ils obtiennent la guérison de souris porteuses de cancers spontanés (c'est très important pour les médecins. Il s'agit de leur propre cancer et non d'une tumeur qu'on leur a inoculée ). Le succès est complet. Les anglais enthousiastes .

Une seconde série de tests s'adresse à des cultures de cellules cancéreuses . Plusieurs variétés sont traitées . Les conclusions indiquent un simple ralentissement de leur croissance; le traitement n'est donc pas capable de tuer directement les cellules . On observe cependant une augmentation de l'apoptose ( c'est une sorte de suicide volontaire de la cellule ).

Mais les adversaires acharnés de PRIORE ne désarment pas. De rapports en rapports de commissions en commissions, ces hommes influents parviennent à briser la bonne volonté ministérielle. PRIORE est un charlatan un point c'est tout !

3 - Les expériences impeccables du PR. PAUTRIZEL

A BORDEAUX entre en scène un brillant professeur d'immunologie :R. PAUTRIZEL. S'intéressant depuis quelque temps à l'affaire, il a son idée sur le mécanisme biologique. Pour lui le rayonnement agit essentiellement en stimulant les mécanismes de défense de l'organisme. Il vérifie son hypothèse par quelques expériences .

Pour détourner l'orage, il convainc PRIORE de travailler quelques temps sur le modèle qu'il maîtrise :l'agent de la maladie du sommeil. C'est un parasite du nom de "trypanosa équiperdum" transmis par la mouche à tsé-tsé. Nous l'appellerons trypanosome. Il fait des ravages parmi les troupeaux africains, pas à PARIS. Tous deux pensent que la mise en évidence des mécanismes immunologiques sur un modèle beaucoup moins chargé d'émotions (il meurt deux cent mille cancéreux chaque année en FRANCE ) serait de nature à dépassionner le débat. Ils y travailleront dix ans.

A la même époque, débute une collaboration houleuse avec une très grosse firme de construction électrique : les ETS LEROY-SOMMER. Elle durera dix ans aussi, elle lui coûtera dix millions de francs !

Durant ces années, grâce aux fonds d'état, aux investissements de son partenaire industriel et aux sommes collectées par PAUTRIZEL, PRIORE va construire une série d'appareils de plus en plus puissants

PAUTRIZEL et ses collaborateurs réaliseront des centaines expériences au protocole impeccable !. Il confirme d'abord l'efficacité du rayonnement en guérissant les souris infectées. Cette infection est explosive et conduit irrémédiablement à la mort en quatre à cinq jours. C'est donc un modèle beaucoup plus difficile que le cancer.

Malgré les nombreux succès expérimentaux, rien n'y fait. PRIORE ne peut avoir raison ! Donc il triche ! On met sur pied une commission chargée de vérifier sous contrôle d'huissier les expériences . Elle comprend une vingtaine de sommités de la Faculté de Médecine . Elle impose d'extraordinaires exigences . Le succès est total. Malgré tout on reste sceptique ... Il doit y avoir un truc !

Encore quatre ans de perdus.

Qu'importe, PAUTRIZEL continue. Il prouve la relation étroite entre le taux des guérisons et la dose cumulée de "rayonnement" par des expériences infalsifiables. Avec des physiciens chargés par le gouvernement et l'armée de faire un rapport sur l'appareil (page), il montre l'importance de certaines longueurs d'ondes hertziennes : les unes influencent les cancers d'autres les infections.

Il met en évidence l'absence d'effets directs sur les parasites . Ils sont absolument insensibles au rayonnement. C'est bien par un mécanisme immunologique que l'organisme se débarrasse des cellules anormales, quelles soient cancéreuses, microbiennes ou parasitaires.

En 1972 donc les physiciens rendent un rapport favorable à PRIORE (non sans avoir essayé de le reproduire sans succès dans leur laboratoire) entraînant une subvention importante sur insistance du maire de BORDEAUX, devenu entre temps premier ministre. Il est soutenu par le PRIX NOBEL E. WOLF gloire de la recherche française qui a expérimenté avec succès chez PRIORE.

Cet engagement officiel de l'état va à nouveau déclencher de violentes polémiques dans le monde scientifique. La presse française s'en donne à coeur- joie pour dénoncer "le charlatan du cancer" (1). La presse étrangère fait dans le sarcasme. cependant que plusieurs laboratoires de premier plan tentent de reproduire les effets. Aucun n'y parviendra.

(1)" Sciences & Vie " publiera un long article favorable et bien documenté sur l'affaire signé de P. Rossion. Saluons le courage du jounaliste et du magazine.

4 - Le dernier appareil : monstrueux !

Mise en place de l'énorme ampoule, coeur de la machine par le toit du bâtiment.

PRIORE a maintenant soixante ans. Il a guérit ses premiers cancers il y a vingt ans. Que de temps perdu ! On l'a forcé au nom de la raison scientifique à délaisser les cancers des hommes pour celui des souris puis de passer des souris cancéreuses aux souris infectées par un obscur parasite africain... et toujours le doute. Son"secret"irrite et lui nuit .Ses stupéfiants résultats son un défi ! Ils sont trop beaux. Si encore il donnait ses méthodes .

N'y a t il pas eu une importante communication signée de prestigieux cardiologues de BORDEAUX stupéfaits de constater une extraordinaire normalisation des taux de cholestérol chez des lapins spécialement nourris de graisse ? Voila maintenant qu'on subventionne une machine à tout faire !( On ignorait à l'époque le rôle du système immunitaire dans l'artériosclérose).

Qu'ont rapporté ces années de frustration ? Il n'en peut plus. Il est fatigué. Il décide de brusquer les choses et de revenir au but de sa vie :la guérison du cancer. Jouant le tout pour le tout il arrête au grand dam de tous la construction de l'appareil fiable objet du contrat pour se lancer dans la réalisation d'une gigantesque machine . Ce sera son but ultime, son chef- d'oeuvre, sa consécration. Il tiendra trois étages !

Plus question de souris. A la rigueur pour la mise au point ou la démonstration scientifique. Cette machine fabuleuse devra être assez puissante pour traiter les cancers humains même les plus évolués sans échec.

Sûr de sa réussite, il trace déjà les plans et le cahier des charges de la future usine bordelaise de fabrication en série !!!. Il pressent que le temps lui est compté. Son diabète prends de l'importance. Ses partenaires s'insurgent . Qu'importe. Ils sont bien incapables de construire un appareil et surtout de le régler ! Il le construira donc seul aidé d'agents détachés de la mairie pour la manutention. Il commande aux entreprises associées les pièces dont il a tracé les plans, pestant contre toute modification , et dont il se réserve le montage exclusif pour en préserver certaines caractéristiques . Malgré tous leurs efforts , les ingénieurs n'en perceront jamais le mystère.

Au point où on en était il fallut bien se résoudre à suivre PRIORE . Evidemment l'opération comportait d'énormes difficultés moins pour le montage du monstre que pour la réalisations d'énormes pièces exigées par la puissance de l'appareil. On atteignait ainsi des limites technologiques source de nombreux échecs de fabrications et d'une mauvaise fiabilité.

Tout est démesuré, l'appareil qui début des années cinquante tenait sur un guéridon (et guérissait déjà) pèse maintenant cinquante tonnes et occupe trois étages. Il se compose de plusieurs émetteurs de type radar et radio . Leurs ondes sont mélangées dans une énorme lampe à plasma - un cylindre de Pyrex de près de quatre mètres de haut- entourée d'une imposante "bobine" générant un champs magnétique et pesant à elle seule plus de cinq tonnes . Le tout est suspendu. Par la partie inférieure sort le rayonnement miraculeux.

PRIORE réussit son pari ! Il surmonte les obstacles l'un après l'autre , médusant son entourage. Nous sommes en 1975. La puissance jamais atteinte de la machine permet d'effectuer immédiatement une quarantaine d'expériences montrant l'efficacité supé rieure de la machine -il parvient maintenant à guérir les souris même au seuil de leur mort ! Le mécanisme d'action est magistralement confirmé. Il implique une intense stimulation du système immunitaire. Le Pr. WOLF (rappelons qu'il est prix NOBEL;) expérimente avec succès ;il confirme l'importante augmentation des anticorps... PRIORE a gagné ! ...et l'appareil est victime d'une grave panne. L'émetteur principal a sauté. La somme demandée pour la réparation ne sera jamais obtenue auprès des partenaires excédés parles exigences de l'inventeur.

Les industriels désespèrent de rentrer dans leurs fonds et refusent toute rallonge. Le ministère déjà très prudent se retire de l'affaire sous les quolibets des opposants de toujours. Même pour sauver sa machine PRIORE refuse de dévoiler son fonctionnement. Malgré de nombreuses négociations, l'appareil ne remarchera jamais. On estime l'investissement total à vingt millions de francs !

Schéma de principe des derniers appareils

Durant les années qui lui restent à vivre, tout en gardant espoir de réparer PRIORE recommence à traiter des malades grâce à son ancien appareil, à bout de souffle. Les améliorations qu'il obtient malgré tout attirent l'attention de "grands patrons" des hôpitaux bordelais. L'un d'eux, le Pr. COURTY exercera jusqu'à aujourd'hui les fonctions de président régional de l'ordre des médecins et il faut saluer son courage .

On décide de faire bénéficier du traitement une douzaine de malades incurables en fin d'évolution ayant résisté à tous les traitements classiques ou refusant tout traitement. Ils n'ont rien à perdre. Tous sont volontaires. La puissance de l'appareil suffisante pour les souris ne l'est pas assez pour ces cancers dépassés. Malgré tout on obtient une guérison inexplicable, des rémissions inespérées, la fonte des masses ganglionnaires et dans tous les cas une considérable amélioration de l'état général. Ces observations font l'objet d'une note qui sera refusée par l' Académie de Médecine.

Le Pr PAUTRIZEL perdra dans cette histoire la direction de son unité de recherche. L'INSERM ( le grand institut public de recherche médicale) considérant que son activité était détournée au bénéfice de PRIORE.

Dernier pied -de- nez du destin une convocation à l ELYSEE se présente sous les meilleurs auspices. Les militaires vont prendre les choses en main. Nous sommes en février 1981 .Trois mois après le président tombe, PRIORE retombe... définitivement.

Comme ces grands malades qui en veulent à leurs proche il rompt avec PAUTRIZEL son fidèle compagnon. Puis il arrête ses appareils, renvoie ses" patients"et se referme, désespéré .

En mai 83 meurt oublié le pionnier de la plus grande révolution thérapeutique depuis PASTEUR.

A la recherche du secret perdu

PRIORE décédé, le principal obstacle à la reconnaissance de ses découvertes disparaissait. Durant des années, de nombreux spécialistes avaient expérimenté directement ou indirectement sur l'appareil. Dans la haute administration et dans les directions des ministères, nombreux aussi étaient ceux qui avaient pu approcher la machine.

Pas un seul expert s'étant penché sérieusement sur ces travaux n'avait de doute sur la valeur de la découverte. De là à prendre le risque du ridicule en soutenant ouvertement les exigences de l'inventeur il y a un fossé que très peu franchirent et avec prudence.

Maintenant, la voie était libre pour une expérimentation rationnelle. Ce petit technicien italien avait fait une fantastique découverte avec beaucoup de chance et peu de moyens. Nul doute qu'une équipe d' universitaires compétents dotée d'importants crédits et d'exceptionnels soutiens politiques ne soit en mesure de retrouver les bons réglages ce qui constituait la seule sérieuse difficulté.

Telles du moins étaient les idées des principaux protagonistes de cette affaire. Et quels protagonistes ! Plusieurs équipes se constituèrent ainsi.

Laissons de côté les innombrables farfelus qui au premier coup d'œil se persuadaient d'avoir tout compris. Ils furent nombreux, avant même la mort de PRIORE à tenter de le piller. Certains sévissent encore... nous y reviendrons.

Les industriels qui s'étaient fortement engagés revendiquent- non sans arguments -la propriété du dernier appareil en place dans le laboratoire au domicile de sa veuve. Ils n'obtiendrons jamais les crédits d'état nécessaires à la réparation de la monstrueuse machine (c'est un devis de 8,6 millions de francs qui sera adressé trois mois après le décès de PRIORE à Laurent FABIUS par les soins de P. RIBEAU l'ingénieur en chef des industries LEROY-SOMER ).

Dépité celui-ci tentera vainement de reconstituer un appareil plus modeste, du même type que celui dont il surveillait la construction au nom de son entreprise. PRIORE ne laissant rien filtrer d'essentiel, l'ingénieur s'en tenait à un rôle d'exécutant en perpétuel conflit avec l'inventeur.. En se bornant à reproduire l'appareil sans en connaître le fonctionnement intime l'échec semblait assuré . Il le fut.

Beaucoup plus prometteuse, la tentative de l'université de BORDEAUX.

La mort de PRIORE en 1983 est survenue alors que la Région hérite d'importantes prérogatives financières. Et nul n'ignore les fantastiques résultats obtenus. Certains parmi les plus hauts responsables ont ou ont fait bénéficier du" traitement". Fait unique à notre connaissance, il est décidé, toutes tendances politiques confondues l'attribution d'une importante subvention régionale ( deux millions de francs il y a vingt ans ) transitant par le canal d'une association loi 1901 où l'on retrouve certains des principaux protagonistes universitaires de l'affaire .

Pour l'anecdote, le président du conseil régional de l'époque Ph. MADRELLE déléguait à son jeune chef de cabinet A. ROUSSET la signature des chèques de subvention... Il est à son tour président aujourd'hui et toujours chaud partisan !

L'intention est louable mais risquée si l'on songe aux intenses polémiques que l'affaire a suscité. Dans la foulée, encore à l'initiative de la Région est crée au sein de la Faculté de Sciences une structure officielle chargée de reprendre les études . Ce sera le PIOM (pôle d'études des interactions onde -matière). On retrouve à sa tête les physiciens naguère chargés par le gouvernement de mesures sur l'appareil PRIORE-la plupart professeurs à la faculté-.

L'équipe s'étoffe de physiciens parisiens, d'un futur secrétaire d'état à la recherche et de hauts responsables assurant la liaison avec les grands corps d'états (Pr. BADER ancien directeur de l'INSERM, expert très influent) . Des figures marquantes du monde scientifique et industriel bordelais ayant participé à l'aventure gravitent autour de ce noyau. Dans un deuxième temps l'appui logistique du commissariat à l'énergie atomique dont certains membres seront détachés à temps plein.

Près de vingt ans après malgré ce luxe de moyens financiers et humains : constat d'échec total ! Comment en est on arrivé là ?

Les rivalités

Comme souvent devant de grands enjeux, d'importantes rivalités étaient apparues entre intérêts industriels, scientifiques, universitaires, médecins biologistes regroupés autour de PAUTRIZEL, etc... se doublant d'un conflit aigu de personnes.

Par ailleurs, la profusion de moyens comparée à ce dont PRIORE disposait lors de la mise au point de ses premiers appareils pouvait donner l'impression de facilité à une équipe très compétente. Trop compétente ! Cette compétence va être la source d' aveuglement dès que vont se présenter les premiers échecs.

PRIORE : c'est très simple

En effet PRIORE qui voulait conserver la maîtrise de ses appareils compliquait volontiers ses explications devant les scientifiques aptes à en comprendre le fonctionnement . Et ceux-ci finirent par être persuadés de la nécessité d'un savant dosage "d'ondes" . Telle n'était pas l'attitude de l'inventeur avec ses intîmes ou ses compagnons de la première heure. Avec eux il s'épanchait .

"c'est simple c'est si simple que je ne comprends pas pourquoi personne n'a jamais trouvé quelque chose d'aussi simple" . Ou bien : "ils ne trouverons jamais tellement c'est simple! et les témoins privilégiés racontent que ça le faisait beaucoup rire". Inquiet parfois : " mon "astuce "est si simple, si élémentaire que si je prononce quelques paroles de trop n'importe quel électronicien pourra en faire de même et tout mon travail sera perdu".

Ce sont les propres paroles de PRIORE, maintes fois prononcées et qui nous ont été rapportées directement par ceux auxquels elles s'adressaient. Elles révèlent l'inquiétude de l'inventeur face à des universitaires beaucoup plus aptes que lui à développer sa découverte dès lors qu'il en aurait dévoilé les grandes lignes ... et les astuces techniques.

Car, et c'est le secret de cette affaire, la découverte n'est pas le fruit d'une obscure théorie ( elle fut conçue après - coup pour expliciter ses résultats ) mais d'une hypothèse simpliste débouchant sur une astuce technique. Chance ou persévérance, une chose est certaine : en 1950 date de ses premiers succès, PRIORE ne disposait d'aucun moyen lui permettant de bâtir un raisonnement cohérent débouchant sur sa trouvaille. Bien au contraire.

Il suffit pour s'en persuader d'écouter certains ingénieurs (aujourd'hui décédés) de la première heure stupéfaits des questions élémentaires dont PRIORE les abreuvait.

Avec cette (ou ces )astuce technique, ce "truc", nul doute que des hommes instruits eussent pu faire beaucoup mieux... et sans lui..

Une formidable erreur d 'interprétation

ref, l'Université n'a jamais pu dégager le principe sous-jacent dans l'apparente complexité. Elle s'est acharnée à trouver des solutions compliquées à des choses simples qu'elle ne pouvait comprendre. Et c'est humain. Si le secret de PRIORE ne pouvait être percé par des chercheurs de cette envergure c'est forcément parce qu'il était terriblement compliqué !

Par ailleurs, si la qualification de ces brillants universitaires est incontestable, leur domaine de compétence - trop théorique - est mal adapté à la compréhension du fonctionnement tel que le concevait - PRIORE.

Par une formidable erreur d'interprétation, tous les efforts universitaires se sont portes sur l'étude d'aspects secondaires de ce fonctionnement.

On essaiera ainsi pendant vingt ans de reproduire à la perfection les signaux électriques enregistrés lors des mesures effectuées quelques années plus tôt sans jamais se poser la question de ce que voulait faire PRIORE . Quand on le fera il sera trop tard. Témoins morts, souvenirs effacés. Cinquante ans se seront écoulés depuis ses premiers succès.

Dans un premier temps cependant, considérant l'échec de plusieurs tentatives de reproduction de la "machine"dans différents laboratoires avant même le décès de PRIORE, l'université décide d'étudier séparément les différents constituants connus du rayonnement afin d'en cerner le rôle et en particulier l'influence des champs magnétiques, des ondes radio ou de micro ondes (celles employées par PRIORE s'approchaient des fréquences de nos "portables") sur différentes infections...

Sans résultats !

La "société secrète"

Plusieurs années s'écoulent ... Cette première série d'échecs conduit à une révision déchirante. Tout en poursuivant les études sur l'influence des ondes électromagnétiques sur le vivant à la faveur des contrats passés avec le laboratoire, l'équipe universitaire reconstruit un appareil dans les sous-sols de la Faculté, dans le plus grand secret ( aux dernières informations il est en panne).

Véritable roman de science - fiction, la mise en chantier de l'appareil universitaire rassemble les énergies de tous horizons, des moyens financiers discrets mais conséquents et des appuis au très haut niveau. Jusqu'alors l'étude du rayonnement se résume à celle de ses différents composants et recoupe l'activité de nombreux laboratoires. La seule ( ! ) inconnue semble se situer au niveau des proportions du cocktail et de l'intermodulation ( c'est à dire le mélange) des ondes. Ce n'est guère dérangeant. Maintenant l'Université quitte les chemins balisés de la science officielle pour se lancer sous le manteau, en toute illégalité et avec les deniers du contribuable dans la construction de la mythique "machine de PRIORE" dont l'inventeur est généralement considéré comme un dangereux charlatan et un escroc ! Imaginez les titres de la Presse spécialisée si le bruit de ces recherches lui parvenait !

La clandestinité de cette deuxième phase s'impose donc à tous. Le secret des moyens et des noms des prestigieux participants demeure jalousement gardé aujourd'hui encore. Plusieurs défections et quelques indiscrétions permettent d'éclaircir ce mystère .

Cet appareil en lui - même se veut une copie fidèle de celui de PRIORE. Sans atteindre les dimensions de ce dernier il apparaît très imposant. Il comporte pour la première fois une "ampoule à plasma", pièce compliquée essentielle au mélange des ondes d'après l'inventeur. Après l'échec dans l'étude séparée des différents constituants on choisit donc d'étudier l'action globale du "rayonnement" dont on espère tirer des enseignements en tâtonnant.

Le commissariat à l'énergie atomique délègue à plein temps un de ses brillants ingénieurs et un de ses anciens directeurs tandis que diverses entreprises qui lui sont obligées prêtent leur compétences. Outre les facilités évidentes procurées par l'université de nouveaux crédits sont obtenus par divers canaux ( contrats d'étude, ministère de la recherche, E.D.F. etc.).

Malgré des années de travail laborieux, aucun résultat tangible ne sera obtenu ! Pourquoi ?

Les raisons sont multiples. Hormis celles déjà citées en particulier inadaptation des compétences, citons :

- La volonté d'isolement et de secret conduit à repousser toute idée originale, y compris celle de médecins très bons connaisseurs de cette affaire.

- Aucune étude des matériels et des techniques d'électricité médicale employés depuis le début du siècle et dont PRIORE s'est largement inspiré .

- L'absence d'enquête sérieuse auprès des témoins de la première heure, auxquels PRIORE confiait le secret de ses "principes".

Sur le plan de la méthode, deux reproches majeurs :

- Le choix du modèle expérimental "trypanosome" : Cette infection est galopante et ne répond qu'à un appareil hautement performant. Ce modèle est donc peu adapté à des tâtonnements. Celui du CANCER eût été bien meilleur.

- L'absence d'idée directrice claire concernant la conception et le fonctionnement de l'appareil : on s'est contenté de reconstituer une machine d'après ce qu'on en savait, et d'en faire varier divers paramètres, en particulier les fréquences, sans idée très précise du résultat.

- etc.

De report en report, de panne en panne, de déception en déception, les meilleures volontés passent, les troupes s'égaillent, les budgets s'épuisent et... les commanditaires se lassent.

De nombreuses années se sont écoulées. Au sein de la Faculté de Sciences de BORDEAUX l'existence de "la Machine" est devenue le secret de Polichinelle. Dans leur bunker souterrain quelque part sur le campus universitaire un dernier noyau de fidèles regroupés autour du Pr. VEYRET a noué d'autres alliances. Il ne désespèrent pas...

C'est ailleurs dans un modeste laboratoire de la banlieue bordelaise que la solution de l'énigme est en passe d'aboutir (voir chapitre : ARTEC et exemple de réalisation).

 

14 mai 2012

la vaporisation....défonce du futur

 

http://www.streetpress.com/sujet/10277-la-vaporisation-la-defonce-du-futur

http://www.docvape.com

 

volcano

 

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Des ex-fumeurs affirment avoir atteint le nirvana cannabitique grâce à une machine futuriste: Le vaporisateur. En permettant de contrôler sa défonce et préserver ses poumons, la vaporisation pourrait bien ringardiser la fumette à la papa.


Volcano, le vaporisateur le plus connu du marché

Il ressemble à un tajine ou à une soucoupe volante. A l’intérieur pas d’épaule d’agneau bouillie dans ses figues ni d’extra-terrestre mais 0,4 gramme de weed effrité dans un récipient. Le thermostat est réglé sur 180° et un lampion rouge s’allume : c’est parti pour 2 minutes pendant lesquelles un ballon en plastique de 3 litres relié à la machine se gonfle de vapeur. Une vapeur d’eau 100% THC.

« C’est le Volcano. Ce n’est pas mon vapo préféré mais c’est celui de référence », explique Romain, tout en inspirant l’air contenu dans la grosse capote à demi-gonflée via une petite valve. Pour ses plus fervents promoteurs le mode de consommation dit « de vaporisation » est « le graal » des amateurs de cannabis: plus sain, moins cher et qui maximise les effets. Romain y va de sa petite prédiction: « C’est le futur ! Nos enfants ne fumeront pas de cigarette. Où alors il le feront en disant: ‘regarde on fume comme nos parents. Quelle bande de connards !’ ». Ben tiens !

Tu séchais tes cours de chimie en 4ème ? Le procédé de vaporisation permet « de dégager les arômes et les effets d’une plante sans la combustion », explique joint par StreetPress Michael Schwarz du service marketing de l’allemand Storz & Bickel , le leader mondial des fabricants de vaporisateurs avec son modèle Volcano. Comprendre que sans avoir à brûler son herbe – contrairement à un bang par exemple – la vaporisation permet d’obtenir de la vapeur d’eau chargée de THC … mais pas de fumée.

Le Volcano en images

A une époque on tout le monde se défonce, les plus éduqués utilisent un vaporisateur


Romain précise:

« La vaporisation détache le principe actif de la matière végétale sans la brûler. Quand tu fumes un joint ce qui te défonce ce n’est pas la fraise qui brûle et qui fait de la fumée mais l’air chaud qui passe dans ton joint et vaporise les principes actifs du cannabis ».

Résultat de la fumette made in vapo: la sensation de respirer une fumée très légère et goûtue – qui n’est en fait que de la vapeur – et surtout « une défonce plus high que stone ». Romain enthousiaste: « Tu n’as pas la défonce du monoxide de carbone, de toutes les merdes de ton tabac. Le cassage sur le canapé tu le ressens beaucoup moins ». Et surtout tu préserves tes poumons.

Je vaporise en open-space, dans les magasins, dans les transports en commun… Partout: personne ne me grille !


Cuisine moléculaire Sur le site web du fabriquant du Volcano – le vaporisateur le plus vendu au monde – pas d’infos sur la vaporisation de la marijuana mais la recette « des écrevisses à la vapeur de thym » .

« Je suis convaincu que la vaporisation est promise à un grand avenir. Un jour ça fera intégralement partie de la gastronomie. Surtout si vous regardez la cuisine moléculaire et les cocktails », baratine Michael Schwarz qui en préalable à l’entretien téléphonique a insisté pour « qu’on ne l’interroge pas sur les substances ». Loi oblige.

Le représentant de la marque en dit quand même un peu plus sur ce qui fait le succès de la marque:

« Les gens ont pris conscience ces dernières années de l’importance de tous les produits liés à la santé, de ne pas s’abimer le corps ». Comme Guillaume, étudiant en ingénierie de 24 ans, qui a acheté son Volcano parce « qu’il voulait arrêter de fumer »: « Je n’ai pas touché une clope pendant 6 mois tout en continuant à me défoncer. Ça a vraiment marché … bon jusqu’à ce que je parte en Erasmus sans mon vapo ». Saleté d’auberge espagnole.


Le ballon du Volcano se remplit


Dans le futur tu contrôles ta défonce Le vapo est aussi le gadget ultime pour les techno-geeks amateurs de marijuana. Guillaume n’est pas apprenti ingénieur pour rien:

« Tu peux sélectionner les particules psychoactives en choisissant le degré de combustion. A 190° les principes actifs qui se dégagent ne sont pas les même qu’à 145° ».

Romain confirme: « Les anxiolytiques ne vont pas se dégager aux mêmes températures que les anti-spasmodiques ou les flavonoïdes ». Mais si Romain vaporise c’est surtout pour pouvoir être « foncedé » à peu près partout dans Paris: « Je vaporise en open-space, dans les magasins, dans les transports en commun… Partout: personne ne me grille ! » Son vaporisateur portable de la taille d’un tube de ventoline fonctionne avec une batterie et ne dégage ni fumée, ni odeur.

Elitisme Reste un problème de taille avec le vapo: le prix. Le Volcano première génération coûte 398 euros – il faut compter 500 euros pour le dernier modèle – et chez la concurrence, les bons vaporisateurs de salon oscillent entre 220 et 260 euros.

Un journaliste du Daily Beast publiait en 2010 un article intitulé « Comment les riches fument de l’herbe ? » pour parler du phénomène vapo aux États-Unis. Sa conclusion:

« Le Volcano s’adapte parfaitement à notre société qui embrasse le concept de défonce éclairée: A une époque où tout le monde se défonce, les plus éduqués utilisent un vaporisateur. C’est devenu un symbole gentiment subversif pour sa personne, comme un délicieux tatouage ».

Pierre se souvient comment il a découvert le Volcano en 2009 lors d’une soirée branchée à Williamsburg, Brooklyn: « Entre les étudiants en design et en cinéma, je vois cette grosse tajine qui sert à fumer de la weed. Je n’en ai pas cru mes yeux ! » A la même époque, les vaporisateurs font leur apparition dans les séries TV Weeds et Bored to death.

Je suis convaincu que la vaporisation est promise à un grand avenir. Un jour ça fera intégralement partie de la gastronomie

Nos enfants ne fumeront pas de cigarette. Où alors il le feront en disant: ‘regarde on fume comme nos parents. Quelles bandes de connards!’ 


Fail ? Michael Schwarz, du fabriquant des Volcano, ne veut pas croire que le vaporisateur soit réservé à une élite:

« Au début il y avait peut-être un risque pour investir dedans. C’était des personnes matures avec de l’argent et de l’expérience qui achetaient le Volcano. Mais après avoir fait ses preuves, les jeunes se sont aussi dit que ça valait le coup. »

Preuve en est, l’évolution exponentielle du nombre d’appareils vendus:

« Depuis 2005 et l’ouverture de notre bureau aux USA, on augmentait la production de 10% par an. Mais l’année dernière a été exceptionnellement bonne avec une augmentation de 50 % »

L’entreprise Storz & Bickel s’est même permis le luxe d’embaucher 5 personnes en 2011 pour porter à 41 le nombre de ses employés.

Un tutoriel pour vapo


En France des distributeurs comme Romain ont lancé leur business de vapo persuadés d’être les pionniers de la défonce des années 2030. « Tout ce qui viendra dans le futur sera forcément plus sain », explique le jeune homme de 31 ans, VRP à la ville. Avec son beau-frère et armés d’un numéro de Siret, ils ont commencé à distribuer leurs machines sur le web, en espérant bientôt vivre de leur hobby. Mais comme Volcano, ils ne communiquent pas sur le nombre d’appareils vendus.

 

 

18 avril 2013

vatican et prostitution historique....

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A Paris, l’Eglise catholique exploitait 3000 bordels et 40 000 prostituées : mères célibataires, vierges violées, veuves ou répudiées

« On ne peut traverser le pont d’Avignon sans rencontrer deux moines, deux ânes et deux putains. » Ce célèbre adage médiéval témoigne de la vitalité du « plus vieux métier du monde » dans la cité des papes. Mais bien d’autres villes de France peuvent se targuer d’une telle réputation. S’il est certain que l’Église et l’État exploitaient les bordels et prostituées déclarées, rien n’atteste qu’ils géraient la totalité des 3000 bordels parisiens du 15e siècle, et des 40 000 prostituées parisiennes du 18e siècle, pour la plupart clandestines.

BIBLIOGRAPHIE :

  • Jacques Rossiaud, La prostitution Médiévale, édition Flammarion 1988
  • Brigitte Rochelandet, Histoire de la prostitution du Moyen Age au XX° siècle, édition Cabédita 2007
  • Séverine Fargette travaille sur le thème « Violence, justice et société en France au Moyen Age ». Elle prépare une thèse sur le conflit entre armagnacs et bourguignons (1407-1420).
  • Erica-Marie Benabou, « La prostitution et la police des mœurs au XVIIIe siècle »
  • Charles Jérôme Lecour, « La Prostitution à Paris et à Londres »
  • Alexandre Parent du Châtelet, De la prostitution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration : ouvrage appuyé de documents statistiques puisés dans les archives de la Préfecture de police
  • Jean-Marc Berlière, La police des mœurs sous la IIIe République. Limites et réalités d’une « Police Républicaine »

Les causes anthropologiques

L’Église contrôle la sexualité pour garantir des héritiers légitimes

Le Moyen-âge s’étend sur près d’un millénaire, de 476 (chute de Rome) à 1453 (fin de la guerre de Cent-Ans). Compte tenu du rôle de l’Église dans la prostitution, il est utile de marquer son début en France avec la conversion chrétienne (496) de Clovis, roi des Francs. Ce baptême marque en effet le début du lien entre le clergé et la monarchie française, dorénavant le souverain règne au nom de Dieu et seuls ses descendants légitimes (fils conçus dans le mariage) peuvent accéder au trône. La légitimité passe par la foi catholique et par les liens sacrés du mariage (seul garant de la reconnaissance de paternité). On remarquera qu’au Vatican, l’âge du mariage est aujourd’hui encore de 14 ans pour les filles, il était de 12 ans jusqu’au début du XXe siècle. Fort de l’autorité divine, le clergé catholique se donne comme mission sociale de réglementer la sexualité (virginité & chasteté). Cette réglementation se colore à la fois du rôle sexuel pervers attribué à la femme dans la chute biblique de l’homme (la pomme d’Ève) et d’une application confrontée aux débauches et contingences de l’époque (la paternité n’est plus garantie). Inutile de dire que la prostitution n’a officiellement pas droit de cité.

Lire Le serpent de la tentation, compagnon de la Déesse-Mère primordiale

En croisade contre le sexe

Durant ce millénaire, pas moins de 25 conciles, dont quatre des conciles du Latran, vont en effet exiger la chasteté avant le mariage, condamner le plaisir sexuel et interdire les positions qui ne servent pas uniquement à la procréation. Toutefois, malgré les nombreux interdits et exigences de l’Église, tous les actes sexuels illicites se pratiquent, et pas toujours en cachette, loin de là! Ainsi en est-il de la prostitution, une pratique hautement dénigrée par l’Église, et pourtant répandue à travers toute la France, y compris par les bons offices des religieux et religieuses, avec le soutien dévoué de la noblesse…

Pour prévenir les viols collectifs

Le terme « viol » n’apparaît qu’au XVIII° siècle. Avant on parle d’efforcement ou de défloration si le viol a lieu sur une femme vierge. Le viol est très courant à l’époque médiévale, cependant peu de plaintes sont à noter : peur des représailles, honte sur la famille… Ces viols sont le fait des jeunes hommes. En bande, ces jeunes citadins « chassent la garce ». On les appelle les « hommes joyeux ». L’affirmation de la virilité entraîne fréquemment un déchaînement de violence et se traduit par des viols collectifs commis sur des femmes isolées et faibles, réputées communes. Soucieuses d’éviter ces dérapages, les autorités encouragent l’essor d’une prostitution officielle. La prostitution est un phénomène de sécurité publique et donne satisfaction aux pulsions les plus enfouies. Comme certains le disent, la prostitution est un mal nécessaire. Les prostituées ont une responsabilité sociale : défendre l’honneur des femmes « d’estat » (femme de vertu) et lutter contre l’adultère. Le prostibulum peut être alors considéré comme une institution de paix où les jeunes tempèrent leur agressivité.

Femmes sans maris, femmes sans honneur

Les femmes victimes de ses viols sont rarement des fillettes car l’homme sera réprimé très sévèrement, ni des femmes de milieu aisée car cela peut être parfois considéré comme un crime. Le plus souvent, les victimes sont des femmes célibataires, des veuves ou des épouses délaissées, des femmes qualifiées de déshonnêtes car elles n’ont plus de maris. Seul le statut d’épouse ou de mère est valorisé et reconnu. Ces femmes sont souvent issues de milieux démunis, servante ou épouse d’ouvrier car la sanction sera faible voire inexistante. Par conséquence, La femme est diffamée par le viol, elle y perd son honneur (la Fame Publica). Ainsi, une femme célibataire aura des difficultés à trouver un époux et une femme sera vraisemblablement abandonnée par son mari.

Une nécessité sociale de la chrétienté

Un mal nauséabond pour prévenir la fornication et l’adultère

À partir de la fin du XIIIe siècle, et ce, jusqu’au XVe, le métier est vu plutôt comme une pratique immuable. La tradition chrétienne considère la prostitution comme un moindre mal nécessaire. Les Pères de l’Église en témoignent, d’Augustin d’Hippone au IVe siècle qui estime qu’elle est naturelle et permet de protéger les femmes honorables et les jeunes filles du désir des hommes, jusqu’à Thomas d’Aquin au XIIIe siècle, qui juge qu’elle est nécessaire à la société comme les toilettes à une maison :

« Cela sent mauvais, mais sans elle(s), c’est partout dans la maison que cela sentirait mauvais. »

La prostitution est d’ailleurs tellement naturelle que, pour plusieurs théologiens, il est préférable qu’une femme y pousse son mari plutôt que de consentir à certains rapports sexuels considérés, eux, comme de graves péchés. Dans une perspective du moindre mal, ces femmes sont sacrifiées pour un bien supérieur, l’ordre public. Souvent, en effet, c’est la permanence des viols par bandes organisées qui amène les municipalités à se poser la question d’organiser la prostitution afin de canaliser l’agressivité sexuelle des hommes.

Les bordels de l’Église, un mal naturel pour éviter le péché

Au Moyen Âge, les responsables de l’ordre public, municipalités, seigneurs laïcs ou ecclésiastiques (évêques, abbés et pape), organisent progressivement la prostitution, déjà à partir du XIIe siècle, et surtout à partir du XIVe siècle, en tirant un profit financier. On trouve même des bordels possédés par des monastères ou des chapitres. La prostitution est toujours considérée comme naturelle, comme un moindre mal. Au cœur des cités méridionales, les maisons de fillettes, les châteaux gaillards et autres maisons lupanardes deviennent des institutions municipales, entretenues et inspectées par les consuls. On précisera que la majorité sexuelle est toujours de 12 ans au Vatican (elle était de 11 ans en France en 1832). En Italie du Nord, les autorités expliquent même que le recrutement de prostituées attirantes permettra de convaincre les jeunes gens de se détourner de l’homosexualité. Les villes et les bourgs ouvrent ainsi officiellement des maisons municipales de prostitution ou bien désignent les quartiers de la cité, généralement ses faubourgs, où la prostitution sera tolérée.

Vidéo : la prostitution des mères célibataires, et les bordels de l’Église

 

Lire Exclusion des filles mères, mères célibataires, mères seules : avortement et abandon des enfants sans père

Dieu vous le rendra

Une richesse pour le clergé et les municipalités

Les municipalités profitent de ce commerce et s’enrichissent en prélevant des taxes sur les maisons publiques ou en mettant les fillettes à l’amende. On constate souvent, en dépouillant les registres de comptes, que les loyers et les rentes tirés des maisons de prostitution sont traités au même titre que les autres revenus, y compris dans les registres des abbayes. Au XIIIe siècle, les canonistes admettent d’ailleurs la recevabilité des profits tirés de la prostitution à condition que la fille exerce par nécessité, et non par vice et plaisir. Les propriétaires des maisons, parfois des notables, n’ignorent rien des activités de leurs locataires, et encaissent sans vergogne les bénéfices. C’est le cas des familles Villeneuve et Baronnat à Lyon, de l’évêque de Langres ou de l’abbé de Saint-Etienne à Dijon.

Plus lucratif que les dons des fidèles

D’ailleurs, Voltaire rapportait que l’évêque de Genève administrait tous les bordiaux de ces terres. Dominique Dallayrac va même jusqu’à avancer que la prostitution amena plus de richesse au clergé que tous leur fidèles réunis. St-Thomas d’Aquin raconte également que des moines perpignanais organisaient une collecte de fond pour ouvrir un nouveau bordel, dont ils vantaient le mérite; « oeuvre sainte, pie et méritoire ». D’ailleurs, La chose ira encore plus loin, car en 1510, le pape Jules II fit construire un bordel strictement réservé aux chrétiens.

La Chapelle Sixtine financée grâce à la taxe sur la prostitution

Pour renflouer les finances du Vatican et payer les corporations travaillant sur la chapelle qui portera son nom, le pape Sixte IV (1414 – 1484) eut l’idée géniale de taxer toutes les prostituées et les prêtres concubinaires dans les Etats Pontificaux, y compris Rome. Cette taxe rapporta au Vatican 30.000 ducats par an. Une véritable fortune. Selon les données statistiques de 1477, il y avait 6.300 prostituées reconnues officiellement et des nombreux célibataires. Le projet avait été lancé en 1046 par le Pape Clément II, Suidger de Morsleben et Hornburg (1005-1048) d’origine allemande, qui avait obligé toutes les prostituées romaines à verser un impôt au saint-siège sur chaque rencontre avec un nouveau client.

S.S. Sixte IV, un pape pédéraste, incestueux et proxénète

Afin de profiter de cette manne financière, le pape Sixte VI (1414 – 1484) acquis lui-même une maison close devenant un proxénète. Jusqu’à son élection, Sixte IV jouissait d’une bonne réputation. Sous son pontificat, il fit l’objet de jugements controversés dus à l’emprise que ses neveux prirent sur lui. De fait, il nomma cardinal de nombreux jeunes gens, célèbres par leur beauté, parmi lesquels son neveu Raphaël Riario – cardinal à 17 ans, accusé d’être son amant. On prétendit aussi que le goût du pape pour les garçons était notoire. Le théologien Balaeus (xvie siècle) assure de manière peu vraisemblable que Sixte IV aurait donné aux cardinaux « l’autorisation de pratiquer la sodomie pendant les périodes de grandes chaleurs ». C’est ce que l’on appelait alors le « vice italien ». Aujourd’hui encore, la majorité sexuelle au Vatican est de 12 ans.

La vie sexuelle des papes

Meurtres, prostitution, pédérastie

Tiré de « L’Écho des Cantons » no. 7, septembre 2000.

Le palais papal, un lieu maudit

C’est un pape aux mœurs corrompues, Léon III (du 26 décembre 795 au 12 juin 816) qui couronna à Rome au mois de décembre de l’an 800, l’empereur Charlemagne (742-814). Étant réputé pour aimer la bonne chère, le vin et surtout les plaisirs charnels, Léon III échappa à une tentative d’assassinat complotée par deux prêtres désireux de débarrasser Rome et l’Église de ce pape dépravé. Étienne IV (du 22 juin 816 au 24 janvier 817) ne fut pape que quelque mois, mais son successeur, Pascal 1er (du 25 janvier 817 au 11 février 824) mena une vie de débauche qui, pendant les sept années de son pontificat, fit de la ville sainte et du palais papal des lieux maudits où libre cours sexuel était donné a toutes formes de perversions inimaginables.

Le lupanar privé du pape

Venu a Rome pour se faire sacrer empereur, Lothaire (795-855), petit-fils de Charlemagne, fut scandalise par tout ce désordre et fit des remontrances très sévères a Pascal. Le saint-père promit a Lothaire de reformer ses mœurs mais des que celui-ci eut le dos tourné, Pascal Ier emprisonna deux humbles prêtres pour avoir dénoncé ses comportements pervers. Comme sentence exemplaire on leur arracha la langue et les yeux avant de les décapiter. Plus tard, le pontificat de Léon IV (du 10 avril 847 au 12 juillet 855) sembla être au-dessus de tout soupçon jusqu’au jour où certains chroniqueurs de l’époque affirmèrent que le pontife avait installé dans sa propre maison un couvent de religieuses afin de s’adonner avec celles-ci a des plaisirs sexuels  » très torrides « .

La légende de la papesse Jeanne

C’est a partir de la fin de la papauté de Léon IV que naquit plusieurs légendes a connotations sexuelles qui fortifièrent l’histoire de la papesse Jeanne. Il est très peu probable qu’une femme ait succédé a Léon IV sur le trône de la chrétienté, vers l’an 856, comme le veut la légende qui prit naissance au milieu du 13ème siècle, et racontée par l’entremise des chants des troubadours et des ménestrels.

Un pape gay en prison, assassiné par ses « mignons »

Celle-ci fut vraisemblablement inspirée par l’histoire malheureuse d’un pape dévergondé du nom de Jean VIII (du 14 décembre 872 au 16 décembre 882). Jean VIII fut reconnu comme étant un pape débauché qui fut jeté plusieurs fois en prison parce qu’il ne s’occupait pas de ses charges pontificales. Ce pape homosexuel, qui aimait les jeunes garç0ns, connut une fin tragique aux mains des membres de la famille de l’un de ses  » mignons  » qui, trouvant que le poison qu’ils lui avaient administre n’agissait pas assez vite, lui fracassèrent le crane a coup de marteau.

Un pape drag-queen

 

D’autres sources mentionnent qu’au milieu du 9ième siècle, un prêtre anglais du nom de John, un homosexuel reconnu, avait gagne la faveur des cardinaux de Rome, a un point tel qu’il a failli être élu pape a la mort de Léon IV en l’an 855. C’est probablement a la mémoire de ce John aux allures très efféminées, communément appelé Jeanne par ses intimes, que naquit la légende de la papesse qu’on disait d’origine anglaise. Les troubadours et les ménestrels du 13ieme siècle ajoutèrent a cette histoire, en signe de dérisions et de moqueries, que John aurait pu accoucher d’un enfant le jour même de son couronnement car rien dans son comportement sexuel n’indiquait « … qu’il est un homme … ». Ainsi fut fomenté dans la confusion et par les esprits tordus la légende de la célébré papesse Jeanne.

Rome, ville du vice et de la débauche

Le calme revint a Rome sous le pontificat de Jean IX (du mois de janvier 898 a janvier 900) mais ce fut de courte durée car lorsque Benoît IV prit le trône de Saint-Pierre (du mois de février 900 au mois de juillet 903) la corruption redevint maîtresse dans la  » Cite éternelle » pendant, hélas, de très nombreuses décennies. Afin d’illustrer avec plus de précisions cette ambiance qui régnait a Rome pendant tout le 10ème siècle, citons ce roi d’Angleterre, Edgar dit le Pacifique (944-975) qui, s’adressant a ses évêques, donna une description peu flatteuse de ce qu’il avait vu lors d’un de ses voyages dans la ville des papes.

 » On ne voit a Rome que débauches, dissolution, ivrogneries et impuretés … les maisons des prêtres sont devenues les retraites honteuses des prostituées, des bateleurs, jongleurs, équilibristes, acrobates, etc… et des sodomites (homosexuels) … on joue nuit et jour dans la demeure du pape … les chants bachiques (chansons a boire), les danses lascives et les débauches de Messaline ont remplacé jeûnes et prières. C‘est ainsi que ces prêtres infâmes dissipent les patrimoines des pauvres, les aumônes des princes ou plutôt, le prix du sang du Christ. » - Edgar dit le Pacifique (944-975), roi d’Angleterre

Messaline est l’épouse de l’empereur romain Claude (10-54), elle était reconnue pour se livrer a de la débauche de toutes sortes et même a la prostitution. Se sentant bafoué, son mari la fit assassiner lorsqu’il apprit qu’elle s’était mariée avec son jeune amant Silius.

Jean XII : le pornocrate

Jean XII est assurément un des papes ayant le plus choqué ses contemporains. Plusieurs fois d’ailleurs, des chroniqueurs l’ont qualifié « d’antéchrist siégeant dans le temple de Dieu ». Né Octavien, il accède à la papauté à l’age de 18 ans sous le nom de Jean XII. Le jeune pape est perçu comme un être grossier qui s’adonne à la débauche, transformant le palais du Latran en un véritable bordel. Déposé par un synode d’évêques qui le déclare coupable de sacrilège, de meurtre, d’adultère et d’inceste en 963, Jean XII parvient cependant à reprendre l’avantage sur Léon VIII, élu à sa place. Une légende raconte qu’il est mort d’une crise d’apoplexie en plain acte sexuel avec une femme mariée.

La famille maudite des Borgia

Borgia est le nom italianisé de la famille Borja, originaire du Royaume de Valence (Espagne), qui a eu une grande importance politique dans l’Italie du XVe siècle. Elle a fourni deux papes, ainsi que plusieurs autres personnages, dont quelques-uns ont acquis une fâcheuse renommée. La famille Borgia subi une réputation sinistre qui aurait été forgée par ses ennemis politiques. Les Borgia furent accusés d’empoisonnement, de fratricides, d’incestes… Ils furent les symboles de la décadence de l’Église à la fin du Moyen Âge.

Enfants illégitimes, bordels et inceste

C’était une puissante famille italo-espagnole de la Renaissance, dont sont issus des personnages célèbres qui étaient des champions de la « chasteté héréditaire ». Quelques exemples : un cardinal qui eut trois enfants, un pape qui en comptait neuf, et une duchesse qui accoucha de huit hommes différents dont, probablement, le pape et le cardinal déjà mentionnés, qui étaient, en plus, son père et son frère. Tristement célèbres. On les appelle Borja en Espagne, Borgia en Italie. Un nom qui, dans la Botte, jouit d’une très mauvaise réputation, non sans raison : le cardinal César (1475-1507), une fois abandonné l’habit de pourpre, devint un homme politique et un militaire au cynisme proverbial, qui inspira Le Prince de Machiavel. Son père Rodrigo (1431-1503), alias le pape Alexandre VI, réduisit Rome à une ville-bordel que Luther compara ensuite à Sodome ; enfin, la duchesse Lucrèce (1480-1519), intrigante et peut-être incestueuse, passa à la postérité comme un archétype de féminité négative.

Le pape du diable

Pope Alexander Vi.jpgAlfonso Borgia est intronisé pape sous le nom de Calixte III de 1455 à 1458. Il a un fils illégitime, François Borgia, cardinal-archevêque de Cosenza. Son neveu, Roderic Llançol i de Borja, le rejoint en Italie où il prend le nom de Rodrigo Borgia. Il est pape sous le nom d’Alexandre VI de 1492 à 1503. Un des témoins les plus crédibles de la conduite scandaleuse du pape Alexandre Borgia est Jean Burckhardt (ou Burchard), de Strasbourg. Ce prélat, maître des cérémonies de la cour pontificale, tint de 1483 à 1508, un journal très précis relatant jour par jour, parfois même heure par heure, tous les événements se passant au Vatican.

Au moins 6 enfants illégitimes

En 1470, alors qu’il a déjà été ordonné prêtre, Rodrigo Borgia fait la connaissance de Vannozza Giovanna Cattanei, jeune patricienne romaine, qui lui donnera ses quatre enfants préférés (Jean ou Joan, César, Lucrèce, et Geoffroi ou Jofre). En 1489, nouvelle liaison avec la jeune et jolie Giulia Farnèse qui n’a que 15 ans, dont la demeure était directement reliée à Saint Pierre. Rodrigo Borgia a alors 58 ans. De leur union naîtra une fille, Laura, qui sera présentée comme l’enfant légitime d’Orso Orsini, époux officiel de Giulia Farnèse. Il avait déjà eu un fils Pedro-Luis de Borja légitimé par Sixte IV. Une troisième amante, disait-on, était peut-être sa propre fille Lucrèce (1480 – 1519). Elle est célèbre pour sa beauté autant que pour ses mœurs dissolues : un fils né de ses amours incestueuses avec son frère César, quelques bâtards, une activité d’empoisonneuse, etc.

Viol sodomite et danses orgiaques de 50 prostituées

 

Les orgies étaient pour Alexandre VI, une distraction à plein temps, sans discrétion aucune, sans discrimination de classe ni tabou de parentèle. Francesco Guicciardini rapporte un épisode au cours duquel le pape attire au Château Saint-Ange le jeune et beau Astorre Manfredi, seigneur de Faenza, qu’il viole et fait jeter dans le Tibre. Mais il pourrait également s’agir de César Borgia qui tenait prisonniers les deux frères Manfredi. Les scandales continuent au Saint-Siège, et ce malgré les remontrances du frère dominicain Jérôme Savonarole :

«Arrive ici, Eglise infâme, écoute ce que te dit le Seigneur […]. Ta luxure a fait de toi une fille de joie défigurée. Tu es pire qu’une bête: tu es un monstre abominable»

Sans scrupules, ni remords, Alexandre VI fait face : Savonarole est arrêté, torturé et meurt sur le bûcher le 23 mai 1498. Selon Jean Burckhart, témoin muet, mais indigné, la débauche du pape Alexandre et de sa progéniture atteint son paroxysme en cette nuit orgiaque du 31 octobre 1501 avec l’évocation de la danse de cinquante prostituées entièrement nues et d’un concours arbitré par César et Lucrèce pour évaluer et récompenser les prouesses de virilité des assistants. Les dépêches envoyées aux cours d’Europe par leurs ambassadeurs et figurant dans de nombreuses archives diplomatiques confirment l’incroyable témoignage du Père Burckhardt. On comprend dès lors pourquoi tant de récits faisant référence à des pactes avec le Diable ont pu circuler à la mort d’Alexandre VI.

 

Les types de prostitution

Les historiens, scientifiques et sociologues Lombroso et Ferrero (1896) ont classifié la prostitution médiévale en quatre catégories :

Les plaisirs charnels du Christ

La prostitution sacrée issue du culte antique de la femme, avec, au début du Ve siècle, les nicolaïtes, femmes qui, attendu l’incarnation du Christ, prônaient que Jésus fait homme avait dû éprouver lui-même les voluptés du corps. Unies aux gnostiques, elles ont essaimé jusqu’au XIIe siècle, en plusieurs sectes vouées au contentement de la chair. En 1373, réapparaît en France une de ces sectes, anciennement les Picards devenus les Turlupins dont le plaisir était de forniquer en public. Dans le catholicisme, les femmes stériles et les maris impuissants ont longtemps prié les Saints Paterne, Guerlichon ou Guignolet, dignes héritiers du dieu Priape, dieu de la virilité, de la fertilité et de l’amour physique. Même réprouvées par l’Église, ces pratiques se sont poursuivies qu’à la Révolution.

Garnir la couche de son hôte avec ses serfs

Le second type de prostitution est appelé prostitution hospitalière : elle découle des coutumes ancestrales de l’hospitalité qui consistaient à « garnir la couche » de son hôte. Plus rarement pratiquée chez les paysans, elle était largement répandue chez les nobles et de nombreuses soubrettes et paysannes, tenues en servage, se prostituaient ainsi contre leur gré.

Une épouse en CDD

Le troisième type est la prostitution concubinaire. Le concubinage n’a jamais été, dans la France catholique, béni religieusement. C’est le versement d’une pension d’entretien qui servait de contrat nuptial que seuls un divorce ou la mort pouvaient rompre.

Enfin, on trouve, sous quatre formes, la prostitution civile :

• Les bordels privés de la noblesse et du clergé : L’abbé, l’abbesse, l’évêque, le baron, le seigneur féodal accueillent chez eux l’équivalent d’un bordel généralement payé par leurs fidèles ou leurs vassaux; les deux sexes y sont couramment représentés;

• Les paysannes au service sexuel des curés : Dans les monastères, les bons pères réquisitionnent régulièrement les paysannes des alentours qu’ils convainquent de se taire de peur des foudres divines;

• Les nonnes-putains pour un dieu proxénète : Plusieurs mères supérieures des couvents persuadent leurs religieuses de se prostituer pour amasser, au nom de leur divin époux auquel elles ont de toute façon livré à tout jamais leur corps vertueux, quelques compléments à la dîme;

• Femmes-objets pour payer les impôts : Au Moyen-âge, le royaume de France est loin d’être consolidé et les guerres entre prétendants à la royauté livrent la paysannerie à des impôts ruineux, dont la taille. Plusieurs fuient la campagne pour la ville où la misère qui sévit contraint filles et jeunes femmes orphelines, abandonnées ou vendues, veuves et épouses désespérées à livrer leur corps en pâture. La prostitution foisonne avec ses classes de prostituées.

Le statut des prostituées

Durant la période médiévale, la quasi-totalité des prostitués est constituée de femmes. La prostitution masculine fleurit aussi, mais seulement dans la clandestinité en raison de la sévère condamnation de l’homosexualité par l’Église. Cette dernière entretient à l’égard des femmes un double discours qui explique, en grande partie, l’ambivalence de ses prises de position. La femme est certes synonyme de tentation et de luxure, mais curieusement elle occupe un rôle social plus égalitaire que celui qui va redevenir le sien à la Renaissance.

La prostitution civile revêt quatre motifs, explicatifs des divers statuts et mécanismes différents de répression :

  • La luxure qui découle de la prostitution sacrée. Ses adeptes sont considérés comme des hérétiques et châtiés par l’Église et le pouvoir;
  • La pauvreté, lot des femmes démunies. Cette forme est plus ou moins tolérée par l’Église selon la sévérité de ses cardinaux du moment et réglementée par le pouvoir seigneurial ou royal selon ses humeurs et pénitences;
  • Le concubinage, lot de femmes devenues courtisanes, protégées par leurs concubins et par les apparences d’une vie de rentière; certaines prostituées de haut rang peuvent s’afficher dans la cour des gens de la noblesse. On peut d’ailleurs difficilement d’apparence les différencier d’autres femmes de leur entourage, même si la plupart du monde connaît leur identité;
  • Le commerce dont l’exercice est orchestré par des sources diversifiées : clergé, noblesse, bourgeoisie, tenanciers ou tenancières. Le clergé va, de temps à autre, procéder à de sévères répressions dans ses rangs, la noblesse graduellement se défaire de ses propres bordels pour choisir le concubinage ou la fréquentation plus ou moins discrète des maisons de débauche.
  • Les filles légères « prostitution libérale » : Ces filles travaillent pour leur propre compte, elles vont d’hôtel en hôtel ou possèdent leur propre chambre. Ces femmes deviennent petit à petit des courtisanes : prostituée de luxe, maîtresse de riches marchands ou notables. Les courtisanes deviennent réellement importantes à la fin du XV°.

Lire La prostitution mondaine, une valeur éducative du patriarcat traditionnel avant le mariage

Carrière d’une fille de joie

Mères célibataires, vierges violées, veuves ou répudiées

Les prostituées le sont pour des raisons financières, parce qu’elles sont sans ressources pour une raison ou une autre : tel est le cas pour les étrangères à la ville, les migrantes venant de la campagne, les filles exclues du système matrimonial parce qu’elles ont été violées, parce qu’elles sont des servantes enceintes et chassées, parce qu’elles sont veuves ou abandonnées. Mais il existe aussi une prostitution moins miséreuse, de femmes qui reçoivent discrètement chez elles des hommes de bonne condition, et que le voisinage tolère plus ou moins bien. La plupart des prostituées le sont, comme de nos jours, par utilité ou obligation. Dans ce contexte, la très grande majorité des prostituées est cantonnée dans les basses classes de la société, même si quelques-unes d’entre elles, devenues maîtresses de gens importants, parviennent à y échapper.

Ne pas ressembler à une épouse légitime

Faire commerce de ses charmes est longtemps vu comme une profession comme une autre. Les «putassières » demeurent cependant facilement identifiables. Il leur est, en effet, interdit de porter vêtements ou accessoires démontrant le luxe. Broches, fourrures et autres vêtements peuvent leur être sommairement confisqués.

L’abbesse encaisse un tiers des gains pour un toit

Les filles de joie racolent à peu près partout : bains publics, boisés, buissons, ruelle ou rue réservées à leur pratique, cour des nantis et autres endroits insolites. Cependant, les lieux dédiés aux habitués sont les bordels municipaux, que l’on appelle à cette époque «bourdeaux» ou «bon hostel». Ils sont souvent administrés par une maquerelle, souvent une femme mariée, appelée «abbesse», douce vengeance contre le clergé. Cette dernière encaisse le tiers des gains de ses filles en échange de leur pension. Il est donc très aisé de trouver remède à une envie pressante…

La contraception naturelle

Les pratiques sexuelles, pour ce que l’on peut en savoir, semblent être communément orales, anales, manuelles et interfémorales, les femmes fuyant le rapport vaginal pour des raisons contraceptives.

Fin de carrière : abbesse, mariage ou couvent

La fin de « carrière » est estimée autour de la trentaine, mais aucune source ne permet d’affirmer cet âge. Dès lors que les filles ne peuvent plus se prostituer, plusieurs choix de vie s’offrent à elles :

  • Devenir à leur tour tenancière – abbesse
  • Retraite dans le repentir « fondation Sainte Marie Madeleine
  • Le plus souvent, c’est le mariage qui les fait sortir de leur condition. En effet, épouser une fille de joie est considéré comme une œuvre pieuse par l’Eglise.

La répression du vice

Mais toléré au nom de la morale conjugale schizophrène

Le rôle joué par l’Église et particulièrement ambigu. D’une part, et ce, depuis Saint-Au­gustin, elle voit la prostitution comme un mal inévitable qu’on ne peut enlever d’une société sous peine d’avoir d’autres maux. D’autre part, par son obligation morale, elle réprime à l’aide de ses tribunaux ecclésiastiques non pas les prostituées, mais les tenanciers et autres entremetteurs au nom de la morale conjugale.

Les putains des soldats de Dieu

En ces temps de guerres et de croisades, notons que les soldats et les croisés ne font pas exception à la tentation : un cortège de femmes suit l’armée, même celle de Dieu, lavandières comme prostituées. Les phases de défaites correspondent à un redressement des mœurs et vice-versa. Il faut comprendre que, lorsque les troupes commencent à perdre, les autorités le mettent sur le dos de leur honteuse débauche. Cependant, lorsqu’elles gagnent, les interdictions sont levées, et ainsi de suite, de victoires en défaites. Chose certaine, il y a du travail pour ces filles de joie qui vont parfois jusqu’à planter leur tente parmi celles des soldats. Leur réputation est cependant mauvaise, Jeanne d’Arc, par exemple, chassa les ribaudes qui suivaient son armée.

Esclaves rasées pour laver leurs péchés

Entre 1254 et 1269, Louis IX décide quand même d’éradiquer toute prostitution. Des lois qui permettent alors aux autorités d’incarcérer les demoiselles de joie sont mises en vigueur. Les prostituées qui sont capturées sont cependant envoyées dans des prisons toutes spéciales, où les conditions de vie sont misérables. Confiées à la garde de religieuses acariâtres et sadiques qui se croient désignées pour conjurer le vice, elles ont la tête rasée pour les humilier et on les fait travailler en quasi esclavage souvent jusqu’à une mort prématurée.

Les Sœurs Madeleine (film entier) : couvents-prisons pour mères célibataires, prostituées, séductrices, fornicatrices et adultères, en 1964 en Irlande.

 

Lire Les couvents de la Madeleine : camps de concentration pour mères célibataires et femmes libérées

  • 1254 : Ordonnance de Louis IX interdisant la prostitution, les personnes prostituées sont expulsées des villes et tous leurs biens sont saisis, jusqu’aux vêtements; et les proxénètes sont punis par des amendes équivalentes à une année de loyer.
  • 1256 : Nouvelle ordonnance de Louis IX qui revient sur l’interdiction stricte de la prostitution. La personne prostituée n’est plus que reléguée hors des murs des cités et loin des lieux de culte.
  • En 1269, Saint Louis, qui s’apprête à embarquer pour la huitième croisade, demande à nouveau d’extirper le mal du royaume. À nouveau, la clandestinité des prostituées et le désordre créé font fléchir le roi qui fait ouvrir des centres de reclassement pour les femmes publiques à Paris. Le pragmatisme fait d’ailleurs que les filles publiques sont non seulement admises, mais subsidiées pendant la huitième croisade. Les livres de comptes royaux font état de 13000 prostituées à payer pour le suivre à la guerre…

L’inefficacité de la répression est patente. A la fin du Moyen Age, filles publiques, secrètes ou vagabondes pullulent dans les rues des villes, investissent étuves et hôtels princiers. Le temps où ces femmes, jugées impures, étaient interdites de mariage, semble désormais dépassé ; mais à bien y réfléchir, les ordonnances de Saint Louis étaient déjà en leur temps parfaitement irréalistes.

Prisons pour prostituées, fornicatrices, adultères, pauvresses et célibataires

Du XVIIe au XIXe siècle, la période moderne est marquée par la volonté de lutter contre la prostitution. Parfois les mesures visent son éradication, par l’emprisonnement ou le bannissement. Mais beaucoup de ces mesures sont assez vite oubliées ou pas du tout appliquées. Certains comportements sont nouveaux : des asiles s’ouvrent pour les femmes repenties, que vont bientôt rejoindre celles que l’on considère comme risquant de tomber dans la prostitution parce que pauvres et célibataires. Des ordonnances précisaient même de n’admettre que les jolies filles, les laides « n’ayant pas à craindre pour leur honneur ». L’Angleterre, puis l’Espagne, créent de tels établissements. En 1658, Louis XIV ordonne d’emprisonner à la Salpêtrière (Hôpital Général) toutes les femmes coupables de prostitution, fornication ou adultère, jusqu’à ce que les prêtres ou les religieuses responsables estiment qu’elles se sont repenties et ont changé.

La Salpêtrière de Paris sous l’Ancien Régime : lieu d’exclusion et de punition pour femmes

A son ouverture, en 1656, la Salpêtrière de Paris s’impose comme le plus grand établissement d’enfermement de femmes à l’époque moderne. Elle est chargée d’accueillir les femmes, jeunes filles et enfants mais aussi des couples sans ressources. En 1666, dix ans après l’édit d’établissement, la Salpêtrière accueillait 2322 pauvres. En 1684, Louis XIV ajouta à l’hospice, une prison, la « maison de force », pour les femmes prostituées, débauchées et condamnées, à laquelle on adjoignit un bâtiment pour les femmes et les filles détenues à la demande de leurs maris ou de leurs parents. La Salpêtrière comporta donc : un hospice et une prison pour les femmes.

Les pauvres mendiants qui ne se seront pas rendus à la Pitié dans les délais prévus y seront amenés de force par les officiers de police. La loi interdit la mendicité « à peine du fouet contre les contrevenants, pour la première fois ; pour la seconde, des galères contre les hommes et garçons, et du bannissement contre les femmes et filles ».

Pour changer la morale et les mœurs des femmes égarées

Dès le règlement du 20 avril 1684, une nouvelle catégorie de la population parisienne est à enfermer : les femmes débauchées. Et c’est à la Salpêtrière qu’elles devront être « enfermées ». Comme la mendicité, la débauche et la prostitution sont combattues avec acharnement pendant tout le XVIIe siècle. Outre la déportation dans les colonies, l’Hôpital général devient le principal mode de mise à l’écart des prostituées jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Les prostituées étaient déjà mises en cause dans le 101e article de l’ordonnance de 1560 promulguée par François II puisque cette ordonnance interdisait tout simplement la prostitution. Cette mesure aurait été prise suite à la progression rapide de la syphilis. Et c’est tout naturellement qu’on s’est attaqué à ce qui ne pouvait être qu’à la base de ce développement : la prostitution. Sous couvert de santé publique on épurait ainsi les rues de Paris d’un autre fléau, la « débauche publique et scandaleuse ». Les mesures d’internement contre les débauchés se multiplient dans ce siècle de moralisation de la société. Des maisons de force avaient déjà été créées et aménagées pour les débauchées. Ces établissements étaient ouverts, théoriquement, aux seules volontaires, et avaient pour objectif de changer la morale et les mœurs de ces femmes égarées. Le roi prévient que « les femmes d’une débauche et prostitution publique et scandaleuse, ou qui en prostituent d’autres, seront renfermées dans un lieu particulier destiné pour cet effet dans la maison de la Salpêtrière ». Les débauchées pourront y être enfermées sur décision de justice. Après l’ordonnance du roi du 20 avril 1684, un inspecteur est chargé de la police des mœurs. Il est chargé, jour et nuit, de les arrêter et de les conduire au dépôt Saint-Martin, passage obligé des futures condamnées. Le lendemain, les femmes arrêtées comparaissent à l’audience du grand Châtelet. Les femmes condamnées, escortées par des archers, sont alors emmenées en charrette, dont les planches sont recouvertes de paille, à travers les rues de Paris, à la vue de tous, jusqu’à la Salpêtrière.

Pour réprimer la libération des femmes

Avec le XVIIIème siècle, une grande liberté des mœurs oblige la société à réagir. La police va être une grande pourvoyeuse de nos hôpitaux : se moquer du roi, de la religion, contrevenir à l’ordre public, désobéir à l’autorité paternelle, manquer à l’honneur familial, se débarrasser de sa fille ou de sa femme, être protestante, hérétique, révoltée ou troubler l’ordre public sont très souvent des fautes méritant l’incarcération des femmes à la Salpêtrière. C’est de plus en plus un bagne pour les femmes avec des travaux forcés et de sévères châtiments. Pourtant dans le même temps apparaît une timide humanisation avec l’arrivée de Tenon à la Salpêtrière en 1748. Il va y améliorer l’hospitalisation de ses malades. Quant aux folles, elles arrivent à la Salpêtrière pour y achever, souvent enchaînées, le reste de leur vie.

La déportation des filles de honte

Les fillettes abandonnées à la naissance étaient recueillies, élevées, éduquées, placées pour un travail et mariées par l’institution après enquête sur le conjoint (« les noces des orphelines »). Colbert trouva bon de peupler nos nouvelles colonies d’Amérique avec quelques-uns de ces jeunes orphelins et orphelines en les mariant « à la chaîne » (60 couples dans une matinée) lors de grandes cérémonies à l’église Saint-Louis de la Salpêtrière. Cette pratique s’est poursuivie sous la Régence. L’Angleterre commence à déporter aux Antilles les filles des maisons fermées : elles sont 400 après la fermeture des maisons de Londres en 1650 ; on estime à 10 000 celles qui rejoignent de force l’Amérique de 1700 à 1780. L’aristocratie européenne semble particulièrement violente dans sa façon de vivre la sexualité et, contrairement au Moyen Âge, on a pour ces siècles des récits de brutalité dans les établissements où orgies, coups, flagellation, débauche de mineurs sont courants. La société dans son ensemble est caractérisée par la violence sexuelle et, dans les campagnes comme dans les villes, des bandes organisées attaquent les femmes isolées pour des viols collectifs accompagnés de sévices.

Un métier commun

3000 bordels parisiens

Force est de constater que, malgré les interdictions et les principes moraux, tous les niveaux des autorités civiles et religieuses comptabilisent les revenus des bordels qu’ils gèrent sans scrupule, à titre de revenus standards, comme les taxes ou les dons. À la fin de Moyen-âge, au temps du poète et brigand François Villon (1431-1463?), Paris compte plus de 3000 bordels. Pendant très longtemps, on prétexte que la prostitution est un exutoire pour éviter le viol et l’adultère. C’est pourquoi elle est alors tolérée et pourquoi l’Église tente de réhabiliter les pécheresses repentantes.

13% des femmes se prostituent

À la veille de la Révolution française, on évalue à 30 000 les simples prostituées de Paris et à 10 000 les prostituées de luxe ; à Londres, elles seraient 50 000, ce qui est une preuve de l’échec des mesures de répression. A la fin du XVIIIe siècle, on évalue à 40 000 le nombre de personnes prostituées à Paris (13 % de la population féminine). Pour mesurer l’ampleur du phénomène, la plupart des historiens contemporains soulignent que si la proportion de prostituées était la même aujourd’hui (environ 13 % des femmes), on aurait pour Paris intra-muros une population de plus de 100 000 prostituées.

Un quart de parisiens clients : des recettes juteuses pour l’État

La IIIe République est l’âge d’or des maisons closes qui font partie intégrante de la vie sociale. L’État, et notamment le fisc profitait de ce commerce en prélevant 50 à 60 pour cent sur les bénéfices. À Paris, ils sont environ 200 établissements officiels, sous le contrôle de la police et des médecins, ainsi que d’innombrables bordels clandestins qui comptent alors 15 000 prostituées. De 1870 à 1900 environ, il y a 155 000 femmes officiellement déclarées comme prostituées, mais la police en a arrêté pendant la même période 725 000 autres pour prostitution clandestine (soit 30 000 par an). En 1953, les estimations les plus basses sont de 40 000 prostituées à Paris (les plus hautes parlent de 70 000), tandis que les bordels clandestins (les clandés) se multiplient (500 à Paris). La police estime à 40 000 clients par jour la fréquentation des diverses maisons, ce qui équivaudrait à dire que le quart des hommes parisiens avait des relations avec les prostituées.

 

 

 

 

 

 

3 octobre 2013

les mythe du viol.....

 

 

sources.......

http://www.crepegeorgette.com/2013/07/29/les-mythes-autour-du-viol/?fb_action_ids=525151297534218&fb_action_types=og.likes&fb_source=aggregation&fb_aggregation_id=288381481237582

Les mythes autour du viol désignent les croyances entourant le viol, les victimes et les coupables. On les définit par des attitudes et croyances fausses mais profondément et constamment entretenues qui servent à nier et à justifier le viol. Ces mythes servent à décrédibiliser la personne violée et à excuser le violeur. Ainsi le comportement passé d'une victime peut servir à justifier qu'elle a cherché ce qui lui est arrivé. Une photo de Tristane Banon a ainsi servi à la décrédibiliser (rappelons que DSK a reconnu l'agression sexuelle sur Banon mais qu'il n'a pas été condamné car il y a prescription).

Avant de vous jeter tête baissée sur les commentaires, merci de prendre la peine de lire intégralement l'article et les liens associés.

 

Buddie et Miller dans Beyond rape myths: A more complex view of perceptions of rape victims. Sex roles montrent que 66% des personnes intérrogées adhéraient aux mythes autour du viol dans une étude utilisant des questions ouvertes. Dans une étude utilisant des questions fermées, (Lonsway et Fitzgerald, Rape Myths. In Review) , entre 25 et 35% des interrogés adhéraient à ces mythes.

Plus ces mythes sont acceptés et partagés collectivement, plus on y croit individuellement et plus l'on risque de violer.

Différentes études ont été menées afin de mesurer la propension au viol (c'est à dire la possibilité que quelqu'un viole). On a posé un certain nombre de questions sans jamais prononcer le mot viol. Par exemple, être avec une femme qui leur dit qu'elle est trop ivre et ne veut pas avoir de relations sexuelles. A un moment donné, elle est tellement ivre qu'elle s'endort. La question dit que l'homme en profite pour faire ce qu'il veut et l'on demande aux personnes interrogées si elles sont d'accord avec son comportement.
A plusieurs reprises, ce type d'études a révélé que 30 à 35% des hommes auraient ce type de comportements.

Les mythes sur le viol servent à justifier l'attitude de ces hommes qui, en acceptant ces mythes peuvent ensuite individuellement se justifier et se dédouaner d'avoir commis de tels actes.

Etudions donc à présent ces mythes :

Les femmes courent davantage de dangers la nuit car on sait bien que les prédateurs opèrent la nuit :

Le comité féministe contre le viol qui gère le numéro vert SOS viols et a pu mener desenquêtes statistiques qui révèlent qu'on viole autant le jour que la nuit. Ainsi selon leurs chiffres, "les agressions sexuelles sont commises le jour dans 45,7 % des cas, la nuit dans 54,3 %." Ce mythe sert juste à contrôler la liberté de mouvements des femmes ; ainsi des cartographies des lignes de métro par fréquentation par sexe montrent que la nuit, le metro devient quasi exclusivement masculin. Pourquoi entretenir des mythes qui sont faux (nous verrons que l'immense majorité des viols se déroulent chez la victime ou chez son agresseur) ?

Les femmes doivent faire attention aux lieux isolés, aux parkings, aux métros :

La même étude montre que le viol a eu lieu dans 67.7 % des cas au domicile de la victime ou de l'agresseur, dans 3.7% des cas dans la rue, dans 0.6% des cas dans un parking. On n'a eu de cesse, ces temps derniers de nous parler de ces imprudentes joggeuses ; le nombre de viols dans un bois ou un bord de route s'élève à 2.2% des cas.

Les viols sont commis par des inconnus :

L'étude menée par le comité féministe contre le viol montre que dans 74% des cas la victime connait son agresseur.

L’enquête Contexte de  la sexualité en France de 2006 souligne que "les agresseurs inconnus restent toujours  une minorité (17%), et que leur proportion décroît dans les générations les plus récentes".

Une étude menée en Angleterre par le ministère de la Justice montre que dans 90% des cas la victime connait son agresseur.

Goaziou et Mucchielli en 2010 montrent que le viol est avant tout un crime de proximité. Les viols familiaux élargis (viols commis par des pères, des beaux-pères, d’autres ascendants, des collatéraux, des conjoints ou des « amis de la famille ») viennent largement en tête, suivis par des viols commis par des copains ou des amis des victimes, par des voisins ou bien encore, à une échelle de plus basse intensité relationnelle, par des relations ou des connaissances, du voisinage ou professionnelles.

Aux Etats-Unis, une étude montre que deux tiers des viols sont commis par une personne connue de la victime.

Les femmes mentent au sujet du viol, parce qu'elles regrettent un coup d'une nuit ou parce qu'elles veulent nuire à un ex partenaire :

Un rapport en Angleterre publié par le ministère de la Justice en juillet 2011 révèlent que sur 5651 accusations de viol, 38 étaient fausses. Le rapport souligne que la moitié de ces fausses déclarations est faite par des personnes très jeunes, souvent en difficulté ou souffrant de maladies mentales. Une partie de ces cas révèle qu'il y a effectivement eu délit ou crime, même s'il ne s'agit pas d'un viol.
Le FBI a mené une enquête révélant qu'environ 8% des accusations de viol étaient non fondées ; cela inclut les non-lieux car rien n'a pu être prouvé.

Les femmes habillées sexy, ou qui vont en boîte de nuit l'ont bien cherché voire ont aimé cela : 

En 2009, le Daily Telegraph du présenter des excuses publiques après avoir fait dire à une étude que les femmes qui sortent, boivent de l'alcool et s'habillent court risquent davantage d'être violées.

Ainsi ce professeur chinois qui affirme qu'il est moins grave de violer une serveuse qu'une "fille bien".

Plusieurs études (dont Rape myth acceptance among college women : the impact of race and prior victimization, Carmody et Washington, Rape myth beliefs and bystander attitudes among incoming college students de Sarah McMahon)  montrent l'importance du mythe de "she asked for it" (elle l'a cherché).
Une tenue vestimentaire, une attitude, un lieu fréquenté, deviennent autant d'éléments prouvant que la victime a, sinon demandé à être violé, un peu provoqué ce viol.

Dans Sexy dressing revisited : does target dress play a part in sexuel harassment cases ?,  Beiner étudie  la corrélation entre une  tenue sexy et des cas de harcèlements sexuels. Elle montre qu'il n'y a aucun lien et que les femmes harcelées ne l'ont pas été pour leur tenue.

Différentes études comme (An Examination of Date Rape, Victim Dress, and Perceiver Variables Within the Context of Attribution Theory de Workman et Freeburg) montrent que ce que cherche avant tout un violeur est une victime qui donne un sentiment de vulnérabilité. La tenue n'est donc pas mise en cause, puisque, d'ailleurs une bonne partie des violeurs ne se souvient absolument pas de ce que portait leur victime. L'interrogatoire de violeurs condamnés montre qu'ils ont tendance à exagérer la tenue portée par leur victime, à la percevoir beaucoup plus provocante qu'elle n'était et à interpréter à peu près n'importe quelle attitude comme provocatrice. Ainsi un sourire ou un salut deviennent, pour le violeur, des éléments de provocation.

Ce sont les jeunes et jolies femmes qui sont violées :

Les victimes sont de tout âge, tout milieu socio-professionnel ; ainsi aux USA, 15% des victimes avaient moins de 12 ans. Les femmes en situation de handicap physique ou mental sont plus sujettes que les femmes valides à subir un viol. Certaines études avancent qu'elles pourraient être 4 fois plus sujettes à des situations de violences sexuelles.
Lorsque Nafissatou Diallo a déclaré avoir été violée, beaucoup ont mis en avant qu'elle était trop laide pour l'avoir été. Les accusés de Créteil ont également mis en avant le physique d'une des victimes lors du procès.

On viole davantage dans certains milieux : 

Viol
Selon l’enquête Contexte de  la sexualité en France de 2006, il y a peu de différence selon la catégorie socio-professionnelle avant 18 ans ; le pourcentage le plus élevé se rencontrant chez les filles de cadres. La fréquence après 18 ans varie de 6% à 10% selon la position sociale personnelle des femmes avec des chiffres un peu plus élevés chez les cadres et chez les artisanes-commerçantes. Les femmes violées existent donc dans toutes les catégories socio-professionnelles.

Si les affaires de viols condamnés par la justice montrent une surreprésentation des auteurs appartenant aux milieux populaires (ce qui est le cas de toutes les infractions), et que les membres des milieux sociaux favorisés sont sous-représentés parmi les personnes condamnées, on peut penser que les faits au sein de milieux aisés sont sous-judiciarisés car bénéficiant d'aides diverses. A l'inverse les populations défavorisées sont davantage surveillées par les services sociaux ce qui permet une plus grande détection.

Les hommes qui violent sont fous : 

S'il a été montré qu'une part des agresseurs judiciarisés a connu une enfance difficile ; carence affective, violences, carence éducative, rien ne conclut qu'ils sont "fous" au sens clinique du terme. Leur passage devant une tribunal et leur condamnation montre d'ailleurs qu'ils sont aptes à être jugés.

Seule une femme peut être violée :

Selon l’enquête Contexte de  la sexualité en France de 2006, 16% des femmes et 5% des  hommes déclarent avoir subi des rapports forcés ou des tentatives de rapports forcés au cours de leur vie (6,8% des femmes déclarent des rapports forcés et 9,1%, des tentatives, et respectivement 1,5% et 3,0% des hommes).

Le viol c'est la testostérone : 

On ne connait pas exactement le rôle de  la testostérone dans le comportement agressif. Une étude sur 146 pédocriminels violents a montré qu'ils avaient un taux de testostérone sensiblement plus important à ceux n'ayant pas été violent (viol sans blessures corporelles). Néanmoins, on constatera qu'il y a eu viol dans les deux cas, que le taux de testostérone a été calculé après les crimes ; il est donc difficile de savoir si le crime a pu faire monter le taux (ou le fait d'être en prison par exemple) ou si le taux a participé au crime. Comme le souligne Fausto-Sterling il est ridicule d'évaluer le comportement d'une hormone isolément des autres ; ainsi l'adrénaline, la progestérone ou la prolactine ont déjà été elles aussi associées à l'agressivité.
Dans l'immense majorité des cas, les violeurs et autres criminels ont un taux de testostérone tout à fait conforme à la norme.
Il n'est guère de discipline scientifique qui continue à strictement séparer nature et culture. L'humain est un animal trop complexe pour supposer qu'un seul de ses comportements serait mu par la nature. Les mâles des autres espèces animales, possèdent pour un certain nombre d'entre eux, de la testostérone, et le viol n'st pas un comportement animal très commun.
Si le viol est du à la testostérone, alors autant convenir que nous ne pouvons rien faire contre et qu'il faut faire avec. Comprenons donc que le viol est éminemment culturel.

Le viol est bien puni : 

Seulement 10% des femmes victimes de viol portent plainte et seulement 10% de ces plaintes aboutiront à une condamnation. Le chiffre est sans aucun doute encore inférieur pour les hommes victimes. Une partie des plaintes pour viol est requalifiée ; c'est à dire qu'on requalifie un viol (un crime) en agression ou atteinte sexuelle qui ne sont plus que des délits  avec, evidemment une peine de prison inférieure.

Source 2...........

 http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=890&themeid=331

 

Les violences des hommes

« Les femmes, mais qu’est - ce qu’elles veulent ? »
Sous la direction d'Henry Lelièvre 
Colloque organisé par Le Monde Diplomatique au Mans. Octobre 2000 
Éditions Complexe. 2001. 
p. 129 à 154

Depuis près de vingt ans, avec beaucoup d’autres femmes et très peu d’hommes, j’ai participé à des nombreuses initiatives pour dénoncer les violences des hommes sur les femmes : lettres ouvertes, appels solennels, campagnes de presse, pétitions, émissions, colloques, séminaires, publication de revues, d’articles, de livres…. 
Au terme de ce bilan, si nous avons pu obtenir de notables succès, le résultat est cependant globalement négatif quant à la simple reconnaissance de la réalité de ces violences. 
J’ai donc pensé que, peut être, simplement, faudrait-il décrire ces violences telles qu’elles se manifestent.
Pour ce faire, j’ai décidé, en utilisant mes archives de presse, de citer les moyens utilisés par ces hommes pour frapper, violer, prostituer, torturer, contraindre au suicide, assassiner
Dans un deuxième temps, j’ai décidé, en utilisant les archives du Collectif féministe contre le viol, de transmettre - pour celles qui ne sont pas décédées - la parole des victimes. 
Je précise que dans le deux cas de figure, je n’ai utilisé qu’une infime de mes archives comme de celles des associations, lesquelles, elles-mêmes, ne recouvrent qu’une infime partie de la réalité et de la gravité de ces violences.

***

Je voudrais à cet égard auparavant faire une comparaison avec le racisme.

I. En France, la question des violences masculines…

En France, chacun-e sait qu’un crime commis par un blanc sur une personne d’une autre couleur de peau ou d’une autre origine n’est pas toujours raciste. Mais, à tout le moins, la question est posée. Et la réponse - dont il est parfois tenu compte - souvent confirmée. En tout état de cause, le racisme est une donne politique. Et est présentée, à juste titre, comme une avancée progressiste, pour la défense de laquelle quelle on doit toujours se battre.

Il en est tout autrement concernant les violences des hommes sur les femmes. Surtout en France qui ne se proclame pas impunément : " la patrie des droits de l’homme ".

* En France, on peut sans problème publier des livres, écrire des articles, chanter des chansons qui provoquent, justifient, légitiment, glorifient cette violence, exacerbent la haine des femmes, ouvertement anti-féministes. C’est même souvent un moyen privilégié de promotion individuelle. 
Quant à " la liberté d’expression ", telle qu’elle est actuellement mise en œuvre, elle garantit aux propriétaires de presse le droit d’occulter, de censurer, de travestir, de caricaturer, de faire violence aux femmes et aux féministes, tout en leur [nous] interdisant de les dénoncer. Ainsi, nous n’avons pas de recours juridique pour dénoncer les apologies de la violence que propage, par millions d’exemplaires, chaque semaine, la presse pornographique. 
Et alors que les femmes et les féministes n’ont globalement pas d’accès aux médias — et lorsque c’est le cas, si tard, si peu et si mal — ce sont elles qui sont, par certain-es, sans crainte du ridicule, accusées d’être les actrices de la " censure ".

*En France, on peut actuellement être ministre et avoir battu sa femme.

*En France, on peut proposer une vison totalement tronquée de l’histoire, de l’histoire des sciences, de l’art, de la littérature, de la politique, du droit qui occulte l’apport des femmes et les féministes, évacue la question de leur silence, fait l’impasse sur la domination masculine sans que ce mensonge - fondateur de toute société - ne dérange la communauté scientifique, le monde politique, la presse, les intellectuel- les.

*En France, on peut publier des centaines d’articles et de livres sur Sade en évacuant la question de la justification des violences à l’encontre des femmes.

* En France, on peut publier des tonnes de livres sur le socialisme, sans même évoquer les écrits du" père du socialisme français ", Proudhon, qui avait ainsi formellement cru bon préciser les six circonstances qui justifiaient le meurtre des femmes : " Cas où le mari peut tuer sa femme, selon la rigueur de la justice paternelle : 1° adultère ; 2° impudicité ; 3° trahison ; 4° ivrognerie et débauche ; 5° dilapidation et vol ; 6° insubordination obstinée, impérieuse, méprisante  ".

*En France, on peut intituler un groupe musical " Nique Ta Mère " sans que la question de la justification des violences à l’encontre les femmes - ici, des mères - ne soient, à quelques rares exceptions près, là encore, dénoncées par l’establishment politique et intellectuel.

Chacun-e peut continuer ce simple constat que je dois arrêter, faute de place.

Ce qui est sûr, c’est que l’injonction de " rire de tout " et de " ne pas avoir le sens de l’humour " qui est faite aux femmes et aux féministes, que la critique que l’on nous oppose de ne pas comprendre à quel niveau serait située " la pensée " de ceux qui nous humilient nous ridiculisent , nous injurient et nous violentent [le fameux " second, troisième degré "] relèvent de l’intimidation, ont pour fonction de nous empêcher de penser par nous mêmes et de nous faire taire. Et ainsi de perpétuer le bon droit des hommes à nous humilier, nous ridiculiser, nous injurier, nous violenter. Bref à maintenir la domination masculine et tous les privilèges politiques, économiques, sexuels, symboliques, qui lui sont attachés. Et dont chaque homme bénéficie.

En tout état de cause, ce qui est sûr, aussi, c’est que si on ne riait pas, on entendrait beaucoup de hurlements.

II. Les moyens, les outils de la violence des hommes

Parmi les moyens employés pour violer, agresser, prostituer, frapper, torturer, tuer, j’ai relevé dans la presse - lorsqu’elles étaient explicitement évoquées — les armes, les moyens, les outils pour violenter, pour tuer ces femmes.  
- " À coups de fusil de chasse ", " de deux décharges de chevrotine ", " de trois coups de fusil de chasse ", " de quatre coups de revolver ", " par des tirs d'arme à feu en pleine tête ", " d'un coup de fusil à pompe calibre 12 ", " par une arme de petit calibre " , " d'une balle de 22 magnums ", " avec un pistolet à grenades ", " d’un coup de revolver posé sous menton ", " un pistolet braqué sur la tempe "
- " Poignardée avec un couteau de cuisine ", " d'un coup de couteau planté dans le sein gauche ", "poignardée à l’abdomen ", " un couteau enfoncé dans le rein sur 15 à 18 centimètres ", " à coups de hachette ", de " onze coups de couteau ", " de seize coups de couteau", " de dix-neuf coups portés par une arme blanche ", " d’une vingtaine de coups de couteau ", " de cinquante coups de couteau ", " le visage profondément lacéré au cutter ", " un couteau planté dans le dos ", " à coups de ciseaux ", " éventrée au sabre ", " de vingt coups d'épée", " de six coups de poignards ",
 " à coups de hachoir"  " décapitée à la hache ", " poignardée ", " frappée de huit coups de machettes derrière le crâne puis tuée d’une balle dans la tête ", " égorgée ", " seins (proprement) découpés au scalpel, ainsi que l’utérus, tête et mains tranchées "
- " Le crâne fracassé par une hache et un marteau ", " frappée avec des objets contondants ", " avec une barre de fer ", " à coups de marteau " , " à coups de manche de pioche ", " avec un fer à repasser ", " de plusieurs coups de râteau ", "  avec une ponceuse et au chalumeau ", " les deux jambes brisées à coups de jambes de base-ball "
- " Ébouillantée ", " brûlée, après avoir été arrosé d'eau de Cologne ", " transformée en torche vivante après avoir été aspergée d’essence ", "  brûlée avec de l’essence après avoir été blessée à coups de machette "
- " Etranglée après 48 heures de martyre ", " étranglée avec un lacet, puis frappée à coups d’haltères ", "  étranglée avec une ceinture "
- " Etouffée ", " violée et étouffée sous le poids de son agresseur ", " ligotée, baillonnée et assassinée "
- " Jetée par la fenêtre du 6e étage "
- " Noyée dans un bidon d’eau "
- " Blessée à coups de pierres ",
 " rouée de coups " 
- " Violée et torturée "
- " Jetée d’une voiture " 
- " Assassinée puis dépecée ".

III. Les manifestations cliniques de la violence des hommes

J’ai relevé dans les archives des associations, et dans la presse, quelques manifestations de ces violences : 
" Mâchoires décrochées ", morsure ", " fracture du crâne ", " fractures du nez, hématomes sur tout le corps, éclats de verre dans les seins ", " la tête claquée contre les murs ", " le col du fémur cassé", "le tympan déchiré ", " hémorragie cérébrale ", " taillade faciale ", " déchirure de la rétine" ; "pied écrasé ", " les phalanges de trois doigts arrachés ", " lèvres fendues " ; " cuir chevelu éclaté ", " jambe cassée ", " vertèbres dorsales et muscles abîmés ", " amputée des doigts, orteils et du nez après avoir été brûlée, par brûlure au troisième degré par aspersion d’essence ", " le corps retrouvé atrocement mutilé ".
Un diagnostic décrit : "une  découpe en pointillé, partant de la région entre l’urètre et la clitoris, d’une profondeur allant de trois à six centimètres, entre la muqueuse et la peau, faite comme pour enlever le vagin et vraisemblablement à l’arme blanche ".

Une petite fille de 4 ans a " une perforation et des cicatrices vaginales "…

***

Je poursuis, en reproduisant, cette fois, les propres termes de ces femmes, quelquefois des mères qui parlent des violences faites à leurs enfants.

IV. Le contexte, les circonstances, les manifestations de la violence des hommes

Une petite une fille âgée de 5 ans et demi est contrainte " pendant une semaine de  sucer le sexe du fils de sa nourrice ", une autre a dû, de l’âge de 5 ans à 10 ans, " lécher le sexe de son oncle ".

Une mère raconte : " En octobre dernier, ma fille de 6 ans m’avait déjà dit des choses, je n’y avais pas fait attention. Elle ne voulait plus aller à la cantine. Il y a trois semaines, elle m’a redit qu’un garçon [de sa classe] avait mis un bâton dans son zizi et elle a redit que c’était à la cantine et quelle en voulait plus y aller. Elle a décrit des choses qu’un enfant de son âge ne peut inventer. Je suis allée voir la directrice qui ne veut rien entendre. Je l’ai emmenée chez une psychologue. La première fois, elle a refusé de parler. La deuxième fois, elle a fait un dessin représentant des fesses avec un bâton dedans ".

Une jeune fille de 20 ans, dépressive, raconte : " J’avais 10 ans et j’allais jouer au vélo, avec d’autres enfin, chez un voisin, directeur de société (55 ans) qui avait un grand garage. Un jour, j’y suis allée seule. Il a essayé de me sodomiser, j’ai pu m’échapper, mais il m’a rattrapée, a fermé la porte et m’a obligée à le tripoter ".

Une jeune femme de 26 ans violée par son père de 13 à 18 ans raconte que son " père [qui] mettait des préservatifs " lui disait : " Je vais t’apprendre à être une femme ". Une jeune fille raconte : " Mon père a commencé par des attouchements ; c’était tous les jours. La première fois qu’il m’a violé, je me suis laissé faire. Je me disais que quand il l’aura fait, il me laisserait tranquille. Hélas, non, quand il a recommencé, comme je me débattais, il m’a rouée de coups et a réussi à me violer ". Une jeune femme de 32 ans, violée vers quatre ans par son père dit : " J’ai des éclairs de souvenirs que je ne situe pas. Je me rappelle juste qu’une fois lorsque mon père m’avait violée, j’ai eu si mal que j’ai hurlé dans la nuit. Le lendemain, mon oncle a demandé à son père ‘pourquoi la petite avait hurlé’. Il a répondu 'qu’elle avait des cauchemars’ ".

Une jeune fille de 13 ans est violée par son père qui " la pénètre avec sa langue ", un autre père, lui aussi violeur, lui faisait " lui-même des piqûres pour faire revenir ses règles ".

Une jeune fille de 14 ans raconte : " L’ami de [mon] père est gynéco. Je lui avais parlé une première fois de douleurs au ventre. Depuis quelques semaines, il me demande de me déshabiller pour m’examiner. Je n’ose pas en parler à ma mère ".

Une mère se remémore ce dont ses filles lui ont fait état : " Mes filles de 16 ans et 18 ans sont allées en Bretagne en week-end chez des cousins. Le soir, le cousin, âgé de 50 ans, a voulu réchauffer les filles qui avaient froid. Il leur a massé les pieds, leur a dit de le masser et s’est mis tout nu sur le lit. Elles ont été très effrayées. La plus jeune n’avait jamais vu d’homme nu et tremblait. Il aurait réussi à enlever la culotte de la plus jeune. Il avait eu une opération pour occlusion intestinale et avait des coutures et des tuyaux partout. Elles ont pu se sauver et se sont enfermées dans une chambre. La plus âgée a dit que si elle n’avait pas été là, la plus jeune aurait été violée. Depuis ce week-end, elle est devenue insupportable et agressive ".

Une jeune fille de 15 ans dit que " son prof d’histoire-géo lui a proposé des cours particuliers pour rattraper son retard ". Au premier cours, il l’a violée et " menacée de la tuer " si elle parlait.

Une jeune fille a été violée " par une bande ". Un seul l’a pénétré. Ils ont tabassé son copain et l’ont entraînée dans les sous-sols. " Quinze personnes regardaient ".

Une jeune fille de 18 ans et demi est restée coucher après une fête chez des copains. Elle trouvait un garçon sympa. " Je n’avais pas l’intention de faire l’amour. On jouait à se faire des caresses. Il s’est foutu de ma gueule, ma dit que j’étais une oie blanche, qu’à 18 ans, toutes les filles ont des rapports sexuels et que si on accepte des caresses, on couche. Il m’a forcée et ça a été horrible. Ce n’était pas comme ça que je voulais faire l’amour la première fois. Je n’étais pas prête ".

Une jeune Algérienne, majeure, veut épouser un Français. Sa famille veut la reconduire au pays pour la marier. Elle est décidée à se défendre. " Pour la punir ", son frère de 23 ans l’a battue et violée. Une autre est violée , la veille de son mariage par son frère policier " qui n’acceptait pas qu’un autre homme[la] touche ".

L’une, en instance de divorce et dont le mari est " très violent " raconte : " J’ai a été violée par deux hommes qui sont rentrés chez moi avec une clé ". Elle pense que " ce sont les copains de son mari ".Une autre constate : " J’avais un copain, j’en ai rencontré un autre. Pour se venger, il m’a violée ". Une dernière dit enfin : " J’ai été violée, sodomisée avec brutalité, sous la menace d’un couteau, un chiffon dans la bouche ", par un homme qui a sonné chez elle, après que son ami a été appelé au téléphone et ait quitté le domicile.

L’uneraconte  : " Il est rentré chez moi, malgré moi. Je ne le connaissais pas. Il a voulu m’embrasser et je ne voulais pas. Il m’a sodomisé et est rentré dans le vagin et puis il est allé se laver les mains. Il m’a volé de l’argent et il est parti ".

L’une est agressée " tous les jours depuis son mariage et régulièrement violée sous la menace d’un couteau" .Une autre est violée " systématiquement " par son mari : " Je veux qu’il respecte mon consentement. J’ai voulu le préserver, lui et la famille. Mais aujourd’hui, je craque ". Une troisième, enseignante de 30 ans dont le mari est ingénieur informaticien décrit : " Mon mari m’écartèle sur le lit, même quand je suis en larmes, il a ce qu’il veut. Je refuse de me faire blesser. Il me viole. Ma mère m’a dit que c’était à la femme de faire des concessions ".

Une jeune femme de 45 ans raconte. " Je voulais aider une jeune fille de 19 ans que j’aimais bien. Celle-ci m’a demandé de coucher chez elle. Son père est rentré tard dans la nuit. Il a sauté sur sa fille et sur moi et nous a obligées à faire l’amour ensemble, puis il nous a violées toutes les deux après nous avoir battues ".

Une femme " qui pratique l’échangisme avec son mari " se souvient : " On est arrivé au rendez-vous, il y avait trois personnes, trois hommes et non pas un homme et une femme. J’ai été obligée par la violence à toutes les pratiques sexuelles, y compris ’anormales’ par [son] compagnon avec les deux autres hommes ".

Une femme mariée fait état d'une soirée où elle avait été invitée : " J’ai été invitée à dîner par un homme.  Ils sont venus à deux ". Au moment où je suis partie rejoindre sa voiture, ils lui " font des menaces de mort, sur elle, sur son mari, sur son chien et tentent d’arracher sa portière ". Ils la" poursuivent en camionnette, la rattrape au feu rouge, l’emmènent dans une chambre d’hôtel, la ligotent et la violent ". À six heures du matin, elle parlemente pour avoir les mains libres et réussit à s’échapper.

Une femme raconte qu’elle attendait le P.C à minuit, porte de Charenton : " Trois hommes l’aveuglent avec une bombe lacrymogène ". Ils l’emmènent Bois de Vincennes où elle est violée dans une voiture. Une autre rentre vers une heure du matin de chez une amie. Sa voiture accidente un fourgon. Trois hommes en sortent pour faire un constat, puis ils " ont demandé des dédommagements en nature ". Ils l’ont tous les trois violés.

Une jeune fille de 21 ans, vierge, a été agressée par un inconnu, " un sadique ". Elle a subi " des trucs qu’elle n’aurait jamais imaginés de sa vie ".

Une aide-soignante à domicile " pour handicapés " dit qu’elle travaillaitchez un homme de 55 ans, handicapé moteur, père de deux fils de 25 et 20 ans, handicapés cérébraux. Elle s’occupe de la toilette du père " qui était en érection ". Les fils rentrent dans la pièce. L’un s’approche d’elle, lui " arrache sa blouse puis son slip pendant que l’autre la maintient ". Ils " la forcent à se mettre à genoux, pour qu’elle fasse une fellation au père ". Pendant ce temps, l’un " se déshabille et la sodomise ".

L’une qui " a toujours fait l’amour dans le noir " a [surtout] été " traumatisée ", parce que le violeur " l’a déshabillée et a vu son corps ". Il l’a aussi " obligée à faire des choses qu’elle ne connaissait pas ".

L’une est " en sang ", l’autre, violée avec une arme sur la gorge, est " sodomisée et contrainte à une fellation parce qu’elle avait ses règles ", la troisième a été " déshabillée, attachée à un arbre, mordue sur les mamelons et rasée ".

L’une a été violée dans un train par trois homme, " chacun deux fois ", " devant et derrière ". Une autre dit que " lors d’un bizutage, [on lui a] enfoncée une carotte dans l’anus ". Une troisième dit que son patron lui " enfonçait des courgettes dans l’anus ". Une dernière dit que l’homme qui (l’a) violée, " m’a pissée dessus et m’a obligée à avaler l’urine ". L’une dit que l’homme qui l’a violée lui a imposé de lui "lécher les couilles et (d’) avaler le sperme ", l’autre que " deux hommes (lui) ont enfoncé une canule et de l’eau dans l’anus et (l’) ont ensuite sodomisée ", tandis qu’une troisième dit que l’homme qui l’a violée lui a" enfoncé (son) son soutien gorge dans le vagin ".

L’une se souvient : " Entre les sévices et les tortures, le maquereau (me) faisait embrasser une très grande croix qu’il portait au cou en (me) disant :embrasse la mort'" . La seconde décrit le viol : " Ils m’ont suivi, attachée, mis un collier étrangleur autour du cou et traitée de ‘chienne’, tout en (lui) disant : " Si tu parles, on fera la même chose à ta mère ". La troisième dit : " Il était cagoulé, en treillis. Il m’a fait enlever ma chemise de nuit, m’a mis un godemiché entre les cuisses et m’a fait faire une fellation ".

Une femme enceinte de 3 mois et demi est " séropositive à la suite du viol ".

L’une dit : " J’ai vu la mort de près ", l’autre : " aucune femme n’a vécu ce que j’ai vécu ".

V. Le vécu des violences

L’une dit " Ca fait mal. C’était la première fois ". L’autre, violée par son parrain qui, depuis l’âge de 9 ans, lui introduisait son doigt dans le vagin dit : " Ca [me] faisait très mal ". L’une a été " pétrifiée de peur ". L’autre dit : " J’ai beaucoup souffert ". Nombreuses sont celles qui se sont senties " souillée ", " traumatisée  ", " bafouée ", " disséquée comme un animal ", " humiliée , "meurtrie ",  " anéantie", " détruite ". 
L’une enceinte de 3 mois et demi est "séropositive à la suite du viol ".
L’une dit : " tout le monde voit que je suis salie ".
L’une " peut à peine parler ". Une autre " n’est pas capable de soutenir une conversation ". Une troisième a " besoin de parler, d’être rassurée ". Une dernière enfin a " envie de se faire materner ".
L’une décrit : " Ma tête, c’est pire que les images à la télé. Ça défile. Je revois toutes ces horreurs ".L’autre dit : " Je traîne encore des traces. Mais parfois les souvenirs remontent trop douloureux ". Une autre est "perturbée par des flashs du visage du père ". 
L’une rêve de " scènes violentes où elle est toujours visée ". Une autre " qu’elle vomit des parties sexuelles d’hommes ". Et une troisième, qui découvre qu’il y a prescription, " est révoltée de penser qu’il court toujours, qu’il a une belle vie, tandis qu’elle, elle reste avec ses cauchemars ".
L’une avait un ami, des amis, avant le viol. Elle n’a voulu en parler à personne, alors tout le monde l’a quittée : " Le non-dit a coupé les relations ".
L’autre " n’a pas la force d’aller en cours, ne veut pas faire de projets ". La troisième " ne travaille pas, n’a aucun désir, aucun projet ".L’une " a des difficultés scolaires ". L’autre qui a été violée par le veilleur de nuit de l’établissement " est mauvaise élève et perturbatrice dans l’établissement solaire ". La troisième " ne veut plus aller au cours où elle risque de rencontrer le violeur ". La dernière a fait quatre fugues en deux ans.

L’une " ne sort plus, ne mange plus, ne dort plus ". L’autre est " bloquée , murée ". La troisième est " dans un état lamentable ". La quatrième , dans " un état de confusion psychologique ", " s’est mise à boire ". Une dernière qui"  a été dans le brouillard pendant quatre ans " est " malade depuis deux ans ".Beaucoup " ne font que pleurer ".
L’une " hurle quand elle entend prononcer le mot viol ", tandis qu’il"  donne envie de vomir " à une autre. Une troisième a " les doigts crispés dès qu’elle repense au viol, surtout à la pénétration ".
L’une a " des évanouissements (et) est très fatiguée ". L’autre a des " insomnies ". La troisième des" vertiges ". Laquatrième violée à 14 ans par son père"  fait de l’anorexie depuis cet âge et a des aménorrhées ". La cinquième " vomit sans arrêt et a envie de se suicider ". La sixième " qui n’en a jamais parlé à personne " a des " crises de boulimie depuis l’âge de 12 ans ".L’une violée et sodomisée " a des hémorragies, tandis que ses hémorroïdes - qu’il a fallu ligaturer - sont ressorties ". Depuis (le viol) " elle ne va plus à la selle et a trois lavements par semaine ". 

L’une " enfle de partout ", l’autre a " rapetissé ".
L’une " voit du sang partout ", l’autre n’a " plus de règles depuis un an ". 
L’une est " en état de vigilance continuelle qui lui prend toute son énergie ". L’autre se " sent agressée par tous les contacts, tactiles ou verbaux et se sent entourée de dangers ".
L’une dit : " C’est comme si je n’avais que mon corps et que je n’avais pas de tête". 

L’une " se lave tout le temps et déteste son corps ". L’autre " ne peut se regarder dans une glace ". 
L’une " dort tout habillée pour se protéger ". L’autre a " a mis de barreaux aux fenêtres ". 

L’une ne " ne veut plus sortir le soir, même en taxi ". L’autre " ne peut plus prendre les transports en commun" . La troisième a " mis sept mois à se réinstaller chez elle, une heure puis deux heures par jour ". 
L’une " voudrait mourir ", l’autre " se suicider ", la troisième " a envie de se foutre en l’air à cause de cette saloperie ", la quatrième dit que " si le procès se passe mal, elle se jette par la fenêtre ".
L’unea été traitée " d’allumeuse" , la seconde de " garce ", la troisième de " salope ", la quatrième de " pute ", la cinquième de " conne" , la sixième de " folle " (pour avoir dénoncé les violences sexuelles sur sa petite fille de 3 ans par un voisin de 12 ans), la septième de " chienne " par celui qui l’a violée. 

Une autre a été immédiatement mise à la porte pas ses parents " parce qu’elle a déshonoré la famille ".Une dernière en a simplement" marre des ragots ".

Une jeune fille parle à sa mère des violences sexuelles du grand-père. Elle a simplement dit : " Oh le salaud, le cochon ! " . " Et c’est tout " constate-elle. 
L’une dit : " J’ai été  violée à 16 ans par son employeur, plusieurs fois. Ma mère était pauvre, je n’osais rien dire. À la suite de ces viols, j’ai été hospitalisée et violée par un infirmier. Je me suis mariée, mais je n’ai jamais oublié ces viols ". 
L’autre dit : " J’ai été violentée longtemps et je suis meurtrie. J’ai été victime d’attouchements par un employé de mon père. Ça n’a jamais été reconnu. Delà un comportement de victime. J’ai eu deux maris violents. J’ai divorcé deux fois ".

VI. Les relations avec les autres hommes

L’une violée depuis trois ans par son père avait " un petit flirt ", mais " a dû rompre pour éviter qu’il pose trop de questions" . Une autre, violée depuis l’âge de 13 ans et demi entendu son copain dire qu’il " aurait pu tomber sur une fille propre ".L’une a dû " annuler son mariage ", l’autre, qui était vierge, a été violée par son beau-frère lors d’un pique-nique est " surtout ennuyée pour son copain et pour les histoires de famille que la révélation provoquera ". 
L’une n’a plus revu son ami " tout à fait désemparé " après qu’elle lui ait parlé du viol : " Il est reparti en province et n’a pas donné de nouvelles depuis deux mois ". La seconde " a été larguée par son petit ami de l’époque. J’ai retrouvé un autre copain qui, lui, aussi n’a pas supporté ". Un autre " copain " a dit être" dégoûté ". 
L’une violée par un collègue de travail qui l’a enfermée dans sa chambre, est traitée de " conne " par son mari pour avoir " accepté d’écouter une cassette ".L’une violée par son père et son oncle de 7 à 16 ans est " considérée comme une putain par son ami quand il a appris ce qui s’était passé ".
L’une dit : " Avec mon mari, il n’y a plus rien. Il a eu une aventure après mon viol…une sorte de vengeance ". 

L’une constate que " son compagnon actuel semble très compréhensif et l’aide vraiment ", une autre dit que son mari " ne voit pas pourquoi elle n’arrive pas à être heureuse ", une troisième " a un ami très gentil pour elle ; elle culpabilise parce qu’elle lui gâche la vie, car elle a du mal à accepter qu’il la touche ". Un mari dit enfin : " Tu n’as qu’à mettre ça dans un tiroir dans un coin de ton cerveau ".
L’une qui s’est " accrochée à son mari comme à une bouée " dit qu’elle est " au bord du divorce ". Elle ne " supporte plus les relations sexuelles avec lui ". Elle a eu " un blocage depuis le début en plus de douleurs physiques et des nausées. [Son] mari perd patience. Au début, elle " faisant semblant ". Elle ne peut plus. Il s’en aperçoit. Il ne peut se contenter d’un rapport par mois et il parle de divorce ".
L’une souhaite des relations sexuelles avec son mari, mais ne supporte pas d’être sodomisé, car ça lui rappelle le viol. Celui-ci, " au contraire, considère que puis qu’elle a fait ça avec les violeurs, elle peut la faire avec lui ". Un mari dit qu’elle " l’a cherché ", un autre :"  tout le monde t’a eu, sauf moi ". Il ira cependant au procès. 

L’une " ne supporte pas qu’un homme la touche ", l’autre " ne peut avoir de relations sexuelles avec personne, elle voit toujours la tête de son violeur ", une dernière, qui se décrit comme " elle même assez colorée " a été violée par son beau-père Martiniquais. [Depuis] " elle a une phobie des Noirs ".
L’une exprime " sa tendance à se dévaloriser, à s’autodétruire, en couchant avec n’importe qui, sans en gagner d’affection ".  
L’une, victime de violences sexuelles dans son enfance, " ne supporte aucune pénétration ". Une seconde dit quelle est " frigide ", se considère comme " homosexuelle " et affirme : " Je suis détruite ", une troisième constate que " ses relations avec les hommes n’aboutissent jamais ", une autre, enfin " a eu des problèmes sexuels au début, mais a régi très vite pour ne pas donner raison au violeur ". Une dernière qui se décrit elle aussi comme " frigide " vit seule et constate : " Je voyage beaucoup. C’est ma façon de m’évader ".
Beaucoup constatent qu’elles ne peuvent plus avoir de relations sexuelles. 

L’une se " sent mal quand les copines parlent des garçons ", une autre " a des frissons dans le dos chaque fois qu’elle croise un homme ", une troisième " ne supporte plus les hommes ", une quatrième les" méprise ", une cinquième " les hait ". Elle dit qu’elle " va mal parce qu’elle a été punie et pas eux ". Une sixième " souhaite la mort de son père et ne veut pas porter son nom ". Une dernière, enfin, dit qu ’" elle n’a pas de haine, mais pense de temps en temps au suicide ".

VII. Les conséquences des violences sur la maternité, sur les enfants

L’une, violée alors qu’elle était très jeune, dit qu’elle " n’a jamais eu de désir d’enfant " et a décidé de deux IVG, une autre " ne veut plus d’enfant ", une troisième " n’arrive pas à avoir un enfant ". 
L’une a été violée à 5 ans par son père. Elle a un copain, ils décident d’avoir un enfant :" la grossesse lui est insupportable ". L’une, lors de son premier accouchement, s’est remémoré une " pénétration digitale que lui avait imposée un voisin ". Elle avait eu " une très mauvaise adolescence ", tandis que " des troubles psychologiques graves (sont apparus) après l’accouchement ".
L’une, 19 ans, violée à 16 ans, enceinte, a " tué son bébé ".L’une qui se présente comme " bonne à tout faire " violée par un ami de son patron dit : " J’ai eu une enfant du viol. C’est une fille. Elle a 35 ans maintenant, elle est mariée et a deux enfants. Ma fille sait quelle est issue du viol. Elle va bien. Moi, je n’ai jamais oublié ". L’autre se sent coupable car " elle n’a pas pu aimer son fils " (qui est l’enfant du viol et qui se drogue) " comme elle l’aurait dû ". " Je l’ai rejeté " dit-elle. La troisième, alors qu’elle venait d’accoucher de son premier enfant, a " été violée par (son) meilleur ami", envers lequel, elle dit avoir" une haine permanente ". Elle est enceinte suite à ce viol. Son mari lui a dit : " C’est bizarre, on n’a eu(ce mois-ci) qu’un seul rapport’. Elle dit : " Je n’ai pas été capable d’avorter. Ma fille ressemble au violeur. J’ai peur de mes réactions ".
Une jeune fille enfin (17 ans) enceinte, ne sait pas qui est le père de l’enfant : " L’enfant peut être du violeur ou de son ami ". 
Une femme âgée, violée à 14 ans par son père, accouche à 15 ans d’une fille. Elle a ensuite six enfants et elle dit : " Les violeurs sortent de prison. Moi, ça fait 36 ans que je suis en prison. Je traîne un boulet tous les jours et ça dure ". Elle poursuit :"  Ma fille ne m’aime pas, elle fait des bêtises, maintenant. Elle a une fille. On lui a retiré la garde pour la donner au père ".

VIII. Les désirs

L’une violée par son père a l’âge de " six, sept ans ", "voudrait se souvenir ". 
L’ une dit de l’homme qui l’a violée : " Je lui en veux, je veux le faire payer, je veux porter plainte. Je voudrais que quelqu’un lui dise que c’est dégueulasse ce qu’il a fait ", l’autre dit : " Je veux qu’il me demande pardon. Je veux lui dire ", la troisième, violée par son père "voudrait que [sa] mère s’en aperçoive " [et]"  que ça s’arrête ", la quatrième dit " Je veux que ça cesse. Mais comment ?". La dernière enfin affirme qu’elle " a envie de faire sa vengeance elle même ".
L’une dit : " Je ne suis pas prête à porter plainte. J’ai surtout besoin de parler ", l’autre veut rencontrer des " gens qui la comprennent ; elle ne veut pas voir des gens qui lui donnent des conseils ". 
L’une dit : " Je voudrais rencontrer d’autres femmes qui ont subi les mêmes choses ", l’autre aussi, pour savoir " comment elles réagissent " [et si elles vivent] mieux après trois ans ". 
L’une dit : " J’aimerais pouvoir revivre. Refaire l’amour ". 
L’une dit : " Je voudrais que tout s’arrange, être bien dans ma peau, ne pas perdre mon ami, ne pas vivre dans l’angoisse actuelle ".

IX. Les peurs, les craintes

L’une, âgée de 12 ans, a été violée par trois " copains " de 16 ans. Elle " n’a pas encore eu ses règles ".Elle " n’ose pas en parler à ses parents qui sont très sévères ". L’autre, âgée de 14 ans est violée par son père depuis l’âge de 11 ans : " Ma mère sait, elle est alcoolique. Mon père me bat. J’ai des traces de violences sur tout le corps. Je n’ai rien dit depuis 3 ans, alors, si je parle aujourd’hui, personne ne me croira ". 
L’une a été violée, alors quelle était enceinte de 2 mois, tandis que le viol a eu lieu devant sa petite fille de 7 mois. Le père dit qu’elle dort mal. La mère demande : " Qu’est-ce que ça va faire " (à la petite fille) et demande s’il y a " un risque " pour le fœtus. 

Une femme de 40 ans violée dans un sauna par deux inconnus. Ils lui " ont enfoncé une canule et de l’eau dans l’anus, puis l’ont ensuite sodomisée ". Elle " a peur que ses intestins éclatent ". 
Nombreuses sont celles qui ont peur de ne plus pouvoir avoir de relations sexuelles. 

L’une a peur que " cela dégoûte son compagnon ", l’autre " a peur que son mari la quitte parce qu’ils n’ont plus de relations complètes, (tandis que) ses  collègues lui conseillent d’aller 'voir ailleurs’ ".La troisième craint la réaction de son mari : " Il va le tuer si je lui dis ". 
L’une a peur de " rester seule ou de voyager la nuit ". L’autre, violée trois fois, " a peur de mettre des jupes ". 
L’une est " surtout inquiète parce qu’un autre gars a pris des photos. S’il les montrait, elle n’aurait plus qu’à quitter le pays ". 
L’une " a peur pour (sa) petite sœur ", l’autre " a peur de tout le monde, surtout des jeunes hommes ". 

L’une, violée, est rappelée chez elle au téléphone ; le violeur " a peur quelle porte plainte et essaie de transformer le viol en rencontre et relations sexuelles ". Il cherche à la revoir. Elle a peur. Et si elle change de téléphone, elle craint qu’il connaisse son adresse.
L’une dit que si elle ne dépose pas plainte, " ce n’est pas parce qu’elle a honte ", mais parce qu’elle a" vraiment peur des menaces de mort ". L’autre craint que le violeur à la sortie de prison " vienne la tuer " car il lui a dit qu’" il se vengerait " et il connaît son adresse. La troisième doit aller à une" reconstitution ". Cela " la terrifie parce qu’elle pense que ce sera sous les yeux du violeur qui, à son avis, habite dans le quartier ". La dernière, violée par son cousin dit : " A chaque réunion de famille, il est présent et m’humilie. C’est un adepte des arts martiaux. Il tente souvent de la mettre K.O ". Elle a très peur de lui.

X. Les questions posées

L’une âgée de 13 ans violée par son père depuis l’âge de 7 ans " a peur d’être enceinte ", car " la dernière fois, elle n’a pas senti le liquide ". L’autre " se demande si les viols peuvent être à l’origine de ses fausses couches ". 
Une mère demande : " Ma fille a subi une sorte de viol par un enfant de 6 ans. Est-ce possible ?".
Une jeune fille de 13 ans était chez des amis. Pour dormir, on l’avait mise dans un studio à l’étage supérieur. Elle était dans un lit, son cousin sur un matelas. Le lendemain, elle s’est réveillée, elle avait mal au sexe, son cousin était sur elle. Elle ne sait pas ce qu’il lui a fait. Elle " voudrait savoir si elle a été violée ".
L’une"  est très troublée car elle n’était pas du tout consentante et le viol lui a procuré du plaisir et elle ne sait plus où elle en est ". Une autre, violée par trois hommes, " se sent très mal car elle a eu un orgasme " et se demande"  si elle est normale ".
L’une demande : " quand on est saoule, qu’on sort de boîte, qu’on est agressée, est-ce que c’est une agression ? ",une autre à qui l’on a reproché de porter des minijupes," ne sait plus comment s’habiller ".
Plusieurs posent la question :"  Est-ce qu’il y a des femmes qui s’en sortent ? ". 

L’une, âgée de 16 ansdemande " Pourquoi ils font ça ? ". Une autre enfin " ne comprend pas qu’on puisse faire des choses comme ça ".

XI. Les difficultés de parole, de la plainte

L’une harcelée par l’ami de sa mère " n’ose pas lui en parler ", car celle-ci " est très amoureuse de son ami " et qu’elle " ne veut pas lui faire de peine" . L’autre a peur que si elle parle à sa mère (de la violence du père), celle-ci " se retourne contre elle ". Son père lui avait dit en outre que " sa mère ne la croirait pas ".Une troisième, prostituée, avait parlé à sa mère des violences que lui imposait son père : elle " l’a placée à l’Institut du Bon Pasteur ". 
Une jeune fille violée il y a quatre mois n’a porté plainte que depuis trois mois, parce que " ses parents avaient des problèmes de santé" . Une seconde, âgée de 15 ans violée par son beau-père " chaque fois que sa mère n’est pas là " dite :"  Je ne veux pas partir. Je veux rester avec ma petite sœur de 6 ans ".Une jeune fille de 16 ans, violée par son père depuis l’âge de 13 ans " hésite à détruire la famille ".Une association locale lui suggère " de prendre une contraception ", mais " elle hésite parce que cela voudrait dire que  [elle] accepte cette relation ". 
L’une a été violée par le père de son petit ami, elle a essayé d’en parler avec lui : " Il ne veut rien entendre ". L’autre a été violée par son employeur : " Il m’a dit que si j’en parlais, personne ne me croirait, qu’il avait des relations. Je vivais avec un copain et mes deux filles. Il est allé voir mon copain en lui disant que j’étais une salope et que j’avais eu du plaisir. J’ai retrouvé un emploi dans une autre ville, mais mon nouvel employeur est en relation avec l’ancien. Ils se téléphonent souvent ". 
Une jeune fille de 13 ans a subi trois tentatives de viol depuis un an " par un ami de la famille ". Sa mère a porté plainte. " Au village, l’agresseur se balade la tête haute et c’est la petite fille qui a honte et accuse sa mère. Les gens font des réflexions du genre : ‘Si c était ma fille, je lui aurais fichu une fessée et bouclée à la maison, au lieu de parler de tout cela en public’ ".
Une jeune fille de 23 ans a été violée, comme sa sœur, par le fils de la nourrice. La nourrice lui a dit de" se taire ". Sa sœur a retiré sa plainte. Elle est seule. Tout le village est contre elle. Il y a une pétition du maire " pour faire sortir le type de prison ". 
Une jeune femme de 39 ans été violée par deux hommes qui " l’ont saoulée ". Le lendemain la voisine lui a dit : " Quand on fait des bêtises, il faut assumer ".
Une femme de 41 ans violée par son voisin, par ailleurs, drogué, âgée de 25 ans raconte : " J’ai toute la famille sur le dos. Les gens disent que j’allais avec tout le monde. J’ai eu des menaces de mort. La mère du violeur a fait passer une pétition qui dit que je suis une traînée. Mon médecin traitant a refusé de la signer. Il a dit que c’était de la diffamation ". Le père d’une autre jeune femme qui a pourtant " reconnu ses torts devant le tribunal " a " toute [sa] famille contre elle ".
Une jeune fille de 13 ans a été violée par son cousin de 15 ans. Les grands parents s’occupent d’elle. Mis au courant, ils disent que c’est " normal entre cousins ". Alors elle leur a expliqué qu ’ " elle ne voulait pas ". Ils ont répliqué que " c’était de sa faute parce qu’elle portait des minijupes ".
Trois jeunes filles ont été l’objet de harcèlement sexuel par le surveillant de l’école. " Il a coincée [l’une d’entre elles] dans un coin et a tenté de l’embrasser sur la bouche ". Son père a peur que le directeur en veuille à sa fille d’une " histoire qui va déconsidérer l’école ". 

Une jeune femme est violée dans l’hôpital où elle travaille. Le maire de la ville lui demande de ne pas déposer plainte " pour ne pas nuire à la réputation de l’établissement. Le généraliste et le psychiatre sont d’un avis contraire ". 
Une jeune fille s’est confiée à une amie " qui se sert de la confidence pour l’humilier ". Une autre à des" copines " [qui] " maintenant elles se moquent d’elle ".
L’une dit : " C’est difficile pour moi. J’ai été élevée dans un milieu où seul le milieu familial compte et où l’extérieur est considéré comme un ennemi" . L’autre dit que " personne dans son entourage ne reconnaît la gravité du crime subi et que ses frères et sœurs pensent que ce n’est pas important ". La troisième dit que " si la police ne fait rien, son mari dit qu’il ira tuer (le violeur)" .

XII. Les réponses de la police, de la gendarmerie 9

Une jeune fille de 17 ans a déposé une plainte. Le policier lui a dit : " ça passera ", mais " elle a toujours des cauchemars deux mois après ". 
La première dit : " La gendarmerie m’incite à porter plainte et la police me dit que j’ai de la chance d’être vivante ". La seconde dit : " Les gendarmes ont gardé mon slip et mes collants. Ils m’ennuient car ça fait plusieurs fois qu’ils reviennent me demander comment il était. Je ne sais plus. C’est normal, quand on a peur, on oublie ". La troisième dit : " J’ai été bien reçue par la police, mais deux heures d’interrogatoire sur les faits, c’est difficile à supporter ". La quatrième, agressée deux fois est allée porter plainte pour la première agression et quand elle a parlé de la seconde [au cours de laquelle elle a été dévalisée, frappée] dit que " l’adjudant qui l’a reçue lui a demandé de se taire, car la première agression était suffisante pour les Assises ". La cinquième, une jeune fille violée par 3 hommes inconnus d’elle dit que " la gendarmerie où elle est allée à 3 heures du matin a refusé de prendre sa plainte en lui posant des questions odieuses sur son habillement, sur l’heure qu’il était… ". La sixième, une femme de 43 ans agressée la nuit pendant deux heures a été très mal reçue par la police : "  Il ne faut pas se promener à cette heure " lui a-t-il été dit. Une septième, une jeune fille violée par un inconnu est " très mal reçue par la police ". Au moment où elle allait signer la déposition, les policiers lui ont dit: " Si vous ne voulez pas signer, vous n’êtes pas obligée, vous seriez libre ". Une huitième,violée sur une route de campagne dit que : " depuis quelle a porté plainte, c’est encore pire. L’interrogatoire des policiers a été odieux. Ils riaient, lui ont demandé si elle avait eu du plaisir et quel goût avait le sperme ". Une neuvième a été violée par un homme qu’elle connaissait est allée porter plainte. Elle a été reçue par " trois flics odieux qui ont fait des insinuations. Ils veulent aller chez elle. Elle ne sait pas pourquoi. Elle a peur ". 

Trois jeunes filles violées par leur père déposent plainte . L’une d’entre elle " ne veut plus parler, car elle en a marre d’être interrogée ". 
Une femme est violée. Elle et son mari soupçonnent un ouvrier. " Nous avons parlé aux policiers de nos soupçons. Le policier a dit que j’avais fait déguiser mon amant". Une étudiante est violée par un ami de son copain : " Les policiers ont mis en doute ma version. Ils disaient qu’il n’y avait pas de traces de violences et pensent que j’ai inventé l’histoire parce que je ne suis rentrée qu’au matin chez mon ami. Ils disent aussi que j’étais consentante et que j’avais déjà eu un rapport avec lui il y a un an ".
Une jeune fille est menacée de mort par l’homme qui l’a violée, si elle dépose plainte. La police lui a dit qu’" elle ne pouvait assurer sa sécurité ". 
Une jeune femme a été " photographiée, nue et filmée par un système de caméra cachée ". " Les photos sont vendues ". La police ne veut pas prendre sa plainte, car elle dit qu ‘elle " n’a pas de preuves ". 
L’inspecteur de police qui avait reçu une femme violée lors de sa plainte a été entendu comme témoin :" Il a été très sympa. Il est resté tout le temps. Pendant les pauses, il me remontait le moral ".
Dans un village, un homme tente de violer une petite fille de 13 ans. Sa mère raconte: " Elle a été gardée à la gendarmerie de 8 heures à 13 heures, seule. J’ai attendu dans le couloir. [La mère et la petite fille rentrent alors à la maison.] " La gendarmerie a appelé à 21 heures et la petite fille, qui était en pleurs, a été gardée jusqu’à 23 heures ". Là, la mère est restée avec elle :" Elle ne comprenait pas les mots que les gendarmes disaient, comme :Il a éjaculé sur ton ventre’. Elle ne savait pas ce que cela voulait dire ".La plainte a été déposée le 17 décembre. Le 6 février, il n’y avait aucune nouvelles de la gendarmerie, qui dit " ne rien savoir ". La mère veut que l’agresseur cesse d’abuser de sa fille, mais elle est inquiète parce que l’enfant " ne veut retourner ni chez les gendarmes, ni à la justice ". 

Une jeune femme de 20 ans a été agressée sexuellement par un inconnu dans la rue. " Trois cars de policiers sont arrivés au domicile. Un hélicoptère a survolé le village ". Sa mère qui n’était pas témoin a été convoquée et interrogée pendant trois heures. " Toute la vie sexuelle de ses parents a été questionnée ". Les policiers ont dit qu’ " elle mentait ". Elle a été " traumatisée " par tous ces interrogatoires. Elle doit se rendre à la gendarmerie. Elle refuse de s’y rendre seule. " Elle pleure ".

XIII. Les " leçons "

Une femme dit : " Ma vie a été bouleversée ". 
Une seconde constate : "Ces viols ont gâché mon existence"; une troisième qu'elle "ne veux plus faire confiance à personne ", une quatrième affirme : " C’est fini, les hommes maintenant ".
Une femme analyse : " Comme une poupée cassée, il faut recoller les morceaux ". 
À la question posée à une jeune fille violée par son père :" A-t-il utilisé de la violence ?", elle répond : "  Il a utilisé son autorité ". 
Une femme,violée depuis l’âge de 10 ans, croyait que quand on lui disait " Je t’aime, elle était " obligée de faire ça ". 
Une dernière enfin constate : " On ne m’avait pas appris que mon corps m’appartenait ".
Un homme dit : " Je suis un homme. Je ne comprends pas bien "….

***

Voilà j’arrête là. Je pourrais continuer. J’espère le faire.

Mais tout le monde peut et, me semble-t-il, devrait continuer cette dénonciation de ce qui se passe quotidiennement en France, dans l’indifférence quasi générale. 
Pour rependre le titre de cette rencontre : " Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? "

Nous voulons que ces violences cessent.

Nous voulons ne plus être que des femmes à nous battre contrer cette barbarie.

Nous voulons que les hommes, individuellement et politiquement, dénoncent ces hommes et les institutions qui, si souvent, les protègent.

Nous voulons que sur des positions claires contre ces violences, les hommes nous rejoignent.

Nous voulons que le principe selon lequel ces violences doivent disparaître soit affirmé par le gouvernement et le chef de l'Etat.

Nous voulons que les analyses, les propositions, les critiques des victimes, des associations, des féministes soient entendues, prises en compte et mises en œuvre.

Nous voulons que des politiques fondées sur ce que concrètement dénoncent les victimes — qui sont les meilleures expertes — soient mises en œuvre.

Nous voulons que les luttes, les dénonciations, les avancées qui concernent les " droits des enfants "rejoignent celles pour les droits des femmes.

Nous voulons qu’aucun homme ayant exercé une violence à l’égard d’une femme n’exerce de fonction politique.
Sinon l’Etat pourra être légitimement accusé de " non-assistance à personnes en danger ", de" complice " de ces violences.

Mais nous les femmes, nous les féministes - est-il besoin de rappeler que cette dénomination inclue les hommes ? - devons d’abord et avant tout, pour que nos demandes soient crédibles, nous autoriser à faire ces critiques.

Car si la force, le pouvoir, le droit des hommes est incontestable — infiniment plus que nous ne sommes à même, actuellement, de les penser — cette force, ce pouvoir, ces droits des hommes sur nous - sont aussi fondés sur notre faiblesse. 
Et sur nos peurs, si légitimes, pourtant.

Mais celles-ci ne doivent plus être la justification du silence complice des victimes. 
Nous devons parler haut et fort. 
Seules et ensemble. 
Moins seules, parce que toutes solidaires. 
La honte est dorénavant — ce qu’elle aurait toujours du être - dans le camp des hommes. 
Collectivement et individuellement responsables des crimes commis en leur nom. 
Et tous coupables de leur silence.
 

5 mars 2001

 petit rappel;

http://sammael.canalblog.com/archives/2013/04/24/27000943.html

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